Hey ! Je suis de retour avec un nouveau one-shot. Cette fois, il n'est pas sur la relation Loight mais sur Linstead ! Je l'ai coupé en deux car il était assez long. Je l'ai écrit sur la chanson Don't let me go (supposément interprétée par Harry Styles). J'espère que sa lecture vous plaira autant que son écriture m'a plue.

Les personnages et l'univers de la série ne m'appartiennent pas. Ils sont l'entière propriété de Dick Wolf, Derek Haas et NBC. Pour le reste, tout appartient à mon imagination.


Jay avait toujours aimé être dans la police. Même s'il y avait des mauvais jours, il appréciait son métier. Ce n'était pas ce dont il avait rêvé plus jeune. Quand il était encore un petit garçon, il voulait être acteur dans son dessin animé préféré. En grandissant, il avait réalisé que c'était impossible. Il s'était alors tourné vers une carrière plus sportive. Le football américain et le hockey lui convenaient assez bien. Il était même plutôt bon et, contrairement à une grande majorité de sportifs, il n'avait pas subi de blessures majeures. Malheureusement, cette vie-là ne lui semblait pas destinée. Les recruteurs ne s'intéressaient pas à lui. Alors, la vie devenant de plus en plus difficile, il s'était choisi une autre voie.

Tout de suite après avoir obtenu son diplôme de fin d'études au lycée, il avait arrêté ses études et avait postulé à l'armée. Il avait été pris et formé en peu de temps. Cela lui avait fait revisiter ses priorités et lui avait permis de voyager dans le monde. Certes, il avait assisté – et participé – à de nombreuses horreurs et injustices dont les images resteraient à jamais gravées dans sa mémoire et ses cauchemars mais ça lui avait aussi permis de faire le point sur lui-même et de se trouver une nouvelle voie. A la fin de son deuxième contrat, il avait été diagnostiqué en sévère stress post-traumatique pour lequel il avait dû être suivi de nombreux mois. Suite à ce diagnostic, il avait quitté l'armée.

Il lui avait fallu passer par de nombreuses difficultés avant de retrouver une vie stable. Sa psychiatre l'avait aidé à se retrouver un logement plus décent que sa miteuse chambre d'hôtel et l'avait forcé à pratiquer de nombreux petits boulots pour qu'il réapprenne à vivre en société. Ça n'avait pas été facile car son esprit avait été conditionné pour réagir en zone de guerre. Le moindre petit bruit pouvait le mettre sur le qui-vive et le pousser à agir de façon trop poussée. Petit à petit, une vie normale s'ouvrait à lui. Il avait alors choisi de s'installer à Chicago et de rentrer dans la police. Après différents passages dans les districts de la ville, il avait été admis au 21 et avait exercé sous le commandement de Trudy Platt tout en rêvant de rejoindre l'unité de Renseignements dirigée par Henry Voight.

Il s'était entraîné dur et avait obtenu les meilleurs résultats possibles pour ce faire. Cependant, tout comme les recruteurs de son adolescence, le sergent paraissait l'ignorer royalement. Quand l'équipe fut démantelée et Hank mis en prison, Jay avait vu ses espoirs s'écrouler. Il avait vu cette équipe d'élite se reconstituer et chercher de nouveaux membres pour la compléter. Une proposition lui avait été faite mais plutôt que de foncer tête baissée, il avait préféré y réfléchir. Antonio était venu le voir plusieurs fois pour le convaincre. Jay avait fini par céder et Antonio s'était porté garant auprès de Voight pour le faire admettre dans l'équipe.

Cela faisait maintenant deux mois qu'il faisait partie des Renseignements et, malgré la méthode Voight qu'il désapprouvait souvent, il s'y plaisait beaucoup. Ce qu'il appréciait le plus dans la police, c'était la possibilité de pouvoir aider les gens. Il avait eu l'occasion de faire beaucoup de bien au cours de sa carrière. Il avait aidé de nombreuses personnes à s'en sortir. Certaines étaient même devenus ses informateurs. Ceux-ci étaient particulièrement précieux pour les enquêtes qu'il menait avec l'unité. Il aurait voulu pouvoir aider tout le monde mais cela se révélait impossible. Pourtant, quand un de ses informateurs l'avait appelé au secours au milieu de la nuit, il n'avait pas hésité à sauter dans sa voiture.

