Cette fois-ci, Harry allait l'avoir. Il allait enfin pouvoir le démasquer. Malgré qu'il essayait de la cacher, Malefoy paraissait de plus en plus sombre alors dès qu'il l'avais vu s'enfoncer dans la Forêt Interdite ce soir il avait ouvert sa fenêtre (ce qu'il faisait toujours depuis qu'il maîtrisait le sortilège d'Attraction) et sortit du dortoir sur la pointe des pieds.

Les couloirs étaient silencieux et déserts. Harry n'eut même pas besoin de Lumos car la pleine lune baignait de chemin d'une forte lumière blanche. Une fois la porte passée et précautionneusement fermée, il respira à pleins poumons l'air vif du soir. Il devait être bientôt minuit. Malefoy avait pénétré la forêt à l'opposé de la cabane d'Hagrid dans un endroit abrité des regards par les serres. Harry suivit ses pas.

Il s'enfonça dans la forêt aussi sombre qu'à l'ordinaire la lumière de la nuit ne parvenant à percer que par petits endroits. Harry sentait autour de lui la vie de la Forêt Interdite. Plusieurs excursions qu'il y avait malencontreusement fait au cours de sa scolarité lui avait montrer un échantillon des créatures que l'on pouvait trouver cacher entre ces arbres. Pendant sa première année Harry avait rencontré des centaures. En deuxième année lui et son ami Ron s'était trouvé piéger par une colonie d'acromentules. Et Harry était certain que ce n'était là qu'une portion minime de ce que pouvait cacher la forêt. Il ne lui fallut cependant pas longtemps pour répéter la petite clairière d'où émanait un rayonnement magique.

Il vit au centre la silhouette blanche et fine de Malefoy. Il avait relevé sa manche droite et semblait contempler son avant-bras à la lumière de sa baguette. Il était dos à Harry mais celui-ci n'avait pas besoin de plus pour deviner le crâne d'où sortait un serpent qui devait e dessiner sur sa peau. C'était la Marque des Ténèbres. Cette marque présente sur l'avant-bras gauche de chaque Mangemort et permettait à Voldemort de les appeler à lui.

C'était le moment ou jamais. Harry écarta silencieusement les quelques branchages qui le cachaient et sortis de l'ombre. Il pointa le Serpentard avec sa baguette, près à l'assaut.

- Pas un geste Malefoy !

Celui-ci se retourna avec sur le visage un mélange de terreur, de rage et …. de douleur. Ses yeux étaient injectés de sang et son front couvert de sueur collait contre sa peau des mèches de ses cheveux qui, négligés, avaient poussés jusque dans son cou. Il avait repoussé sa manche sur son bras et pointait Harry avec sa baguette qui tremblait légèrement. Sa bouche se tordait lorsqu'il parlait.

- Dégage Potter !

- Pas avant que tu ne m'aie montré ce que tu cache sous ta manche, répondit Harry avec toute l'assurance dont il pouvait faire preuve même si la façon dont il avait presque craché son nom le laissa stupéfait.

Les pupilles de Malefoy s'étaient considérablement dilatées. Il avait l'air dément. Ses yeux brillaient d'une expression étrange. Ses lèvres se fendirent dans un sourire sans joie.

- Tu ne peux pas t'empêcher de te mêler de ce qui ne te regarde pas n'est-ce pas ?, en disant cela il s'approcha sensiblement de Harry, qui se retint de faire un pas en arrière. Je me demande bien comment tu as pu rester envie jusqu'à aujourd'hui ….

Bien qu'Harry n'aie jamais pu supporter Malefoy ce soir-là, à la lumière de la lune qui creusait ses traits maladifs, il lui faisait presque peur.

- Malheureusement pour toi, Potter, ce soir sera le dernier que tu passeras à fouiner hors de ton dortoir.

Harry aurait pu jurer que Malefoy avait lui-même peur de ce qu'il venait de dire. Il s'approcha alors d'un air menaçant et tira aussi violemment que théâtralement sa manche jusqu'au coude.

Harry resta bouche-bée. En lieu et place de la Marque des Ténèbres qui avait été si sûr de voir, son avant-bras était lacéré. Malefoy regarda à son tour et Harry crut qu'il allait se mettre à pleurer mais il se renfrogna bien vite. Un rai de lune tomba sur eux et vint encore souligné la profonde cicatrice qui s'étalait sur sa peau.

Malefoy fut parcouru d'un violent frisson qui lui fit lâcher sa baguette. Lorsqu'il se retourna vers Harry, ses pupilles occupaient presque toute la place de ses yeux et le peu d'iris encore visible reflétait tous les rayons de la lumière blafarde qui venait, comme un projecteur, éclairer la scène. La respiration de Malefoy n'était plus que des râles saccadés et gutturaux.

