Disclamer : Rien à moi, tout à JKR
Bêta correctrice : Morwenedhel (merci, merci et merci)
Bêtas lectrices : Archimede et Nanachan14 (un grand merci les filles)
Note : je dédicace ce recueil d'OS à une auteur qui aime beaucoup Ron, Azanielle que je remercie de me faire rêver avec sa fiction "le Feu et la Glace".
Mafalda Weasley serait née dans les années 80 selon le site EHP. Pour les besoins de cet OS, j'ai eu envie de la vieillir d'une dizaine d'années. Elle est donc de la même année que Bill Weasley, né en 1970.
Roux, Vert et Argent
OS 1, Rentrée à Serpentard
On lui avait répété que les Serpentard étaient mauvais. Il n'avait pas remis en question cette affirmation. Le garçon en avait eu la preuve, tous les plus grands mages noirs étaient passés par cette maison. Il s'était dit qu'il était hors de question qu'il y aille quand viendrait le jour de sa répartition. Non, ce n'était même pas envisageable, il devait aller à Gryffondor comme le reste de sa famille.
Les Weasley étaient tous connus pour aller dans la maison des braves. Ceux qui étaient allés ailleurs, on n'en parlait tout simplement pas, comme la cousine Mafalda Weasley qui était allée à Serpentard. Tous l'avaient oubliée, tout comme son père qui était Cracmol et qui avait fini comptable dans le monde moldu.
Le jeune Ronald Weasley attendait, assis au beau milieu de la Grande Salle, sur un tabouret à trois pieds, la décision du Choixpeau Magique posé sur sa tête.
De là où il était, il pouvait voir trois têtes rousses à la table des Lions. Ses frères, Percy, Fred et George le fixaient. Ils attendaient avidement la réponse, soit pour le féliciter ou pour le huer s'il finissait à Poufsouffle – ce qui était fort probable – ou à Serpentard, mais il n'avait pas assez de ruse en lui pour y aller. S'il allait à Serdaigle, il en serait le premier surpris, même Percy n'y était pas allé alors qu'étudier, c'était sa vie.
Ron devait aller à Gryffondor, pour ne pas continuer à décevoir ses parents.
Il le faisait depuis sa naissance. Il n'était que le sixième garçon, contrairement à sa jeune sœur Ginny qui était la seule fille depuis des générations. Il n'était pas aussi débrouillard que Bill, aussi gentil que Charlie, aussi intelligent que Percy, aussi farceur que les jumeaux Fred et George, et aussi mignon que sa cadette. Non, il était gaffeur, maladroit, avait une intelligence dans la moyenne, et se trouvait quelconque.
- Tu as besoin de reconnaissance, souffla la voix du Choixpeau dans le creux de son oreille. Mais tu as peur de décevoir les autres en n'allant pas dans la bonne maison, n'est-ce pas ?
La réponse était évidente.
- Pourtant, elle te conviendrait à merveille.
Ron ferma les yeux, une boule dans la gorge. On allait l'envoyer à Poufsouffle. Un rire doux résonna à son oreille.
- Pas Poufsouffle, Ronald Weasley. Tu es loyal, certes, mais tu as aussi d'autres caractéristiques qui peuvent t'envoyer dans toutes les maisons. Tu as le courage de Gryffondor, la sagesse de Serdaigle et l'intelligence de Serpentard.
- Alors envoie moi à Serdaigle, risqua le gamin.
- Non, cette maison ne t'aiderait pas à t'épanouir.
- Gryffondor ?
- Non plus. Si toute ta famille y est passée, ou presque, ta place n'y est pas. Tu serais étouffé et tu n'en as pas besoin. Tu as besoin de prendre confiance en toi et seule la maison Serpentard peut t'y aider.
Mais Ron ne voulait pas y aller ! Il ne pouvait pas y aller !
Avant qu'il n'ait le temps de supplier le Choixpeau de reconsidérer la question, celui-ci hurla sa décision à travers la Grande Salle.
- SERPENTARD !
Tous les murmures s'interrompirent. La plus grande majorité des occupants de la Grande Salle était choquée. Tous savaient que les Weasley étaient les dignes représentants des Lions. Et voilà que l'un d'eux trahissait sa famille.
Les frères de Ron étaient abasourdis. Ce n'était pas possible ! C'était une vaste blague ! Le Choixpeau allait se mettre à rire et annoncer à tous que l'enfant allait à Gryffondor. C'était sa place !
- Monsieur Weasley ? fit doucement Minerva McGonagall, la première à se remettre de ses émotions et de sa stupeur. Veuillez rejoindre votre table.
Elle l'enjoignit à se lever et lui retira le chapeau de la tête. Les larmes aux yeux, les jambes tremblantes et une furieuse envie de vomir associée à celle de fuir, Ron se dirigea vers sa table sous les regards presque dégoûtés de sa nouvelle maison.
Il attendit que la Répartition soit finie et vit les plats apparaître. Dans d'autres circonstances, il se serait jeté sur la nourriture. Mais là, il n'avait pas faim. Son estomac était douloureusement contracté et il était incapable d'avaler quoique ce soit.
0o0
Ron ne fut pas accepté au sein de sa maison. Loin de là. Les Serpentard l'insultaient autant qu'ils le pouvaient, lui piquaient ses affaires et quand il les retrouvait, elles étaient inutilisables. La première semaine fut invivable.
Il dormait mal la nuit car ses camarades de maison, conduits par Drago Malefoy, s'amusaient à verser des bassines d'eau glacée sur lui au moment où il s'endormait, et lui prenaient sa baguette pour qu'il ne puisse pas jeter le moindre sort. Il ne la retrouvait que le lendemain matin, en général après avoir dû accomplir un acte humiliant. Et lors des repas, on lui prenait son assiette. Comme il n'avait pas de quoi payer son repas, il ne mangeait pas ou à peine, il parvenait tout de même à prendre quelques miettes ou un peu de pain.
Résultat, il était épuisé, manquait souvent de s'endormir en cours, et semblait flotter dans ses vêtements plus encore que les jours précédents – ceux-ci avaient été taillés un peu grands pour durer plusieurs années. Il ne pouvait rien demander à ses parents car sa mère avait été claire : il n'avait plus rien à voir avec la famille.
En effet, dès le lendemain de sa répartition, alors qu'il n'avait même pas envoyé de courrier pour l'annoncer, il avait reçu une Beuglante signée Molly Weasley. Toute la Grande Salle l'avait entendue. Et sa maison avait ricané.
Il avait été convoqué chez Dumbledore, avec Rogue qui était son directeur de maison, et les deux avaient tenté de le rassurer – même si le professeur de Potions n'avait pas ouvert la bouche. Il était retourné dans son dortoir et ce fut à partir de cet instant que tout commença : les coups, les humiliations, les brimades, les vols et les dégradations de matériel.
À la fin de la première semaine de cours, l'enfant était épuisé et affamé. Il n'en pouvait plus et voulait rentrer chez lui. Mais il n'en avait plus depuis la Beuglante de Molly. Le Terrier n'était plus sa maison et il n'avait plus de famille. Les Weasley se chargèrent bien de le lui faire comprendre en lui tournant ostensiblement le dos quand il avait voulu leur demander de l'aide. Leur réponse avait été sans appel : ils ne feraient rien pour un Serpent.
Leurs réactions le blessèrent profondément. Il perdit le peu de confiance qu'il avait en lui et en vint à se demander s'il devait rester sur cette terre. Il ne servait à rien, personne ne se rendrait compte qu'il avait disparu, avant de se rappeler que celle qui l'avait mis au monde lui avait répété qu'on pouvait être au bout du gouffre, mais que le suicide n'était pas une solution, qu'il y avait d'autres moyens de s'en sortir et que, malgré l'impression de n'avoir aucune importance, s'il mettait fin à ses jours, il manquerait à quelqu'un. Alors, Ron mit de côté ce désir et se concentra sur ses études, autant que possible.
Malgré son intérêt pour son travail scolaire, il redoutait certaines matières, notamment celle de son directeur de maison à la fin de la semaine qui arriva un peu trop vite.
Rogue n'était en rien sympathique, au contraire, il semblait se délecter de voir ses élèves trembler. Il paraissait cependant accorder un peu plus d'attention à sa propre maison qu'à l'autre et il avait pris en grippe un élève de Gryffondor, Harry Potter. Les Serpents et les Lions étaient ensemble pour cette heure.
Une fois le discours de bienvenue, glacial et sec au possible, passé et que Potter se soit fait humilier en ne sachant pas répondre aux questions – mais il ne fut pas le seul, à part une certaine Granger qui sautillait sur sa chaise, le doigt pointé au plafond, aucun autre n'avait osé lever sa main – Rogue leur ordonna de prendre des notes. Ils passèrent trente minutes à écrire. La demi-heure restante, ils durent réaliser leur première potion.
Ron était penché au-dessus de son chaudron. Il avait beau se concentrer, c'était difficile. Les lignes sur son livre dansaient, et quand il devait mettre un ingrédient dans le récipient, il avait l'impression que son corps pesait une tonne.
Soudain, ses oreilles sifflèrent et il eut chaud, très chaud. Malgré lui, sa respiration s'accéléra et un voile noir s'abattit devant ses yeux.
Il s'écroula avant d'avoir pu se rattraper à une paillasse.
Les deux maisons ricanèrent quand il s'écroula par terre, inerte.
- Messieurs Crabbe et Goyle, emmenez ce pauvre Weasley à l'infirmerie, ordonna l'enseignant sans daigner jeter un regard à son élève étendu par terre, le teint crayeux.
Il ne les reprit pas sur leur façon de transporter Ron qui fut traîné sans aucune considération, et retourna à son cours, priant froidement ses élèves de faire de même et de se concentrer sur ce qui aurait dû être des potions et qui était, à ses yeux, un massacre.
Par acquis de conscience, il observa un instant la mixture de Weasley et pouvait avouer que pour une première expérience, elle n'était pas si mauvaise.
Lorsque Ron quitta l'infirmerie un peu plus tard, après l'accord de Poppy Pomfresh qui lui avait fait boire un breuvage infâme qui lui avait redonné quelques forces, il retrouva son dortoir désert. Une chance, il en profita pour se changer rapidement, se faufiler dans son lit, fermer ses rideaux et s'allonger. Le sommeil le gagnait déjà. Il était épuisé et il n'avait pas eu à manger.
L'infirmière, qu'on aurait pu appeler Dragon tellement elle le couvait et pouvait se mettre en colère s'il osait contredire ses ordres, avait cherché ce qu'il avait. Il avait menti, mais il n'était pas certain de savoir à quel point elle avait été dupe. Elle avait dû comprendre le problème. Il était étrange que si tel avait été le cas, elle n'avait rien fait.
Ron était à milles lieues de penser qu'elle allait faire un rapport au directeur de l'école.
Pourtant, il fut convoqué le lendemain dans le bureau directorial, comme la semaine précédente.
