C'est pleine d'émotion que je viens ici aujourd'hui. Cela fait bien plus d'un an que je n'ai pas commencé de fiction... Honnêtement, je pensais ne plus y arriver. Or, je suis là, et c'est bien une fanfiction que je vous présente ! Du Miraxus en plusieurs chapitres, eh oui m'sieurs dames !
Théoriquement, cette fiction ne contient pas de passages olé, olé (sauf petit lime innocent), mais c'est mal me connaître de me demander de vous l'assurer. Enfin bon, lisez en toute sécurité, si je change d'avis, ça sera notifié !
Chapitre un – Cachés du soleil.
Pleine d'enthousiasme, Fairy Tail palpitait en cette courte après-midi d'hiver. Les chants paillards ébranlaient les oreilles des mages, et les fausses notes arrachaient quelques hideuses grimaces. Dans un joyeux brouhaha, la vie semblait suspendue, plus active que jamais, comme si chaque drame personnel était mis de côté, écarté pour mieux s'engorger de cette courte réalité.
Mirajane apportait diverses boissons chaudes aux quidams qui la hélaient, toujours souriante et attentionnée, quand bien même elle avait affaire à de parfaits étrangers. D'une bonté qu'on côtoyait trop peu, ses yeux partageaient une chaleur réconfortante à travers le froid de la saison, et ses gestes s'allongeaient pour convenir aux plus nombreux.
La paume poussée vers le plafond, elle retenait un plateau débordant de liquides fumants au-dessus de sa tête en glissait d'une démarche chaloupée entre les tables chargées. Elle eut une vague pensée sombre en voyant tout ce qu'elle aurait à débarrasser, mais chassa cette préoccupation d'un sourire aimable aux attablés qu'elle approchait.
Mirajane faisait irruption dans le récit rocambolesque de sa petite sœur qui narrait une intrigante course-poursuite à la Raijinshü et à leur chef. Elfman accompagnait son histoire de quelques détails pétillants, sans atténuer le prestige de ses actions face aux monstres qui les poursuivaient — et sans lâcher une seule fois Ever Green du regard.
La tenancière se racla la gorge pour obtenir un poil d'attention, et abaissa son plateau au niveau de la surface de bois. Les plus pressés — Bixrow, qui était rigoureusement attentif aux paroles de la cadette, et Ever Green qui mourrait de froid dans son épais manteau — se saisir de leurs tasses avant même qu'elles ne touchent la table, et le reste de la tablée attendit patiemment que la barmaid fasse le service.
Lorsqu'elle eut fini, la plus jeune Strauss arrivait au moment où elle s'apprêtait à affronter les monstres dans une lutte sans merci. Mirajane allait s'en aller pour vaquer à ses occupations lorsque Lisana lui agrippa le poignet en lui murmurant :
« Reste juste un instant, s'il te plaît Mira. »
Face une demande si charmante, elle ne put qu'obtempérer, et s'assit sur le bord du banc, en prenant le cours de l'histoire. L'opaline souriait lorsque sa cadette exagérait la réalité, s'effarait lorsqu'elle tentait d'instaurer un suspens ou riait de bon cœur lorsqu'elle admettait certaines de ses maladresses ; c'était des habitudes de grande sœur qui lui avaient toujours collé à la peau, et dont elle ne voulait pas réellement se débarrasser.
La narration de la Strauss coulait jusqu'aux oreilles amusées des mages attroupés, et se termina presque trop subitement. Alors que la tenancière allait se lever pour reprendre ses occupations après un sourire à sa fratrie, Luxus la devança et lâcha :
« Je monte. »
Un poil curieuse, Mirajane fut tenter de lui demander pourquoi, mais n'en eut pas le temps. Il se dirigeait d'ores et déjà vers l'escalier, glissant sa carrure massive entre les rembarres avec une agilité étonnante.
En voyant que la jeune femme ne lâchait pas son supérieur des yeux, Fried glissa doucement :
« Il va fumer à l'étage, pour ne pas nous déranger. »
La réaction de la tenancière fut tout à fait inhabituel. Ses lèvres se pincèrent en un trait circonspect, et ses doigts blanchirent, rétractés sur le rebord de la table en chêne. Elle ne lâcha pas le blond du regard tout le temps que dura son ascension, et même après, ses yeux gardaient un éclat préoccupé.
« Mira ? » Appela doucement sa cadette.
Immédiatement, la barmaid retrouva une expression composée et sereine, pour adresser un petit sourire à sa sœur avant de quitter le cercle. Elle reprit son plateau en main, et accourut jusqu'à la cuisine pour rattraper sans mal le petit retard qu'avait occasionné la discussion.
« Tu fumes trop. »
La phrase revenait, de plus en plus récurrente, articulée par différentes bouches, mordue du bout des dents avec un dégoût à peine réfréné. On le regardait, contrarié, alors qu'il se réfugiait dans la nappe de fumée qui l'entourait ; on grommelait, il ignorait, et l'atmosphère retrouvait un calme alourdi.
Cette fois, c'était le carillon doux de Mirajane qui le réprimandait, et son souffle n'était qu'un soupir parmi la brume âcre qui l'entourait. Sa main tentait d'écarter les volutes qui s'accrochaient à sa chevelure de givre, et son nez se fronçait en une grimace peu séduisante.
« Ce n'est pas bon pour ta santé. Tes poumons ont déjà assez souffert. » Ajouta-t-elle.
