Helloooo !
Je suis très heureuse de vous présenter ma nouvelle fic !
Comme je l'avais dit à la fin de Peut-on aimer un Prince Déchu, celle-ci sera centrée sur un couple que j'ai découvert plutôt récemment, Charlie et Hermione. Au début, ça devait simplement être un petit OS pour m'amuser un peu, mais finalement ça s'est transformé en quelque chose de plus long et je m'y amuse énormément :p
Charlie est, pour moi, un personnage incroyablement BADASS (le mec est dresseur de dragon. DRESSEUR DE DRAGON. Je sais pas ce qu'il vous faut, mais moi j'ai trouvé), et il est suffisamment peu utilisé dans les livres pour laisser place à l'imagination. Et puis j'aime beaucoup les dragons, c'est un peu aussi l'occasion d'écrire à propos d'eux et de diverses installations magiques que j'avais imaginées à une époque où je me demandais comment devaient fonctionner les "réserves" de dragons dans HP (oui, je me pose des questions stupides, maiiiis j'assume). Mais vous vous doutez bien qu'on ne va pas causer de nos amis à écaille dans le premier chapitre...
Pour vous planter un peu le décor, on est post-Poudlard, environ quatre ou cinq ans après la fin du septième tome (pas de l'épilogue, ça va de soi). Je voulais aussi préciser quelque chose par rapport au transplanage : je fais intervenir pas mal ce moyen de déplacement, pour des raisons pratiques, et parfois sur de très longues distances. Je sais que normalement c'est plutôt le Portoloin qui est utilisé dans ce genre de cas, mais je me suis toujours dit qu'il pouvait y avoir des points de "relais", un peu comme des étapes dans un roadtrip : quelques grandes villes ont des points relais dédiés pour les sorciers qui ont besoin de se déplacer souvent et rapidement, sans s'encombrer de réserver des Portoloins. Voilà, c'est dit x)
Je n'ai pas tout à fait terminé l'écriture et ne peux donc pas vous dire combien de chapitres il y aura... Tout dépendra du découpage, que je n'ai pas encore entièrement décidé. Mais on devrait je pense être dans les mêmes clous que pour la précédente. Je maintiens le même rythme de postage aussi, et le même jour, comme ça point de confusion.
J'espère que vous apprécierez autant parcourir cette histoire que j'ai aimé l'écrire, et il ne me reste donc plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture !
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Disclaimer : Rien ni personne à moi, évidemment ! Merciiiii J.K.R. de nous prêter tout ce petit monde !
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Hermione Granger se réveilla en sursaut, la bouche pâteuse et l'impression qu'un ronflak cornu lui piétinait le cerveau. Elle était dans une pièce lumineuse, si lumineuse en fait qu'elle avait encore plus mal à la tête lorsqu'elle ouvrait les yeux. Elle essaya péniblement de se relever sur ses coudes en évitant soigneusement de penser à la nausée qui la guettait, et son premier réflexe fut de tenter de regarder l'heure sur son réveil. Mais il n'y avait pas de réveil à voir. En fait, il n'y avait pas du tout de table de chevet. Et visiblement, on avait changé le sol de sa chambre pendant la nuit.
Complètement alerte cette fois elle s'assit brusquement sur le lit, comprenant qu'elle n'était pas du tout chez elle, et sentit une bouffée de panique la gagner quand elle se rendit compte qu'elle ne connaissait pas cette chambre : elle n'avait jamais vu ces murs lambrissés, ce petit bureau recouvert de papiers et de plumes, cette fenêtre à la vue improbable sur une immense lande verte. Impossible donc qu'elle ait échoué chez Luna, ou chez Ginny et Harry…
Ginny et Harry ! Le mariage ! Des bribes de souvenirs lui revenaient et elle s'efforça de fouiller les tréfonds de sa mémoire, mais l'exercice était plutôt difficile compte tenu de son état lamentable. Elle aurait voulu se remettre sous les draps et attendre que la situation se résolve d'elle-même.
Alors qu'elle avait réussi à se remémorer que sa gueule de bois était sans doute due au mariage de son meilleur ami, mariage qui avait eu lieu la veille au soir, elle entendit la porte de la chambre s'ouvrir doucement. Le souffle court, elle attendit que l'inconnu derrière apparaisse et puisse lui en apprendre un peu plus sur la raison de sa présence ici… Mais lorsqu'elle le vît, un sourire aux lèvres, elle n'en fut que plus déstabilisée.