Voilà pourquoi il parcourait les rues tranquilles de Chicago à une heure où même les chiens avaient cessé d'aboyer après les ombres de la nuit avec le pied enfoncé sur l'accélérateur. Il n'avait eu le temps d'enfiler qu'un survêtement, un sweat et une paire de baskets avant de quitter son appartement. Il avait une arme dans sa boite à gants et dans son coffre. Il espérait ne pas en avoir besoin mais sentait que c'était mal engagé. Les mots désespérés qui avaient franchi le téléphone tournaient en boucle dans sa tête et il appuya rageusement sur l'accélérateur pour aller plus vite encore. Il se fichait du nombre d'infractions qu'il commettait tant qu'il arrivait à temps. Son angoisse augmenta au moment où il atteignait les quartiers chauds de Chicago.

Il fut forcé de ralentir l'allure pour ne pas se faire remarquer. Il savait où il devait aller et regrettait que ce soit dans une zone aussi déserte de Chicago. S'il était pris dans une telle partie de la ville, il serait en mauvaise posture. Il devait agir vite et bien. Il repéra bien vite le motel d'où son indic' l'avait contacté. Il rangea rapidement sa voiture sur le parking, glissa son arme dans l'élastique de son pantalon et se rendit à la réception où il montra une photo de la personne qu'il cherchait. Son information en poche, il se dirigea lentement mais sûrement vers la chambre indiquée par le concierge, arme au poing. Des hurlements brisaient le silence nocturne, lui faisant comprendre la gravité de la situation.

_ POLICE DE CHICAGO ! Hurla-t-il en tambourinant à la porte.

Les hurlements continuèrent et personne n'obtempéra. La seule réponse que put obtenir Jay, ce furent les trois balles qui traversèrent la porte. Le suspect était armé et dangereux. Son indic' était vraiment en danger. Il devait agir. Mais comment faire sans prendre une balle perdue ?

D'aussi loin qu'elle se souvenait, Erin Lindsay avait toujours détesté sa vie. Elle était la fille d'une mère alcoolique et droguée et d'un père inconnu. A peine née, elle avait vécu l'Enfer. Elle avait toujours dû se battre contre cette idée que sa vie ne valait pas la peine d'être vécue. Elle avait essayé de vivre comme une petite fille normale en allant à l'école ou en se faisant des amies. Cependant, les fréquentations peu recommandables de sa mère avaient eu une influence sur elle. Elle n'était qu'une enfant mais elle vivait comme une adulte. A huit ans, elle était plus lucide de la plupart des enfants. C'était elle qui s'occupait de sa mère, qui nettoyait son vomi et allait chercher ses doses.

Etant encore jeune, elle s'était retrouvée dans bon nombre de magouilles à cause de sa naïveté. Elle prenait lentement le pli de la rue mais continuait malgré tout d'aller à l'école. Une partie d'elle tenait à suivre un cursus normal bien que cela devienne difficile de concilier vie scolaire et vie de la rue. Elle avait souvent été convoquée dans le bureau de la directrice de l'école mais n'avait jamais parlé ou laissé voir sa situation. C'était un secret qu'elle gardait enfoui au plus profond d'elle. Si les gens savaient la vérité, elle serait séparée de sa maman. Même si elle n'était pas un parent exemplaire, elle restait sa mère et elle avait toujours besoin delle. Elle ne voulait pas être placée dans une autre famille.

Erin n'avait pas vraiment de rêve si ce n'est celui d'avoir une meilleure vie. Elle voulait que sa mère se reprenne en main et qu'elle s'occupe d'elle comme les mamans normales qu'elle voyait à l'école. Oh, oui. Elle voulait que Bunny devienne ainsi mais ce n'était pas dans ses projets immédiats alors Erin continuait de nettoyer le vomi, de faire le coursier et de fermer les yeux sur les hommes qui venaient régulièrement. Elle avait toujours eu peur que l'un d'eux ne vienne dans sa chambre pour lui faire la même chose. Même quand elle fermait les yeux très fort et qu'elle se bouchait les oreilles, elle les entendait encore. Parfois, elle en faisait des cauchemars et finissait par rester éveillée pendant des heures en espérant voir disparaître les images et les bruits.

