La fille du 05H36
Oubliez tout ce que vous savez sur Twilight, gardez seulement l'image d'Edward et Bella et laissez vous porter par la lecture. Cette histoire m'est venu une après-midi et le soir même, j'ai commencé à l'écrire. C'est une OS pleine d'humour, qui reste mon hommage personnel à la ville de Paris. Mais j'espère qu'elle vous plaira :)
Note : Chaque nouvelle heure correspond à un changement de point de vue (Bella, Edward ou omniscient)
1ère partie : Rencontre et préjugés
Paris, 05h28 du matin.
Une jeune femme marchait à vive allure, seule dans les rues désertes de Paris, ses escarpins dans une main et son minuscule sac de fille dans l'autre. Les bracelets qu'elle portait à son poignet s'entrechoquaient à chacun de ses mouvements, provoquant de petits tintements discrets rythmés par le bruit de son souffle. Ses pieds étaient noircis par une course trop pressée sur les Champs Élysée, ses cheveux volaient autour de son visage et sa poitrine se balançait légèrement à chaque enjambée, sa jupe de marque arborait une tache de Laurent-Perrier au niveau de sa cuisse et son maquillage commençait sérieusement à couler sur le bord de ses yeux marqués par la fatigue, malgré cela elle était belle. Si quiconque s'était trouvé dans les allées à cet instant, il n'aurait sans doute pu que la remarquer.
Hier soir, elle avait été splendide, comme chaque soir où elle sortait, et la faune habituelle du « Politically incorrect », une boite branchée où elle avait ses habitudes, avait semblé apprécier. Elle remontait d'un pas plus rapide que de coutume les Champs Élysée et se dirigeait vers la station « Charles de Gaulle-Étoile ». En temps normal, la jeune femme aurait trainé sur les Champs, en regardant le soleil se lever, elle aurait apprécié la beauté de l'aurore avec ce même plaisir coutumier qu'elle y prenait chaque lendemain de soirée.
Mais aujourd'hui, elle n'avait pas le temps et le soleil ne l'avait pas attendu, il débutait sa course journalière dans le ciel de Paname avec une régularité et une effronterie qui eut don d'agacer la jeune femme. L'Arc de triomphe dessinait déjà des ombres sur l'asphalte et au loin, on apercevait la Tour Eiffel. La bouche de métro n'était plus très loin, et elle accéléra encore le pas. A l'instar du lever de soleil, le premier métro de 05H36 n'allait pas l'attendre et elle ne pouvait pas se permettre de le rater.
Devant les escaliers, elle hésita un instant à remettre ses chaussures, mais n'en fit rien, pensant que ses talons aiguilles de dix centimètres ne feraient que la ralentir. Elle dévala les escaliers aussi rapidement que possible, slaloma entre les rares personnes qui se trouvaient là et s'arrêta net devant les bornes de compostage
Comme d'habitude, Isabella Swan n'avait pas de ticket de métro, sauf que, ça, elle l'avait oublié.
Le métro partait dans deux minutes, et elle ne se posa même pas la question d'en acheter un ou pas, elle se faufila dans le minuscule sas, qui servait habituellement à faire passer les bagages et après quelques acrobaties elle se retrouva finalement de l'autre coté. Elle se releva vivement et continua sa course jusqu'au quai. Le premier métro était déjà là, elle s'engouffra à l'intérieur, juste avant que les portes ne se ferment.
05H37
Ouf ! J'ai bien cru que je ne l'aurais jamais ce putain de métro ! Cet Emmett, mais quel crétin ! A la fermeture de la boite, il avait cherché à me ramener chez lui en utilisant la technique de drague la plus naze du monde, j'ai nommé l'éternel « On s'est pas déjà vu quelque part ? » qu'il avait peu judicieusement fait suivre d'un « bébé » qui m'avait tout de suite incité à l'ignorer totalement.
Mais malheureusement, il fut très collant et faillit me faire rater mon bon vieux 05H36. Je l'aimais ce métro, il était tellement représentatif de l'hétéroclisme de la vie Parisienne. Sur ce trajet matinal se côtoyaient en permanence des couche-tard et des lève-tôt des fêtards invétérés et des cadres en entreprise.
Les quelques personnes présentes me regardèrent avec stupéfaction, en même temps, pieds nus, avec une énorme tache de champagne sur la jupe et les cheveux en bataille, je pouvais comprendre qu'ils me prennent pour une folle furieuse. Sans trop prêter attention aux gens, je posai mes chaussures au sol, les enfilai et me baissai pour les rattacher.