- Monsieur Weasley ? Asseyez-vous, l'enjoignit Dumbledore d'un air bonhomme, les yeux pétillants en lui désignant un siège.
L'enfant n'était pas seul dans la pièce. Son directeur de maison et l'infirmière étaient également présents. Qu'avait-il fait ?
- Monsieur Weasley, commença Rogue d'une voix sèche, savez-vous pourquoi vous êtes ici ?
- Non Monsieur, murmura le rouquin.
Il n'avait pas peur du professeur mais il était épuisé. Il voulait dormir. Sa nuit, pourtant longue, ne lui avait pas suffi. Il savait que c'était parce qu'il n'avait pas mangé depuis plusieurs jours – il avait réussi à grignoter par ci par là, mais ce n'était pas assez pour son corps peu habitué à la privation. Il se sentait faible en permanence et avait à peine la force de marcher. Se lever le matin était presque une torture.
- Vous êtes certain ? susurra son directeur de maison d'une voix mielleuse. Vous souvenez-vous de votre séjour à l'infirmerie ?
Une lumière s'alluma dans le cerveau du Serpentard fatigué. Il était là pour ça ?
- Je vois que vous vous en rappelez. Monsieur le Directeur a organisé cette petite... réunion afin de comprendre certaines choses à votre sujet.
Ron fronça les sourcils. Comprendre quoi sur lui ? Il n'y avait rien à dire.
- Pourquoi avez-vous cessé de vous alimenter, Monsieur Weasley ? attaqua Poppy. Croyez-vous que je ne l'avais pas vu ? Vous ne mangez pas ou très peu et vous ne dormez pas assez, je le sais, je le vois. Je suis infirmière au cas où vous l'auriez oublié. Vos mensonges ne m'ont pas trompée, Monsieur Weasley.
L'enfant hésita.
- Un bonbon au citron, Monsieur Weasley ? proposa Dumbledore en le voyant se tortiller les mains.
- Non merci, Monsieur le Directeur, fit le garçon après s'être durement mordu la langue pour ne pas accepter.
Le vénérable sorcier poussa une petite boîte pleine de confiseries devant Ron qui sentit sa bouche saliver. Il adorait les bonbons et il avait faim.
- Prenez, ils sont délicieux, insista Dumbledore.
Ron finit par tendre la main et quand le bonbon toucha sa langue, il se sentit apaisé et eut une soudaine envie de se confier, de lâcher tout ce qu'il avait sur le cœur. Il savait qu'il aurait dû être en colère mais ne ressentait que de la sérénité. Ça devait venir des sucreries et ça expliquait pourquoi le directeur en était friand, tout comme le fait qu'il en proposait à tout le monde.
- Depuis la Répartition, les Serpentard ne m'accueillent pas. Ils ne veulent pas de moi et ils le font comprendre. Tous les soirs, ils s'amusent à tremper mon lit et ils me prennent ma baguette pour la rendre si je fais ce qu'ils me demandent. À chaque repas, ils me prennent mon assiette et me font payer. Je n'ai pas d'argent alors je ne mange pas. Mes frères ne veulent plus me parler, ils font comme si je n'existais pas. Mes parents m'ont renié. Je ne peux même pas demander à rentrer chez moi, je n'en ai plus.
Il avait dit tout cela sans s'énerver, comme s'il avait parlé de la pluie et du beau temps. Pour un peu, il aurait rigolé des regards éberlués des autres occupants de la pièce. Même Rogue semblait ahuri. Mais le bonbon l'en empêcha. Le rouquin restait calme, apaisé et n'avait aucune envie de rire ni même de crier.
- Je vois, fit son directeur de maison lentement.
Ron pouvait lire dans ses yeux noirs de la colère. Il savait qu'il aurait dû avoir peur, mais là encore, il était détendu. Ces bonbons étaient absolument géniaux.
- Monsieur Weasley, commença Dumbledore, pourquoi n'êtes-vous pas allé voir votre directeur de maison ?
Le gamin baissa les yeux, soudain inquiet. Apparemment, les effets de la sucrerie étaient de très courte durée. Dommage.
L'enfant haussa les épaules, ne sachant que répondre. Il n'osait avouer qu'il avait peur de l'homme, tout simplement.
- Monsieur Weasley, intervint Poppy d'une voix polaire, la prochaine fois que je vous voie à l'infirmerie dans l'état dans lequel vous avez été amené, vous regretterez de ne pas avoir mangé et dormi et encore plus de n'en avoir parlé à personne ! Est-ce bien clair ?
- Oui Madame, murmura le gamin sans lever le regard.
- Albus, Severus, fit-elle avant de quitter le bureau, certaine que son message était passé.
- Bien, je pense que cette entrevue est terminée. Monsieur Weasley, Severus ?
- Nous y allons, Monsieur le Directeur, répondit Rogue d'une voix neutre. Monsieur Weasley, veuillez me suivre !
L'enfant se leva précipitamment et, précédé de son directeur de maison, il sortit du bureau. Ils descendirent les marches de l'escalier en colimaçon gardé par une gargouille.
- Venez avec moi, ordonna-t-il au rouquin.
Ils prirent le chemin des cachots. Malgré le nombre de fois qu'il avait fait ce trajet, il ne pouvait s'empêcher de frissonner. Son cœur s'emballa quand ils arrivèrent devant la porte de la salle de Potions. Qu'allait-il lui arriver ?
- Entrez !
Il obéit et s'arrêta au bureau pendant que Rogue s'installa à son propre bureau.
- Expliquez-vous ! Tout de suite ! tonna l'homme.
- Expliquer quoi, Monsieur ? répondit le fils Weasley.
Rogue ne l'effrayait pas. Il avait plus peur des cris de sa mère que de ceux du professeur. Il était à peu près certain que l'enseignant ne pouvait pas lui faire de mal. Et encore, c'était un point sur lequel on ne pouvait rien affirmer. C'était davantage son air froid, son visage impénétrable et sa voix glaciale qui l'angoissaient.
- Il me semblait avoir été clair, Monsieur Weasley. En cas de problèmes, il est impératif que vous veniez me voir ! L'ai-je dit ? gronda Severus, les sourcils froncés.
- Oui, Monsieur.
- Alors pouvez-vous m'expliquer pourquoi n'êtes-vous pas venu ? !
- Parce que ça aurait été pire, Monsieur, fut la réponse honnête.
C'était la stricte vérité. Les Serpentard lui auraient tôt ou tard fait payer la divulgation des faits. Et il n'avait aucune envie de souffrir plus encore.
Sa réponse eut le mérite de faire taire Rogue qui le regarda intensément, comme s'il le sondait. Pas une fois il ne baissa les yeux. L'homme se rencogna soudain contre le dossier de sa chaise, satisfait.
- Monsieur Weasley, reprit le maître des Potions d'une voix presque douce, vous devez comprendre une chose, vous faites partie de la maison Serpentard, au même titre que vos camarades. Ils n'ont pas à décider qui y a sa place ou non. C'est au Choixpeau que revient cette tâche. Si tel était le cas, alors il est nécessaire que je sois au courant pour endiguer ce... problème. Ainsi, si Monsieur Malefoy et toute sa bande vous causent des ennuis, il est de mon devoir d'intervenir.
Ron fronça les sourcils. Il n'avait jamais parlé de Malefoy et des autres. Jamais ! Comment Rogue l'avait-il su ?
- Je...
- Je n'ai pas fini ! Que vous l'acceptiez ou non, vous êtes un Serpentard, et à ce titre, vous avez toutes les qualités requises pour vous en sortir dans la vie. Enlevez-vous de l'esprit que cette maison regorge de Mages Noirs. Certains sortaient de Poufsouffle, le saviez-vous ? D'autres venaient de Serdaigle et d'autres encore, de Gryffondor. Surprenant, n'est-ce pas ? Tous les Serpentard ne deviennent pas des Mangemorts ! Les Poufsouffle ne sont pas tous des idiots craintifs et les Serdaigle ne sont pas tous intelligents. Ne parlons pas des Gryffondor. J'en ai connu certains qui n'avaient pas leur place dans cette maison ! Pour vous, j'ai des doutes. La bêtise est l'apanage des Gryffondor et vous semblez en être doté.
Le gamin rougit fortement. Ce n'était pas la première fois qu'on lui disait qu'il était bête, les jumeaux le lui répétaient sans cesse, tout comme Ginny qui ne s'en privait pas. Mais, à chaque fois, ça lui faisait plus mal encore que la précédente.
- Monsieur Weasley, il va vous falloir vous forger le caractère, prendre sur vous et vous affirmer. Vous êtes un Serpentard, vous êtes rusé ! Alors, sortez-vous les doigts d'où je pense et remuez-vous ! Mais sachez que si j'entends encore une fois, Poppy me convoquer chez Albus parce que vous êtes allé à l'infirmerie à cause de vos camarades, vous le regretterez atrocement ! Maintenant, sortez d'ici !
Ron ne se le fit pas redire deux fois. Il fila ventre à terre jusqu'à sa salle commune et se laissa tomber dans un des canapés vides. Il avait aperçu la bande de Malefoy un peu plus loin qui semblait occupée. Ils lui ficheraient probablement la paix.
Le Serpentard soupira et ferma les yeux, se demandant soudain l'heure qu'il pouvait être. Son estomac gargouilla douloureusement. Il avait faim.
- Dégage, Weasley, ordonna Malefoy en s'approchant. C'est notre place !
Le rouquin se redressa et fixa le blondinet arrogant. Au lieu d'accepter de partir, il se sentit l'âme d'un guerrier prêt pour la bataille.
- Vous n'étiez pas là, qui va à la chasse perd sa place !
Il se sentait pousser des ailes. Était-ce parce que Rogue lui avait parlé et lui avait ordonné de se bouger ? Il n'en savait trop rien et s'en moquait.
- Comment oses-tu ? ! gronda Drago en le foudroyant du regard.
- Où ton nom est-il marqué sur cette place ?
- Tu n'as rien à faire ici ! Ce n'est pas à toi, misérable bouffon !
- Pourtant le Choixpeau m'a placé ici ! J'ai donc autant le droit d'être assis là que toi.
- Faux ! Tu es loin d'avoir l'intelligence d'un Serpentard ! Or, c'est une des caractéristiques requises.
À ces mots, Ron éclata de rire. C'était une vaste blague, n'est-ce pas ?
- Parlons-en de l'intelligence ! Tu penses que Crabbe, Goyle ou encore Parkinson ont leur place dans cette maison ?
En effet, les trois élèves n'étaient pas réputés pour avoir des notes excellentes. Les deux premiers parlaient à peine deux mots sans faire d'erreurs, même à l'oral, et la troisième racontait des stupidités aberrantes à longueur de journée.
Drago eut l'air de réfléchir un instant avant d'acquiescer. Ron marquait un point.
- Tu le laisses parler comme ça ? s'emporta Pansy de son habituelle voix de crécelle. Il vient de m'insulter et tu laisses passer ? !