Charlie Weasley.
« Alors petite marmotte, on émerge ? »
Charlie Weasley. Mais qu'est-ce que je fais dans le lit de Charlie Weasley ?
La petite voix intérieure d'Hermione se fit de plus en plus paniquée, et elle se couvrit la bouche d'une main pour éviter de débiter une suite de parole dans aucun sens. Charlie s'approcha d'elle en portant deux tasses de café et lui en tendit une, sans se départir de son sourire.
« Vu ta tête, je dirais que tu ne te souviens pas d'hier soir. Je vais te rassurer sur un point avant d'aller plus loin : tu as dormi seule dans le lit. Mon lit, au fait. Je te l'ai gracieusement prêté et ai moi-même comaté dans le canapé. »
Hermione ne pipait toujours pas mot, tenant sa tasse fermement, essayant vainement de mettre en abîme ses quelques souvenirs de la soirée de la veille et sa présence ici, dans ce lit.
« Toujours rien ? »
Elle secoua la tête de gauche à droite, l'air toujours plus catastrophée, puis se demanda vaguement quels vêtements elle portait : au ressenti, elle aurait parié sur quelque d'ample. Elle regarda précipitamment son torse et rougit : c'était à priori un tee-shirt appartenant à Charlie, ce qui signifiait que quelqu'un l'avait changée. Ce quelqu'un se tenant sans aucun doute en face d'elle. Elle releva de grands yeux gênés et interrogateurs, souhaitant poser une question qui ne franchit jamais le bord de ses lèvres.
« Oui, j'en suis profondément désolé mais il a fallu que je te change… ta robe était trempée. Ha, mais ça non plus tu ne dois pas t'en souvenir… »
Hermione se sentait de plus en plus mal, et était toujours incapable d'émettre le moindre son. Mais une pensée lui vint soudainement, un point de détail crucial qui éclairerait sans doute une partie de cette sombre affaire, et c'est d'une voix caverneuse qu'elle articula :
« Ron ?... »
Le sourire de Charlie se fana, et un air gêné apparut sur ses traits.
« Donc c'est vraiment le noir total. Rafraîchis-toi si tu le souhaite - la porte là-bas, c'est ma salle de bain - et suis-moi, il va falloir qu'on parle et ça ne va pas te plaire.»
Charlie se leva, la laissant seule avec ses pensées. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il entendait par là mais, en y réfléchissant, elle sentait des relents de tristesse lui arriver par vagues, comme si son esprit savait de quoi il s'agissait mais voulait le lui cacher le plus longtemps possible. Elle se souvenait de la cérémonie du mariage, de Ginny resplendissante, d'Harry comblé. La réception avait été un succès, tout le monde avait dansé… Mais pourquoi se retrouvait-elle ici, sans Ron ? Ils étaient ensemble depuis quelques années maintenant, pourquoi n'était-il pas là ? Pourquoi l'avait-il laissée seule chez son frère ?
Elle s'extirpa du lit, posa sa tasse sur le bureau et avisa la petite pièce attenante à la chambre que Charlie lui avait montré, contenant un lavabo et une minuscule douche. Elle se passa de l'eau sur le visage, tenta de se faire un bain de bouche avec le dentifrice qu'elle trouva - en grimaçant à l'idée de la tête que feraient ses parents s'ils la voyaient - et essaya tant bien que mal de mettre de l'ordre dans sa chevelure. Elle revint dans la chambre et reprit sa tasse, puis suivit le même chemin que Charlie et se retrouva dans une pièce modeste qui devait être une salle à manger.
Elle trouva le roux dans le canapé, son café à la main, une expression indéchiffrable sur le visage.
« Qu'est-ce que je fais ici ?
- C'est toi qui m'as demandé de t'y amener. Enfin pas exactement, mais je ne voyais pas d'autre endroit.
- Charlie, s'il-te-plaît… J'ai visiblement eu une nuit difficile, je suis complètement dans le coltard, alors c'est pas le moment de jouer aux devinettes. Explique-moi ce que je fais ici, et pourquoi Ron n'est pas là, avec moi. »
Il ne savait visiblement pas par où commencer, et tapota le canapé pour faire signe à la jeune femme de venir s'asseoir à côté de lui.
