- Otsukare sama desu!

- Ca, pour du bon boulot… Bon sang, j'ai cru qu'on allait mourir de chaud sur cette scène. Quelle canicule ! Tu imagines cette tragédie, si à l'issue du concert il n'était plus resté de moi qu'une malheureuse flaque ?

- On aurait eu droit à un jour de deuil national, au minimum…

- Pourquoi est-ce que je te soupçonne d'être légèrement moqueur ?

- Moi ? Voyons, je n'oserais jamais.

Yoshiki se sentait plutôt d'humeur joyeuse. Les concerts de la veille et de l'avant-veille avaient été de véritables réussites ! Naturellement, il était beaucoup moins stressant pour le groupe d'assurer un live, même de deux jours, à Yokohama, au Japon, où leur réputation n'était plus à faire et où ils avaient un public de fans indéfectibles déjà assuré, que par exemple aux Etats-Unis, où ils devaient encore percer… Pourtant, si l'enjeu était moindre, le sentiment de soulagement et même d'euphorie post-concert demeurait. D'abord, on n'était jamais à l'abri d'un problème, et puis, perfectionniste comme il l'était, Yoshiki n'était pas du genre à se reposer sur ses lauriers ou à considérer un succès comme acquis. Ensuite, la réunion le temps d'un concert avec Taiji, leur ancien bassiste, aurait pu se dérouler de façon, disons, houleuse. Certes, ils n'étaient pas à couteaux tirés, mais enfin on ne pouvait toujours pas qualifier ses relations avec certains membres du groupe de cordiales… Et ils avaient beau tous être des professionnels prêts à prendre sur eux pour assurer le show, faire preuve de complicité et de naturel devant un public de 10 000 personnes n'avait pas été évident pour tout le monde.

Bref, chaque concert réussi était une victoire, et ils avaient décidé de célébrer dignement leur succès même si pour différentes raisons, l'épuisement physique n'étant pas la moindre, ils avaient dû remettre les festivités au lendemain. C'est pourquoi ils étaient actuellement en train de prendre un pot dans un bar, devisant gaiement et savourant ce moment de détente au milieu d'un programme de travail des plus chargés.

oOOoooOOOoooOOo

Yoshiki se leva et se dirigea vers les toilettes. Alors qu'il soulageait sa vessie, il entendit une voix masculine qui se rapprochait… La voix de quelqu'un qui était en train de chanter particulièrement faux. Un homme à l'allure plutôt androgyne fit enfin irruption dans la pièce, légèrement titubant, et continuant de massacrer si allègrement une chanson que l'identification aurait sans doute requis une autopsie. Pour le malheur de Yoshiki, l'inconnu vint se positionner devant l'urinoir juste à côté du sien, ce qui lui permit au passage de constater que l'haleine de ce compagnon imposé empestait la vodka à 10 mètres.

Le leader de X Japan ne put s'empêcher de plisser le nez avec une expression de léger dégoût. Son voisin tourna vers lui un visage aux traits curieusement agréables, mais qui pour l'heure affichait le regard un peu vague et l'expression de joie béate d'une personne bourrée comme un coing (Yoshiki se fit la remarque que si le type arrivait à viser l'urinoir plutôt que ses chaussures, l'évènement tiendrait à moitié du miracle) et lui demanda, d'une voix légèrement pâteuse :

- On s'connaît ?

Merveilleux, voilà que maintenant il se faisait aborder aux toilettes par des mecs saouls…

- J'en doute », répondit-il d'un ton sec sensé signifier à l'autre que la conversation était terminée.

Hélas, les neurones de l'homme avaient dû mourir noyés dans l'alcool depuis déjà un moment, car il ne sembla pas avoir saisi le message subliminal et loin de se décourager, poursuivit :

- Siiiiiiiiiiii, votre tête me dit quequ'chose, j'vous juuuuuuuuure…

Et le voilà qui se pencha vers Yoshiki jusqu'à ce que leurs nez ne soient plus distants que d'une dizaine de centimètres.

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Aoi, qui avait eu la présence d'esprit de s'en tenir aux bières, était encore suffisamment lucide pour se faire la réflexion qu'Uruha était parti pisser depuis déjà un bon moment, et il commençait à s'inquiéter. Il hésitait néanmoins à laisser Reita seul – prenant, au passage, intérieurement note du fait que le mélange vodka orange/RedBull n'était de toute évidence pas une riche idée – mais le souci grandissant qu'il se faisait pour l'autre guitariste finit par l'emporter. Uruha était bien imbibé quand il s'était levé, et pour ce qu'il en savait il était peut-être en train de vomir tripes et boyaux. Il fit donc signe à son compagnon qu'il n'en avait pas pour longtemps et se dirigea à son tour vers les toilettes.