Elle avait onze ans quand son cauchemar était devenu réalité. Elle avait eu beau hurler, pleurer et supplier, rien n'y a fait. Sa propre mère n'était même pas intervenue pour la protéger, ni pour empêcher la souillure de sa fille. Il lui avait fallu des semaines pour s'en remettre et des mois pour arrêter de se dire qu'elle était sale et dégoûtante. Après ça, elle avait quitté la maison, ne supportant plus d'être hantée par les souvenirs et la peur que ça recommence un jour. Elle avait appris à survivre dans la rue en volant pour manger et en faisant deux-trois tâches pour des gars pas très recommandables. Ça lui rapportait un peu d'argent et lui permettait de rester loin de sa mère qui l'avait à peine recherchée après son départ.

C'était dans cette période d'instabilité qu'elle avait rencontrée Charlie. Contrairement aux autres, il avait senti son potentiel. Il l'avait alors prise sous son aile et hébergé dans son modeste domicile. Ils avaient trois ans d'écart mais s'entendaient comme larrons en foire. Elle travaillait pour lui en sachant que sa sécurité était assurée. Quiconque levait la main sur elle le regretterait amèrement. Charlie et elle finirent par sortir ensemble comme un couple presque ordinaire. Elle continuait d'effectuer les missions qu'il lui donnait sans se méfier malgré des demandes de plus en plus exigeantes et des conditions difficiles à remplir. Ça avait duré jusqu'à ce qu'elle soit prise au milieu d'une intervention policière et arrêtée par le sergent Voight.

Elle avait été enfermée dans une cellule au district 21 sous la surveillance d'un détective de Voight. Ce dernier venait régulièrement pour la forcer à parler mais elle ne disait jamais rien malgré les menaces et les marchés qu'il faisait. Il n'avait jamais rien obtenu d'elle. Pourtant, il avait réussi à remonter jusqu'à Charlie et à l'arrêter. Quand son petit-ami l'avait revue, il l'avait accusée d'être derrière tout ça, l'avait reniée et l'avait menacée de mort. Elle en avait été profondément attristée et avait blâmé Voight d'avoir détruit sa vie. Elle lui avait même craché dessus quand il l'avait libérée sans garder de charges contre elle. Plus tard, lorsque Charlie s'était enfui de sa cellule, Voight avait voulu la mettre sous protection. Elle avait répliqué en disparaissant dans la nature.

Aux alentours de ses dix-sept ans, elle était revenue à Chicago et avait appris la mort de Charlie et la reprise en main de sa mère. Elle était persuadée que Charlie était revenu pour elle mais que Voight n'avait pas vu les choses de la même façon. Quant à sa mère, Erin n'avait même pas voulu la voir. Cette femme était à l'origine de tous ses malheurs. Après le départ de Charlie, elle avait pris tous les mauvais penchants de sa génitrice dont l'alcoolisme, l'addiction à l'héroïne et la prostitution. Il n'avait pas été facile de se faire un nom avec Voight sur le dos. Sitôt qu'il avait appris son retour, il était venu traîner dans ses quartiers pour la trouver. Elle avait très bien su lui faire comprendre qu'elle ne voulait pas de son aide. Malgré tout, elle avait senti qu'il ne lâchait pas l'affaire.

Les années passant, elle n'avait plus eu de nouvelles de lui. Pourtant, de nombreuses fois, des officiers en uniforme avaient fait des descentes dans le quartier. Elle avait toujours eu le réflexe de se cacher et d'observer de loin. Seulement, une fois, elle avait été aux prises avec un client mécontent quand ils étaient arrivés. Elle n'avait pas pu s'enfuir et le type la menaçait d'un couteau. Un officier était intervenu et l'avait sortie de là. Elle était encore sous le choc quand il lui avait posé son blouson sur le dos et l'avait entraînée à l'arrière d'un camion des urgences pour s'assurer qu'elle allait bien. Contrairement à Voight, elle sut tout de suite qu'elle pouvait lui faire confiance. Elle avait accepté son numéro de téléphone et appris qu'il s'appelait Jay Halstead.