« Je vais commencer à te raconter, les souvenirs devraient te revenir petit à petit… dis-moi quand je m'arrête. Donc, je pense que le début de la réception doit être assez clair, les discours, les jeux débiles, les invités qui dansent, toi qui commence à boire un peu parce que Ginny insiste lourdement, Harry qui se ridiculise pour faire plaisir à ma sœur… »
Hermione sourit. Effectivement, elle se souvenait de la prestation peu avantageuse de son meilleur ami sur la piste, essayant de mettre sa fierté de côté pour le plus grand bonheur de Ginny, l'impression que rien d'autre ne comptait pour eux parce qu'ils étaient ensemble.
« Et tu as demandé à Ron de danser avec toi. »
Une grande amertume la saisit soudain, sans qu'elle comprenne pourquoi.
« Il a refusé. Tu as insisté, et il s'est braqué…
- Et nous nous sommes disputés. Encore. »
Elle se remémorait vaguement le ton qui montait entre eux, pour des broutilles comme d'habitude, puis ils étaient sortis pour ne pas déranger les autres…
« Luna était dehors, elle a donc entendu ce que vous vous êtes dit et m'a vaguement raconté par la suite quand… enfin disons qu'elle m'a raconté, et en gros, il t'a reproché…
- De lui mettre constamment la pression à propos de tout. »
Elle se souvenait. Il avait été exécrable, lui prêtant des intentions qu'elle n'avait jamais eues, et…
« Oh non… »
Elle se leva, et martela ses deux derniers mots des dizaines de fois en faisant les cents pas.
« Hermione, écoute-moi !
- Il m'a quittée ! Cet… cette effroyable plaisanterie d'homme a eu l'audace de me quitter ! Dis-moi que je l'ai frappé Charlie ! Dis-moi qu'il ne tenait plus debout quand il est reparti ! »
Elle s'était retournée vers lui, le regard plein de colère, comme si elle le défiait de la contredire.
« Effectivement, tu l'as frappé, je me demande si tu ne lui as pas cassé le nez. Alors que tu piquais ta crise de rage et que Ron ne savait pas quoi faire, Luna est rentrée pour venir chercher de l'aide : j'étais le seul qu'elle connaissait à peu près et qui n'était pas sur la piste, elle est donc venue me voir et m'a expliqué rapidement la situation… Je suis sorti, et tu martelais encore mon frère quand je t'ai ceinturée. Il en a profité pour transplaner Merlin sait où, tandis que tu mettais encore des coups dans le vide et que tu m'as hurlé - et je cite - de "te laisser finir cet immonde salaud". »
Hermione ne comprenait pas ce qu'elle ressentait à cet instant : une suite illogique d'émotions la traversaient de façon complètement anarchique et elle ne pouvait plus réfléchir assez pour parler correctement.
« Après ? Que ?...
- Lorsque tu as été un peu plus calme, je t'ai lâchée puis j'ai chargé Luna d'aller à l'intérieur prévenir les mariés et leur dire que je m'occupais de la situation. Après, je t'ai emmenée marcher avec moi, puis tu as réclamé de l'alcool… Je sais que tu n'es pas du tout amatrice et j'ai essayé de te raisonner, mais tu m'as menacé d'aller écumer seule les bars de toute façon. Il n'était pas vraiment prudent de te laisser livrée à toi-même, alors je nous ai fait transplaner dans Londres où on a atterri dans un pub un peu louche, et j'ai perdu les comptes après ton sixième verre de whisky. Tu as… tu as beaucoup pleuré, beaucoup ri, et puis sur les coups de cinq heures du matin le patron nous a fait sortir. »
Le visage d'Hermione se décomposait au fur et à mesure du récit. Elle n'avait absolument aucun souvenir de leur épopée londonienne, et se demandait jusqu'où elle avait poussé l'humiliation.
« Après ça, tu voulais te promener au bord de la Tamise… on l'a donc longée, et… »
Il s'arrêta, un sourire aux lèvres, plus amusé que moqueur.
« … et tu as décidé qu'il était l'heure de faire un petit plongeon.
- Non !
- … si. Avant que j'aie pu faire quoi que ce soit tu avais sauté dans l'eau en riant comme une baleine, et tu as crié que tu étais sûr que - et je cite une nouvelle fois - "même bourrée, tu savais mieux nager que cette patate de Ron". »
En d'autres circonstances, elle aurait sans doute éclaté de rire.