Venant à bout du second escarpin, je m'apprêtai à me relever, lorsque je sentis, de manière très déplaisante, une main se poser sur mes fesses. En moins d'une seconde, je me retournai pour me retrouver en face de l'homme aux mains baladeuses. Il devait avoir quelque chose comme quarante-cinq ans. Il était laid, chauve comme un œuf, ses mains étaient velues comme les pattes d'un ours et il avait parfaitement l'air de ce qu'il était : un vieux libidineux.
L'horreur ! Il ne manquait plus que ça pour m'énerver. Ses yeux descendirent presque instinctivement sur ma poitrine, reluquant sans vergogne, je lui lançai un regard noir avant de lui donner un coup de genou judicieusement placé. Le pervers se plia en deux lâchant son attaché-case. Assez fière de moi, je contournai l'homme qui se tordait de douleur et allait m'assoir, comme une reine, sur un strapontin. Une fois assise, je remarquai le regard d'un homme riant aux éclats, posé sur SuperObsédé toujours au sol. Visiblement, il semblait très amusé par mon intervention.
L'homme était assez beau mais il était habillé très sobrement pour ne pas dire de manière effacée. Il avait tout du bureaucrate barbant à souhait, passant ses journées entre la machine à expresso et son bureau impersonnel. Le soir il devait rentrer chez lui pour retrouver son F4 trop bien rangé dans une petite banlieue sans histoire. La parfaite représentation de « Métro, Boulot, Dodo ». Pas du tout mon style d'homme, trop plat, trop classique, bref, trop chiant. En général ces cadres dynamiques ou non qui pullulaient par centaines dans les rues de Paris avaient le don, au pire, de m'exaspérer, ou me laissaient, au mieux, indifférente.
Le pseudo-économiste s'arrêta de rire, il se tourna vers moi et s'exclama en souriant :
-Bien visé !
Je lui adressai un hochement de tête poli, mais ne répondis pas.
C'est ça mon vieux ! Rigole ! Mais heureusement que je sais me défendre ! Parce que t'aurais pas bougé un cil pour venir m'aider mon gars ? La galanterie ça te dit quelque chose ? Le courage c'est une fonction qu'ils ont oublié d'intégrer dans ton système d'exploitation ? Enfin, à tous les coups la dernière fois qu'il avait du voir une femme à poil ce devait être sa mère qui le nourrissait, alors logique que je fasse peur à ce cher monsieur. Mais quel crétin !
05H42
Qui a dit que les jeunes filles d'aujourd'hui étaient chétives et faibles ? Celui là n'a surement jamais mis les pieds dans le métro parisien à cette heure-ci ! Enfin celle là n'avait pas vraiment l'air d'une jeune fille, j'aurais plutôt penché pour une prostituée. Cette fille avait exposé son string pendant plus d'une minute à presque toute l'assemblée en remettant ses chaussures, après vous appelez ça comme vous voulez, mais j'exagérais sûrement un peu, ce n'était surement qu'une pauvre fille après tout. De toute façon, de nos jours, ces filles à peine sorties de l'adolescence se ressemblaient toutes, elles étaient un tel exemple de dépravation et de débauche que je préférais encore les éviter. Mais fort heureusement, ce genre de femme n'avait aucune place dans mon mode de vie et cela me convenait parfaitement.
Je n'avais de toute façon pas le temps de penser aux femmes. Mais celle-ci avait un peu plus de jugeote que les autres filles, elle n'était pas restée immobile comme le font certaines, à se laisser tripoter par n'importe qui et je n'avais pas eu à intervenir, comme cela m'arrivait parfois. Il y avait bien longtemps que le 05H36 ne m'avait pas procuré une source de distraction si intéressante et ce vieux ventripotent n'avait eu que ce qu'il méritait. Je ne pouvais pas supporter ces vieux dégueulasses qui s'en prenaient à des gamines si jeunes et sa vivacité de réaction faisait plaisir à voir. Comme elle me regardait, je me décidai à m'adresser à elle.
-Bien visé !
Elle hocha à peine de la tête et ne décrocha pas un mot. Étrange. Elle semblait pourtant avoir la répartie facile. Peut-être trouvait elle la situation gênante au final ? Et elle ne voulait plus en parler ? Certainement, elles ont beau jouer les adultes, ce ne sont encore que des petites filles.
05H47
Le 05H36 avait retrouvé son calme, les passagers ne regardaient plus la jeune femme, et l'homme aux mains baladeuses s'était finalement relevé pour aller s'assoir à une place, le plus loin possible d'Isabella. Cette dernière tapotait sans relâche son portable dernier cri, les écouteurs dans les oreilles, ne prêtant attention à personne. De toute manière, personne ne s'intéressait à personne dans le métro, et encore moins dans le premier métro. Ce transport « en commun » faisait se côtoyer une telle diversité de population, que la plupart du temps, les gens n'avaient rien à se dire et aucune envie de le faire.