Ils s'étaient revus sur d'autres interventions et il finissait toujours par la sortir d'une situation dangereuse. Elle refusait pourtant de quitter le quartier et ses activités bien que Jay insistât pour qu'elle le fasse. Comme elle était parfaitement bornée, il n'avait pas pu la faire changer d'avis mais était parvenu à faire un marché avec elle : il promettait de l'aider à soigner ses addictions si elle devenait son informateur. Elle n'avait pas accepté de suite mais avait fini par céder devant son insistance. Peu à peu, ils avaient construit une véritable relation de confiance. Erin était maintenant guérie de ses addictions au grand damne de son mac. Quand celui-ci avait débarqué cette nuit-là en la menaçant d'une arme, elle avait discrètement appelé Jay.

Maintenant, elle priait pour qu'il arrive vite. Elle avait déjà essuyé quelques coups et son boss n'allait pas s'arrêter là. Il la plaqua brutalement sur le sol et l'immobilisa pour qu'elle ne bouge plus. Elle rua pour se dégager mais ne put rien faire. Quand il sortit de sa poche une boite de comprimés, elle comprit ce qu'il avait l'intention de faire et se débattit tout en serrant les dents.

_ Il est grand temps que tu apprennes à obéir aux ordres qu'on te donne, Erin Lindsay. Cette fois, tu ne pourras pas te défiler.

La lueur cruelle qui brillait dans ses yeux ne rassurait pas la jeune femme. Il tenta de lui fourrer des pilules dans la bouche mais elle secoua la tête pour l'en empêcher. Excédé, il la gifla et lui pinça le nez. Elle fut obligée d'ouvrir la bouche pour respirer. Il en profita pour y mettre les pilules et la força à les avaler en posant sa main sur sa bouche.

_ …

_ Tu seras toujours ma propriété et personne ne pourra jamais t'arracher à moi !

_ Je ne ferais plus jamais rien pour toi ! Cracha-t-elle en retour.

Elle se débattit de plus belle et reçut tout autant de coups qu'elle en donnait. Quand il chercha à la violer, elle se mit à hurler dans l'espoir que quelqu'un viendrait à son secours. Le motel appartenant au mac, il y avait très peu de chance. L'espoir d'Erin remonta en flèche quand des coups furent frappés à la porte.

_ POLICE DE CHICAGO ! Entendirent-ils en plus des coups à la porte.

_ Tu as appelé les flics, sale chienne !

Coups, insultes et hurlements redoublèrent. D'un coup, le mac sortit l'arme coincée dans la ceinture de son pantalon, frappa la tête d'Erin avec la crosse et tira trois balles dans la porte. Ce sale flic ne rentrerait pas ici vivant. Erin ne devait espérer aucun secours.

Jay s'était éloigné de la porte en entendant le premier coup de feu. La balle n'avait eu le temps que de lui effleurer la cuisse. Elle avait déchiré le tissu de son pantalon sans toucher à la peau. Il avait eu de la chance. Néanmoins, il doutait qu'Erin ait cette même chance. Il avait entendu les hurlements, les coups et les insultes. Ce type était en train de la battre à mort, aussi bien physiquement que mentalement. Il devait intervenir mais ne le pouvait pas sans renfort. S'il essayait, il se verrait troué de toutes parts. Aussi silencieusement que possible, il se retira à sa voiture. Il était étonné de ne pas voir de badauds aux fenêtres suite aux coups de feu. A croire qu'il n'y avait personne dans ce motel bas de gamme. Une chance.

Jay monta dans sa voiture et la démarra. Il quitta le parking du motel et alla se garer hors du champ de vision du bâtiment. Là, il ouvrit le coffre, enleva son sweat et passa un T-shirt. Il récupéra sa deuxième arme, celle qu'il gardait cachée avec la roue de secours et vérifia le nombre de balles du chargeur. Il n'avait plus qu'à enfiler son gilet pare-balle mais, avant ça, il avait besoin de renforts. Il ne voulait pas que toute l'équipe intervienne. Un trop grand nombre de flics effrayeraient le mac qui pourrait alors blesser Erin plus qu'il ne l'avait déjà fait. Il n'avait besoin que d'une seule personne pour le couvrir. Il savait exactement qui et, même s'il risquait de le regretter, il n'hésita pas à prendre son téléphone pour passer l'appel.