« J'ai donc sauté pour te rattraper, et dès que j'aie pu mettre la main sur toi je nous ai sorti de l'eau et t'ai proposé de te ramener chez toi, ce que tu as refusé catégoriquement. J'ai donc fait la première chose qui m'est venue à l'esprit : j'ai transplané jusqu'ici. Chez moi. Je t'ai aidée à te changer, tu gloussais beaucoup en traitant mon frère de tous les noms, et puis tu t'es endormie comme un bébé à peine la tête sur l'oreiller. Enfin, j'ai envoyé un hibou à Harry et Ginny pour ne pas qu'ils s'inquiètent, et je me suis effondré sur le canapé. Tu as dormi ensuite jusqu'à maintenant, c'est à dire pendant environ une douzaine d'heures.»
Trop d'informations. C'était beaucoup trop d'informations à digérer d'un coup, au réveil, avec une gueule de bois épouvantable : en l'espace d'une nuit, elle s'était retrouvée célibataire, avait pris sa première cuite, s'était ridiculisée devant le frère de son ex qu'elle ne connaissait pratiquement pas et avait dormi dans un autre lit que le sien. Presque toute la journée.
Elle vint se rasseoir sur le canapé, complètement hagarde, en se demandant à quoi réagir en premier. Puis elle vit enfin l'évidence.
« Alors il m'a vraiment quittée. On avait plusieurs fois été proches de… je ne sais pas, de la limite ? Mais on s'est toujours rabibochés… je pensais que c'était notre force, cohabiter malgré nos caractères si différents... »
Elle resta un peu silencieuse puis, enfin, elle éclata. Elle hurla tandis que des larmes commençaient à rouler sur ses joues, puis elle chercha frénétiquement quelque chose autour d'elle et se retourna vers Charlie pour lui demander :
« Où est ma baguette ? »
Un peu méfiant, il fut hésitant avant de lui répondre d'une voix qui se voulait conciliante :
« Hermione… qu'est-ce que tu…
- Charlie, où est ma PUTAIN de baguette ? »
Sentant qu'aucune parole ne la calmerait, il désigna un petit meuble d'entrée près de la porte où trônait la baguette réclamée. Hermione alla la chercher, puis ouvrit la porte à grand fracas et sortit en trombe de la maison. Charlie attrapa son balai et n'eut d'autre choix que de la suivre, se demandant vaguement s'il serait en mesure de la contrer dans le cas où elle souhaiterait provoquer une catastrophe.
La jeune femme courut, courut sur des centaines de mètres, heureuse dans sa rage que Charlie habite si loin de tout. Elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle se trouvait mais elle était complètement aveuglée par sa colère et son incompréhension, et elle cherchait un exutoire à toute cette haine qui l'avait envahie - un exutoire autre que Ron lui-même. Elle s'arrêta enfin à la lisière d'un bois, devant plusieurs pierres imposantes, et entreprit de les faire léviter puis de les entrechoquer violemment pour les briser en mille morceaux. Cette destruction sembla lui apporter quelque réconfort mais ce ne fut vite plus assez, et bientôt elle se retrouva à lâcher sa baguette et frapper les pierres à main nue sans se préoccuper de ses poings meurtris. Charlie assista à ce spectacle depuis les airs, impuissant face à son désespoir, conscient qu'il ne pouvait rien faire pour la soulager. Elle s'effondra enfin à genoux sur le sol, secouée de sanglots, les mains déchirées dégoulinant de sang partout sur elle, les joues mouillées de larmes de rage.
Charlie finit par se poser et s'approcher d'elle furtivement, puis il s'accroupit à ses côtés et lui posa doucement la main sur le dos.
« Hermione ?… »
Elle se dégagea vivement.
« Laisse-moi.
- Mais tu ne dois pas rester ici… on est pratiquement à la limite de la réserve.
- Je m'en fous.
- Hermione, ça pourrait être dangereux…
- Je m'en fous je te dis ! Plus rien n'a d'importance ! Qu'ils viennent, tes dragons, et qu'on en finisse ! »
Elle s'assit contre une des pierres restée à peu près intacte, et se mura dans le silence. Elle ne sentait pas la douleur dans ses mains, tout son esprit était occupé à chercher le cœur qu'on lui avait arraché. Que Ron lui avait arraché. Elle ne vit pas Charlie partir sur son balai, ne s'inquiéta pas de la nuit qui allait tomber ni des rugissements lointains qu'elle entendait de temps à autre.
