Auteur : Luma-az

Disclaimer : ni les personnages ni l'univers ne m'appartiennent, bien entendu, tout vient de la génialissime Mme J.K. Rowling.

Cette histoire démarre avant que les Maraudeurs ne s'aperçoivent que la voix de l'autorité de Rémus ne peut rien contre les yeux de chien battu et le sourire charmeur de Sirius, et juste avant qu'ils achèvent leur transformation en Animagus.

Bonne lecture !

Ce matin-là, au tout début de leur cinquième année, les Maraudeurs préparaient un mauvais coup. Du moins, James Potter et Sirius Black en préparaient un, ce qui allait bien sûr entrainer la participation des deux autres membres de l'équipe, le fidèle Peter Pettigrow et le paisible Rémus Lupin. Ils étaient donc dès à présent inclus dans le méfait, même s'ils en ignoraient encore l'existence.

«Parfait ! s'exclama James très fier de lui. Je crois que cette fois, le sortilège est au point !

‒ J'espère bien, ça fait au moins trois heures qu'on est dessus ! On aurait pu penser que ce genre de sort aurait déjà été inventé et enseigné dans une école du niveau de Poudlard, non ?

‒ Tout à fait. Un sort qui fait crier à ton caleçon qu'il est sale et qu'il est grand temps de le laver, ça me semble d'utilité publique.

‒ Ceci dit, nota Sirius qui poursuivait son idée, peut-être qu'ils l'ont déjà inventé, et caché hors de portée des innocents farceurs, comme ils ont l'habitude de cacher tous les sorts intéressants.

‒ Tu veux dire, à l'endroit où tous les rêves de liberté s'achèvent et l'ennui fracasse ton âme ?

‒ C'est ça, la bibliothèque. Oh, à moins que tu parles du cours de Binge ?

‒ Les deux hypothèses se valent, mon cher. Alors, il ne reste plus qu'à prévenir les autres, et tester notre excellent sort sur Servilus. A ton avis, quel serait le meilleur moment : ce soir au diner, ou demain matin en cours de potion ?

‒ Hum... devant toute l'école, ou au moment où il peut démontrer son unique talent... Choix difficile, mon cher Potter, choix difficile...

‒ Demandons à Rémus et Peter de choisir. Après tout, il faut bien qu'ils participent. Sinon, ils vont se sentir mis à l'écart, les pauvres.

Ils allaient quitter leur dortoir et rejoindre la salle commune des Gryffondors quand Sirius se rappela d'une chose et arrêta son ami d'un impérieux :

‒ Attends !

‒ Quoi ? demanda James, surpris.

‒ On ne peut pas faire ça maintenant. On est dans la mauvaise période.

‒ Hein ?

‒ Lupin. Tu sais, Dumby l'a nommé préfet, cette année ?

‒ Et alors ? Ce n'est pas ça qui va l'empêcher de participer ! Je sais qu'il dit toujours qu'il n'a rien contre Servilus, mais quand on est assez inventif, même lui se marre...

‒ Ça dépend de la période. Tu sais, il y a des moments où il accepte tout, des moments où il participe, et des moments où il utilise La Voix.

James acquiesça en grimaçant. Rémus faisait un usage modéré de La Voix, au final. Elle était réservée aux plus grandes bêtises. Mais il y avait quelque chose, quand il usait de son autorité avec ce ton-là, qui donnait envie de filer doux, ou au minimum de regarder ses chaussures en marmonnant un vague "désolé". Une intonation digne de McGonagall, surtout depuis que l'adolescent avait fini de muer, avec en filigrane une tension étrange, comme un grondement de loup, qui parlait directement à l'instinct de survie. Et voilà que maintenant, le membre du groupe le plus sage était préfet, et tout le monde se doutait qu'on lui avait confié ce rôle pour calmer les tentatives de farce de ses amis. Ce qu'il risquait de faire aussi sérieusement qu'à son habitude. James soupira à cette idée. Être meilleur ami d'un préfet - même si c'était son deuxième meilleur ami après Sirius - ne pouvait attirer que des ennuis. Sans oublier qu'il était amoureux de la jolie préfète Lily Evans. Sa vie était une tragédie.

‒ Parce que toi, tu saurais à quel moment notre Rémus préféré laisserait couler ?

‒ Bien sûr. Si tu raisonnes en terme de cycle lunaire, son attitude est hautement prévisible.

‒ Ah ?

James s'assit sur son lit, attentif comme un enfant attendant une histoire. Sirius avait commencé à prendre le ton qui annonçait une de ses brillantes analyses, et à défaut d'être sensées, celles-ci étaient en général assez drôles.