Il eut un sourire dédaigneux ; elle l'ignora. La tenancière cherchait à appuyer son argumentation alors qu'il aspirait un poison addictif, mais ne trouvait pas les mots pour faire pencher la balance en sa faveur. L'air s'était coloré d'un blanchâtre irrespirable, et le désintérêt de Luxus décourageait incroyablement la jeune femme.
Finalement, d'une démarche souple, elle se dirigea vers une fenêtre où filtrait une lumière délayée, et poussa le carreau. La vitre opposa une légère résistance, avant de pivoter dans un craquement face à la force du démon. Le froid mordit les poignets de la jeune femme ; celle-ci tenta de dissimuler sa grimace derrière un sourire satisfait. Elle inspira une timide goulée d'air glacial, puis se détourna pour le jauger du regard.
« Si tu veux fumer, fais-le près de la fenêtre. »
Luxus décroisa ses jambes sur la table et écrasa son mégot dans un cendrier en faïence verdâtre — une des choses les plus laides qu'il avait vu à la guilde. Ses yeux d'or se levèrent ensuite vers Mirajane qui attendait sa réponse près de l'ouverture, décidée jusqu'au bout des ongles : s'il devait fumer, il aurait froid.
Agacé par la scène qu'elle lui faisait, il dodelina vaguement de la tête pour lui signifier son accord, et plaça son casque sur ses oreilles.
Alors qu'elle s'apprêtait à redescendre, elle lâcha simplement :
« Tu videras ton cendrier toi-même. »
Puis elle entreprit de s'enfuir en pressant sa foulée pour atteindre les escaliers. Bien malheureusement, elle ne parvint pas à atteindre les marches comme elle l'avait prévu, le frottement éclatant d'un éclair explosa sur son trajet, et Luxus lui faisait face.
« Pourquoi est-ce que tu tiens tant à me faire chier aujourd'hui ? » Siffla-t-il.
L'homme était en colère, et il faisait de son mieux pour impressionner l'objet de son agacement — en exagérant sa carrure au-dessus de la menue Mirajane.
Un calme exceptionnel engourdissait Fairy Tail ; le déplacement du mage dans un crépitement électrique avait fait beaucoup de bruit, et tout le monde était attentif à ce qu'il se tramait.
Mirajane, bien consciente qu'elle devait soigner sa réponse si elle ne voulait pas avoir à utiliser ses pouvoirs, cherchait une justification convenable à ses actions. Avec l'ouïe particulièrement dérangeante des dragons slayers, elle ne pouvait se laisser aller à des confidences dans ces conditions.
A ses risques et périls, elle se rapprocha de l'imposant mage, et dans un murmure à peine audible, déclara :
« Je t'ai vu hier soir. »
Une surprise véritable repoussa l'homme vers l'arrière, alors que ses yeux s'écarquillaient. Il n'avait pas besoin de réfléchir, l'annonce était percutante et il savait exactement de quoi il s'agissait.
Luxus blêmit. Pour le plus grand étonnement de Mirajane, il arborait un teint blafard, comme jamais elle ne l'avait vu — pas même lorsqu'il était malade.
« A qui l'as-tu dit ? » Demanda-t-il sur le ton de la supplique, aussi bas qu'il le pouvait afin que seule Mirajane puisse l'entendre.
Elle allait lui répondre lorsqu'une voix singulièrement grave l'interrompit.
« Tout va bien ? »
Le maître les regardait suspicieusement, alerté par l'éclat du tonnerre qui avait fait vibrer la salle et qui l'avait poussé à sortir de son bureau. La situation ne lui semblait pas catastrophique, mais avec ces deux là, un brin de tension pouvait mener à un cataclysme.
Lorsque Mirajane le rassura d'un « on ne fait que discuter. » et d'un sourire, il se rembrunit. La jeune femme n'attendit pas son départ pour se soustraire au dialogue et contourna le colosse avant de descendre les escaliers avec sa retenue habituelle.
Un simple regard à l'assemblée invita les mages à reprendre leurs activités sans se soucier de leur bruyant échange et Mirajane retourna derrière son comptoir, suivie par l'effluve âcre et entêtante de la cigarette.
Makarof regardait son descendant avec contrariété. Luxus jeta une œillade au-dessus de son épaule, où la démone avait disparu, et n'y trouva que le ramdam quotidien. Dans un grognement mécontent, il se dirigea vers la fenêtre, tirant une chaise au passage, et s'affala dans le froid, briquet déjà en main. Il tâtait ses poches à la recherche d'un paquet de clopes lorsque son grand-père s'approcha de lui pour demander :
« Il se passe quelque chose avec Mirajane ? »
Il coinça un cylindre au coin de ses lèvres et l'enflamma. Dans une brume opaque, il répondit :
« Que dalle... »
Le maître attendit un instant, dans l'expectative de quelques précisions, avant de comprendre qu'elles ne viendraient pas lorsque le dragon se mit à fumer sans se soucier de lui. Il se détourna alors, d'une démarche douce sur ses petites jambes trapues.
« Tu fumes trop, Luxus. » Grommela-t-il.
Le dragon l'ignora en regardant l'extérieur glacé. Il s'apprêtait à alléger sa cigarette, lorsqu'il se rendit compte qu'il avait laissé son cendrier sur la table, plus loin. Il eut un soupir excédé, et, las, se releva.
Le monde se dressait véritablement contre lui.
Mirajane sifflotait un air populaire en passant un chiffon humide sur la dernière table qui demandait à être briquée. Les épaules nouées par la fatigue, son enthousiasme n'en baissait cependant pas, et la chanson qu'elle relâchait l'aidait à forger sa détermination.