Charlie revint cependant, à pieds, avec un sac dans le dos. Il alla s'asseoir à côté d'elle, ne récoltant rien de plus qu'un vague grognement, et sortit de son paquetage une pile de gaze, des bandages pliés, diverses fioles et ce qui semblait être de l'onguent. Il esquissa un mouvement pour prendre dans ses mains l'une de celles d'Hermione, mais elle se recula en le fusillant du regard.
« Ne me touche pas. Ne cherche pas à me guérir.
- Hermione…
- J'ai dit non ! Laisse-moi !
- Ça suffit ! »
Il s'était redressé sur ses genoux, toisant la jeune femme d'un regard buté, et était visiblement à bout de patience.
« Hier soir, j'ai pris la responsabilité de m'occuper de toi. Tu n'as pas eu le choix, c'est un fait, mais c'est comme ça. Tu vas me laisser prendre soin de tes mains, parce que je sais que tu n'es pas qu'une gamine égoïste et que tu me dois bien ça !
- Égoïste ? Mais de quoi je me mêle !
- Parfaitement, une gamine égoïste ! Tu es ici sur le territoire de MA réserve ! Enfin de ma réserve… de là où je… mais on s'en fout ! Tu es sous MA responsabilité ! Si quelque chose t'arrive, ce sera moi le responsable, quoi que tu en dises ! Alors tu fermes ton clapet et tu me laisses regarder tes mains, ou je t'injecte du tranquillisant à dragon ! »
Charlie avait parlé d'une voix grave et puissante, avec un ton assez ferme pour qu'Hermione ne soit pas tentée de répliquer. Elle aurait pu s'entêter mais elle se dit que le jeu n'en valait pas la chandelle, et elle se laissa donc faire quand il saisit à nouveau une de ses mains. Il avait eu un geste un peu brusque, ce qui arracha à Hermione une légère protestation qu'elle ne put réprimer.
« Désolé. »
Sa voix se fit plus douce, et c'est avec une infinie délicatesse qu'il commença à nettoyer les plaies du poing de la jeune femme. Si au départ elle affichait une mine contrariée juste pour le principe elle finit par reprendre un regard vide qui inquiéta Charlie, mais il décida de se concentrer sur sa tâche afin d'éviter des douleurs supplémentaires à Hermione : il avait l'habitude de soigner les plaies pour s'être souvent occupé des siennes, mais il avait les chairs moins sensibles qu'elle. Il respecta son silence, conscient qu'à ce moment précis rien ne pourrait l'apaiser : elle était meurtrie de l'intérieur, et s'il était tout à fait honnête il aurait avoué qu'il ne comprenait pas le geste de Ron. Il n'avait jamais compris leur couple par ailleurs, vu la façon dont Ginny les décrivait tous les deux et les quelques disputes auxquelles il avait assisté lors de ses rares visites au Terrier pour les réunions de famille. Ron aurait dû s'accrocher à cette fille comme une moule à son rocher, et il s'était lamentablement planté.
Lorsqu'il eut terminé et que les mains d'Hermione furent en sécurité dans des bandages, il releva les yeux vers son visage pour s'apercevoir qu'elle s'était endormie contre le rocher. Il la regarda quelques instants mais vit qu'elle était torturée dans son sommeil : ses sourcils étaient froncés, sa bouche pincée. Il emballa silencieusement son nécessaire de soin, remit son sac sur son dos et entreprit de soulever Hermione le plus délicatement possible dans ses bras. Il la porta jusqu'à chez lui, la trouvant aussi légère que la veille, mais elle paraissait tellement fragile qu'il avait peur de la briser dans son étreinte. Cela le contraria profondément : aux dires de sa sœur, Hermione n'était pas une femme fragile, elle était taillée pour faire face à tous les obstacles et ne renonçait jamais. Il avait fallu qu'elle soit réellement amoureuse de Ron pour que cette rupture l'ait ainsi ébranlée, et il fustigeait d'autant plus son frère d'avoir agi comme un imbécile.
Ils arrivèrent vite chez lui, et il la posa à nouveau dans son lit. Mais alors qu'il s'apprêtait à partir il sentit une main attraper son tee-shirt et le ramener vers elle.
« Ne pars pas. »
Il crut avoir mal compris.
« Quoi ?...