‒ Je m'explique, commença Sirius qui déambulait dans la pièce avec l'aisance du conférencier aguerri. Tu sais comme moi que son coté loup devient plus fort à l'approche de la pleine lune.

Il laissa une petite pause à James pour hocher la tête avant de reprendre. Leur duo était bien rodé.

‒ A l'autre bout du mois, il faut aussi tenir compte de la période où notre pauvre ami se remet de sa transformation. Il est de retour parmi nous, mais très affaibli, ce qui joue également sur son caractère.

Nouvelle pause, nouveau hochement de tête. Il reprit donc, avec plus d'emphase que jamais :

‒ Donc, nous pouvons diviser le cycle lunaire en trois phases de tailles inégales. En mettant de coté la pleine-lune elle-même et la transformation, bien sûr. Première phase, le Remus Patracus, ou Remus Tristus. Il se trouve essentiellement à l'infirmerie, encore souffrant de ses blessures, et se reconnait facilement à la taille de ces cernes, dépassant le centimètre de largeur. Notons que cet état se prolonge après la sortie de l'infirmerie et s'apaise petit à petit. Il se distingue par une forte mélancolie, un dégoût de soi du sujet, et paradoxalement un repli sur lui-même. Tout allusion, même au deuxième degré, aux mots "monstre", "loup", et même "mauvaise période", est à proscrire en sa présence, sous peine qu'il s'isole pour une longue rumination mortifère. Par contre, c'est le meilleur moment pour le faire rire et le couvrir de chocolat. La moindre marque d'amitié vaut un regard éperdument reconnaissant. En fait, il faut même faire attention de ne pas trop en faire, si on ne veut pas basculer dans l'autre versant : la rumination "je ne suis pas digne de vous avoir comme amis". Celle-ci est encore difficile à désamorcer, mais j'y travaille.

‒ Sirius, je suis impressionné. On dirait que tu as utilisé de l'empathie envers ton ami. Qui aurait cru que tu avais ce talent.

Mais Sirius était à présent lancé et il ignora superbement le commentaire.

‒ Nous avons ensuite le Remus Familiaris. Il s'est remis de ses émotions, grâce aux bons soins que nous lui prodiguons durant la première phase. Les cernes sont moins marquées, les cauchemars moins fréquents, il s'intéresse à nouveau à ce qui se passe autour de lui. On reconnait principalement cette phase au fait qu'il a retrouvé tout son sens de l'humour, et même s'il reste le nez dans un de ses éternels bouquins, il ponctue nos discussions avec des petites piques aussi innocentes en apparence qu'assassines sur le fond. Le test ultime en la matière est sa capacité à faire des blagues sur sa propre condition de loup-garou. Quand on en est à ce stade là, notre Rémus est mûr pour participer à absolument n'importe quel méfait, préfet ou pas préfet.

‒ Oh, alors parfait, on lui demandera à ce moment-là. C'est dans longtemps ?

‒ Hélas oui ! Car nous sommes à présent le plus loin possible du Remus Familiaris, en début de phase de Remus Nervus, qu'on peut également appeler Remus Terribulus, ou encore, grâce à Dumbledore, Remus Terribulus Prefectus ! Et là, le pire est à craindre. Le loup commence à s'agiter, et Rémus concentre une bonne partie de ses efforts à le faire tenir tranquille. Ce qui hélas affecte son sens de l'humour. Et sa patience. Et lorsque par malheur on le pousse à bout, il s'énerve très violemment.

‒ Mais c'est court, non ? Après tout, il n'utilise pas souvent La Voix.

‒ Remarque tout à fait pertinente, mon cher Potter. En effet, la période Terribulus débute cinq à trois jours avant la pleine lune. On reconnait son arrivée à la crispation des mâchoires et du dos, ainsi qu'aux longs soupirs réguliers par lesquels il tente de contrôler son énervement. Le sujet se réfugie frénétiquement dans la lecture, et toute tentative de l'en sortir a pour effet de se prendre un regard à vous faire fondre les pupilles au fond du crâne. J'ai bien peur que La Voix ne soit un moyen qu'il a trouvé pour faire sortir un peu de cette violence, sans laisser le loup frapper et détruire comme il le voudrait.

‒ Oh. Ce qui expliquerait cette sensation d'être sous la menace d'une mort imminente, alors qu'il ne fait que des reproches parfaitement ordinaires - quoiqu'infondés, nous sommes de grands incompris.

‒ C'est ça. Il n'est pas réellement dangereux, évidemment. On parle de Rémus, quand même. Il retiendra le loup quoiqu'il arrive. Mais ça le met de mauvais poil, inévitablement.

