Une chaleur particulièrement lourde humidifiait l'atmosphère et rendait la traque insoutenable. Ils étaient tous en sueur, leur visage épuisé par l'émotion et la fatigue, leur membres las et exténués. Ils auraient tout donné ne fusse que pour un bref instant de repos mais hélas, un court instant, dans ce monde qui était le leur mais qui avait tant changé, signifiait la mort. Ils devaient continuer à traquer, ils ne pouvaient s'arrêter. Le souvenir d'Andrea, adossée contre la paroi de cette sombre cave de Woodbury, l'épaule en sang, les yeux humides et le sourire du futur défunt au lèvres, était encore frais dans les mémoires. En fait, il n'y avait pas 9 heures qu'Andrea les avait quitté, leur ôtant une fois de plus un ami, qui était chose rare en ces temps hostiles. Rick leva la main d'un geste vif, leur signifiant de s'arrêter.
-"Tu as entendu ça ?"
L'arbalète en joue, le regard fixe, quelques mèches de cheveux collés à son front en sueur, Daryl hocha lentement la tête.
-"On ne peut pas se permettre de partir. On doit les trouver. Il le faut." Rick Grimes parlait d'un ton convaincu et ferme, et même s'il s'adressait aux autres, il sembla que ses paroles étaient destinées à lui-même.
Trois hommes du Gouverneur s'étaient échappés de Woodbury et erraient probablement aux alentours de la prison. Ils étaient probablement armés, et il était inconcevable de retourner à la prison sans les avoir débusqués. La traque avait durée depuis peu avant l'aube et il devait être 7 heures du matin maintenant. Rick, Daryl, Glenn et Michonne avaient manqué de peu de rattraper les 3 dangereux fugitifs un peu plus tôt ce matin-là, pendant que le reste du groupe s'occupait des survivants de Woodbury à la prison.
Daryl dépassa Rick, l'arbalète toujours en joue, et se dirigea vers la source du faible bruit qui leur était parvenu aux oreilles. Les autres suivirent: Michonne, sabre dégainé, fermait la marche. Ils déboulèrent aux abords d'une clairière où poussait des centaines de celandines, ces fleurs sauvages faites d'or et de lumière. Des rayons chauds du soleil éclairaient les herbes et l'atmosphère y était étrangement différente: il ne faisait plus aussi lourd qu'il y a quelques instants. Là, dans cette clairière féerique aux fleurs ambrés, il y faisait agréablement doux, et un calme d'une quiétude si sereine y régnait.
Daryl baissa son arbalète. Il n'était pas aisément touché par la beauté de la nature, il connaissait son hypocrisie et ses mauvaises plantes empoisonnées qui se cachaient derrière d'attrayantes couleurs. Pourtant, la fraîcheur et la tranquillité de cet endroit rendit son cœur plus léger, mais plus triste à la fois, car ce calme lui fit un instant oublier la traque et lui permit de penser à la mort d'Andrea. Il se dit que s'il était retourné à la ferme d'Hershel lorsque la horde attaqua, il aurait pu la ramener au reste du groupe, et rien de tout cela ne serait arrivé. Il se senti stupide, stupide et frustré. Il jeta un regard derrière lui, Rick et Glenn avaient le visage baissé, et observaient un moment de silence, comme pour rendre un hommage commun à Andrea, dans ce lieu si pur dans un monde si noir. Michonne, elle, était à l'écart, et il voyait dans ses yeux une terrible rage, une fureur dissimulée sous son apparence impassible et froide. Dieu seul savait ce qu'elle comptait faire endurer au Gouverneur. Son regard de feu croisa le sien, et en une fraction de seconde, il vit la rage se transformer en affolement, et avant même qu'elle ne pu ouvrir la bouche pour crier, qu'un coup de feu fusa en sa direction. Il n'en fallut pas plus pour Daryl, qui dégaina son arbalète et visa l'agresseur, celui-ci tomba raide mort, une flèche en plein cœur. Il réarmait l'engin avec une impressionnante dextérité quand une voix forte s'étendit sur la clairière.
-"Stop ! Déposez vos armes ! On tient une de vos acolytes ! On hésitera pas à la tuer s'il le faut, je répète, déposez vos armes !"
Aucun d'entre eux ne fit de mouvement et tous étaient encore armés sauf Michonne, qui avait fait laisser son sabre lorsque la balle lui effleura la hanche.
-"Vous ne nous laissez pas le choix !"