Le spectacle qui l'y attendait quand il poussa la porte le paralysa un instant d'horreur.

oOOoooOOOoooOOo

D'abord, Uruha était à moitié vautré sur un autre homme. Aoi hésitait à se réjouir du fait qu'il ne s'agisse visiblement pas d'une tentative de viol de sa part, mais plutôt d'une nécessité pour conserver son équilibre - ne serait-ce que parce qu'au vu de son expression, la victime vivait cette invasion de son espace vital avec autant d'enthousiasme que si cela avait été le cas.

Et c'était là que résidait l'autre problème : le visage de ladite victime. Parce qu'à moins qu'Aoi ne soit dans un état d'ébriété bien plus avancé que ne le laissait présager l'absence d'éléphants roses dans son champ de vision, la personne à qui Uruha s'accrochait comme Gene Kelly à son réverbère n'était jamais que l'une des plus célèbres du Japon.

Une poussée d'adrénaline tout à fait opportune permit au musicien de bondir en avant pour tenter de briser l'étreinte d'un Uruha beaucoup trop joyeux.

- Yuu-kuuuuuuun ! Tu trouves pas qu'y ressemble à quelqu'un ? » l'interrogea l'autre guitariste, qui semblait malheureusement avoir décidé de passer en mode koala.

A vrai dire, le plus âgé avait fort à faire : batailler pour dénouer les bras de son ami tout en lui lançant des regards sensés le faire taire, et balbutier des excuses, cramoisi et mort de honte, à… l'autre.

« L'autre » qui visiblement perdait patience et n'allait pas tarder à le faire savoir avec force !

C'est donc un Aoi désespéré qui réussit finalement à faire lâcher prise à Uruha, lequel, hélas, s'effondra aussitôt sur lui de tout son poids. Tentant de ne pas perdre à son tour l'équilibre – il n'aurait plus manqué qu'ils chutent par terre comme une rangée de dominos ! – il jeta un coup d'œil inquiet par-dessus l'épaule de son ami complètement hilare, et constata avec surprise que maintenant qu'il était libéré de l'étreinte d'Uruha « je-m'accroche-à-toi-comme-le-lierre-à-un-chêne », le troisième homme, après avoir prudemment établi entre eux une distance de sécurité, les contemplait avec dans le regard un mélange de dérision mais aussi de compassion. Compassion qu'au passage, Aoi estimait entièrement mériter, vu que c'était lui qui allait devoir jouer les baby-sitters et s'assurer qu'Uruha-le-koala et Reita-le-kangourou (le mélange vodka orange/Redbull, définitivement à proscrire, disions nous !) rentrent chez eux sains et saufs…

Yoshiki hésitait à proposer à son tour son aide à l'homme brun que la providence lui avait envoyé. Bon, une fois remis de sa surprise, il aurait sûrement réussi à se dépêtrer de la grande perche imbibée qui se cramponnait à lui, mais ça ne voulait pas dire que l'intervention de son compagnon n'avait pas été la bienvenue ! Et visiblement, il allait avoir quelques difficultés à le ramener, où qu'il aille, à moins de l'assommer et de le traîner ensuite comme un sac de pommes de terre… D'un autre côté, ça ne concernait clairement pas le batteur, et puis il ne débordait pas franchement d'enthousiasme à l'idée de se rapprocher à nouveau de M. Vodka.

Il en était à peu près à ce point de ses réflexions quand la porte des toilettes s'ouvrit à nouveau, cédant cette fois-ci le passage à un Toshi au visage légèrement inquiet.

- Yoshiki ? Qu'est-ce tu… » commença-t-il avant de s'interrompre, surpris, en avisant les deux autres hommes. « Vous avez besoin d'aide ? Votre ami a fait un malaise ? » proposa-t-il d'un ton concerné et aimable à Aoi, lequel commençait à chanceler sous le poids de l'autre guitariste.