- Il n'a fait qu'énoncer un fait, il ne t'a nullement insultée, ou alors il serait de bon ton d'aller consulter, ma pauvre Pansy. Weasley n'a fait que dire qu'il avait autant, sinon davantage, sa place ici que toi.
- Tu crois ? couina la blonde, les yeux grands ouverts, prête à le croire sur parole, à boire chacun de ses mots.
- J'en suis certain. Maintenant, laisse-nous.
Pansy ne se fit pas prier pour déguerpir, ravie.
- C'est ça ? La renommée de Serpentard ? s'étonna Ron. Cette cruche ? Merlin, mais pourquoi je n'ai pas été envoyé à Gryffondor ? !
- Une chance, tous ne sont pas comme cela. Et c'est en effet une question que je me pose. Pourquoi Serpentard ?
Ron repensa alors aux paroles du Choixpeau, paroles qu'il avait soigneusement tentées d'oublier, sans succès. Le chapeau lui avait dit qu'il avait besoin de prendre confiance en lui, de ne pas être étouffé par sa famille, de s'affirmer. Seule la maison Serpentard pourrait le lui apporter.
- Parce que c'est ma place, souffla le rouquin.
Pour la première fois depuis la Répartition, il l'admettait. Il avait sa place chez les Serpents. Il était ici chez lui, pas ailleurs.
Drago esquissa un sourire fugace et tendit la main.
- Alors sois le bienvenu à Serpentard, Ronald Weasley.
Des applaudissements et des sifflements se firent entendre à travers toute la salle commune. Ron tourna la tête vers leur origine et put voir les élèves de sa maison, de toutes les années, derrière lui. Tous semblaient heureux de l'accueillir en leur sein.
Sous le choc, il prit la main de Drago dans la sienne et la serra. Ils furent interrompus par Cooper Dakin, le Préfet-en-Chef.
- En tant que membre de cette maison, tu te dois d'obéir scrupuleusement à certaines règles, Weasley. Étant intelligent, je ne doute pas que tu les suives avec attention, sans y déroger.
Le jeune Weasley hocha la tête, encore perdu. Il avait passé une bonne semaine à subir des coups, des humiliations en tout genre et là, il était accepté ? C'était... un peu gros. Et cette histoire de règles l'angoissait plus qu'il n'aurait su le dire.
- Nous sommes un groupe uni. Nous devons avancer de front, ensemble. Les autres maisons ne nous feront pas de cadeaux. Ils méprisent les Serpentard parce que nous avons eu des mages noirs qui venaient de notre maison. Alors marche la tête haute et montre au monde entier exactement ce que tu veux montrer. Nous portons tous un masque ici, ou presque, grimaça-t-il en voyant Crabbe et Goyle le dévisager d'un air bovin. Vous deux, si l'intelligence vous fait défaut, je vous saurais gré de ne pas en faire étalage !
Les deux garçons le fixèrent encore plus stupidement, mais le Préfet-en-Chef se détourna pour faire face de nouveau à Ron.
- Tu es un Sang-Pur, tu connais certaines choses, j'en suis certain. Mais je tâcherai, avec l'aide de Malefoy, de t'enseigner d'autres choses afin de pouvoir survivre ici. Nous ne sommes pas des tendres et nous avons une façon bien à nous de régler les conflits entre Serpentard. Tout comme nous avons une hiérarchie spécifique au sein de cette maison et entre années. Tâche de l'apprendre et de la respecter.
Ron acquiesça lentement.
- Encore une dernière chose, Weasley. Ne fais pas honte à Serpentard en te ridiculisant dans quelque situation que ce soit. Car ta punition sera pire que celle que les professeurs te donneront et ce, peu importe ta place au sein de la hiérarchie ! Crois-moi, moi ou mon successeur se fera une joie de te faire dégringoler. Est-ce bien clair ?
Nouveau hochement de tête.
- Bien. Tâche également de n'oublier aucune de ces règles.
0o0
Malgré son acceptation, Ron devait avouer que sa vie à Serpentard n'avait pas beaucoup changé. Les humiliations avaient disparu, et c'était un grand pas, mais à part la poignée de main entre Malefoy et lui, et le discours de Dakin, personne n'était venu lui parler ni même l'aider.
Le jeune Weasley avait rapidement compris qu'il était le tout dernier en bas de l'échelle de sa maison. Il était un Sang-Pur, certes, mais avait également le statut de Traître à son Sang. Ses parents ne l'avaient pas éduqué dans le respect des traditions. Ron les connaissait, mais n'avait jamais vu l'utilité de les suivre, au grand dam de sa maison.
Les croyances populaires disaient volontiers que les Sang-Pur élevés comme tels étaient aptes à rester neutres en toute circonstance et à se montrer sous leur meilleur jour. C'était vrai.
Ron, lui, ne savait pas.
Il ne se rendait pas compte que son éducation presque laxiste donnée par sa mère l'avait laissé incapable d'affronter le monde de l'aristocratie sorcière, monde dans lequel il vivait chaque jour. Ses manières à elles seules dégoûtaient l'ensemble de la tablée, l'obligeant à manger dans un coin, à l'écart. Ses coups de sang faisaient frissonner les élèves et son langage fleuri était désespérant. Il passait pour un rustre. Ses notes déplorables ne l'aidaient pas non plus. Il était meilleur que Crabbe, Goyle et Pansy, mais de peu.
Sa maison l'isolait jusqu'à ce qu'il prenne conscience de ce tout.
Cela prendrait sans doute du temps.
Trois semaines après la rentrée, alors que le dernier fils Weasley travaillait sur un essai de potions à rendre pour le lendemain, assis par terre dans la salle commune – les canapés et les tables étaient tous occupés et il n'était pas question d'aller à la bibliothèque – Tracey Davis s'approcha discrètement.
Elle n'était pas une Sang-Pur. Sa mère, sorcière issue de la noblesse sorcière anglaise, avait fauté avec un moldu et Tracey était née de cette union. Mais ce n'était pas pour cela qu'elle était en bas de l'échelle, au-dessus de Ron, Crabbe, Goyle et Pansy. C'était son comportement. La jeune fille, très jolie au demeurant, avec ses joues roses et rebondies, ses cheveux châtains ondulés et ses grands yeux chocolat, était très distante avec tout le monde, mais aussi excessivement timide. Quand elle parlait aux autres, elle donnait l'impression de haïr le monde entier.
Lorsque Ron leva les yeux vers elle, Tracey lui signifia, glaciale, que Rogue voulait le voir dans son bureau, avant de s'éloigner, la tête haute.
Le rouquin trembla soudain, nerveux au possible. Pourquoi le directeur de sa maison voulait-il le voir ? Qu'avait-il fait ? Était-ce pour ses notes épouvantables ? Sans doute. Ron ne voyait pas d'autre explication. Il avait beau tout faire pour s'améliorer, il ne dépassait pas le sept sur vingt.
Après avoir rapidement rangé ses affaires dans son sac qu'il déposa dans le dortoir – ne rien laisser dans la salle commune s'il voulait retrouver quelque chose – Ron tenta de se calmer. Il prit plusieurs profondes inspirations et passa le mur qui gardait l'entrée des Serpentard. Ses pas le conduisirent devant la porte du bureau de Rogue. La pièce n'était pas très loin de la salle de classe. Bien que le rouquin n'y soit jamais entré, il savait où elle se trouvait. Ils avaient eu le droit à une visite de l'école le deuxième soir.
Il frappa trois coups et attendit, tremblant que le professeur daigne lui accorder d'entrer. Ce dernier sembla aboyer une autorisation, ce qui augmenta les tremblements chez le jeune garçon.
Son directeur de maison était assis à son bureau et barrait allègrement des copies – peut-être la sienne – de rouge.
La salle était froide et impersonnelle. Seuls un bureau et deux chaises meublaient la pièce. Les murs étaient agrémentés de bibliothèques encastrées dont les étagères ployaient sous le poids des livres. Des éditions anciennes pour la plupart. Il n'y avait pas de cheminée, des bougies flottant au plafond, comme dans la Grande Salle, éclairaient l'endroit. Le sol et les murs en pierre n'apportaient aucune chaleur, aussi faisait-il froid.
- Assis ! ordonna le professeur sans lever les yeux de ses copies.
Le Serpentard obéit sans même réfléchir et se posa sur la première chaise qu'il trouva. Rogue posa sa plume et daigna enfin le fixer.
- Répondez sans mentir ! Je le saurai si tel était le cas. Comment se sont passés ces derniers jours ?
Ron se mordit la lèvre. Les deux réponses étaient un mensonge. Il ne pouvait pas dire bien, tout comme il ne pouvait affirmer le contraire.
- Ma question est simple, la réponse l'est aussi, siffla le maître des Potions impatiemment. Alors ? !
- Ni bien, ni mal, répondit honnêtement l'enfant en espérant que cela contenterait l'acariâtre propriétaire des cachots.
- Ce n'est pas ce que j'appelle une réponse, mais je pense que je devrais l'accepter, d'autant plus que je n'ai guère de temps pour creuser plus avant la question. Nous avons rendez-vous dans dix minutes chez le directeur. Suivez-moi.
Droit comme un i, Rogue se leva et se dirigea vers la porte de son bureau, l'ouvrit, laissa passer Ron, sortit à son tour et la referma à clefs. Sans un mot, ils se dirigèrent vers le bureau de Dumbledore.
- Patacitrouilles, prononça le directeur des Serpentard à la Gargouille de pierre qui gardait les marches menant au bureau directorial.
Celle-ci se déplaça, laissant le professeur et son élève s'engouffrer dans l'escalier en colimaçon. Arrivés en haut, ils virent la porte du bureau ouverte, signe qu'ils étaient attendus. Rogue poussa Ron qui se figea, mal à l'aise.
- Monsieur Weasley, professeur Rogue, entrez, les accueillit Dumbledore avec son habituel sourire bonhomme.
Ron se figea de nouveau en voyant assis dans un des confortables fauteuils qui entouraient la table de travail, son père.
- Asseyez-vous. Un peu de thé, Monsieur Weasley ? Severus ?
- Merci, non, répliqua l'enseignant, acerbe.
- Non merci, murmura l'enfant, préférant poser son regard sur le bureau plutôt que sur son père.
Ce dernier n'avait pas semblé ennuyé d'être ici mais depuis peu, Ron se méfiait de tout et de tout le monde.
- Alors commençons, déclara le directeur. Arthur a demandé cet entretien et je n'ai pu lui refuser. Arthur ?
- Merci Albus. Ron ? Je ne sais pas ce que Maman t'a dit, mais il n'a jamais été question de te renier. Surtout pas parce que tu es à Serpentard.
- Maman l'a dit dans sa Beuglante, murmura l'enfant. Je n'ai plus rien à voir avec les Weasley. Elle m'a renié.