- Ne pars pas. Si je suis seule je vais faire une connerie.
- Une…
- Une connerie. Ne me laisse pas seule. »
Abasourdi par le désespoir qu'il entendait dans sa voix, il se laissa choir à ses côtés dans le lit en prenant soin de ne pas la toucher, et ne se permit de dormir que lorsqu'il entendit la respiration ample et régulière qui annonçait le sommeil profond de la jeune femme.
Le lendemain il émergea à l'aube et constata qu'Hermione était déjà réveillée. Elle avait l'air hagard, les yeux rouges, les cheveux en désordre : la nuit n'avait visiblement pas été reposante. Il se leva doucement, lui demanda si elle avait faim puis partit prendre une douche lorsqu'elle lui répondit par la négative.
Hermione ne se leva pas. Elle ne voulait pas affronter le monde, le soleil, la vie : elle avait l'impression qu'elle ne pourrait jamais sortir de cet état vaseux dans lequel la rupture l'avait plongée, comme si elle avait son Détraqueur personnel à la place du cœur. Elle entendit vaguement Charlie sortir de la douche et aller faire couler du café, puis elle sentit qu'il était revenu près d'elle et qu'il attendait qu'elle lui manifeste son attention mais elle n'en fit rien : elle n'avait qu'une envie, se terrer sous la couette pour ne plus en sortir. À la fois compatissant et agacé, Charlie prit tout de même la parole.
« Hermione, je dois aller travailler. »
Elle ne répondit rien, attendant qu'il lui demande de partir de chez lui. Elle savait que ça allait arriver, mais elle avait espéré avoir un jour de répit.
« Je voudrais que tu… Je sais que ça ne va pas te plaire, mais… »
Elle attendait la décharge finale, sans rien dire, comme un animal blessé.
« Je voudrais que tu restes ici jusqu'à mon retour. »
Elle resta interdite quelques instants puis le regarda, intriguée.
« Il est hors de question que je te laisse vagabonder dans cet état. Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour moi et ma conscience. J'essayerai de revenir le plus tôt possible, mais je ne peux pas laisser mes protégés une journée de plus… Les autres Dresseurs m'attendent. Est-ce que tu veux bien me promettre que tu seras toujours là à mon retour ? »
Avec un sourire fané et un air de profonde reconnaissance sur le visage, elle acquiesça.
...
Le soir, Charlie fut surpris de sentir une odeur alléchante lorsqu'il rentra chez lui. Il trouva Hermione, debout dans sa cuisine, dans d'autres vêtements à lui - un short et un ancien sweat de Quidditch devenus trop petits - qui faisait revenir dans son vieux fait-tout ce qui ressemblait à des pommes de terre rissolées. Il s'approcha, un sourire aux lèvres, pour lui demander :
« C'est en quel honneur ? »
Hermione sursauta, puis lui sourit aussi et répondit :
« J'ai rassemblé toutes mes connaissances en cuisine pour te remercier de ne pas m'avoir jetée dehors ce matin. »
Charlie rigola doucement et décida de changer de sujet.
« Ça fait longtemps que tu es debout ?
- Pas vraiment, juste le temps peler les patates et d'écrire une ou deux lettres. Pour être honnête, j'ai passé le plus clair de la journée à comater dans le lit. Je… »
Charlie attendit quelques instants, puis demanda :
« Oui ?
- Je suis désolée. Pour hier. Je… je ne cherche pas à excuser mon comportement parce que je n'ai pas à me justifier, mais je suis… mortifiée que tu aies eu à assister à ça. »
Là où d'autres auraient baissé les yeux, elle avait soutenu son regard, assumant pleinement ses actes. Elle était juste gênée de les lui avoir imposés. Plus il la découvrait et moins il comprenait la fuite de son frère : Hermione était une femme forte, comme il l'avait soupçonné, qui assumait son émotivité et son droit de péter un plomb tout en se préoccupant des autres, même quand elle était au fond du trou.
« Pas de soucis. Et puis je crois que mes bébés à écailles t'ont pris pour un prédateur, ils sont restés très calmes aujourd'hui ! »
Elle esquissa un sourire puis se retourna vers les pommes de terre qui commençaient à griller tandis que Charlie se servait une bière et s'adossait à une étagère.
« En parlant de mon job, qu'en est-il du tien ? Nous sommes Lundi, tu avais prévenu le Ministère que tu n'irais pas là-bas aujourd'hui ?