Yoshiki se mordit les lèvres pour ne pas ricaner. Toshi et sa politesse pleine de bonne volonté, qui préférait toujours accorder aux autres le bénéfice du doute, quitte à ignorer, comme dans le cas présent, tous les indices qui jouaient en leur défaveur, si évidents qu'ils soient (et à ce stade, honnêtement, il aurait aussi bien pu s'agir de ces panneaux de signalisation lumineux qui clignotent en rouge !)…

Aoi n'en menait pas large. Non content de se ridiculiser devant UNE célébrité – et pas n'importe laquelle ! Un membre de X Japan ! Le leader, qui plus est ! Un type qui était une véritable légende vivante, et que comme tout musicien japonais, Aoi admirait et considérait un peu comme une modèle, même si leur instrument différait… - , voilà qu'il s'affichait devant une DEUXIEME ! Franchement, il aurait préféré mourir que de demander de l'aide ! D'un autre côté, si on analysait la situation avec lucidité (et le fait que présentement son ami glousse tout en l'étranglant à moitié rendait toute tentative de se voiler la face difficile)… Il allait avoir du mal à s'occuper de ses deux collègues, vu leur état respectif.

Il fut donc contraint de faire contre mauvaise fortune bon cœur et, ravalant son embarras, accepta la proposition qui lui était faite.

- C'est-à-dire que… Oui, ça serait très aimable de votre part. » soupira-t-il.

Toshi passa donc un des bras du blond autour de son cou tandis que Aoi faisait de même de l'autre côté, et à eux deux ils entreprirent de soutenir un Uruha totalement instable qui, pour leur plus grand malheur, avait décidé de se remettre à chanter. Le groupe tituba vers la porte avec difficulté, compte tenu de la configuration peu optimale du trio : du haut de ses presque 1 mètre 80, Uruha dominait tout de même ses deux compagnons, il pesait également plus lourd qu'eux malgré sa silhouette fine, et là, il avait décidé de s'avachir sur leurs épaules de toute sa masse et de traîner les pieds pour couronner le tout.

Aoi avait beau adorer son camarade, la patience et le stoïcisme n'avaient jamais été les traits les plus marquants de sa personnalité, et il commençait franchement à avoir des pulsions meurtrières. En fait, n'eut été la présence de témoins oculaires, il lui aurait sûrement collé une paire de claques, histoire de voir si ça le faisait dessaouler en plus de soulager ses nerfs… Mais en l'occurrence, témoins oculaires il y avait, et ils étaient déjà suffisamment passés pour des psychopathes aux yeux de ces derniers sans qu'il y ait besoin d'en rajouter encore une couche. C'est pourquoi le malheureux guitariste se contenta de serrer les dents et entreprit de prendre son mal en patience – Toshi le faisait bien, lui !

Les trois hommes continuèrent donc cahin-caha leur progression dans le couloir, escortés par un Yoshiki en mode touriste – à la réflexion, il était curieux de savoir comment cette improbable équipée allait s'achever.

C'est péniblement qu'ils finirent par atteindre, le souffle un peu court, la pièce où les membres de The Gazette avaient débuté leur soirée – ce qui leur fut du reste confirmé quand, manquant d'assommer Toshi au passage, la porte fut brutalement ouverte sous la poussée enthousiaste d'un Reita toujours aussi bondissant.

Aoi retint de justesse un gémissement de désespoir. Jusque là, une toute petite part de lui espérait encore, envers et contre tout, que le bassiste aurait par miracle un peu décuvé quand ils le retrouveraient… Ses rêves venaient hélas d'être sauvagement piétinés par la réalité cruelle.

Sa déception dû se lire sur son visage, car Reita le fixa quelques secondes avant de s'exclamer, d'une voix légèrement pâteuse :

« Yuu-kun ! T'as l'air triiiiiiste ! »

Et avant que le pauvre guitariste ne puisse réagir, il se retrouva à moitié broyé par une accolade qui se voulait réconfortante, tandis que son compagnon expliquait avec sérieux :

« Faut pas, tu vois ? Regarde, je t'aime ! »

Avisant le gloussement d'Uruha sur sa gauche, il finit par relâcher son étreinte, libérant enfin le brun qui commençait à suffoquer, et précisa, généreux :

« Je t'aime aussi tu sais ? Tu le sais, hein ? », avant de le serrer à son tour dans ses bras.

Toshi ne pouvait s'empêcher de contempler la scène avec une sorte de fascination horrifiée, les yeux écarquillés et le bouche ouverte. Bien mal lui en prit d'ailleurs : le bassiste se tourna vers lui, et au désespoir d'un Aoi qui se demandait si le cauchemar allait un jour prendre fin, s'enquit avec curiosité :

« Tu veux un câlin toi aussi ? Tu sais, je te connais pas mais je t'aime quand même ! ».