Lorsqu'elle jugea la surface suffisamment propre, elle se redressa et étira ses muscles meurtris par l'effort de la journée. Puis, dans un mouvement souple, se retourna pour rejoindre l'arrière du comptoir.
Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle vit Luxus, cigarette au bec, en train de s'activer à son poste ! La jeune femme se stoppa une seconde, le temps de réaliser sa présence ; la mélodie qui bruissait de ses lèvres s'arrêta et le dragon releva la tête.
« Tu n'es pas parti avec la Raijin ? » Demanda-t-elle doucement, sur un ton bien loin du conflit matinal.
L'homme se retourna pour saisir une bouteille en hauteur, et annonça simplement :
« Je leur ai demandé de rentrer sans moi. »
Mirajane s'approcha prudemment du bar, qu'elle contourna pour rejoindre le dragon. Elle jeta son tissu humide dans la panière prévue à cet effet, avant de se laver les mains, sans jamais oser répondre à son interlocuteur. L'homme se servait un verre, et lui demanda silencieusement si elle en voulait en lui proposant la bouteille. Elle refusa d'un signe du menton.
« Qu'est-ce que t'as vu hier soir ? »
Mirajane fit la moue face à la question, et presque nerveusement, attrapa un torchon pour le replier sur lui-même en petits carrés méticuleux.
« Je t'ai vu chez le buraliste du quartier... »
L'homme s'était figé, cloué par la vérité criarde et douloureuse ; la journée entière il avait prié pour qu'elle l'ait aperçu autre part, dans d'autres conditions, là où il pourrait nier et se rétracter. Mais non, elle avait assisté à ce léger moment de faiblesse où il avait explosé.
Mirajane marchait doucement, en prenant soin de ne pas glisser sur les pavés verglacés de la ruelle. Sa démarche était lente, hésitante, particulièrement prudente alors que la température ambiante lui ordonnait de se presser — afin de trouver le confort doucereux de son lit et de sa couverture épaisse.
Ses semelles crissaient sur le trottoir humide et la nuit lui offrait un calme sinistre. L'écharpe relevée sur son nez, Mirajane avançait, recroquevillée sur elle-même. Les quelques mèches opalines qui sortaient de son bonnet caressaient ses joues pâles et un nuage de buée se formait au bout de ses lèvres à chaque expiration.
Elle était frigorifiée, et sa démarche trop prudente faisait grimper son impatience. L'opaline n'avait envie que d'une chose : une immense chaleur qui l'absorberait toute entière. Elle était encore à quelques rues de chez elle, et cette longueur qui lui restait à parcourir était une véritable épreuve.
De façon tout à fait inhabituelle, la jeune femme grommela avant d'accélérer légèrement la foulée. Ses pas glissaient sur les pavés verglacés, mais elle ne se décourageait pas, le regard fixé sur son trajet. Bien malheureusement, Mirajane avait beaucoup moins d'équilibre qu'elle ne le prétendait sur le trottoir lissé par le froid, et l'inévitable moment de la glissade finit par arriver.
Dans un couinement de surprise étouffé, la mage s'affala sur le sol, avachie sur son séant dans une position qu'elle espérait sans spectateur. Son écharpe avait glissé et exposait son nez à une froidure cruelle, si bien que Mirajane fronça son visage en une moue mécontente.
Elle tenta ensuite de se relever, mais sans trouver d'appui, elle ne réussissait qu'à s'effondrer davantage. Jetant son dévolu sur un réverbère à quelques pas de cela, elle s'y traîna piteusement, et s'agrippa à la colonne d'acier comme une désespérée. L'immaculée allait se remettre sur ses pieds, lorsque la clameur d'une voix familière attisa sa curiosité maladive.
Ses yeux se tournèrent de l'autre côté de la rue, et à la lumière d'une échoppe, Luxus apparut, foudroyant de colère. Les sons étaient étouffés par les vitres du magasin, mais Mirajane percevait clairement les pulsions électriques qui voguaient vers elle depuis le dragon. Comme les battements effrénés de son cœur, les murmures de ses pouvoirs déchaînés peinaient à se contenir, et la jeune femme craignait qu'il ne les libère entièrement. Il devait avoir plongé dans une haine sans pareil pour être sur le point de briser sa maîtrise.
Strauss se prépara à intervenir.
Mais Luxus se dirigea subitement vers la sortie. La porte s'ouvrit dans le tintement furieux d'une clochette, et l'homme grommela en s'extirpant de la boutique. Sans s'arrêter, il s'emmitoufla promptement dans son manteau et attaqua son trajet d'un pas rapide, sans voir Mirajane.
Pourtant, il aurait dû la voir, avachie dans la lumière d'un réverbère, excessivement accrochée au poteau de métal. Ses sens particulièrement aiguisés étaient suffisamment perfectionnés pour trouver âme qui vive dans un large rayon, alors à une si proche distance, la jeune femme aurait dû être révélée. Or, il ne l'avait pas remarquée, et Mirajane s'inquiétait de ce qui enraillait ses capacités.
En se redressant, l'opaline pinça les lèvres en s'interrogeant. L'envie de traverser la route pour poser une ou deux questions était mordante, mais quelques scrupules quant à l'intimité du mage entachaient sa curiosité. Ses tergiversions la faisaient tanguer d'un point de vue à l'autre, si bien qu'elle resta immobile de longs instants. Le froid finit par avoir raison d'elle, et la jeune femme traversa la rue de quelques enjambées prudentes.
Avec une délicatesse presque grotesque après le passage du blond, elle tira la porte vitrée de l'enseigne, en se disant qu'elle faisait cela avant tout pour la sécurité de Drear.