Le troisième homme, qui avait vainement tenté d'engager la conversation, ne s'intéressait plus du tout à la jeune femme, il attendait patiemment d'arriver, comme tout le monde, en regardant défiler les murs noirs de crasse des tunnels du métro. Celui-ci ralentit et une voix féminine annonça, comme à chaque arrêt et d'un ton neutre : « Louvre Rivoli ».
Les portes s'ouvrirent automatiquement, laissant entrer deux financiers qui parlaient avec grand intérêt des fluctuations de la bourse. Les portes allaient se refermer, lorsque que deux contrôleurs de la RATP en uniforme surgirent à l'autre bout du wagon. C'était une heure plus qu'exceptionnelle pour un contrôle et la population du wagon en fut des plus surprise. Presque immédiatement le jeune homme sortit son ticket de métro, attendant son contrôle.
05H48
Merde ! Merde ! Merde !
Mais qu'est qu'ils foutent là ces deux têtes de cons ? Il ne manquait plus que ça ! Pile le jour où j'ai pas de ticket ! Et j'ai même pas eu le temps de faire les yeux doux à un mec pour qu'il m'en file un ! Bon tant pis, je m'arrange pour pas me faire contrôler tout de suite et je descends direct au prochain arrêt. Je me levai donc, allant dans la direction opposée aux deux contrôleurs et passant devant le Clark Kent qui n'avait décidément rien de Superman. Il me suivit du regard. Il avait son ticket tendu devant lui. C'est bien, bon chien-chien va ! Tu veux pas faire le beau pendant que t'y es ? Une fois au bout du wagon j'attendais en priant mentalement le ciel pour que la rame arrive vite à la station suivante. Les contrôleurs se rapprochaient dangereusement, ils vérifièrent le ticket du Labrador en Costard et allaient bientôt arriver à moi.
« Châtelet »
05H50
Les portes s'ouvrirent et la jeune femme sortit promptement du wagon, évidemment suivie par les deux contrôleurs. Elle n'avait pas de ticket, n'importe qui l'aurait compris en la voyant s'affoler comme ça. Ça ne m'étonnait pas vraiment, la fraude était quelque chose de courant à leur âge, et c'était bien malheureux d'ailleurs ! Mais cette pauvre fille n'avait pas l'air bien méchante, et j'avais un peu de peine pour elle, ça pouvait arriver à tout le monde après tout. Les deux hommes en uniforme la rattrapèrent bien vite et la collèrent contre un mur, elle criait comme une folle, se débattait mais le bruit annonçant la fermeture imminente des portes de sécurité ne me permit pas d'entendre ce qu'elle disait. J'hésitai un instant, avant de faire quelque chose qui me surprit moi-même.
05H51
Edward Cullen passa les portes coulissantes du 05H36 juste avant qu'elles ne se referment, il descendit donc à la station « Châtelet ». Il passait devant chaque matin mais n'avait jamais eu besoin ou envie d'y descendre et n'avait donc jamais mis les pieds à cette station. Il ne s'expliquait pas vraiment son geste, et il eut immédiatement la tentation de le regretter, il allait arriver en retard au bureau. Isabella continuait à insulter les contrôleurs de la RATP avec son franc-parler caractéristique. Maintenant qu'il était descendu, Edward se décida à aider la jeune fille, mais d'ailleurs n'avait-il pas quitté le wagon pour ça ?. Avec un accent plus théâtral que la situation ne l'exigeait il s'exclama, plus à l'intention des deux hommes qu'a celle d'Isabella :
-Chérie ! Tu aurais pu m'attendre, je ne te voyais plus, je me suis inquiété !
Isabella regarda Edward comme s'il était complètement fou, à l'instar des deux contrôleurs.
-Vous vous connaissez ? Bafouilla l'un deux.
-Enfin ça ne change pas grand-chose à l'affaire, cette demoiselle n'a pas de ticket. Ajouta l'autre imperturbable.
-C'est un malentendu messieurs, elle ne peut pas avoir de billet puisque c'est moi qui ai le sien ! Elle perd toujours tout cette petite ! Répondit Edward
-Ouais, ouais. Dit le plus méfiant avec dédain. Vous, vous bougez pas, j'appelle le central, les caméra de sécurité ne mentent jamais.
Il attrapa son talkie-walkie et s'éloigna légèrement d'Edward et Isabella suivi du deuxième contrôleur. Edward se tourna vers Isabella, il s'attendait à ce qu'elle le remercie, ou quelque chose du genre, au lieu de ça, elle s'était baissée et enlevait ses chaussures.
-Qu'est-ce que vous faites ? Demanda Edward, intrigué.
-Je fais un golf, ça se voit pas ! Se moqua Isabella
Elle se releva doucement ses chaussures à la main.
