« Wicked est bon »

La voix d'une femme me murmurait à l'oreille alors que mes sens s'éteignaient au fil des secondes. La chaleur m'étouffait.

« Ecoutes-moi… »

Je tournai la tête pour tenter de m'éloigner de la voix qui me murmurait à l'oreille.

«Souviens-toi : Wicked est bon. »

Une douleur aigue se fit ressentir dans mon cou, et j'entendis quelqu'un hurler à la mort par-dessus le bourdonnement qui s'amplifiait dans ma tête, couvrant les bruits ambiants.

Il me fallut quelques secondes pour comprendre que ce hurlement qui s'étouffait en même temps que je m'endormais, c'était moi.

Le vent soufflait sur mon visage, tandis que des insectes volaient autour de moi, bourdonnant dans mes oreilles de façon agaçante. L'air était humide autour de moi, et la chaleur intense. Au fur et à mesure que je m'éveillai, je sentis un par un mes muscles endoloris et engourdis tandis qu'une douleur intense au niveau de mon cou semblait refaire surface. Elle partit aussi vite qu'elle était arrivée, comme un écho…Comme un souvenir.

J'ouvris les yeux brutalement et me redressai. Ma respiration se fit irrégulière au fur et à mesure que je tentais de chercher dans mon esprit une trace quelconque de la personne que j'étais. Plus je fouillais, plus je paniquai. Rien, le vide total. Un vide qui laissait une impression désagréable qu'une partie de moi manquait. Je pressai ma main sur mon cœur, tentant de retrouver un rythme cardiaque régulier. Ne pas céder à la panique…Surtout, ne pas céder à la panique.

Cherchant une distraction, je me mis à observait les alentours. Il faisait si sombre qu'il était difficile de distinguer quoi que ce soit. Alors que les minutes passaient et que mes yeux s'habituaient à l'obscurité, je me rendis compte que je me trouvais entourée par d'immenses murs en béton, certains recouverts de lierre, d'autres non. Leur hauteur me fit prendre conscience qu'il ne s'agissait pas d'un bâtiment normal. Et quand je vis au dessus de moi le ciel, je compris que je n'étais pas du tout dans un bâtiment.

Lentement, je m'accroupis et regardai autour de moi. Trois options s'offraient à moi. A ma droite, un cul de sac, en face de moi un couloir qui terminait dans les ténèbres, dans lequel le vent s'engouffrait, enfin à ma gauche se trouvait un tournant.

Je me levai finalement et tentai de reprendre mes esprits. Première chose à faire, vérifier si j'avais quelque chose sur moi qui me permettrait de m'en sortir.

Je baissai les yeux et fus heureusement d'avoir à mes pieds une paire de baskets. En remuant un peu les orteils et en me balançant d'un pied sur l'autre, je devais avouer qu'elles avaient l'air à ma taille et relativement confortables. C'était déjà ça. Je portais un short vert foncé déchiré par endroits, ne cachant pas grand-chose de mes jambes. En levant mes bras face à moi, j'observai mes mains en silence. Elles étaient écorchées et recouverte de saleté, comme le reste de ma personne sans doute. Je portai un débardeur noir qui semblait relativement intact.

Mes mains se posèrent sur mon visage que je touchai avec curiosité. Des joues, un nez droit, deux yeux…Définitivement humaine. Quelques mèches folles de cheveux retombaient de chaque côté de mon visage et je soufflai dessus avec un air un peu ennuyé. Alors que je continuai à tâter mon propre crâne, je découvrir que le reste de ma chevelure était emprisonnée dans une tresse floue qui descendait jusqu'aux creux de mes reins. J'étais brune. Chouette alors, quelle originalité.

-Bon, c'est pas tout, mais va falloir peut être bouger ma grande…

Je n'avais ni eau, ni arme, ni nourriture. Ce qui voulait dire qu'il allait falloir que je me dépêche à en trouver avec cette chaleur.

Contemplant les deux réels chemins qui m'entouraient, à savoir l'allée des embrumes ou alors le tournant, je fis mon choix rapidement. Le tournant à ma gauche. Après tout, le chemin d'en face aurait peut être paru plus logique en suivant le chemin que le vent prenait, mais franchement, il faisait nuit noire, je n'avais aucune idée de l'endroit où je me trouvais et je découvrais à cet instant que je n'étais sans doute pas la personne la plus courageuse ici…J'esquissai un sourire ironique.

-De quoi tu parles, murmurais-je, tu es la seule ici, bien sûre que tu es la plus courageuse.

Je commençai à partir en courant tranquillement vers ma gauche, espérant sincèrement trouver quelque chose d'intéressant dans peu de temps.

Oh, encore un tournant, à droite cette fois-ci. Allez, continue…Un embranchement : à droite, à gauche ou tout droit ? Ces choix multiples commençaient à m'agacer. Qui avait-eu l'idée de bâtir un truc pareil avec tellement de possibilités ?

Je pris tout droit et continuait pendant un moment, enchaînant les tours et les détours avant que la réalité des choses s'impose à moi.