« Je suis désolé, nous sommes fermés ! » Stridula une voix perçante.
Le petit homme qui émergeait de derrière le comptoir semblait essoufflé et complètement paniqué. Son visage rouge se crispait en une grimace effarée, et ses yeux écarquillés toisaient l'arrivante avec appréhension. Il semblait évidemment sur la défensive, ce fut pourquoi Mirajane commença d'une voix douce.
« Je voudrais simplement vous poser une question, monsieur.
— S'il s'agit de cigarette que vous voulez, il n'y a rien que je puisse faire pour vous ! » Argua-t-il, mauvais.
La tenancière jeta un coup d'œil à l'extérieur et souffla aussi doucement que possible :
« L'homme juste avant... (Son interlocuteur se tendit.) Il voulait des cigarettes ? »
Le magasinier hocha frénétiquement de la tête tout en faisant un pas en arrière. Même sans perception magique, il avait senti le danger et se méfiait naturellement de l'inconnu. Il fallait dire qu'un grand blond baraqué, le visage coupé par une cicatrice, n'inspirait pas une confiance écrasante.
« Très bien, merci. » Acheva-t-elle poliment.
Elle se détourna et retrouva la saison mordante. En jetant un regard circulaire elle découvrit une rue vide et glaciale, et se dépêcha de rentrer chez elle.
Luxus se servait un deuxième verre alors que son interlocutrice achevait le résumé des évènements de la veille.
Elle avait évidemment omis de lui préciser qu'elle était allée poser des questions au commerçant pour saisir l'objet de sa colère, et avait remplacé cela par une puissance vocale bien supérieure à ce qu'elle était réellement.
Cependant, ses mains tremblaient légèrement — Mirajane ne savait si s'était de colère, de honte ou d'une autre raison qui lui était étrangère — et son regard ne s'était pas tourné une seule fois vers elle
Un calme plat prit place dans la guilde assombrie. L'homme vida son godet d'une traite, puis fit claquer le verre contre la surface polie du comptoir, ce qui arracha à la barmaid un sursaut. Finalement, ses prunelles sévères se posèrent sur elle, et l'opaline y décela l'éclat d'une fureur particulièrement violente.
Par réflexe, elle recula d'un pas, en pestant qu'il se trouve lui aussi de ce côté du bar — elle aurait sincèrement aimé qu'une séparation raisonnable se mette entre eux.
« Mirajane, je sais pertinemment que je n'ai pas crié si fort. » Vitupéra-t-il en se versant un autre verre. « Et je te connais assez pour savoir que tu as dû fouiner. »
La jeune femme pinça des lèvres en le fixant, et maudit cette facilité avec laquelle il perçait ses mensonges. Il avait cette capacité à voir au delà de son parfait jeu d'actrice, qui pourtant était totalement hermétique.
L'homme lui jeta un regard furtif, empli de désapprobation et de fureur. Mirajane pestait de ne plus s'autoriser à lui sauter à la gorge ; plus jeune, elle ne se serait pas gênée, et elle lui aurait déchiré les entrailles d'une force meurtrière. Mais elle avait grandi. Maintenant, elle était douce, diplomate et pleine de bon sens — enfin, c'est bien ce qu'elle voulait faire croire.
La tenancière finit par soupirer, se retourna pour se soustraire à une potentielle œillade et avoua piteusement :
« Oui, je suis allée lui parler. (Et avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, elle ajouta :) Mais c'est bien parce que je m'inquiétais.
— Déconne pas Mira...
— Tu ne m'as pas sentie, Luxus. »
La phrase sonnait avec une gravité grotesque aux oreilles du dragon. Narquois, il répondit :
« Parce que j'aurais dû ?
— Bien sûr que oui ! Luxus, j'étais face à toi et tu ne m'as pas vue ! »
Il sembla comprendre subitement. Ses iris dorés fixèrent le vide un instant, comme s'il dessinait des conclusions aux faits proposés par Mirajane, puis son regard se posa de nouveau sur l'opaline et il paraissait bien plus calme.
Le silence se poursuivit ainsi, sous des œillades prononcées qui n'exprimaient que très peu, et la véracité cruelle de la situation. L'immaculée espérait que son argumentaire fasse convenablement réagir le mage, quant à lui, son esprit outrecuidant semblait lentement refluer pour laisser un caractère plus docile dans ce dialogue.
Finalement, il parla le premier.
« Ca ne veut rien dire, je ne suis pas toujours sur mes gardes. »
Une fureur violente gargouilla entre les entrailles de la jeune femme ; ses mains s'aplatirent sur le bois dans un accès de colère et elle siffla :
« Tu es d'une telle mauvaise foi ! »
L'opaline se penchait sur elle-même elle voulait absolument éviter ce regard désabusé. Les jointures blanchies par ses points serrés, elle tentait de contenir la rage qui l'a submergeait toute entière. Par des inspirations lentes et posées, elle essayait de retrouver son calme habituel ; ce n'était pas courant qu'elle craque ainsi, et ce n'était certainement pas un état dans lequel elle aimait rester.
Elle entendit le craquement du briquet qui feula sous l'impulsion de la flamme, puis l'odeur forte de tabac se renforça, et Mirajane se redressa furieusement.