- Si on veut. Je leur ai remis ma démission. »
Charlie manqua de s'étouffer avec sa gorgée de bière.
« Tu as fait quoi ?
- Tu te souviens les lettres que j'ai mentionnées ? L'une d'entre elles était ma lettre de démission.
- Mais… mais pourquoi ?
- Je ne sais pas. Enfin si… en fait j'avais accepté ce travail d'Auror pour des raisons pratiques, par rapport à… par rapport à Ron. Je voulais être avec lui sur les missions dangereuses pour ne pas rester en arrière… je ne voulais pas me retrouver… bref, tu as compris. Sauf que je n'aime pas ce métier. Et le monde est tellement vaste… »
Elle regardait par la fenêtre et son regard se perdit peu à peu dans le vide.
« J'avais oublié à quel point il était vaste, oublié que je m'étais promis de voyager, de faire quelque chose de ma vie. Je m'étais promis de vivre après la guerre. Et regarde où j'en suis ! »
Elle leva ses mains - dont elle avait ôté les bandages - à hauteur d'yeux tandis que des larmes discrètes perlaient au coin de ses yeux.
« Je me retrouve à défoncer des pierres à main nue - enfin, à essayer - parce que cet abruti m'a quittée ! Je suis tellement loin de l'image que je m'étais faite, étant petite, d'une femme qui a réussi sa vie… Je me suis laissée grignoter par l'image que Ron voulait me faire accepter d'une femme parfaite, par la femme qu'il voulait que je sois. Et… ceci était une confession beaucoup trop intime pour la confier à quelqu'un que je ne connais pas tant que ça et qui est le frère de l'incriminé. Désolée. »
Charlie rigola doucement, heureux qu'elle reprenne confiance en elle.
« Et les autres lettres ?
- Une à Ginny et Harry pour leur présenter mes plus plates excuses et pour leur expliquer ce qu'il s'est passé avec mes mots, et une pour rassurer mes parents. Ils étaient présents au mariage, ils ont donc dû entendre parler de la scène.
- Et… que comptes-tu faire maintenant ? Rentrer pour trouver ta prochaine destination ?
- Non. »
Charlie resta interloqué.
« Non ?
- Non.
- Ha.
- En fait… »
Elle fut interrompue par des coups frappés sur la porte. Charlie se doutait de qui lui rendait visite et il se hâta d'aller lui ouvrir sous l'œil interrogateur de la jeune femme : derrière la porte se tenait Harry, une bouteille d'hydromel à la main et l'air soulagé. Il serra brièvement la main de Charlie et se dirigea droit sur Hermione pour la prendre dans ses bras.
« Je suis désolé Hermione. Ginny voulait venir mais sa mère l'a menacée de diverses sanctions terribles si elle ne restait pas pour dire au revoir aux derniers invités Weasley qui partaient ce soir, alors elle m'a confié cette bouteille à la place. »
Il posa ladite bouteille sur le plan de travail tout en continuant de la serrer contre lui et entreprit de lui caresser doucement les cheveux dans un geste qui se voulait rassurant : elle se rendit compte qu'elle avait besoin de cette étreinte, besoin de celui qu'elle considérait comme un frère, et elle se laissa complètement aller à sa tristesse tandis que Charlie ne savait pas quoi faire. Il finit par sortir trois verres, déboucher la bouteille et leur servir une bonne rasade à chacun.
Harry et Hermione se séparèrent et tous trois s'assirent dans le canapé moelleux, essayant de faire honneur au cadeau de Ginny. Hermione ne protesta même pas, sachant qu'elle ne pouvait pas se mettre dans un état pire que l'avant-veille, et accepta avec plaisir la sensation de flottement que lui procurait l'alcool. Harry fut le premier à briser le silence.
« Alors, tu tiens le coup ?
- Pas vraiment. Je me suis essayée à la carrière de casseur de pierre mais visiblement je n'en ai pas la carrure.
- Hein ? »
Hermione mit ses mains en évidence, et on pouvait voir les nombreuses plaies malgré les bons soins de Charlie.
« C'est toi qui a fait ça ?
- On peut dire ça. Il fallait que je me défoule… »
Elle regarda Charlie qui lui fit un clin d'œil.
« Et puis, j'ai démissionné.
- Je sais, Kingsley est venu m'en parler. La question est… pourquoi ? demanda Harry, les yeux pleins d'incompréhension.