Pour l'avoir vu une fois en troisième année Harry sut ce qui était en train de lui arriver. Cette blessure n'était pas anodine. Harry soupçonnait qu'elle ne guérirait jamais vraiment puisqu'elle était selon toute vraisemblance l'œuvre d'un loup-garou. Malefoy avait donc été changé et ce soir c'était la pleine lune.

Ce dernier se plia sous l'effet d'une douleur intense. Tout son corps était agité de spasmes. Harry voyait le bas du visage de Malefoy s'étirer pour former un museau. Sa peau se couvrait de fourrure, ses oreilles poussaient en pointe et ses os se réorganisaient le forçant brutalement à se tenir à quatre pattes. Ses habits qui avaient été totalement déchirés durant la transformation tombèrent en lambeaux à terre.

Le Serpentard n'avait à présent plus rien d'humain. Devant Harry se dressait un immense loup couleur platine. Deux longues stries de poils plus foncés partaient du coin de ses yeux pour se rejoindre sur son poitrail comme deux traînées de larmes. Pendant un instant l'animal resta essoufflé, la tête tournée vers le sol. Puis il se releva. Ses yeux gris d'argent étaient phosphorescents. Il rejeta sa tête en arrière et hurla longuement à la lune dans une plainte qui serra le cœur même de Harry. Ce ne fut que lorsqu'il commença à grogner dans sa direction qu'Harry se souvint que ce monstre allait maintenant tout faire pour l'étriper. Harry prit alors ses jambes à son cou et s'enfuit en direction du château, profitant des premières minutes de la métamorphose qui ralentissait le loup.

Il était familier à Harry de devoir courir au beau milieu de la forêt et de la nuit avec une bête meurtrière à ses trousses. La pleine lune maintenant bien haute dans le ciel rendait la fuite plus aisée en éclairant les obstacles sur son passage. Harry avait presque atteint la lisère de la forêt lorsque le loup le rattrapa. Sans même prendre le temps de s'arrêter il s'interposa entre le château et Harry. Ne sachant pas quoi faire et n'ayant pas vraiment le temps d'y réfléchir Harry dévia sa course pour rester en parallèle de la lisière mais le loup faisait maintenant particulièrement attention à rester toujours entre Harry et le seul endroit sûr qu'il aurait pu trouver, le château.

Malgré plusieurs occasions qui lui permirent de mettre de la distance entre lui et le loup-garou ce dernier était plus rapide que Harry et surtout bien plus à l'aise dans la forêt. Même avec une longueur d'avance chacune de ses foulées le rapprochait un peu plus de lui. Il semblait à Harry que ce n'était plus de l'air qui entrait par ses narines et sa bouche mais du feu qui venait dévorer ses poumons. Harry chercha un instant des yeux le château pour y trouver la force de chasser la peur terrible qui grandissait en lui mais ne vit pas la racine traîtresse dans laquelle son pied accrocha.

Il s'écrasa de tout son long à une vitesse fulgurante sur le sol humide de la forêt. A peine avait-il eu le temps de se retourner que l'immense loup bondissait sur lui dans un éclair presque blanc. Dans un pic inouï d'instinct de survie, Harry tendit le pied et fit passer la bête au dessus de lui et l'élan l'envoya s'écraser un peu plus loin. Harry se releva précipitamment mais déjà le loup repassait à l'attaque. Harry fit un pas sur la droite et esquiva l'attaque mais les griffes accrochèrent sa robe, déchirant sa manche. A peine Harry eut-il plonger la main dans sa robe de sorcier à la recherche de sa baguette que le loup-garou avait refermé sa puissante mâchoire sur son épaule. Les crocs profondément enfoncés dans sa chair lui arrachèrent un cri de douleur et il repoussa violemment le loup.

Sa baguette à la main il évita un maximum de ses attaques même si régulièrement un croc ou une griffe venait abîmer ses vêtements ou sa peau. Harry résista pendant ce qui lui parut être une éternité mais il lui semblait qu'à chaque assauts qu'il portait le monstre passait plus prêt de lui, le blessait plus profondément. Harry alternait fuites et affrontements en essayant de rendre ces derniers les plus courts possible. Il aurait certes abandonné depuis longtemps s'il ne voyait pas le loup-garou faiblir aussi.