« Imagine que ça te sois arrivé en mission. Quelle conséquence cela aurait pu avoir sur ton équipe ? Et quand bien même ! Tu as eu les poumons remplis de cochonneries pendant des semaines, tu étais cloué au lit ! Tu ne peux plus fumer. »
Luxus s'était adossé au bar et profitait de la combustion d'une énième cigarette. Le discours de la jeune ne le faisait même pas tiquer. Ses lèvres liaient et déliaient les poisons de son addiction sous l'œil mauvais de la tenancière, et juste avant de vider son verre, il demanda :
« Pourquoi ça te préoccupe tellement ? »
La barmaid resta coite. Elle ne savait pas quelle réponse lui donner ; elle s'inquiétait, c'était tout. Elle aurait fait de même avec n'importe quel membre de la guilde.
« Tu pourrais simplement faire comme tout le monde : te plaindre et m'ignorer.
— Personne ne fait ça.
— Peut-être pas pour toi. (Il eut un rictus mauvais.) Sûrement pas pour toi. Tu es la belle et plantureuse Mirajane, après tout. »
La jeune femme lui donna une tape sur l'épaule et pinça des lèvres.
« Cesse de blaguer, tout le monde t'apprécie à la guilde. »
Il eut un petit rire sardonique. Mirajane ne releva pas.
Elle rangea les quelques verres qui traînaient encore sur la planche du comptoir, avant de s'étirer une nouvelle fois.
« Tu dois arrêter de fumer, Luxus.
— Ah oui ? » Rétorqua-t-il, ironique.
Mirajane se rapprocha de lui. Un agacement latent rythmait ses inspirations incertaines ; l'exaspération grimpait au rythme des volutes qui s'échappaient dans l'atmosphère et ses remarques fiévreusement retenues ne demandaient qu'à être criées.
« Pourtant, n'est-ce pas toi qui a allumé ma première cigarette ? »
Elle lui jeta un regard exaspéré.
« Tu sais que j'étais idiote à l'époque. C'était il y a longtemps.
— Pas assez pour que je l'oublie. »
Il exhala une respiration blanchie et la regarda droit dans les yeux un peu défiant et crâneur, comme il avait l'habitude de l'être dans ces souvenirs. Le cobalt soutint l'outrecuidance un moment, sans toutefois entrer dans ce jeu vicieux d'un autre temps.
« Tu vas finir par le payer, Luxus. »
Elle n'osait pas en dire plus, de peur d'exploser trop violemment et de ne plus parvenir à son état normal. Il posa son verre vide sur le comptoir, et attrapa sa cigarette entre deux phalanges. Dans un souffle brumeux, il demanda simplement :
« Eh bien, si tu te sens si concernée, pourquoi tu ne m'aiderais pas ?
— Comment ça ? »
Un sourire narquois étira ses lèvres, et il se pencha doucement vers la jeune femme. Celle-ci se tendit immédiatement ; c'était un réflexe qui lui venait depuis qu'ils étaient jeunes : lorsque Luxus s'approchait d'elle, il y avait toujours quelque chose de désagréable derrière — de la violence, des insultes ou des plans douteux.
Du bout des doigts, il écarta une mèche du front de la barmaid, et murmura doucement :
« Écoute-moi bien. Je te propose ce marché : à chaque fois que j'aurai envie de fumer... »
Ses lèvres s'approchèrent de la bouche de son interlocutrice, et Mirajane eut un timide mouvement de recul — bon sang, que faisait-il ? L'incertitude de la réaction à avoir tanguait entre ses entrailles.
Ce ne fut donc pas difficile pour Luxus de l'immobiliser ; il enserra son menton dans sa paume de fer et posa son embouchure contre celle de la jeune femme, sans violence ni douceur, juste de façon pragmatique et indifférente. Dans une caresse noyée par les brumes d'alcool et de fumée, il souffla :
« ... Je passerai te voir. »
L'opaline le repoussa violemment, profondément troublée par ses actions et les sous-entendus graveleux qu'il insufflait à ses paroles. Sa proposition ricochait dans son crâne en faisait un bruit insupportable, et une vague de dégoût submergea la jeune femme.
Libérée de sa prise, elle leva sa main et le gifla aussi fort que sa fébrilité le lui permettait. Luxus ne l'évita pas, et tituba en arrière, jusqu'à ce que ses reins rencontrent la bordure du comptoir. Il grimaça, mais ne réagit pas davantage. Les yeux brillant d'une lueur sarcastique, sa paume effleurait doucement l'endroit où Mirajane avait frappé. Il avait presque oublié qu'elle n'était pas une pauvre brebis après toutes ces années de douceur.
« Tu es dure, Mira... »
La tête prise par une confusion répugnante, Strauss ne réfléchissait plus et laissait ses instincts agir d'eux-mêmes. Elle se détourna furieusement et lâcha :
« Tu es totalement ivre. Je rentre. »
Puis elle s'engouffra dans l'infirmerie pour décrocher son manteau à la paterne de la salle. Ses mains s'emmêlaient sur le tissu épais et protecteur ; Luxus jouait avec elle et l'opaline n'aimait pas cela. L'esprit en vrac, elle en oublia son écharpe, et se précipita à l'extérieur de la salle. Elle traversa le hall avec une impatience non réfrénée et disparut dans le noir sans même s'assurer qu'il fermerait bien la guilde.
En sortant, le regard du dragon, lui, ne la quitta pas, noyé dans une nappe de fumée entêtante.
Mirajane ouvrit subitement ses paupières et prit une inspiration sifflante. L'effort amena une quinte de toux imprévue, et l'opaline se plia en deux dans son lit, la main pressée contre sa gorge brûlante. Ses membres se contractèrent sous la douleur lorsqu'elle tenta de déglutir et son buste se bloqua en une inspiration bruissante.