Arthur tenta de caresser la tête de son fils, mais celui-ci se déroba et rentra son cou dans ses épaules. Le père de famille soupira. Il avait peut-être attendu trop longtemps avant de venir. Mais à sa décharge, il avait été mis au courant tardivement des manigances de son épouse. Molly avait fait les choses dans son dos, profitant du fait qu'il partait tôt et rentrait tard du Ministère. Il n'avait appris ce qu'elle avait fait que deux jours auparavant, de la bouche de Lucius Malefoy. L'aristocrate lui avait clairement signifié qu'il aurait dû avoir honte d'avoir rejeté son fils. Autant dire que le responsable du Service des détournements de l'artisanat moldu avait accusé le coup et avait demandé plus d'informations. Il les avait eues et même deux jours plus tard, il ne s'en remettait pas.
- Maman ne l'a pas fait. Elle n'en a pas le pouvoir. Rappelle-toi, Ron, Maman n'est qu'une Weasley par le mariage. Ce n'est pas à elle que revient le droit de décider, mais à ta grande tante Muriel.
- Mais...
- Maman n'a fait que te dire que tu n'étais plus le bienvenu à la maison. À tort, rajouta-t-il en voyant Ron ouvrir la bouche pour répliquer. On ne jette pas un enfant de onze ans à la rue sous le prétexte qu'il n'est pas où on aurait voulu qu'il soit ! Tu es à Serpentard, soit. C'est parce que là est ta place. Maman n'a rien à dire à ce sujet. Elle refuse que tu rentres à la maison ? Bill sera ravi de t'accueillir chez lui, en Egypte. Charlie aurait bien aimé, mais avec sa colonie de dragons, il ne peut pas vraiment. Compte sur moi pour venir te voir. Tu es et tu resteras un Weasley.
Ron était au bord des larmes. Il se sentait trop grand pour pleurer – il avait onze ans tout de même – mais là, il ne put s'en empêcher et fila dans les bras de son père qui le serra contre lui. Il était soulagé d'entendre ces mots. Depuis trois semaines, c'était ce qu'il voulait, ne cessant d'en rêver. Et il y goûtait enfin. L'enfant aurait néanmoins souhaité que sa mère les lui dise aussi.
- Tout va bien mon grand. Tu es mon fils et je serai toujours fier de toi.
Pour clore son discours, Arthur embrassa le front de Ron.
- Pour Maman ? s'enquit le Serpentard d'une voix faible et rendue rauque par ses pleurs.
- Elle reviendra à la raison, tu n'as pas à t'en faire. Tout comme tes frères, ajouta-t-il sombrement. Albus, fit l'homme en se détachant de son fils, n'hésitez pas à envoyer les courriers relatifs à Ron au Ministère et à me joindre par cheminette en cas de problème.
- C'est entendu, Arthur, acquiesça Albus.
- Bien, je pense que cette entrevue est finie. Serait-il possible que Ron me raccompagne, au moins jusqu'aux portes de l'école ?
- Je n'y vois aucun inconvénient.
- Je vous remercie. Ron ? On y va ?
Ravi de passer un peu de temps avec son père, le garçon se leva tel un ressort et courut presque vers la porte avant d'être arrêté par un raclement de gorge. Il se tourna et vit les regards d'Arthur et de Rogue le fixer, réprobateurs. Le rouquin tenta de se rappeler ce qui manquait avant de se mordre la langue, comme pour se punir de ne pas y avoir pensé.
- Désolé, rougit-il. Merci, Monsieur le Directeur, d'avoir permis que ces retrouvailles avec mon père se fassent dans votre bureau. Merci aussi, Professeur, de m'avoir conduit jusqu'ici.
Le hochement de tête de son directeur de maison et le sourire de son père le convainquirent qu'il avait fait ce qu'il fallait.
- Mais c'était tout naturel mon garçon. Arthur, je vous souhaite une bonne soirée.
Ils laissèrent Rogue en compagnie du directeur et descendirent l'escalier pour se retrouver dans les couloirs.
Malgré le fait qu'il soit soulagé d'avoir entendu son père lui affirmer qu'il faisait bien partie de la famille, Ron ne put s'empêcher d'angoisser quelque peu. Devant Dumbledore, Arthur aurait pu être tout sucre tout miel et retirer tout ce qu'il venait de dire une fois seuls – même si ce n'était pas son genre.
- Je te trouve changé, commença l'adulte en commençant à marcher, non sans évaluer son rejeton du coin de l'œil. Je ne saurais dire ce que c'est, pourtant, tu es... non pas différent, mais... oui, tu as changé. Tu manges bien ? Tu dors assez ?
- Ça va.
- Pourquoi ai-je l'impression que tu me caches quelque chose ?
- Je...
Mais son visage et ses oreilles parlèrent à sa place. Ils virèrent au rouge, faisant rire Arthur qui lui demanda davantage d'explications.
- Je n'ai pas l'impression d'être à ma place et pourtant je sais que je le suis.
- Pourquoi as-tu cette impression ? Qu'a dit le Choixpeau le jour de la Répartition ?
- Que Gryffondor m'étoufferait, parce que vous êtes tous passés par cette maison. Mais que Serpentard m'aiderait à prendre confiance en moi. Je sais qu'il a raison, j'y ai réfléchi. Si j'avais été à Gryffondor, je n'aurais été rien de plus qu'un autre enfant Weasley, pas Ron. Mais, à Serpentard, c'est difficile aussi. Ils sont... j'ai l'impression qu'ils sont différents, tu vois ?
- Non.
- Ben...
- Si, je vois, l'interrompit Arthur.
Le « ben » de son fils lui avait fait comprendre où se trouvait le problème. Molly et lui étaient à blâmer. Là où les enfants issus de la haute société sorcière étaient les seuls héritiers, les Weasley, eux, étaient nombreux, trop pour d'aucuns.
Arthur avait été prédisposé en tant qu'homme à faire rentrer l'argent. Il n'avait pas l'envie d'avoir un poste à responsabilité malgré les remontrances de Molly, mais il devait assumer ce choix et donc travailler dur pour faire vivre sa famille. S'ils n'avaient eu qu'un ou deux enfants, voire trois, ils auraient pu s'en sortir facilement, d'autant que maintenant, deux étaient tirés d'affaire. Mais ils en avaient eu sept. Avec Bill et Charlie, ils avaient réussi à les éduquer convenablement. Mais ils avaient été dépassés par les autres.
Quatre ans après la naissance du deuxième était arrivé Percy. Bill et Charlie s'étaient occupés de leur petit frère, avec leurs parents, lui apprenant ce qu'ils savaient.
Deux ans plus tard, les jumeaux étaient arrivés et avec eux, les problèmes. Dès leur plus jeune âge, Fred et George avaient réclamé toute l'attention de leur mère en faisant bêtise sur bêtise, obligeant Molly à laisser de côté ses trois autres fils.
Ron était né deux ans après. Autant dire que sa venue au sein de la famille compliqua encore les choses. C'était une bouche de plus à nourrir et les jumeaux ne voulaient pas de lui. Ils passaient leur temps à le faire pleurer. Molly était épuisée et Arthur était encore moins présent.
L'année suivante, Ginny, la petite dernière, pointait le bout de son nez. Ron avait été rapidement mis de côté, sa mère se concentrant sur sa fille, celle qu'elle voulait depuis des années. En grandissant, la benjamine avait compris qu'elle serait toujours la princesse et en avait profité.
Résultat, entre ses grands frères envahissants et sa jeune sœur qui accaparait l'attention, Ron n'avait pas pu s'épanouir comme il aurait dû, et Molly comme Arthur n'avaient pu leur inculquer à tous les quatre, certaines choses.
- Pour être accepté parmi les autres, je te conseille de regarder comment ils font, se tiennent, ou parlent. En clair... de les espionner.
- Pourquoi ? Je suis bien moi !
Arthur s'arrêta au beau milieu d'un couloir, vérifia l'heure sur sa montre à gousset – le repas n'était pas pour tout de suite, ils avaient un peu de temps – et fit signe à Ron d'aller s'asseoir sur un des bancs qui se trouvait là.
- Tu devrais écrire à ta cousine Mafalda. Je t'enverrai son adresse par hibou dès demain. Elle a été à Serpentard et pourra sans conteste t'éclairer.
La cousine Mafalda... Ron y avait pensé peu après sa répartition. Il avait pensé que tous auraient oublié la fille de ce comptable Cracmol. Apparemment, ce n'était pas le cas.
Ils reprirent leur route vers les portes dans le Hall. Une fois arrivés à destination, Arthur se tourna vers son fils et l'embrassa de nouveau sur le front.
- Tu n'es pas que le sixième enfant Weasley, Ron. Tu es Ronald Weasley et tu es unique. N'oublie jamais cela. Tu as tes forces et tes faiblesses, tu es talentueux et intelligent. Serpentard a de la chance de t'avoir. Si tu as besoin de quelque chose, n'hésite pas à m'écrire au Ministère.
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La discussion avec son père avait permis à Ron de reprendre confiance en lui. Un peu. Assez en tout cas pour lui donner des ailes et finir son devoir de Potions. Il était certain d'avoir une mauvaise note mais se jura que c'était la dernière.
Le lendemain, il avait reçu une lettre venant d'Arthur qui lui rappelait qu'il l'aimait toujours et que l'enfant pouvait lui écrire quand il le voulait. Le sorcier avait joint une adresse que Ron devina être celle de sa cousine.
Il avait tenté d'écrire une missive à la jeune femme et y était parvenu après plusieurs heures. Ne restait qu'à attendre une réponse.
Dans tous les cas, le rouquin, fort de sa promesse, s'était rendu à la bibliothèque pour étudier. Il avait fini par découvrir le pouvoir des livres. Jusque là, il n'avait jamais lu, même pendant les cours, misant sur ce qu'il avait écouté en classe, car ces exemplaires étaient pour lui synonyme d'ennui. Ron s'était rendu compte qu'il s'était trompé. Les manuscrits poussiéreux pouvaient révéler des trésors. Depuis cette découverte, le rouquin dévorait avec avidité les différents grimoires, emmagasinant des connaissances qui se révélèrent utiles dans sa vie de tous les jours et pour ses devoirs. Pour la première fois de sa vie, il avait été happé par ce silence et s'était demandé pourquoi il avait eu si peur de s'y rendre. Depuis que le Serpentard avait découvert ce calme, il y passait tout son temps libre, délaissant sans honte sa propre maison, ne les rejoignant que pendant les repas et au moment du couvre feu – et là encore, il se faufilait dans son dortoir, se changeait se glissait dans son lit.
Une semaine après avoir envoyé sa lettre, il reçut enfin une réponse de sa cousine Mafalda. La missive arriva au petit-déjeuner. D'une main tremblante, il récupéra le courrier, donna un bout de toast au hibou et le regarda s'envoler, sans doute pour aller se reposer à la volière.
Ron soupira pour se donner du courage. Il avait envie de savoir ce que la jeune femme disait, mais il appréhendait. Et si elle lui faisait clairement comprendre qu'elle ne voulait plus jamais entendre parler de lui ? C'était fort probable.