_ Voight, lui répondit-on aussitôt.

_ Un de mes indic' vient de m'appeler au secours.

_ Je suppose que tu es déjà sur place.

_ Je n'ai pas pu entrer dans la chambre. Mon indic' n'est pas seule. Elle est avec un fou furieux violent et armé. Je lui ai fait croire que j'avais quitté les lieux. Ça me laisse le temps de m'équiper.

_ Va droit au but, Halstead.

_ J'ai besoin de renforts.

_ Tu veux l'équipe ?

_ Non, juste vous. Et un véhicule de secours.

_ Envoie-moi l'adresse. Je suis sur le chemin.

_ Pas de problème.

_ Ne fais pas de conneries, Halstead.

Voight raccrocha. Jay rangea son téléphone après lui avoir envoyé l'adresse et enfila son gilet pare-balle. Il prit son arme de secours, ferma le coffre et retourna au motel, toujours en silence. Il se posta près de la chambre où était retenue Erin et observa les alentours en gardent les oreilles tendues. Il ne devait pas bouger avant l'arrivée de Voight. A l'intérieur de la chambre, il entendait des murmures. Il avait grandement envie d'intervenir pour tirer Erin de là mais l'opération n'était pas sans danger. Que faisaient-ils là-dedans ? Le mac avait-il profité de son départ pour la blesser ou plus encore ? L'inquiétude le rongeait. Que ferait-il si… Il avait promis de la protéger. Il ne pouvait pas échouer.

Alors qu'il continuait d'observer les alentours en attendant Voight, du bruit se fit entendre dans la chambre, comme une bagarre. Puis, encore une fois, Jay entendit les protestations d'Erin. Au moins, elle était encore en vie. Mais ça voulait aussi dire que son mac était toujours là et qu'il lui faisait du mal. Quand elle se remit à hurler après son mac, Jay ne put pas attendre plus longtemps. Il enfonça la porte d'un coup de pied et braqua son arme sur l'homme qui se tenait au-dessus d'Erin sur le lit. Aussitôt, le mac se releva en emportant sa victime. Il la retint prisonnière et lui colla le canon de son arme sur la tempe. Un sourire mauvais s'étira sur ses lèvres tandis que Jay découvrait le visage tuméfié de son indic'.

_ Lâchez cette arme tout de suite ! Fit Jay, hors de ses gonds.

_ Toi, lâche-la !

_ Il n'y a pas moyen que ça arrive !

_ Si tu ne le fais pas, je lui explose le crâne !

_ Alors, plus rien ne me retiendra de te descendre.

_ Si tu tenais vraiment à cette salope, tu aurais baissé ta putain d'arme !

_ Rien ne me dit que tu la laisseras partir, même si je baisse mon arme.

_ Pas faux. Je préfère la voir morte qu'aux mains d'un autre.

Jay plongea son regard dans celui d'Erin. Elle était terrifiée. Aussi pourrie sa vie était-elle, elle tenait à la vivre encore un moment. Il sentait qu'elle mourait d'envie de se défendre mais qu'elle ne le faisait pas à cause de l'arme que son mac tenait braquée contre sa tempe. Le cran de sécurité était enlevé et il jouait avec la gâchette, espérant forcer Jay à lâcher son arme pour sauver la vie d'Erin. Celle-ci était déjà bien amochée. Du sang coulait le long de son visage et des marques rouges s'étalaient jusqu'à son cou et ses bras. Le type l'avait brutalisée mais pas seulement. Ses yeux brillaient mais pas seulement à cause des larmes. Cet enfoiré lui avait fait autre chose. Quelque chose qui la faisait se sentir désespérée et vaincue. Erin Lindsay était toujours apparue comme une femme forte aux yeux de Jay, même dans la difficulté, mais cette nuit, elle était abattue. Au fond d'elle, elle ne pensait pas qu'il y ait une porte de sortie. Comment allait-il lui prouver le contraire ?