Un toussotement l'obligea à se tendre entre les draps, avant que la jeune femme ne relâche sa carcasse sur le matelas.
Voilà qu'elle était malade. C'était bien le moment.
Le larynx enflammé, elle n'avait pas la moindre envie de lever ne serait-ce que le petit doigt de pied. Gauche, l'immaculée tâtonna sa table de chevet ébénacée dans l'espoir d'y trouver son réveil-matin. Elle découvrit un rectangle glacé, et appuya sur le bouton qui s'en détachait. Le cadran s'illumina et l'heure qui s'afficha lui gela le sang.
Un sursaut d'adrénaline la fit bondir de son lit et, pataude, Mirajane tituba jusqu'à sa porte. Ses pieds s'enchevêtraient indistinctement sur le parquet, mais elle finit par atteindre son but. Elle abaissa la poignée tant bien que mal et s'extirpa de sa chambre en tremblant sur ses jambes — l'effet de son retard n'avait eu qu'une très courte persistance, et une soudaine fatigue s'abattait sur ses épaules.
En se dirigeant vers la salle de bain, elle croisa son frère dans le couloir. L'homme semblait réveillé depuis un moment, et lui sourit de toutes ses dents — sourire auquel son aînée répondit faiblement. En voulant lui faire la bise, elle poussa sur son corps et se mit sur la pointe des pieds. Au lieu d'atteindre la joue comme elle l'espérait, elle s'effondra contre son torse dans un couinement disgracieux, et il s'en fallut de peu pour qu'elle ne tombe au sol.
« Eh, Mira ! » L'appela-t-il en la soutenant.
Elle baragouina un faible « ça va, ça va » en papillonnant des paupières — ce qui fut loin de convaincre Elfman — et tenta de se relever. Dans un refus catégorique, il la prit dans ses bras en glissant un membre derrière ses genoux et l'autre entre ses omoplates, puis la souleva sans effort.
« Laisse-moi, je suis en retard pour aller à la guilde. » Piailla-t-elle.
Il secoua la tête pour lui signifier qu'il en était hors de question, et l'emporta de nouveau dans sa chambre. Là, il la posa sur son matelas ; les draps étaient rêches et avaient une étourdissante odeur de jasmin, Mirajane s'affaissa un peu plus dans ce confort. Engourdie, sa main cherchait le poignet de son frère, et lorsqu'elle le trouva, elle l'enserra aussi fortement qu'elle le put.
« La guilde...
— Se débrouillera très bien sans toi. » Coupa Elfman de son timbre naturellement grave.
Il dénoua lentement ses phalanges autour de son bras avec douceur et reposa le membre de Mirajane sur son lit. Avec une délicatesse qu'il ne réservait qu'à sa famille, il remonta les couvertures jusqu'au menton de la jeune femme et se détourna lentement.
Juste avant de quitter la pièce, il lâcha :
« Dors un peu. »
Lorsqu'elle se leva à nouveau, Mirajane se sentait un poil mieux ; sa gorge restait un véritable et douloureux enfer, mais ses pensées semblaient s'éclaircir alors qu'elle se relevait dans son lit.
Les premiers pas étaient hésitants sur le parquet grinçant, mais rapidement elle retrouva la notion d'équilibre, et parvint à sortir de sa chambre sans peine. Le sol de la pièce était tiède, voire agréable ; le couloir et les marches d'escaliers qui suivirent étaient plus fraîs sous ses pieds nus, mais toutes aussi silencieux.
Au rez-de-chaussée elle lâcha un enraillé « il y a quelqu'un ? » et n'obtint pas de réponse. Elle partit donc à la recherche d'âme-qui-vive, fureta à travers la maison et termina à la cuisine. Sur le plan de travail en bois, un petit mot en papier violet l'attendait. En le déplia, Mirajane remarqua avec amusement le petit dessin qu'avait griffonné sa sœur sur un coin de la feuille.
« On s'occupe de la guilde, ne te fais pas de soucis et repose toi ! Si tu as faim, regarde dans le four. »
Un sourire sincère étira la commissure de ses lèvres alors qu'elle suivait les dernières indications de sa cadette et qu'elle découvrait un appétissant plat en sauce. Elle tâta le rebord de l'assiette et constata avec dépit qu'il était froid ; après avoir joué de quelques boutons, le réchauffe-magique s'alluma et un vrombissement emplit la pièce.
Après un tintement métallique automatisé, Mirajane se retrouva derrière un repas fumant qu'elle savoura avec plaisir. Bien que la déglutition soit difficile à cause de la maladie qui tailladait sa gorge, les épices fondaient sur son palais et lui donnaient un peu de courage.
Elle espérait sincèrement que sa fratrie parvienne à tenir les soiffards de Fairy Tail pour la journée.
Mirajane secoua la tête ; évidemment qu'ils réussiraient à tenir Fairy Tail, ils ne s'appelaient pas Strauss pour rien ! Ce n'était vraiment pas le problème, en ce moment...
Il n'en fallut pas plus pour que son cerveau dérive vers l'addiction de Luxus, et une amertume étrange coula contre son palais. Elle l'avait quitté la veille en refusant nettement sa proposition scabreuse, mais ses pensées fourmillaient encore des raisons qui l'avaient poussé à lui présenter ces paroles. Il lui semblait évident qu'il faisait cela pour l'éloigner de ces préoccupations brumeuses ; l'opaline ne pouvait pas penser l'homme aussi grossier. Si jamais ce n'était pas le cas, elle se ferait un plaisir de le lui faire comprendre que cela lui déplaisait énormément.