James se mit à méditer sur ce qu'il vient d'entendre. Il n'avait pas vraiment fait attention à la période du mois, se contentant de noter les pleines lunes sur son agenda, et s'était habitué au coté un peu lunatique de son ami. Mais Sirius n'avait pas tort. Quand on s'y penchait de plus près, tout cela était très régulier, et parfaitement logique.

Ils se trouvaient donc au plus mauvais moment possible pour entrainer Rémus dans leur farce. Mais le sort était prêt, si parfait, si tentant... Après tout, ils pouvaient le lancer sans impliquer Rémus, et faire les innocents ensuite. Ce qu'il ne savait pas ne pouvait pas lui faire de tort. Mais peut-être qu'il serait ensuite déçu de ne pas avoir participé...

Pris par ses réflexions, James ne s'aperçu pas tout de suite que Sirius avait commencé à divaguer dans une autre direction : déterminer quelle période rémusienne était sa préférée.

‒ Parce que tu comprends, bien sûr, en phase Familiaris Rémus est adorable, drôle et joueur. C'est vraiment le meilleur moment pour l'avoir comme ami. Alors qu'en période Patracus, il est plus fragile, mais plus honnête. C'est vraiment le moment où il peut s'ouvrir et évoquer des choses qu'il nous cache d'habitude, des sujets qui le préoccupent. Il est plus câlin, et il suffit de pas grand chose pour qu'il ait l'air heureux. Quand il est dans cette période-là et que tu arrives à le faire rire, ou que tu lui offres des chocolats, ou juste que tu lui caresses les cheveux, il te regarde comme si tu étais le truc le plus génial de la terre. Je crois que c'est elle, ma phase préférée.

‒ Wouha ! Hé, Sirius ! Tu t'entends parler ? Je sais que ton égo n'a pas de limite, mais c'est pas une raison...

‒ Ben quoi ? C'est normal de vouloir que son ami t'adore, non ?

‒ Heu... non. Pas comme ça, en tous cas. Je veux dire, si j'avais ce genre de période, tu dirais aussi que c'est ta préférée ?

‒ Beurk, non ! Toi cloué au lit, ou replié sur toi-même, tu ne sers à rien !

‒ Ben merci... en tous cas je trouve que c'est un peu limite, la manière dont tu profites de sa faiblesse...

‒ Mais je ne profites de rien ! Si je pouvais le guérir et ne plus jamais le voir comme ça, je le ferais tout de suite ! Je dis juste que ça me permet de voir des aspects de lui qu'on ne voit pas d'habitude, et qu'ils me plaisent. C'est tout.

‒ ...

‒ Garde ton regard suspicieux pour toi, Potter.

‒ ...

‒ D'ailleurs, même sa troisième période me plait. C'est là que tu vois que c'est pas un Gryffondor pour rien, notre Moony. Tu vois le loup qui veut sortir, tu le vois qui tourne la tête et guette pour réagir à un bruit, ou à une odeur... Et là, tu vois Moony qui le dompte. Je t'assures, si tu es attentif, tu le vois. Le loup pointe le bout de son museau, Moony se concentre, et hop, à la niche. Le tout sans perdre sa page. Il est incroyablement cool, dans ces moments-là. Je me demande comment ça se fait que personne ne s'en rende compte.

‒ Comment ça se fait que personne ne s'aperçoive d'un combat mental entre Rémus et Rémus ? Aucune idée, peut-être que le reste du monde ne le guette pas comme... Bon sang, tu y as passé combien d'heures, à regarder Rémus lire ?

‒ Je ne sais pas, moi. Un certain nombre. A force d'attendre qu'il ait fini son chapitre pour le tirer de l'antre de l'enfer, j'ai eu l'occasion de bien l'observer, c'est tout. Je veux dire, qu'est-ce que tu voulais que je fasse d'autre coincé dans une bibliothèque ? J'allais quand même pas étudier !

‒ Ouais, enfin tu as étudié Rémus...

‒ C'était intéressant. Je vois pas pourquoi tu me regardes comme ça depuis tout à l'heure. Qu'est-ce que j'ai dit, à la fin ?

‒ Rien, rien... Je me disais que parti comme t'es, ça ne m'étonnerai pas que tu ai aussi planifié le meilleur moment du mois pour lui rouler une pelle...

‒ Ah, ça j'hésite encore. Si on y réfléchit, en début de cycle, il ne protestera pas, mais ce serait abuser de sa faiblesse, et il risque d'être énervé ensuite. En milieu, il rattrape le temps perdu et il est tout sauf d'humeur romantique. Et en fin, j'ai peur qu'il ne soit pas très ouvert sur la question. Qu'est-ce que t'en pense ? James ? Hey, James ! Pourquoi tu te marres comme ça ? »