Alors que son sœur fit un bond dans sa poitrine voyant la voie libre jusqu'au château, le loup le prit par surprise et plaqua Harry au sol. D'un coup de baguette, il l'envoya s'écraser en une masse de poils informes contre un arbre. Harry était tellement fatigué, avait tellement mal partout qu'il crut un instant qu'il n'allait pas pouvoir se relever. Il aurait voulu crier mais la crainte que ce cri attire d'autres créatures encore plus dangereuses le retint. Soudain comme frappé par la foudre il prit pleinement conscience qu'il s'agissait d'un combat à mort et que s'il continuait d'utiliser des sortilèges de protection uniquement il allait perdre ce combat. A ce moment-là, sans savoir qu'elle heure il était ni combien de temps il allait encore réussir à tenir, Harry se mit à rendre coup pour coup. La première fois que Harry l'attaqua sérieusement, le loup parut plus surpris que blessé. Ce dernier soupira profondément. Ils étaient deux à lutter pour leur vie à présent.

Malgré ce regain de détermination, à mesure que la lumière de la lune se faisait moins éblouissantes et que leurs membres s'engourdissaient d'une fatigue profonde, leurs assauts étaient moins rudes, leurs attaques moins décisives. Chacun de leur côté ils commençaient à faire des erreurs, à trébucher. Ils avaient besoin plus de temps pour se relever, pour se rattraper et au lieu de mettre ce temps gagner à profit l'autre en profitait pour récupérer son souffle. Leur bataille les avait ramené dans la clairière où Malefoy s'était transformé. Ni Harry, ni la bête n'avait plus la force de retourner crapahuter dans les bois. Ils étaient à bout. Leurs yeux ne cessaient de se fermer et chacun de leur geste était une corvée pratiquement insurmontable.

Voulant en finir une fois pour toute Harry fit un grand geste de baguette sans même savoir quel sort il allait lancer, espérant que sa baguette ferait le travail toute seule. Il ne se passa rien et Harry emporté par l'élan de son geste tomba lamentablement à genoux et dans une forme dé résignation totale, sachant qu'il n'aurait jamais la force de se relever, il s'abandonna et sa face s'enfonça dans le feuillage épais qui recouvrait le sol. Tous les muscles de son corps criaient grâce et même si Harry aurait voulu changer d'avis il aurait eu bien du mal à faire le moindre mouvement. Il ferma donc les yeux et attendit sagement le coup de grâce.

Plusieurs couinements incertains parvinrent à son oreille à travers la brume du sommeil qui l'envahissait déjà, suivit d'un bruit sourd. A contrecœur Harry ouvrit les yeux et leva la tête. Il se retrouva face à Malefoy qui avait reprit forme humaine et s'était écroulé à quelques centimètres de lui. Vu ainsi il était pitoyable. Son corps nu laissait voir son corps squelettique. Il était couvert de blessures ensanglantées et le regardait avec haine sans pouvoir bouger non plus. Un flot de paroles quasi continues se déversa alors de sa bouche qui remuait à peine.

- Tu me dégouttes Potter. J'aurais tellement voulu te tuer. Ta vie n'a été qu'une suite de chances et j'aurais bien voulu que pour une fois la curiosité qui semble t'animer avec tant de passion cause ta perte. Tu es un héros sans rien avoir fait. Le Seigneur des Ténèbres t'a apposé une marque qui a fait de toi l'Élu sans que tu n'ai à bouger le petit doigt. Moi j'ai toujours tout fait pour plaire à mon père et voilà. Sans que j'en ai demandé plus que toi le Seigneur des Ténèbres m'a aussi marqué. A cause de mon père comme toi à cause de tes parents. Deux marques indélébiles. Pour toi la gloire. Pour moi les hurlements à la lune. Tu ne mérites pas. Ta chance. Potter.

Il s'était endormi et continuait à parler comme un souffle dans son sommeil ou comme un profond cri du cœur. Harry continuait de regarder Malefoy. Ses lèvres continuaient de s'agiter mais il ne parvenait plus à comprendre ce qu'il disait. Malefoy avait raison. Harry en prenait conscience maintenant. Il avait toujours perçu Malefoy comme en tout point opposé à lui mais étaient-ils si différents ? Là allongés, sanglants, exténués il n'en était plus si sûr. Malefoy frissonna dans son sommeil. A moitié endormi Harry murmura Accio avec un léger mouvement du poignet. Il fallut quelques minutes à la couverture pour parvenir jusqu'à eux. Harry lutait contre le sommeil de toutes ses dernières forces. La couverture rouge et or avançait silencieusement dans le ciel qui commençait à rosir, comme un fantôme puis elle couvrit le corps frêle de Malefoy et Harry s'endormit.