Lentement et oubliant totalement son assiette encore pleine, Ron décacheta le sceau et déplia le parchemin.
« Cher Ron,
C'est avec surprise que j'ai reçu ta lettre. Je ne m'y attendais pas. Mais elle m'a fait grand plaisir et m'a beaucoup touchée.
Alors comme cela, je ne suis pas la seule Weasley à avoir été à Serpentard ? C'est une bonne chose je dois dire. La famille estime queGryffondor est la seule maison acceptable. Je ne suis pas d'accord. Toi et moi le savons maintenant, mais les Serpentard ne sont pas les uniques pourvoyeurs de mages noirs. Certes, Tu-Sais-Qui en a fait parti, mais regarde ses Mangemorts, ils ne viennent pas tous de là. Et tous les Serpentard ne finissent pas Mangemorts, car je n'en suis pas une et je suis certaine que tu ne feras pas la bêtise de t'allier avec eux, même si leur Maître n'est plus.
Concernant tes inquiétudes vis-à-vis de cette hiérarchie et du fait que tu sois au bas de l'échelle, tu n'as pas à t'en faire. Rien que le fait que tu te poses la question me démontre que tu es intelligent. Tu grimperas les échelons comme je l'ai moi-même fait pendant mes années d'école. Je ne veux pas t'alarmer, mais pour ma part, cela ne s'est pas fait avant ma Troisième Année. J'étais la fille d'un cracmol, ma mère était moldue et j'étais une Weasley. En bref, je n'avais rien. Toi, tu es un Sang-Pur. Ce qui te dessert, c'est que tu es aussi un Weasley.
Si tu veux gagner du galon, tu dois le prouver et le mériter. Les sièges sont éjectables dans cette maison. Un jour, tu peux être premier, le lendemain, dernier et ce, sans comprendre comment.
Ce qu'il faut que tu saches, c'est que tout n'est qu'apparence et que si tu ne rentres pas dans les clous comme disent les moldus, tu seras en bas. Cela passe par ton comportement, tes manières, ta façon de t'exprimer, et j'en passe. Un Serpentard se doit d'être exemplaire. D'aucuns estiment que Serpentard est la maison élitiste. C'est sans doute vrai. La plupart des Sang-Pur élevés dans la plus pure tradition sorcière finissent à Serpentard. Même si, pour certains, on se demande ce qu'ils font là-bas.
En tout cas, tu ne dois pas faire tâche.
Si tu te sens différent des autres, dans tout ce que j'ai cité, ce n'est pas grave. Tu peux apprendre. Eux savent. Toi, copie.
Nous n'avons, moi c'est certain, pas été élevés dans ce monde-là. Donc nous ne sommes pas au fait du protocole à respecter. Eux, si, et ils le suivent à la lettre. Serpentard ne fait que reproduire ni plus ni moins ce que la haute société sorcière anglaise exige, à quelques exceptions près.
Je n'ai jamais dit que tu devais renier tes convictions ! Attention ! Certainement pas. Tu te dois juste de rentrer dans un moule au niveau de l'apparence. Si tu montres que tu es bien en apparence, mais que tu ne crois pas en toi ou en tes convictions, tu te feras détruire.
J'espère ne pas t'avoir effrayé. Si c'est le cas, vois la vie à Serpentard comme une représentation d'une pièce de théâtre. Tu es un acteur, tu te dois de faire passer à ton public les sentiments que tu veux.
Cordialement,
Mafalda W.Espenenzer »
Ron replia la lettre, pensif. Un acteur ? Une représentation ?
Il n'avait jamais vu ni lu de théâtre. C'était très en vogue chez les aristocrates d'aller regarder une pièce. Mais les Weasley n'avaient pas eu les moyens d'emmener leurs enfants, d'autant plus qu'ils savaient parfaitement que ces derniers seraient intenables.
Cela dit, Ron savait ce qu'étaient un acteur et une pièce. Si sa cousine lui donnait ce conseil, c'était qu'elle s'y connaissait.
Inconsciemment, les rouages de son cerveau s'étaient mis en route et élaboraient une stratégie.
Qu'on se le dise, Ron était loin d'être stupide. Il était fin et calculateur. Habile joueur d'échec, il était capable de prévoir près de dix coups d'avance et savait parfaitement improviser.
Il se rendit compte que la vie était une partie d'échec, surtout quand on faisait partie de la maison Serpentard, et Ron était déterminé à avoir sa place au sein des Vert-et-Argent, dusse-t-il changer complètement de comportement.
Au lieu de plonger tête baissée dans la masse, l'enfant s'était mis en retrait et observait avec attention ses condisciples, à chaque instant de la journée, comme le lui avait conseillé son père. Il avait décidé de calquer son attitude avec celle de Malefoy, mais il n'était pas question de l'imiter totalement.
Pendant les repas, Ron avait mis du temps avant de comprendre pourquoi les autres préféraient qu'il mange loin d'eux. Ses manières étaient déplorables. Ses parents ne lui avaient jamais dit que se jeter sur la nourriture était mal élevé, tout comme manger et parler la bouche ouverte.
Le rouquin s'était fait discret et personne ne venait l'embêter.
Peu à peu, le changement fut visible. Ron vit ses notes augmenter sensiblement et sa maison commença à l'accepter un peu plus, mais pas encore totalement. Cela dit, ces bouleversements n'étaient pas du goût de tout le monde.
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Fred et George Weasley étaient considérés par l'ensemble du corps professoral comme deux terreurs, pire que Peeves, l'esprit frappeur. Ils n'étaient pas méchants, mais juste affreusement blagueurs. Les enseignants les appelaient les Maraudeurs, en référence à un groupe de quatre garçons de Gryffondor qui avait sévi dans les années 70 à Poudlard. Des maîtres en farces de tout genre qui n'avaient presque jamais été pris. Ce surnom leur allait bien car les jumeaux étaient déterminés à leur ressembler.
Ils avaient l'amour des tours, mais aussi un grand besoin d'être au centre de l'attention au sein du cercle familial. Aussi, lorsque leur petit-frère était allé à Serpentard au lieu de Gryffondor, ce qui serait passé inaperçu car il n'était rien de plus qu'un autre Weasley, les garçons n'avaient pas apprécié.
Ils n'avaient cependant rien tenté parce que le petit Ronny s'était vu être mis au banc de sa propre maison et que leur mère l'avait publiquement renié. Mais au cours des semaines, ils l'avaient vu changer doucement et devenir un de ces Serpents méprisables. Ce n'était pas tolérable !
Pire encore, les professeurs leur demandaient, non pas de prendre exemple sur leur frère Percy – trop sérieux pour son propre bien – mais sur Ron.
Fred et George ne pouvaient laisser passer cela !
Leur but n'était pas de blesser le cadet, mais juste de lui faire comprendre que les Serpentard n'étaient pas fréquentables.
Manque de chance pour eux, Ron ne cessait de suivre le groupe et il était difficile de l'isoler.
Ils y parvinrent après plusieurs jours d'attente lorsque leur petit frère sortit, seul, de la bibliothèque. Fred bondit sur le plus jeune et le bloqua dans ses bras et, aidé par George, il l'emmena dans une salle de classe vide non loin de là.
- Lâchez-moi, gronda Ron en écrasant consciencieusement le pied d'un des deux jumeaux – il ne savait pas lequel.
Le Serpentard vit sa demande être réalisée et se recula pour s'éloigner le plus possible de ses frères qu'il toisa.
- Vous voulez quoi ? ! cracha-t-il, les yeux étincelants de colère.
Ce fut la seule manifestation de sa mauvaise humeur. Malgré lui, il avait déjà commencé à garder une expression neutre en toute circonstance.
- Te rappeler qui tu es ! s'exclama George.
- C'est étrange que vous osiez tous les deux m'enlever pour me le rappeler alors qu'il n'y a pas si longtemps, vous m'avez tourné le dos au moment où j'avais besoin de vous !
- Tu deviens comme eux.
- Tu n'aurais jamais dû aller à Serpentard ! gronda Fred. Ta place était à Gryffondor !
- Non, Fred ! Ma place est là où je suis ! Et non, je ne deviens pas comme eux, George, je prends conscience de certaines choses. En quoi cela vous dérange-t-il ?
Les jumeaux se regardèrent, outrés par la question. Un Weasley à Serpentard, ce n'était pas normal ! C'était comme un Malefoy à Gryffondor, ça ne s'était jamais vu ! Ils oubliaient leur cousine Mafalda qui avait pris le même chemin que Ron et qui ne s'en était pas mal sortie.
- Tu vas devenir un Mangemort ?
- C'est ce qui vous préoccupe ? Le fait que je puisse ou non suivre les idéaux d'un crétin mégalomaniaque qui a tué les deux frères de Maman ? Et oserais-je vous rappeler qu'il est mort ? Il a été détruit par Potter, il y a dix ans.
Ron n'était pas dupe, ses deux aînés n'osaient pas dire ce qu'ils avaient sur le cœur. Pourtant, ce n'était pas leur genre, à moins qu'ils ne tournent autour du pot, le perdant pour mieux le blesser par leurs propos.
- Oui ! Tous les Serpentard sont passés par là ! Tous sont des Mangemorts convaincus !
- Vous prêtez attention à ces clichés ? Vous êtes plus bêtes que...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que la main de Fred s'abattit brutalement sur sa joue, laissant une marque rouge. Ron frotta l'endroit du bout des doigts et regarda son frère, interloqué.
- Vous ne valez pas mieux que les autres en fin de compte, fit-il à voix basse. Vous pensez que les Serpentard sont mauvais, et que les meilleurs sont à Gryffondor. Vous avez tout faux. Ce n'est pas parce qu'un sorcier a fait une chose bien ou mal, que toute sa maison est pareille. Les Lions sont tout autant susceptibles d'aller rejoindre les rangs de Vous-savez-Qui, comme les Poufsouffle et les Serdaigle. Le Choixpeau dit que chaque maison est particulière, pas qu'il y en a une qu'il faut fuir à tout prix. Apprenez à penser par vous-mêmes, au lieu de penser par les autres ! Maintenant, si vous me permettez, je vais rejoindre ma maison.
Il laissa derrière les jumeaux encore sous le choc de ce que Fred venait de faire, et rejoignit sa salle commune non sans avoir envie de pleurer. C'était la première fois que son frère levait la main sur lui. D'habitude, il s'amusait avec George à tester des blagues sur lui. Autant dire que ce coup l'avait ébranlé.
Son arrivée dans les cachots fut assez remarquée, du moins, c'était sa marque sur sa joue qui attira les regards. Dakin s'approcha de lui, au nom de tous les Serpentard et le toisa.
- Qui ?
Ron comprit sans difficulté la question pourtant succincte : qui l'avait frappé ? C'était toujours la même dès qu'un Serpent revenait avec des bleus visibles. Le garçon savait exactement ce que les autres allaient faire s'il répondait.
- Personne, fit-il.
- Weasley !