Et le malheureux chanteur se retrouva vigoureusement enlacé avant d'avoir pu émettre la moindre protestation, sous le regard moqueur de Yoshiki, lequel était resté sagement en retrait.

Pas qu'il soit incapable de compassion, naturellement, mais disons qu'en plus d'éprouver la satisfaction de voir qu'il n'était pas le seul à souffrir ce soir, il appréciait l'ironie de la situation. Yoshiki était en effet plutôt enclin à juger les gens avec une certaine sévérité, que certains auraient peut-être même été jusqu'à qualifier de dureté… Etant au moins autant sinon plus exigeant avec lui-même qu'avec les autres, il pouvait sans doute se le permettre, mais bien qu'ayant confiance en la lucidité de son propre jugement, il ne pouvait s'empêcher d'admirer et même en un sens d'envier à Toshi sa générosité et sa gentillesse dans le domaine des relations humaines… Du coup, il aimait bien de temps à autre voir son ami d'enfance pâtir (tant que cela restait superficiel, bien évidemment) des conséquences de cette confiance qu'il accordait un peu trop aveuglement à autrui… Histoire de se prouver que sa propre réserve avait également du bon et qu'il n'était pas qu'un vieux con aigri.

C'est sans doute pour cette raison que le chanteur ne fut pas sauvé des bras de Reita, qui décidément débordait d'affection, par son leader, mais par un Aoi qui se demandait sérieusement s'il allait survivre à l'humiliation de cette soirée.

« - Ryô-kun, c'est bon, je crois qu'il a compris le message ! Tu nous laisses rentrer maintenant ? » grogna-t-il, sentant ses nerfs le lâcher pour de bon.

« -T'es fâché… » constata son ami, sans du reste se pousser d'un iota pour leur céder le passage. « Pourquoi t'es fâchéééé ? » geignit-il avec une expression de chiot battu. Puis, avec l'air de quelqu'un qui vient d'avoir une révélation, il s'écria : « T'es jalouuuux ? »

Yoshiki ne sut jamais si l'homme brun aurait effectivement étranglé son bruyant camarade, comme il semblait à deux doigts de le faire, car ce réjouissant spectacle fut interrompu par une voix familière qui les hélait, Toshi et lui.

Se retournant, il vit Heath et Sugizo se diriger vers eux avec nonchalance.

« - C'est là que vous étiez ? On se demandait où vous aviez bien pu passer… Déjà, toi qui disparait pendant des plombes, et ensuite Toshi qui part à ta recherche et qui ne revient pas… On commençait à s'interroger sur ce que vous pouviez faire tous les deux qui vous prenne tellement de temps… dans les toilettes en plus ! » conclut le guitariste avec une expression d'innocence parfaite sur le visage.

Son leader lui lança un regard torve, goûtant assez peu ce genre de plaisanteries, mais Toshi, blasé, ne releva même pas. Se tordant à moitié le cou pour mieux distinguer ses collègues – il était toujours encombré de son fardeau, aussi connu sous le nom d'Uruha – il demanda avec surprise :

« - Vous avez laissé Pata tout seul ?

- Oh, tout seul… » Sugizo haussa les épaules. « Tant qu'il a une bouteille pour lui tenir compagnie, il ne se sentira pas abandonné, tu le connais ! » fit-il remarquer avec un clin d'œil.

Avisant soudain les trois autres hommes qui se tenaient là, il s'enquit, plein de curiosité :

« - Vous avez rencontré des gens que vous connaissiez ?

- Eh bien en fait… » commença le chanteur, un peu gêné.

« - Pas du tout. » le coupa son ami d'enfance. « On ne les connait ni d'Eve ni d'Adam, c'est ça le plus beau ! La seule raison pour laquelle on est là, à vrai dire, c'est que comme toujours, Toshi n'a pas pu résister au plaisir de jouer les preux chevaliers et de venir en aide aux malheureux en détresse… » expliqua-t-il d'une voix qui oscillait entre agacement et moquerie bienveillante.