- Tu sais bien pourquoi j'ai pris ce boulot Harry… Tu sais pourquoi je ne peux pas continuer. Pas maintenant. Et… est-ce que tu as vu…
- Oui. Il m'a évité une bonne partie de la journée, mais j'ai fini par le rencontrer quand il sortait de notre bureau. Il m'a regardé un moment sans rien dire, il avait l'air de s'en vouloir… Alors je lui ai demandé ce qu'il lui avait pris et il m'a répondu que les choses étaient comme elles étaient, et que ça couvait depuis longtemps. Il regrette d'avoir mal choisi le moment mais il ne regrette pas son… geste. Et là, il est parti sur une mission pour quelques jours. »
Hermione était dévastée. Alors qu'elle était restée au lit, complètement inutile pendant plus de vingt-quatre heures, lui avait été bosser comme si de rien n'était et ne regrettait pas que les choses soient « comme elles étaient ».
« Et ce crétin a-t-il dit quand est-ce qu'il rentrait exactement ?
- … pourquoi ?
- Pour que je lui fasse bouffer son arrogance par les trous de nez ! Je te jure Harry, dis-lui bien de se tenir loin, très loin de moi, parce que si je le croise, je le mettrai en pièces ! Quand je pense à tout ce que j'ai fait pour lui, les compromis que j'ai digérés, les concessions que je me suis forcée à accepter…
- Hermione ! »
Charlie, silencieux jusqu'ici, se manifesta enfin de sa voix ferme.
« Calme-toi. Ni Harry ni moi ne t'avons rien fait, il est inutile de t'énerver contre vents et marées. Ron a mal agi, c'est un fait… Mais ce n'est pas une raison pour laisser son souvenir te pourrir l'existence. Tu étais amoureuse de lui… il va falloir apprendre à vivre autrement. Tu n'as pas le choix.
- Mais… mais j'aimais ma vie.
- Non. Tu aimais Ron, ce qui est différent. Tu m'as dit que tu n'aimais pas ton métier, que tu ne voulais pas retourner vivre à Londres !
- Oui mais…
- Oui mais quoi ? Tu as la chance de pouvoir tout recommencer, tu es jeune, alors fonce ! Harry, ressers nous un peu de cet hydromel. »
L'intéressé s'exécuta, un sourire aux lèvres, content d'être avec quelqu'un qui tenait tête à sa meilleure amie. Ils burent à nouveau tous les trois, mangèrent quelques pommes de terre rissolées, puis burent encore et encore jusqu'à avoir épuisé la bouteille et le fond d'une autre qui contenait du Whisky pur feu. Au milieu de la nuit, Harry réalisa tant bien que mal qu'il lui fallait rentrer et proposa à Hermione de l'emmener en étant passablement éméché.
« Herni… Hermini… Je doiz rentrer… Tviens ? Gin' m'avait dit de de ramener 'vec moi…
- Nooon je veux pas ! lui répondit la jeune femme, plus très fraîche non plus.
- Reste là zi tu veux, proposa Charlie, légèrement plus sobre que les deux autres. J'ai un petit débarras qu'on peut aménager un peu pour te faire une chambre… Et pis moi ça me f'ra de la compagnie… Aloooors ?
- Ouiiii ! s'exclama Hermione en levant les poings au ciel.
- Et on dit… merci quiiii ?
- Merci Charliiie ! »
Les trois compères éclatèrent de rire, et Harry partit d'un pas hésitant en direction de la porte. Il zigzagua sur quelques mètres dehors avant de transplaner comme il le put jusqu'à chez lui, pour trouver une Ginny très en colère.
Charlie aida Hermione à marcher jusqu'à son lit, puis la coucha avant de s'étaler à ses côtés : il ne leur fallu pas plus de quelques instants pour tomber dans les bras de Morphée en émettant des ronflements sonores.
...
...
Hiiii on ne le dira jamais assez, buvez avec modération x)
Bon, une Hermione à ramasser à la petite cuiller, un Ron qui fait preuve d'autant de sensibilité qu'une huître en plastique qui fait pouet (rien de nouveau sous le soleil, je vous le concède) et un gentil Dresseur de dragons. Hum, mais où ceci pourrait-il nous mener?
Mouhahahahahahahaha.
Merci mille fois d'être venus partager cette aventure avec moi !
A Mardiiii, des bisous !