Une colère sourde pulsait contre son estomac ; elle ne supportait pas qu'il la mette sur le côté de cette façon, alors qu'elle avait des intentions purement bienveillantes. Peut-être se mêlait-elle clairement de ce qui ne la regardait pas — elle en était, d'ailleurs, presque sûre — mais si elle ne le faisait pas, qui se dévouerait ? Les membres de Fairy Tail étaient des gens biens, mais Mirajane n'avait pas son pareil pour traiter des affaires délicates. Aussi, elle se résolut à l'aider, peu lui importait les moyens ; tant qu'il abandonnait l'idée de brûler son existence à bouffées de tabac.
Elle abandonna ses couverts sur le rebord de son assiette ; la réflexion avait brouillé son appétit. Après une rapide vaisselle, elle avala quelques cachets contre la fièvre et se blottit confortablement sur son canapé, un livre entre les mains.
« Elle dort ?
— Je crois... » Chuchota Lisana.
Elfman jeta un vague coup d'œil à la masse apaisée dans le canapé, avant de continuer vers la cuisine, les bras chargés des victuailles familiales.
« Je vais nous préparer un dîner d'homme alors. »
Son interlocutrice soupira, mi-amusée, mi-lasse. Avec une maternité qui était rarement la sienne, la cadette déplia un édredon et en recouvrit précautionneusement sa sœur. Elle lui enleva ensuite son livre des mains, plia le coin de la page où elle s'était arrêtée — en parcourant rapidement le récit des yeux et en s'amusant du genre littéraire choisi — puis le posa sur la table basse.
Après avoir accompli cette petite tâche, elle rejoignit son frère qui s'était attelé à leur préparer un dîner digne de ce nom. En s'accoudant au plan de travail central, elle lâcha innocemment :
« Tu ne trouves pas la Raijin tendue ces derniers temps ? »
Son frère se tourna vers elle une seconde, avant de se concentrer à nouveau sur l'eau qui bouillait.
« Eh bien, Ever Green sourit un peu m... »
Il s'interrompit soudainement, et fixa les carreaux bleus face à lui. Puis, une subite et inopinée quinte de toux le secoua tout entier, toux qu'il étouffa dans son poignet en s'écartant du repas qu'il préparait. Lisana, qui avait bien du mal à en croire ses oreilles, accourut vers lui en sautillant.
« Elfman ! »
Une joie inexorable pétillait dans ses yeux ; son frère avouait son béguin pour la fée de Fairy Tail — involontairement, certes — mais ce n'était pas rien !
Après s'être assurée qu'il allait survivre aux toussotements puissants, elle s'écria, folle d'enthousiasme :
« Alors c'est l'effet que te fais Ever Green ! »
Elfman agitait désespérément les mains face à la plus jeune dans l'espoir de démentir ce qu'elle avait compris, mais ne faisait que renforcer son rire enjoué. Le visage érubescent, il grimaçait en gigotant dans tous les sens.
« Ever Green ? » Tinta une voix derrière eux.
L'homme de la famille abandonna toute résistance avec l'arrivée de leur aînée.
Mirajane, même malade et emmitouflée dans un édredon, semblait rayonner à l'idée de cette inclination romantique. Cela faisait un bon moment qu'elle attendait que l'un ou l'autre daigne avouer à un public ce qu'ils ressentaient, et même si Elfman ne l'avait pas prémédité, la nouvelle l'emplissait d'une joie frivole.
Elle s'assit sur un des hauts tabourets qui encadraient le plan de travail central en rigolant avec sa fratrie, et en envoyant quelques taquineries aimables à son petit frère.
Lorsque le repas fut servi, l'euphorie (presque) générale s'était calmée, et la discussion tournait davantage autour de généralités — les cadets racontaient notamment leur journée à la guilde et félicitaient Mirajane qui résistait à cela chaque jour. Le dialogue était léger, agréable, jusqu'à ce que Lisana glisse un très innocent :
« D'ailleurs, Luxus m'a dit que tu avais oublié ton écharpe hier. C'est sûrement pourquoi tu es tombée malade... »
L'opaline hocha la tête placidement, les lèvres pincées, refroidie par l'évocation du personnage.
« Il l'a utilisée, du coup. Il espérait que ça ne te dérangeait pas. J'ai trouvé ça étrange de sa part, mais, avec Luxus... »
L'aînée grimaça en entendant sa sœur parler, et celle-ci regretta immédiatement de l'en avoir informé.
Décidément Luxus faisait ce qui était en son pouvoir pour lui casser les pieds !
« Tu l'as ramenée avec toi ? »
La plus jeune hocha la tête en désignant l'entrée du menton. Mirajane se leva, remonta le tissu épais qui chutait sur ses bras, et trottina jusqu'à sa destination.
Fièrement accrochée aux côtés des manteaux et autres bonnets, son écharpe couleur du givre attendait patiemment d'être attrapée. La jeune femme se saisit délicatement du tissu et le porta précautionneusement à son nez. En une grimace dégoûtée ses doutes se confirmèrent ; elle empestait la cigarette.
Saisit d'un brusque regain d'énergie, elle accourut à la buanderie et jeta l'étoffe dans la machine à laver. Les dents serrées, l'agacement affluait dans ses veines avec une facilité étonnante, et une fureur sourde glissait dans ses entrailles.
Qu'il le veuille ou non, elle l'obligerait à arrêter la cigarette ; elle n'en pouvait simplement plus de cette odeur, de ce dédain et de cette arrogance. Il ne verrait certainement pas cela comme de l'aide, mais la tenancière s'en fichait ; il l'avait provoqué, elle était prête à répondre de cette insolence.