- Je me suis toujours débrouillé, Dakin, répliqua Ron en le fixant dans les yeux. Et je continuerai à me débrouiller tout seul. J'ai des devoirs à finir, ajouta-t-il avant de s'éclipser pour monter dans son dortoir et récupérer ses affaires afin de travailler en bas, dans la salle commune.
Il se posa par terre, à sa place – il y avait des chaises et des tables, mais le garçon avait pris l'habitude d'être là depuis qu'on lui avait fait comprendre en début d'année qu'il n'avait pas le droit de s'asseoir là – et commença à relire le cours du lendemain.
Une petite Première Année, du nom de Daphné Greengrass, jolie blonde aux longs cheveux bouclés, aux adorables yeux marrons et au visage de poupon, s'installa à ses côtés.
- Tu révises quoi ? demanda-t-elle.
- Métamorphoses. McGonagall a laissé planer l'idée d'un devoir pour demain et je veux être prêt.
- Tu veux qu'on révise ensemble ? proposa-t-elle.
Ron haussa les épaules, n'y voyant aucun inconvénient. Et puis, cela pourrait peut-être l'aider à comprendre certaines choses.
Durant deux bonnes heures, Daphné et son camarade refirent les métamorphoses apprises jusqu'à y arriver parfaitement, ainsi que le cours en lui-même, apprenant encore et encore la décomposition du mouvement, les différents objets qu'on pouvait utiliser pour ce sort, les contre-indications... jusqu'à être capables de les réciter en dormant.
Les deux enfants se sourirent, fiers d'eux et se souhaitèrent une bonne nuit. C'était la première fois qu'une personne issue du haut de la hiérarchie des Première Année venait lui parler. Daphné était placée juste après Drago parce que sa famille était riche. Après elle, venaient Blaise Zabini puis Théodore Nott, Millicent Bulstrode, Tracey Davis, Pansy Parkinson, Gregory Goyle, Vincent Crabbe et enfin lui, Ron. Même Crabbe ne s'adressait pas à lui.
Étonnamment, ces révisions furent le début de nombreuses autres.
Le lendemain de son altercation avec ses frères, Ron fut appelé dans le bureau de Rogue peu après la fin de ses cours. C'était la deuxième fois depuis le début de l'année et il angoissait quelque peu de devoir s'y rendre encore, surtout qu'il ne savait toujours pas pourquoi.
- Entrez, ordonna le professeur après que le rouquin ait frappé contre la porte. Monsieur Weasley, asseyez-vous.
L'enfant nota la présence de Dakin et retint un soupir. Maintenant, il savait pourquoi il était là. Le Préfet-en-Chef n'avait pas pu s'empêcher de tout raconter à leur directeur de maison !
- Monsieur Dakin m'a... mis au courant de quelque chose qui me laisse perplexe. Apparemment, vous auriez été frappé. Qu'avez-vous à dire ?
- Cooper vous a dérangé pour rien, Monsieur, affirma l'enfant poliment.
- Vraiment ? Regardez-moi, Monsieur Weasley, dans les yeux et osez me répéter cela en face.
- Il ne s'est rien passé, Professeur, répondit le garçon, le regard braqué sur son enseignant.
- Vous mentez. J'exige la vérité, Monsieur Weasley, sinon j'irais la chercher moi-même et je peux vous garantir que vous n'aimerez pas ! Alors ?
Ron ne dit rien. Son esprit était en train de se demander comment Rogue avait su qu'il mentait. Ce n'était pas à proprement parlé d'un mensonge mais d'une semi-vérité. Il n'avait pas envie d'avouer qui était responsable de la marque sur sa joue, marque qui avait disparu, parce qu'il s'agissait de ses frères et que ce n'était pas leur genre.
- Monsieur, avec tout le respect que je vous dois, ce sont mes...
- Taisez-vous, Weasley ! tonna Rogue en se levant de sa chaise. Vous êtes un élève de ma maison, par conséquent votre bien-être et votre sécurité sont plus importants que tout le reste ! Je me moque éperdument de vos états d'âme à donner le nom de votre ou vos bourreaux, il n'est pas question qu'un Serpentard se fasse malmener ! Mais, ajouta-t-il avec un rictus victorieux, il vous est arrivé quelque chose. Alors je veux le nom du ou des coupables et vite !
- Celui ou ceux qui ont fait cela, Monsieur, ne recommenceront plus, assura Ron en tremblant sur sa chaise.
- En êtes-vous certain ?
- Oui, Monsieur.
- Alors sortez. Mais à l'avenir, si une telle occurrence venait à se reproduire, ne cachez rien.
- Bien, Monsieur. Bonne soirée.
Ron ferma la porte dans son dos, soulagé. Tout s'était bien fini en fin de compte. C'était le principal.
- Monsieur Dakin, fit Rogue au Septième Année une fois qu'ils furent tous les deux seuls dans le bureau, vous allez surveiller Monsieur Weasley.
- Puis-je demander pourquoi ?
- Parce qu'il a peut-être été placé à Serpentard, mais il est aussi tête brûlée qu'un Gryffondor et qu'il aura une forte tendance à se mettre dans les ennuis. J'en ai déjà assez avec ce Potter, il est inutile d'en rajouter avec un de mes Serpents.
- Savez-vous qui lui a fait cela ?
- J'en ai une assez bonne idée en vérité, et je sais qu'il ne dira rien. Je suis certain aussi que si un tel incident venait à se reproduire, il tiendrait sa langue et ne demanderait rien à personne parce qu'il estime que c'est à lui de se débrouiller.
- Ce...
- C'est un Serpentard élevé par des Gryffondor et leur politique est simple : « aide-toi et le ciel t'aidera ». Aucun Gryffondor n'ira demander de l'aide auprès des autres, c'est dans leur nature. À vous, Monsieur Dakin, de faire en sorte que votre camarade pense autrement. Je pense que cet entretien est terminé.
- Bonne soirée, Monsieur, fit Dakin en quittant à son tour le bureau, perdu.
Comment changer un pur Gryffondor en Serpentard ? C'était mission impossible.
Dans la salle commune des Vert-et-Argent, Ron avait été rejoint par Daphné.
- Comment s'est passée l'entrevue avec Rogue ? s'enquit la fillette en prenant place à ses côtés, par terre.
Étrangement, la plupart des Première Année s'étaient installés sur le sol pour travailler malgré les tables vides. Ils avaient imité Daphné, du moins d'abord Parkinson parce que la jeune Greengrass était son modèle, et puis les autres avaient suivi.
Tout le monde savait pour son rendez-vous avec Rogue et, à part lui, principal concerné, tous étaient parfaitement au courant de la teneur de cette réunion.
- Bien.
- Tu ne lui as rien dit, n'est-ce pas ?
- C'est si flagrant ? gloussa le rouquin, pas du tout énervé par cette intrusion dans sa vie privée, même si ce n'était plus du domaine du privé dès le moment où tout le monde le savait.
Il avait appris que les Serpentard étaient des opportunistes et qu'il valait mieux garder pour soi ce qu'on voulait garder secret. Certains de ses condisciples avaient vu certaines informations être éventées parce qu'ils n'avaient su garder le silence. Ron appréciait Daphné mais n'avait pas confiance en elle, alors beaucoup de choses demeuraient cachées.
- Disons que tu es transparent. Pour les autres maisons, ils ne se seraient doutés de rien, mais nous, nous parvenons à te lire, ton masque n'est pas encore impénétrable. Cela dit, tu as fait des progrès.
C'était étrange d'entendre cela de la bouche d'une blondinette qui paraissait constamment d'excellente humeur. Mais Ron savait qu'elle portait elle aussi un masque et ne montrait aux autres que ce qu'elle désirait qu'ils voient, en l'occurrence, un grand sourire et des yeux pétillants.
- Pourquoi n'as-tu rien dit à Rogue ?
- Parce que c'est une affaire qui me regarde moi, et non les membres de ma maison. On m'a fait comprendre de me débrouiller, je me débrouillerai donc seul. Je l'ai toujours fait, je ne vois pas pourquoi je changerais cela.
- Parce que tu es à Serpentard, Ron, et que tu fais partie de notre famille. Nous sommes, chacun d'entre nous, une partie d'un même tout. Tu frappes une partie, les autres se doivent de réagir.
- Ce n'est pas logique. Si Serpentard doit être vu comme une seule et même personne, alors pourquoi cette politique de hiérarchisation ? Chacun devrait être égal, car pour un corps, chaque membre et chaque organe a une fonction importante, même si on ne s'en doute pas.
Sa réponse fit froncer les sourcils de Daphné. Aurait-il visé juste ? Possible.
- La hiérarchie est là pour rappeler que tu dois toujours te dépasser afin de surpasser l'autre, répliqua Malefoy debout devant eux, l'air nonchalant avec ses mains dans les poches. Mais en aucun cas, tu ne dois oublier que si l'un est touché, tout le monde l'est. Un Serpentard fait du mal à un autre, ils résolvent leurs problèmes avec un Préfet-en-Chef. Un autre élève d'une autre maison fait du mal à un Serpentard, les autres se doivent de réparer cette injustice. Nous sommes une famille.
- Pourquoi me dire ça ?
- Parce que tu agis comme un Gryffondor et non comme tu devrais le faire. Apprendre à se débrouiller c'est bien, apprendre à compter sur les autres, c'est mieux.
Il leur tourna le dos et reprit ses occupations, à savoir parler avec des Deuxième Année.
- Il n'a pas tort, fit Daphné. Tu es encore trop Gryffondor, même si tu te Serpentardises un peu.
- Sans doute, mais Serpentard, même après deux mois, reste une énigme pour moi. Vous êtes trop complexes.
- Ce n'est pas mieux ? interrogea la fillette en penchant la tête sur le côté.
Le pire, c'était qu'elle avait l'air sérieux en disant cela.
- Le complot, les intrigues, les alliances, tenter de percer les masques... c'est toute la beauté de Serpentard.
- Je pense que je ne m'y ferai pas, tout comme je resterai jusqu'à la fin de ma scolarité en bas de l'échelle, soupira Ron presque théâtralement.
C'était dit sur le ton de la plaisanterie, mais le garçon se disait que c'était peut-être vrai.
- Ce n'est pas qui tu es qui détermine ta place, ni ta façon de te comporter. C'est ta capacité à suivre ta propre voie, fit Daphné. Regarde Drago, il est le chef des Première Année, non pas à cause de son argent ou de la notoriété de son père, mais parce qu'il s'est imposé. Parkinson, Crabbe et Goyle sont en bas, parce qu'ils pensent que c'est leur place et qu'il ne leur viendra jamais à l'idée de réfléchir par eux-mêmes.
- Donc... tu veux dire que j'ai la place que je veux ?
- Oui et non. Hiérarchiquement, tu es en bas de l'échelle. Mais il ne tient qu'à toi de gravir les échelons.
- C'est... paradoxal.
Il était content d'avoir réussi à caser ce mot, il l'avait vu dans un livre et avait dû en rechercher la définition dans un dictionnaire.