-Allez, costard-cravate, donne moi ta main. Ajouta-t-elle
-Pourquoi cela ?
Elle attrapa sa main sans même lui répondre.
-T'es prêt ? Demanda-t-elle, malicieuse
-Ah, mais à quoi ?
Elle se baissa légèrement, prit bien appui au sol, recula un peu et s'élança vers l'avant.
-Cours ! Cria-t-elle à Edward
Celui-ci n'eut même pas le temps de comprendre, il se sentit tiré par Isabella et sans trop savoir pourquoi, se mit à courir à son tour, juste derrière elle.
-Hey ! Revenez tout de suite ! Beugla l'un des contrôleurs avant de se lancer à leur poursuite.
Isabella était en tête, tirant toujours Edward. Elle slalomait sans peine entre les quelques personnes présentes qui, alertées par les cris tonitruants du contrôleur, avaient l'intelligence de céder le passage à ce couple si incongru. Personne n'essaya de les arrêter.
05H57
Bon c'est officiel, je suis un parfait crétin. Un parfait crétin serviable, certes, mais un parfait crétin quand même. Premièrement, j'étais en retard à mon travail, ce qui avait le don d'automatiquement m'énerver. Deuxièmement, mon patron n'allait vraiment pas apprécier, avec notre réunion Focus-groupe à dix heures et le dossier Spencer & Kraft à présenter je n'avais vraiment pas le temps avec de tels enfantillages. Et enfin, troisièmement, je me trouvais à courir comme un dératé en plein milieu de Paris suivant une pseudo-adolescente dont je ne connaissais même pas le nom et poursuivi par un contrôleurs de la vie est géniale.
-Allez Bill Gates accélère ! Le croquemitaine nous rattrape ! lança-t-elle par dessus son épaule.
Nous étions maintenant dans les rues de Paris, les passants étaient plus nombreux et la circulation se faisait plus dense, mais cela n'empêchait pas la jeune fille de continuer à courir, bousculant plusieurs personnes, qui ne manquaient pas de copieusement nous insulter au passage. Le pire était sa manière de traverser la route, à n'importe quel moment et à n'importe quel endroit, risquant de nous faire tuer. Le contrôleur avait abandonné sa poursuite depuis un certain temps déjà, pourtant, elle continuait sa course effrénée comme si sa vie en dépendait, et, va savoir pourquoi, je la suivais toujours.
Elle contourna habilement un arrêt de bus, évita de justesse un panneau publicitaire, traversa la rue, sur un passage piéton, pour une fois, et s'arrêta, très brusquement. Son arrêt impromptu ne me laissa pas le temps de ralentir et sans le vouloir, je la heurtai de plein fouet. Elle faillit tomber par terre et moi avec, mais fort heureusement, j'eus le temps de saisir un panneau de signalisation, et je réussis à la rattraper, de justesse.
-Bon, ok, je t'ai mal jugé, peut-être que tout au fond du Clark Kent il y a un peu de Superman en toi, qui sait. Affirma-t-elle en se redressant.
-Je vais prendre ça pour un compliment, bien que je ne sois pas certain que c'en était vraiment un. Acquiesçai-je en me remettant debout à mon tour.
-Bon, on est arrivé. Enchaina-t-elle avec un grand sourire en se retournant vers le bâtiment qui était dans son dos, ignorant royalement ce que je venais de dire.
-Et où ça ?
-Lève la tête !
J'obéis docilement, pour changer. Une enseigne prenait presque tout l'espace du premier étage du bâtiment, en écriture grasse verte et noire s'affichait, fièrement suivi d'un logo arrondi : Starbucks Coffee.
-Allez, laisse moi t'offrir un café, Superman.
-Je suis désolé, mademoiselle, c'eut été avec joie, mais il m'est impossible d'accepter.
-Quoi ? T'aimes que la kryptonite ? Dit-elle en riant
-La Kryptoquoi ?...balbutiai-je avant de comprendre de quoi elle parlait. Non, mademoiselle, je n'ai aucun super pouvoir à mon actif, je suis un homme tout à fait ordinaire.
-Wah, sans blague ? J'm'en serais jamais doutée ! Répliqua-t-elle, ironique.
-Comme quoi, c'est une journée pleine de surprises ! Bon, mademoiselle, je vais vous laisser, il faut que j'aille travailler, je suis déjà très en retard et...
-Oh là ! C'est bon papy, déjà les « mademoiselle » ça va bien cinq minutes, moi c'est Bella ok ? Ensuite, tu ne partiras pas d'ici avant d'avoir gouté leur « Frappuccino », c'est une vraie merveille ! Allez, te fais pas prier ! C'est ma manière de te remercier.
Je n'eus même pas le temps d'émettre une objection, qu'elle m'attirait déjà dans l'enceinte du café.