« - Pourtant… » intervint Heath, resté jusque là silencieux et un peu en retrait, mais qui observait attentivement le petit groupe depuis quelques instants déjà, « Leurs visages me paraissent vaguement familiers… Je me demande…

- J'l'avais bien diiiiit ! » s'écria à ce moment précis Uruha, en agitant vaguement un index sous le nez de Yoshiki. « J't'ai déjà vu noooon ? » interrogea-t-il, triomphant. « Et toi aussi… Je crois… » marmonna-t-il en fixant Toshi, les yeux plissés.

« - On est tous amis, alors ? » questionna à son tour Reita, l'air extatique.

Les deux nouveaux arrivants les fixèrent avec ahurissement.

Pour un peu, Aoi en aurait pleuré. Soyons honnêtes, en temps normal, il aurait probablement été atrocement vexé qu'on ne les reconnaisse pas, même si bien sûr, entre l'absence de maquillage et la présence au grand jour du nez de Reita, leur apparence était suffisamment modifiée pour induire un doute quant à leur identité. Mais là, d'une part, la célébrité de ses interlocuteurs suscitait chez lui une crise d'humilité peu habituelle… Et surtout, il aurait donné n'importe quoi pour passer incognito, ce soir. Déjà, parce que si le récit de la soirée venait à s'ébruiter (ce qui était peu vraisemblable, somme toute, mais on ne savait jamais), ils seraient sans doute la risée de tout le monde pour les dix ans à venir (bon d'accord, il en rajoutait peut-être un brin dans le mélodramatique, là, mais quand même !), et ensuite… Le ridicule ne tue certes pas, mais devant des personnes qu'on admire profondément et qu'on a enfin la chance d'approcher de près… faire ce genre de première impression, c'était vraiment trop… trop… « humiliant » n'était pas assez fort pour décrire ce qu'il ressentait, là.

Et l'expression moqueuse de Sugizo, qui avait l'air à deux doigts d'éclater de rire, tout comme le fait que Yoshiki venait de parler d'eux en ces termes malgré leur présence à portée d'oreilles, comme s'ils n'étaient pas en mesure de comprendre quoi que ce soit (ce qui s'avérait grosso modo justifié dans le cas de deux d'entre eux, mais et lui alors, hein ?) ne faisaient qu'accroître son désespoir et sa honte.

La probabilité qu'il trouve une taupinière dans laquelle se cacher en espérant qu'on finisse par l'oublier étant des plus faibles, il fut contraint de mettre en application un plan de secours à savoir : faire profil bas et battre en retraite le plus vite possible, aussi dignement que le permettait l'état de ses deux collègues.

S'inclinant aussi bas qu'il le pouvait compte tenu de l'autre guitariste toujours à moitié avachi sur lui, il exprima des remerciements d'une voix quelque peu précipitée avant de conclure :

« - Je vais ramener mes amis chez eux. Je vous suis reconnaissant de votre aide, mais je ne voudrais pas abuser davantage de votre générosité. »

Ces derniers mots furent prononcés d'un ton ferme qu'il espérait convaincant.

« -Vous êtes sûr ? » hésita Toshi, l'air légèrement dubitatif. « Ca ne nous dérange pas du tout de…

-T'en fais paaaaas ! Tu peux faire confiance à Yuu-kun, il est… Bon l'est pas aussi sérieux que Yutaka-kun, pasque Yutaka-kun, ben des fois il peut-être franchement vachement… » lui confia Uruha, qui semblait brusquement intarissable, malgré son élocution pas toujours très claire et une tendance à trébucher sur la plupart des mots.

« - Yutaka-kun est pas là ce soir… » se sentit à son tour obligé de préciser Reita. « Et Taka-chan non plus… » ajouta-t-il d'un air malheureux. « C'est pasque…

- JE VAIS Y ARRIVER, JE VOUS ASSURE ! » s'écria Aoi, à bout de nerfs et bien conscient que sa voix le trahissait… Mais aussi, c'en était trop, si ses compagnons commençaient à se mettre en tête de raconter leur vie, il allait craquer définitivement et en prendre un pour achever l'autre avec.

Et c'est donc dans le silence légèrement choqué qui suivit son éclat de voix que Heath s'exclama soudain, de l'air satisfait de celui qui vient de mettre le doigt sur le détail qui le turlupinait depuis plusieurs minutes :

« -Mais oui ! Vous êtes musiciens aussi, n'est-ce pas ? Je savais bien que vous ne m'étiez pas inconnus. Vous êtes membres de ce groupe, là, non ? Euh… Gazette. C'est bien ça ? »

Aoi se sentit blêmir.