- Pardon ? Tu as dit ?
- C'est paradoxal ce que tu viens de me dire. Serpentard n'est pas hiérarchisé mais en fait elle l'est. C'est un peu contradictoire.
- Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas aux autres de te dire si tu as changé de place...
- C'est à moi de le savoir ?
- Non, pas tout à fait.
Daphné chercha ses mots un instant avant de se déplacer pour s'installer face à lui. Elle plongea ses yeux chocolat dans ceux, bleus, de son vis-à-vis.
- Tu es à la place que tu occupes parce que tu t'estimes à cette place.
- Pardon ?
Là, il était perdu. C'était... sibyllin – là encore, ce mot, il avait dû aller en rechercher la définition.
- Te sens-tu supérieur à Crabbe ?
- Non, ni supérieur ni inférieur.
Il put voir briller dans les yeux de Daphné une lueur qu'il ne comprit pas. Pourquoi devrait-il se sentir supérieur ?
- Tout réside là-dedans. Tant que tu ne te considéreras pas plus important que les autres, tu seras le dernier.
- C'est... affreux comme moyen de penser.
- Non, pas affreux, Weasley. Serpentard.
Ron se permit un instant de réflexion et dût admettre que c'était une stratégie intéressante. Daphné lui tapota le genou et se releva en époussetant sa robe, tandis que, mentalement, il élaborait une autre tactique.
L'observation était finie, place à l'action.
Son but n'était pas de devenir aussi arrogant que certains Serpentard, mais juste d'être mieux accepté, peut-être même de changer encore un peu. Il avait guetté Malefoy, Nott, Daphné ou même Zabini, le sommet de la pyramide des Première Année, au début, et devait avouer que ce que son « amie » lui avait dit était très vrai. Il suffisait de les voir parler aux autres. Cela dit, la blonde s'adressait à lui de manière cordiale pour l'instant. Était-ce donc une manière de dire qu'il avait sa place plus haut ? Ou simplement un moyen de le pousser à gravir les échelons pour ensuite le laisser tomber ?
Après une longue réflexion, Ron se dit que le plus important n'était pas qu'il ait des amis, mais qu'il termine sa scolarité et décroche un travail. Il avait toujours été tout seul durant son enfance, ses frères ne voulaient pas jouer avec lui parce qu'il était trop petit. Passer les six prochaines années de même ne devrait pas être trop difficile.
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Malgré la demande de son père de passer Noël à la maison – il avait argué que l'école n'était pas très sûre depuis l'entrée d'un troll dans l'enceinte du bâtiment le soir d'Halloween, troll dûment tué par les professeurs, et aucun élève n'avait jamais su qui en était le responsable – Ron préféra rester à Poudlard et bien lui en prit car ses parents avaient décidé, quelques jours plus tard, de partir en Roumanie voir Charlie.
Le Serpentard fut l'un des rares à passer les fêtes au château. La grande majorité des élèves était rentrée. Il ne restait que quelques Gryffondor tels que Fred, George, Percy et Harry Potter, des Poufsouffle de Septième Année, des Serdaigle de Cinquième Année et deux autres Serpents, Dakin ainsi qu'un autre dont Ron ignorait le nom. Pour tout dire, le nombre peu élevé d'étudiants l'arrangeait. Ainsi, il y aurait moins de bruit dans la Grande Salle – ses oreilles s'étaient découvertes une intolérance subite au raffut qui ne manquait pas d'y avoir à chaque repas – et dans sa salle commune – il avait développé une soudaine passion pour la solitude et une profonde aversion pour les gens qui se regroupaient en masse.
Les deux semaines de vacances furent mises à profit pour réviser. Grâce à ses nombreuses heures d'études, Ron avait de bien meilleures notes. Il n'était pas aussi bon qu'Hermione Granger ou Malefoy, mais il surpassait aisément la plupart de ses camarades.
Depuis sa discussion avec Daphné, le garçon avait commencé à voir les choses autrement et à suivre ce qu'avait dit sa cousine à propos de la vie à Serpentard. Il fallait penser à une représentation, et c'était ce que le jeune Weasley faisait du matin au soir. Les premiers jours furent épuisants, mais au bout d'un moment, il y avait pris goût et le changement avait été radical.
Il avait adopté certaines choses, notamment sa façon de parler, de se tenir à table, de se comporter avec les autres, de porter en permanence un masque, mais il avait décidé de mettre de côté la hiérarchie. À quoi servait-elle ? À ses yeux, à rien. Alors au lieu de penser au moyen de gagner des galons, comme les autres, il pensait à lui. Oui, c'était égoïste, mais un Serpentard l'était sans conteste. Preuve s'il en était que chacun faisait quelque chose pour sa personne et non pour ses condisciples.
Lorsque ceux-ci rentrèrent, le garçon fut presque déçu, la tranquillité prenait fin et c'était le retour de l'acteur.
Personne ne vint le voir et, à sa grande surprise, cela ne le vexa pas le moins du monde. Il avait pris l'habitude d'être seul, cela faisait presque un mois et demi qu'il avait pris cette décision.
Daphné fut la seule à l'approcher après le dîner, pour lui demander de lui raconter ses deux semaines à l'école.
Ron ne fuyait personne, mais il ne trouvait pas utile de se mêler à des personnes avec lesquelles il ne partageait rien, sauf un sang – soi-disant – pur, la répartition à Serpentard et... ce devait être tout. Lorsqu'on lui adressait la parole, il se montrait agréable et était parfaitement capable de faire la conversation, poliment, mais ne paraissait jamais plus impliqué ni passionné.
- Et toi ? demanda-t-il après avoir fini son récit plutôt succinct.
- Ma petite sœur, Astoria, n'a pas cessé de me coller toutes les vacances pour que je lui raconte encore et encore chaque détail de Poudlard.
Les Greengrass n'avaient que deux enfants, deux filles, Daphné, l'aînée, et Astoria, sa cadette de deux ans. Ron ne l'avait jamais vue, mais il était certain qu'elle était aussi jolie que sa sœur.
- Elle ne rentre à l'école que dans deux ans et, je peux te l'affirmer, elle est impatiente.
- Serpentard ?
- Non, Serdaigle, du moins, c'est ce que je pense. Tu as une sœur, non ?
- Ginny... Ginevra. Elle a un an de moins que moi. J'ignore dans quelle maison elle sera. Serpentard serait bien, Gryffondor aussi. Pas Poufsouffle ni Serdaigle.
- Tu sais, avant de te voir me dépasser en classe, jamais je n'aurais misé sur Serdaigle pour toi. Mais tu y aurais ta place.
Intérieurement, Ron rougit, mais rien ne transparut sur son visage. Daphné estimait qu'il avait sa place à Serdaigle. S'il était surpris, ce n'était pas le cas des autres. En effet, il avait de meilleures notes que la plupart des Aigles, réputés pour être les meilleurs.
- Je ne pense pas, répondit-il honnêtement.
Pour lui, les Serdaigle étaient égocentriques, ne pensant qu'aux notes et non à l'amitié. Ils traînaient ensemble mais il n'y avait pas de place pour autre chose que les études. Ils mettaient en commun leurs réponses à chaque fin de devoir, histoire de comparer et n'hésitaient pas à rabrouer ceux qui s'étaient trompés. Tout était bon pour enfoncer l'autre.
Serpentard n'était peut-être pas mieux, mais il n'y avait pas cette histoire de concurrence, de savoir qui était le plus intelligent ou de rabaisser publiquement les malheureux qui avaient échoué.
- Si tu étais de nouveau réparti, tu penses que tu serais où ? demanda-t-elle.
- Aucune idée. Pas Poufsouffle, j'en doute fortement. Serpentard, encore une fois, ou peut-être Gryffondor.
- Encore à Serpentard ?
- Oui, très chère, cela vous choque-t-il ? sourit Ron.
- Que nenni, mon bon ami, je suis d'avis que vous êtes fait pour cette maison et que vous y avez votre place autant que nous.
- Vous êtes bien aimable, Milady.
Les deux enfants rigolèrent doucement dans leur coin. Ce n'était pas dans les habitudes de Ron de parler de la sorte, mais cela l'amusait grandement. Même s'il prêtait beaucoup d'attention à ses phrases, prenant grand soin d'employer des mots et des tournures plus soutenus que d'aucuns, elles n'étaient pas aussi recherchées. Cela faisait partie de son rôle et il avait remarqué que c'était tout de suite plus distingué.
Il s'était rendu compte de bien d'autres choses encore depuis sa métamorphose en petit sorcier bien élevé, notamment que voir d'autres élèves manger salement le rendait malade. Maintenant, il comprenait aisément pourquoi ses condisciples s'étaient éloignés. Assister au spectacle des jumeaux Weasley à un repas était... atroce. Le jeune Serpentard prenait donc place dos à la table des Gryffondor pour ne pas avoir à assister à ce massacre.
Mais il y avait certaines habitudes que Ron ne changerait jamais, surtout en ce qui concernait la nourriture. Il pouvait manger de façon aristocratique tout en se resservant et quiconque avait le malheur de s'approcher un peu trop près de son assiette en paierait le prix. Goyle s'y était risqué, une fois, pensant que prendre la nourriture de Ron – inférieur à lui dans l'échelle de la hiérarchie – ne serait pas un problème. Autant dire qu'il le regrettait encore : la fourchette du rouquin s'était plantée sans préavis dans sa main, le faisant couiner comme un goret. On avait du l'emmener d'urgence à l'infirmerie. Depuis, personne ne dérangeait le jeune Weasley pendant qu'il mangeait et, grâce à cette intervention, il avait gravi les échelons, se retrouvant ainsi devant Goyle et Crabbe, mais cela, il s'en moquait.
0o0
La fin de l'année scolaire s'approchait à grands pas. Ron avait bien changé en un an, il avait mûri loin de sa famille, s'était affirmé et se sentait plus... lui.
Par acquis de conscience, il avait demandé à son père s'il rentrait pendant les vacances d'été et le patriarche avait dit oui, que le contraire était impensable. Suite à la réception de la lettre de son géniteur, Ron était inquiet de la réaction de sa mère. Il n'avait jamais pris contact avec elle et n'en avait eu aucune envie depuis qu'elle l'avait renié. Le Serpentard lui en voudrait peut-être toute sa vie, mais il éprouvait le besoin de voir sa famille. Bill et Charlie seraient à la maison pendant le mois de juillet. Percy avait décrété qu'il était ravi d'avoir un frère à Serpentard. Seuls Fred et George étaient... en proie au doute. Ils ne savaient que penser. Et Ginny se calquait sur Molly.
Bientôt, il fut l'heure de faire les valises et d'assister au dernier banquet de l'année. Serpentard et Gryffondor avaient été au coude à coude cette année, mais la victoire revenait aux Vert-et-Argent. La Grande Salle était parée des couleurs de la maison en tête, à la grande joie de celle-ci.