La brise légère attaquait les interstices sifflantes de la bâtisse et mordait les quelques mages attablés.
Mirajane se pressait en traversant le hall, tout en soufflant dans ses mains avec l'espoir d'y glisser un peu de chaleur ; la température avait baissé depuis la veille, et le système de chauffage de Fairy Tail ne s'y était pas encore accommodé.
La matinée était entamée depuis de longues heures, mais la jeune femme, encore patraque après sa journée alitée, avait préféré arriver avec un peu de retard plutôt que de ne pas venir.
Son écharpe — céruléenne cette fois — chatouillait sa mâchoire en bondissant contre sa clavicule, ses bottes frappaient le plancher et les saluts fusaient d'un bout à l'autre de la salle. L'opaline retrouvait son élément, et le sourire qui grimpait sur son visage prouvait le bonheur qu'elle en ressentait.
En quelques gestes ordonnés, elle s'allégea de son manteau ébénacée et de son cache-col en laine pour les accrocher à la paterne des vestiaires. Puis, ses enjambées la menèrent naturellement à sa place ; derrière ce comptoir, brave et solide protection où elle irradiait de sa prestance.
Lentement, elle lança la routine qui la berçait chaque matin : ses mains portaient, se levaient, distribuaient ; ses lèvres souriaient, s'étonnaient, divertissaient ; ses yeux regardaient, jaugeaient, admiraient ; son cœur battait, criait, bruissait. Et sa colère montait. Et Luxus restait caché.
Parfois, elle lançait une œillade au premier étage ; ses prunelles rencontraient la vacuité d'un mobilier grinçant et un soupir abaissait son buste. La répétition de ses déceptions avait une teinte grotesque ; elle avait encore l'impression de jouer, de chasser, de traquer, mais n'en avait plus envie.
Alors un doute la saisit, et ses mains, en accord avec son esprit, agrippèrent fermement le registre des missions. Les pages se levaient, fraîches et blanches, un peu poudreuses sous ses doigts, et les informations défilaient sous ses iris.
L'appréhension trancha, et se durcit ; du doute, elle passa à la certitude. D'une écriture fort peu élégante — qu'elle devinait comme étant celle de Bixrow — était inscrites les coordonnées exactes de la quête que la Raijinshu entreprenait. La nouvelle irradiait son crâne de remarques cyniques ; fort heureusement, elle n'avait pas le dragon de foudre à porter de main pour lui enfoncer dans la tête tout ce qu'elle pensait de lui. Elle l'avait pourtant prévenu : il n'était pas en état d'aller en mission tant qu'il garderait un paquet de cigarettes dans la poche.
En serrant les dents, elle ferma le livre dans un claquement féroce. Le son attira quelques regards, qu'elle dissipa d'un sourire aimable avant de reprendre son quotidien bien huilé.
Les premiers jours qui marquèrent l'absence de l'équipe en mission, Mirajane scrutait la guilde chaque matin dans l'espoir — plein de mauvaises intentions, certes — de voir une tête blonde arriver. Mais hormis Lucy qui passait presque discrètement après le passage de son coéquipier, il n'y avait pas un cheveu doré sur un très large rayon.
Alors les heures s'écoulaient lentement, et la colère qui tapissait son estomac refluait doucement au profit d'un découragement grandissant. Ne restait plus que le désir de les revoir sains et saufs, l'envie presque absurde d'être totalement paranoïaque à cause d'un problème sans grande importance. La fumée qui l'enveloppait devenait moins opaque chaque matin dans son esprit, et ses remarques envers le dragon de foudre tournaient au grotesque dans ses souvenirs.
La jeune femme se sentait bête, et sa bêtise avait un goût amer.
Alors que quelques jours en amont elle s'apprêtait à prendre des mesures drastiques, sa volonté était entamée par une incertitude inconfortable qui grignotait ce qu'elle pensait être inébranlable.
Elle s'inquiétait sûrement trop de quelques cigarettes fumées ; elle en était même convaincue que Luxus faisait cela par plaisir d'effronterie et rapidement, elle se dit qu'elle s'angoissait sur une addiction qui n'en était pas une.
Pourtant, ce jour-là, ce ne fut pas l'effronterie qui apparut sur le visage de Luxus, ni l'outrecuidance qui soutenait son bras bandé ou l'insolence qui l'aidait à se mouvoir sans boiter. Non, ce jour-là, ce fut une désolation douloureuse qui creusait son faciès, Ever Green qui s'accrochait précautionneusement à son bras et Fried qui l'aidait à marcher lorsqu'ils firent leur retour.
Alors la colère refit surface, l'acidité de la bêtise s'évapora et Mirajane grinça des dents. Elle n'avait même pas besoin de demander pour le savoir ; c'était la cigarette qui l'avait mené à cet état peu glorieux, et c'était une certitude particulièrement douloureuse contre son palais.
Ce chapitre est assez court, du fait de la coupure essentiel pour avoir une chute correcte. Les prochains seront plus longs, je vous l'assure ! (oui, j'en ai deux en réserve, histoire de ne pas vous faire languir des années durant. Obliviones, haha.) Je vais m'essayer à la publication mensuelle, il va falloir que je m'accroche...
Merci à Morgane pour sa bêta-lecture, et à Aida pour ses charmants conseils pendant l'écriture !
J'espère très sincèrement que ce premier aperçu de la fiction vous a plu, exprimez-vous ci-dessous !