Après les trois coups de feu, le silence était retombé sur le motel et dans la chambre. Erin était toujours allongée sur le sol, étourdie par le coup qu'elle venait de prendre. Son mac l'avait lâchée et s'était rapproché de la porte. Les coups de feu n'avaient pas eu de réponse. Jay n'avait plus rien dit. Avait-il été touché ? Pourquoi ne répliquait-il pas ? Erin commençait à paniquer. Cet homme était le seul à pouvoir la sauver. S'il n'était plus là, comment allait-elle s'en sortir ? A qui allait-elle faire confiance ? Son mac était posté près de la porte. Il écoutait attentivement. S'attendait-il au retour de Jay ? Savourait-il sa victoire ? Les larmes coulèrent sur les joues d'Erin. Elle sentait son espoir s'étioler au fil des secondes qui s'écoulaient. Elle entendit une voiture quitter le parking et son cœur s'arrêta. Il était parti, il l'avait abandonnée à sa condition. Le mac revint sur elle et lui attrapa brutalement le menton d'une main.

_ On dirait que ce n'est plus que toi et moi, dearie.

_ …

_ Ton copain le flic vient de t'abandonner. Qu'est-ce que ça fait de se sentir trahie ?

_ …

_ Ne t'en fais pas. Je reste là, ajouta-t-il en caressant le visage d'Erin de sa main libre.

Quand elle tourna la tête pour échapper à ce geste, il le prit comme un geste de provocation et s'énerva de nouveau. Il se leva et regarda la femme à ses pieds. Elle ne pouvait pas bouger en raison de la douleur de sa tête. Il la regardait comme on regardait un déchet et elle détestait ça. Elle détestait qu'on lui donne raison, qu'on la regarde comme si elle ne valait rien, comme si elle était inutile. Elle ferma les yeux pour ne plus voir ce reflet d'elle-même, cet échec de sa vie. Le mac lui cria quelque chose qu'elle s'efforçait tant bien que mal de ne pas entendre. Il lui rappelait sa misérable condition. Il martelait ses mots pour la blesser plus profondément que n'importe quelle arme. Et elle le croyait. Elle n'était qu'une vulgaire merde qu'on se contentait de baiser pour se rappeler pourquoi il ne fallait pas finir comme elle. Comme elle ne réagissait pas aux insultes, il commença à la frapper. D'abord à coups de pieds. Puis avec les poings. A bout, Lindsay finit par lâcher prise.

_ …

_ Tu ne vaux même pas la peine que quelqu'un s'intéresse à toi. Le monde se porterait bien mieux si tu en disparaissais. Mais avant, tu vas encore faire quelque chose pour moi.

Quand Erin ouvrit de nouveau les yeux, elle était étendue sur le lit de la chambre du motel. Elle eut du mal à se souvenir de ce qui s'était passé plus tôt. Une douleur lancinante lui vrillait le crâne et la lumière crue de la pièce n'arrangeait pas les choses. Si la douleur s'accentuait, elle allait être malade. Il lui fallait procéder méthodiquement. Elle commença par refermer les yeux et chercha à rassembler les pièces du puzzle éclaté de sa mémoire. Alors qu'elle portait une main à son front pour se masser la tempe, elle entendit un de ses os craquer et une autre douleur insupportable se lancer dans sa cage thoracique. Elle en eut le souffle coupé. Elle essaya de se tourner sur le côté pour se calmer mais la douleur n'en fut que plus forte encore. Alors, elle resta immobile à suffoquer en espérant que quelqu'un ou quelque chose viendrait la soulager. Le manque d'air lui brûlait les poumons quand le visage de son mac entra dans son champ de vision. Elle tendit la main vers lui.

_ De… L'aide… réussit-elle à articuler.

_ Bien sûr que je vais t'aider. Ce serait dommage que tu meures maintenant.