-Putain de merde ! C'est un labyrinthe ou quoi ?!

Je me penchai en avant, posant les mains sur mes genoux pour reprendre mon souffle. Quelle idiote, il m'avait fallu tant de temps pour comprendre ça ?

La dérision était bien la seule arme qui me restait dans toute cette histoire. Au moins, c'était un trait de ma personnalité. Qui sait si je l'avais eu avant ou non ?

-Bon, résumons la situation. Il fait nuit, tu es perdue dans un labyrinthe, tu es seule, tu n'as aucune idée de ton propre prénom, sans nourriture ni eau…Qu'est-ce qui pourrait être pire après tout !

Alors que je tentai de rire pour me détendre, un bruit qui venait de derrière moi me fit m'arrêter net.

Clic, clic, clic….

Quelque chose avançait…Et s'approchait de moi. Mon cœur se mit à palpiter tandis que mes mains se mirent à trembler. Un frisson me parcourut de la tête aux pieds. Alors que j'avais si chaud quelques instants auparavant, j'avais l'impression d'être glacée à ce moment là.

Je me retournai dans le plus grand des silences, me plaquant contre le mur tandis que le bruit se rapprochait inexorablement.

Là. Au détour du couloir. Une masse sombre avançait. Une masse immense, je distinguai des pâtes, beaucoup de pâtes…Il ne m'en fallut pas plus pour retenir ma respiration et prier pour qu'elle continue tout droit sans s'arrêter.

Un bruit sourd fit trembler le mur sur lequel je me tenais, et je lâchai un cri avant de plaquer ma main contre ma bouche en fermant les yeux très forts en espérant que le monstre n'ait rien entendu.

Mais on sait déjà tous comment ça se passe dans ces moments là. Le tremblement continua, mais par-dessus celui-ci j'entendis distinctement l'horrible bestiole pousser un bruit à me glacer le sang. Elle s'arrêta au milieu de son chemin et se tourna vers moi.

Quelques battements de cœur, rien ne se passa. Puis je vis une lueur rouge qui émanait d'elle, et elle s'élança droit sur moi.

Je lâchai un hurlement sans pouvoir me retenir avant de partir dans le plus grand sprint de toute mon histoire. Mes pieds claquaient par terre tandis que les tremblements des murs ne s'arrêtaient pas, et je compris bien vite de quoi il s'agissait en voyant une des deux sorties se refermer sous mes yeux. Je fus presque tentée de m'arrêter face à ce miracle qui malheureusement réduisait considérablement mes chances de survies, mais je choisis plutôt de continuer à courir en entendant les bruits ignobles que poussait la créature à aux moins six pattes qui me chassait.

Je pris à droite, puis à gauche et continuai tout droit jusqu'à ce que je me retrouve face à un cul de sac.

-MAIS C'EST QUOI CE BORDEL ? Hurlais-je en regardant frénétiquement derrière moi pour voir si j'avais le temps de faire demi-tour et de prendre une autre direction.

C'était peine perdue, le monstre était déjà là. Bien sur qu'il allait plus vite que moi avec ses pattes gigantesques en acier tranchant.

Je regardai le ciel et priai pour mon salut quand je me rendis compte que du lierre recouvrait les murs. Ni une, ni deux, je m'élançai contre le mur et attrapai une liane tout en grimpant le plus vite possible.

Une fois en haut du mur, je m'autorisai à regarder en bas pour trouver à mon plus grand effroi la créature en train de monter, elle aussi. Pas le choix. Obligée de continuer à courir sur des pans de murs, à une bonne dizaine de mètres du sol. A ce moment là, je me demandai ce qui allait être le plus douloureux : tomber ou me faire manger par cette horrible bestiole ?

Alors que je courrai de moins en moins rapidement, je vis le soleil se lever à l'horizon. J'aurai pu m'arrêter et contempler cette vue magnifique, mais on sait tous pourquoi je ne l'ai pas fait.

Après des heures à courir dans ce labyrinthe, je ne sus pas trop comment, mais j'avais réussi à semer l'immondice qui était à mes trousses.

J'en profitai pour ralentir, et finir par marcher complètement. J'avais faim, le dernier repas que j'avais pris devait remonter à…Il aurait pu remonter à des années pour ce que j'en savais !

Mes lèvres étaient sèches et craquelées, j'étais couverte de blessures et j'avais si mal au niveau de ma cage thoracique d'avoir couru si longtemps et si vite que ça en devenait insupportable. Alors que le soleil éclairait le labyrinthe, je m'affalai contre un mur en essayant en vain de reprendre des forces. Depuis combien de temps je ne m'étais pas arrêtée ? Depuis combien de temps j'étais ici ? Je n'en avais aucune idée. La seule chose que je savais, c'était que mes paupières étaient terriblement lourdes et que je perdais mes forces au fil des secondes.

-J'aurai au moins survécu la nuit...murmurais-je avant d'abandonner le combat que je menais pour rester éveillée.