Ron, après un an à vivre là, était presque triste de quitter les cachots pour revenir chez ses parents. Il se sentait chez lui ici. Mais il savait qu'il reviendrait l'année prochaine et il se prit à espérer que les vacances passent vite.
Le trajet en train lui parut ne durer que quelques minutes à peine. Tellement plongé dans ses pensées, il ne se rendit compte de rien et dut troquer bien trop vite à son goût son uniforme contre ses vêtements de tous les jours, un peu grands, un peu élimés par endroit, et surtout, qui n'étaient pas vraiment à lui. Ils avaient appartenu à ses frères avant de lui revenir. C'était toujours comme cela chez eux, les plus jeunes héritaient des affaires des autres.
- Ron ! appela son père une fois le train arrêté et l'enfant sur le quai de la gare avec sa malle et son rat dans la poche – animal qui avait passé l'année dans un coin de son lit sans bouger, à dormir, à tel point que le rouquin l'avait oublié et avait failli le laisser au château.
Ron sourit et s'approcha d'Arthur qui rayonnait de joie de le revoir enfin. Leur dernière entrevue remontait au mois d'octobre ou peut-être avant. L'enfant accepta volontiers l'étreinte paternelle. Pour un peu, il aurait pleuré car il venait de prendre conscience que son père lui avait manqué.
Ils furent rejoints par les jumeaux, qui se tinrent à une distance respectable de leur jeune frère – l'enfant l'ignorait, mais Fred et George avaient chèrement payé le coup qu'ils lui avaient donné, les Serpents ne supportaient pas qu'on s'en prenne à l'un des leurs – puis par Percy.
Juste avant de partir, Ron aperçut Drago Malefoy qui le fixait, aux côtés de son père, et qui lui fit un petit signe.
- J'arrive Père, fit le rouquin, adoptant inconsciemment le parlé des aristocrates, à la grande stupeur d'Arthur et de ses frères.
Il quitta le giron et se dirigea vers les Malefoy pour savoir ce que cette famille lui voulait.
- Père, fit Drago, je voudrais vous présenter Ronald Weasley.
- Le deuxième Weasley à prendre la bonne voie. Enchanté de vous connaître, fit l'homme en tendant la main.
Il portait un masque, aussi était-il difficile de savoir s'il était sérieux ou s'il se moquait de son interlocuteur.
- Moi de même, Lord Malefoy, répondit poliment Ron en la serrant dans la sienne.
- Je pense que tout espoir n'est pas perdu pour vous, jeune homme.
Le garçon savait exactement ce que sous-entendait Malefoy. Pour eux, comme pour beaucoup de Sang-Pur fiers de leurs origines et de leur éducation, les Weasley étaient trop nombreux, sans ambition, mal éduqués et pauvres. Voir l'un d'eux parler avec une certaine distinction, que ce soit dans le discours ou dans l'attitude, devait être surprenant.
- Parce que je suis à Serpentard ?
- Vous verrez, Monsieur Weasley, qu'avoir été dans cette maison vous ouvrira de nombreuses portes. Et puis, comme je l'ai appris de Drago, vous êtes travailleur et bon élève.
- Drago est bien meilleur que moi, dans toutes les matières.
- Je n'en attends pas moins de lui. J'espère que vos parents sont fiers de vous.
- J'en suis certain, répondit-il avec aplomb alors qu'il n'en était pas sûr. Veuillez m'excuser, Lord Malefoy, mais je me dois d'y aller.
En effet, il avait repéré son père qui s'approchait et ne voulait pas d'une confrontation entre les deux hommes dont la haine était connue de tous.
- Croyez bien que j'ai été ravi de faire votre connaissance, Lord Malefoy, déclara Ron en s'inclinant légèrement avant de tourner les talons pour rejoindre Arthur.
Il esquissa un sourire ravi lorsque, dans son dos, il entendit Lucius parler à son fils :
- Je gage que ce garçon ira loin.
C'était sans doute le meilleur compliment que l'homme hautain, froid et impassible puisse lui faire.
- On peut y aller ? s'enquit Arthur, rassuré de voir son garçon à ses côtés plutôt que près de Malefoy.
- Oui, Père.
- Pourquoi Père ? s'étonna l'homme qui tiqua à cette appellation.
Il n'avait jamais poussé ses enfants à l'appeler Père, mais apparemment, Ron avait pris cette habitude. Sans doute le temps passé à côtoyer des enfants d'aristocrates...
- Parce que j'apprécie cette sonorité. Cela te dérange ?
- Il parle comme ces gens qui se pensent supérieurs, grogna Fred dans leur dos.
- Ouais, un Serpentard, maugréa George.
Ron haussa les épaules. Que ses frères n'apprécient pas, Ron s'en moquait, le seul avis important était celui de son père.
- Non, Ron. Tant que tu ne me vouvoies pas, je pense que je me ferai au Père.
Il conduisit ses fils jusqu'à l'extérieur de la gare. Une vieille Ford Anglia était garée au plus près des portes. Les malles furent déposées dans le coffre – magiquement agrandi pour toutes les faire entrer – et les garçons s'installèrent à l'arrière pour Ron et les jumeaux, et à côté du conducteur pour Percy. Quelques minutes plus tard, la voiture roulait en direction de la maison.
Durant tout le trajet, rendu assez court grâce à la magie, Fred et George monopolisèrent toute l'attention, se moquant presque des deux autres lorsqu'Arthur tentait de les interroger à leur tour.
Ils arrivèrent enfin devant une maison biscornue qui semblait ne tenir debout que grâce à des sorts. Des poulets se promenaient librement dans la cour et le jardin était envahi par les mauvaises herbes.
Le Terrier.
C'était là où Ron avait grandi. C'était l'endroit qu'il avait toujours considéré comme sa maison, avant Poudlard. Maintenant, il se sentait plus comme un étranger.
Lorsque Molly sortit de la maison et qu'elle les vit, elle courut vers ses fils qu'elle étreignit. Mais quand vint le tour du cadet, la sorcière eut un temps d'arrêt.
- Bonsoir Mère, souffla-t-il, figeant plus encore si c'était possible la femme.
- Mère ? releva Molly, presque choquée.
Arthur la toisa, la réduisant au silence. Si son fils voulait parler de la sorte, tant qu'il restait poli, il n'y voyait aucun inconvénient.
- Quand est-ce qu'on mange ? réclama Fred en entrant dans la maison.
- Débarrasse le coffre avec tes frères, Fred ! Après, une fois vos affaires dans vos chambres, nous passerons à table, répliqua sa mère.
Les garçons ronchonnèrent mais obéirent. Ils n'avaient pas très envie de recevoir une punition signée Molly Weasley.
Quinze minutes plus tard, la famille entière était attablée dans la cuisine. Bill et Charlie étaient bel et bien présents. Ils ne s'étaient pas privés de serrer Ron dans leurs bras et de lui rappeler, devant les autres, qu'il était le bienvenu chez eux.
Molly déposa les différents plats amoureusement préparés et aussitôt, les jumeaux et Ginny se précipitèrent dessus comme s'ils n'avaient pas mangé depuis des semaines. Ron, Percy, Charlie et Bill attendirent un peu avant de se servir et grimacèrent devant le comportement... écœurant des autres. Et dire qu'ils allaient devoir faire avec tout le repas.
Arthur considéra ses sept enfants avec fierté : les deux premiers étaient tirés d'affaire et faisaient un métier responsable et honnête le troisième était bien parti pour obtenir un bon poste. Les jumeaux avaient, quant à eux, un avenir moins certain. Ils étaient intelligents, certes, mais ils mettaient cette capacité uniquement à profit pour leurs blagues Ron avait l'air bien parti pour devenir le Serpentard par excellence et, avec un peu de chance, il pourrait obtenir une excellente place où il voulait s'il en avait l'ambition. Ginny avait encore le temps, mais elle avait le caractère de sa mère.
- Alors, cette année, qui a gagné la coupe ? interrogea Bill.
Trois regards convergèrent vers Ron, dont deux mauvais.
- Serpentard, répondit pompeusement Percy, presque avec fierté.
- Ouais, encore, marmonna George.
Le cadet reposa sa fourchette et fixa son frère.
- Pourquoi ai-je l'impression que tu rejettes votre défaite sur ma maison ? Est-ce de notre faute ?
- Avec Rogue qui vous favorise à chaque fois, c'est normal que vous ayez gagné ! accusa Fred en pointant sa fourchette sur le Serpentard.
- Pourquoi ne pas accepter le fait que nous avons été meilleurs ?
- Parce que tout le monde sait que Serpentard triche ! cria Ginny en le foudroyant du regard.
- Ginny chérie, ne hurle pas, la réprimanda doucement Molly.
- Et évite de dire ce genre d'imbécillité ! la tança Arthur.
- Mais papa, c'est vrai, se justifia la gamine. Les Serpentard sont mauvais. J'ai honte d'avoir un frère là-bas !
- Ginny, commença son père, menaçant.
Mais il fut interrompu par la main de Charlie – le plus proche d'elle – qui s'abattit sans ménagement sur la joue de sa petite sœur.
- Tu n'es pas à Poudlard, Ginny, gronda-t-il, couvrant sans peine les pleurs de la fillette. Tu n'as donc aucun droit de critiquer les maisons ! Et encore moins de dire une telle chose sur Ron ! C'est lui qui devrait avoir honte de toi, petite sotte !
- Charlie !
- Non, Maman, cette histoire de rivalités entre les maisons devient grotesque et puérile, d'autant plus que tu as un fils à Serpentard ! La chair de ta chair et ton propre sang, et tu continues à tolérer ce genre de discours ? Ginny, fit-il d'une voix dure en se retournant vers sa sœur, les Serpentard ne sont pas tous des Mangemorts en devenir ! J'ai bossé un an avec deux anciens Serpentard. Crois-moi, j'ai eu plus de discussions très intéressantes avec eux qu'avec n'importe quelle autre personne !
Il se tut, le regard furieux et reprit son repas. Ron, lui, esquissa un sourire de remerciement tandis que les anti-Vert-et-Argent avaient arrêté de manger, estomaqués.
- Que vous soyez pour ou contre, cela n'a aucune importance pour moi, fit l'enfant. Je suis à Serpentard et j'en suis fier. Le Choixpeau m'a placé là-bas pour une bonne raison, et si avant, je n'étais pas d'accord, aujourd'hui, je ne peux que l'en remercier.
Ron pouvait le clamer haut et fort : il était plus fier de son statut de Serpent que s'il avait été réparti à Gryffondor. Qui sait quel avenir il aurait eu chez les Lions.
FIN
Alors? Verdict?
ff m'a causé encore des soucis, il m'a retiré des signes de ponctuation et lorsque c'est écrit en italique, tout est collé, il faut donc séparer les mots. J'ai relu mais il se peut que certaines choses soient passées inaperçues, donc ne m'en veuillez pas.
Il s'agit d'un recueil d'OS, 3-4 sont prévus en tout, donc la fic sera toujours marquée "complete" car les OS sont indépendants les uns des autres mais se suivent chronologiquement.