Deux hommes d'une trentaine d'années à l'allure assez rude sortirent avec prudence de derrière un arbre situé au bout de la clairière, à une dizaine de mètres du groupe. L'un d'entre eux tenait fermement une jeune fille par les bras, et l'autre avait un revolver braqué sur sa tempe.
-"On vous le dit une dernière fois, lâchez vos armes ou je fais exploser la tête de la petite."
La jeune fille, qui ne pouvait parler en raison du ruban adhésif qui lui fermait la bouche, gémit d'effroi, ses joues étaient inondées de larmes et elle avait du sang sur son habit
Daryl examina longuement cette fille que ses geôliers pensaient faire partie de leur groupe et remarqua qu'elle n'était pas chaussée et que le seul vêtement qu'elle portait était une robe sans manches, sale, qui lui arrivait au dessus des genoux, sales eux aussi. Ses cheveux, malgré leur malpropreté, était d'un brun qui ne pouvait que rappeler le chocolat, et sa peau, elle aussi noircie par la saleté, ne laissait cependant aucun doute sur sa blancheur. Néanmoins, ce qui marqua particulièrement Daryl fut ses yeux. Ils étaient grands et doux, d'un vert foncé mais toutefois pleins de lumière, ce qui lui donnait l'impression qu'elle possédait deux émeraudes scintillants en guises d'yeux. Malgré son apparence dépareillée, ce fut une très belle fille, et Daryl le vit.
Il n'y avait aucune raison pour laquelle aucun d'entre eux devrait sacrifier sa vie pour une étrangère, c'était une idée assez clair dans l'esprit de chacun d'entre eux, et ils n'eurent pas besoin de se concerter du regard pour le savoir. Ils avaient l'avantage: ils étaient plus nombreux, et les deux hommes pensaient à tord avoir un élément qui les intéressaient. Rick qui dégainait plus vite que n'importe qui tira sur l'homme qui braquait son revolver, puis en un éclair, ce fut Daryl qui envoya sa lame d'une main adroite, celle-ci alla se figer sans se faire prier dans le front du deuxième homme. Il s'avérait ensuite avec une très claire évidence qu'ils furent les hommes du Gouverneur que le groupe traquait depuis plusieurs heures. Lorsque le deuxième homme tomba à terre, la jeune fille trébucha à son tour, et se retrouva face contre terre. On pouvait alors voir que ses mains étaient liées, si bien qu'elles étaient complètement trempées de son propre sang. Michonne lui souleva brusquement le visage, et la fit mettre à genoux. Rick arracha le ruban d'un coup rapide, ce qui ôta à la jeune fille un cri de douleur. Daryl mis en joue son arbalète et la dirigea vers le crane de l'inconnue, qui sanglotait d'épouvante.
-"Qui es-tu ? la questionna-t-il froidement."
Elle ne répondit pas et ses sanglots la secouèrent tellement qu'ils devinrent ces sanglots silencieux du désespoir. Elle laissa sa tête retomber misérablement sur la poitrine
-"Elle est blessée. On devrait l'amener à la prison", intervint Glenn. "On est dehors depuis trop longtemps, les autres doivent s'inquiéter !"
-"On ne peut pas se permettre de ramener une inconnue trouvée dans les bois à la prison. Elle était avec trois hommes du Gouverneur. Je ne mettrai pas mes gens en danger une nouvelle fois", dit Rick de sa voix la plus sèche.
Michonne se tut, le sabre à la main, et regarda Daryl, dont l'arbalète était toujours fixée sur l'étrangère.
-"Rick a raison. On sait pas qui c'est. Je la sens pas. C'est un piège. Un piège du Gouverneur."
Pour la première fois, la jeune fille prit la parole, d'une voix brisée par la peur et l'émotion.
-"Non ! Je vous en prie ! Je ne suis pas avec eux ! Je ne connais pas ce Gouverneur ! Pitié, ne me tuez pas ! Laissez moi partir ! Je vous en prie ! S'il vous plait !"
Ses sanglots reprirent de plus belle.
-"On ne peut pas rester ici Rick, il faut que tu te décides, et vite, les marcheurs ne vont pas tarder à venir de partout !" lança Glenn, désespéré.
Tous les regards étaient tournés vers Rick, celui de Rick tourné vers la fille, celui de la fille tourné vers tous les autres.
Sa tempe battait fort. "On la prend avec nous, on décidera de son sort plus tard."