Il attrapa sa main et se pencha vers elle. Il colla ses lèvres contre les siennes. Ce simple geste la dégoûta mais elle avait tellement mal qu'elle ne put pas se dégager. Le contact lui donnait sérieusement envie de vomir. Elle lui refusa l'accès à l'intérieur de sa bouche. Alors, elle croisa les yeux de son mac. Elle vit l'excitation mêlée à la colère et prit peur. Elle n'aimait pas ce regard. Elle l'avait bien trop souvent vu sur d'autres clients dont elle n'avait pas voulu satisfaire la demande. Il allait tenter de prendre l'avantage sur elle. Vu l'état de faiblesse dans lequel elle se trouvait, il ne devrait pas avoir trop de mal. Que ferait-il une fois qu'il aurait eu ce qu'il voulait ? Dans l'état où elle était, plus personne ne voudrait d'elle. Elle ne rapporterait rien. Allait-il se débarrasser d'elle comme il l'avait fait avec d'autres filles ? Sitôt qu'elles devenaient un fardeau, il les faisait disparaître. Si quelqu'un s'avisait de poser des questions, il subissait le même sort.

Erin fut d'autant plus terrifiée. Elle avait défié son autorité et refusé ses avances. Elle avait tout fait pour le contrer alors il allait se débarrasser d'elle. Mais avant ça, il allait prendre son dû. Vu qu'elle n'était pas disposée à le faire de plein gré, il devrait le faire de force. Elle balbutia des supplications en espérant le faire changer d'avis. Peine perdue. Il la chevaucha, attrapa ses poignets et les maintint au-dessus de sa tête tandis qu'il coinçait ses jambes entre ses genoux. De sa main libre, il arracha son t-shirt et fit glisser ses doigts le long de la peau blanche de sa poitrine. Le simple fait qu'il la touche la fit frémir de dégoût et quand sa bouche succéda à ses doigts, elle ne put en supporter davantage. Elle recommença à se débattre en hurlant. Il était peu probable que quelqu'un vienne à son secours. Elle allait mourir ce soir mais elle ne voulait pas que ça se passe de cette façon. Elle ne voulait pas être souillée une nouvelle fois.

A peine avait-elle pensé ça que la porte s'ouvrit avec grand fracas. Le mac se retira brutalement d'elle et se leva en l'entraînant. Tout se passa si vite qu'elle en était étourdie et la douleur était plus forte que jamais. Elle entendait des hurlements mais ne parvenait pas à comprendre ce qui se disait. La pièce tournait beaucoup trop vite autour d'elle et elle était consciente du canon de l'arme plaqué contre sa tempe à lui en imprimer le motif. Le moindre geste brusque la mènerait à l'abattoir. Elle était fichue. Elle leva les yeux et croisa ceux de Jay. Il était concentré sur sa cible mais s'assurait qu'elle se sentait bien. Les yeux plantés dans les siens, elle sentit sa panique intérieure se calmer et le temps ralentir considérablement. Même si elle ne s'en sortait pas vivante – elle pariait dessus à 99% – Jay arrêterait son mac. Il arrêterait son meurtrier et elle serait vengée et en paix. Jay parut cependant comprendre son intention.

_ Non ! Hurla-t-il, impuissant.

La scène qui suivit parut au ralenti aux yeux d'Erin mais fut pourtant très rapide. Prenant son courage à deux mains, elle écrasa le pied de son mac qui la relâcha en pestant. Elle en profita pour se sauver. Il la visa avec son arme. De nouveaux hurlements traversèrent la chambre et il y eut un coup de feu. Puis un deuxième. La détonation déchira l'air et résonna longtemps dans le silence nocturne. Erin en avait les oreilles qui sifflaient. Avait-elle été touchée ? Elle ne le savait même pas. Tout se passait si lentement. Elle semblait avoir perdu la notion du temps. Cette nuit comptait comme l'une des plus longues de toute sa vie. L'une des plus douloureuses aussi. Elle ne savait pas ce qui venait de se passer mais elle ne se sentait si tremblante qu'elle dut s'agripper au bord du lit pour ne pas tomber. Le vent nocturne vint lui caresser le visage. C'était fini. Maintenant, elle le savait. Elle était libre et ne put s'empêcher d'en sourire avant de s'effondrer.