SPOILERS à propos de l'épisode 4 de la saison 8.
Je sais que beaucoup ont détesté l'épisode de la nuit dernière, et y ont trouvé l'évolution de Daenerys en tyran complètement incohérente. Je ne partage pas leur avis, avec tout le respect et l'amour que je porte à ce personnage depuis le tout début. Ce n'est pas une erreur d'écriture à mes yeux puisque, après tout ce qu'elle a traversé au court des huit saisons, et seigneur que le nombre d'épreuves qu'elle a surmonté est haut, je pense qu'il n'est pas étonnant que les premiers signes de déséquilibre mental se fassent maintenant ressentir. Je trouve au contraire que c'est un très beau parcours psychologique vis-à-vis de ce personnage, qui devient ce qu'elle ne souhaitait pas être à force de s'être trop battue pour l'éviter, et que les fans devraient éviter de cracher à sa figure pour la simple raison qu'ils préfèrent Sansa - et j'adore Sansa avec la même intensité, mais détester Daenerys vis-à-vis de leur relation tendue me paraît hors propos.
Imaginez-vous deux secondes à la place de Dany : elle a connu une enfance difficile, maltraitée par un frère brutal obsédé par le trône qui la fait vivre dans le fantasme qu'un jour ils reprendront Westeros, cette terre féérique à leurs yeux, avant d'être vendue à un dothraki qui la viole tous les soirs. Elle est alors très jeune, mais brave néanmoins l'adversité avec courage en séduisant son époux et en s'intégrant au khalasar. Lorsque Drogo décède, elle n'a à nouveau plus rien et s'accroche de son mieux au maigre espoir que représentent ses dragons. Elle remonte la pente en se croyant légitime héritière des Sept Couronnes, et se bat ainsi durant de longues années où rien ne lui est donné. Tout ce qu'elle possède, c'est un titre qui ne signifie que peu à Essos, un rêve paraissant presque inatteignable, et la loyauté des gens dont elle s'entoure grâce à son bon coeur.
Elle s'est battue de toutes ses forces pour ce trône, pour cette terre où elle pense trouver le bonheur, et un jour, voilà qu'on lui arrache ce droit d'un claquement de doigts. L'homme qu'elle aime, celui-là même qui ne désire même pas être roi, va prendre sa place juste comme ça ? Alors qu'elle a vécu tant de choses pour y accéder, Jon, qui ne le désire même pas, s'attire la loyauté des nordiens à laquelle Daenerys n'a même pas le droit, au nom d'un père mort il y a bien longtemps. Il y a de quoi s'en trouver fragilisé. Et, de plus, son plus grand soutien, celui qui l'a suivie durant des années et tant aimée, Jorah, meurt. Elle se retrouve seule, au fond de ce château froid, avec ces gens qui la considèrent avec effroi, avec répugnance. Vous imaginez ? Et il y a de quoi être paranoïaque, avec la rumeur selon laquelle Jon est plus légitime qu'elle, qui monte au fil de l'épisode. Puis, bouquet final, Missandei meurt - l'un des derniers rappels de sa vie de briseuse de chaîne. Celle à laquelle elle a promis une vie libre décède, des chaînes aux poignets, laissant cette promesse mourir.
Je m'exprime très maladroitement, mais voilà ce que j'en pense. Cet OS est très maladroit, car il a été écrit rapidement, au fil de mes pensées. Je tiens néanmoins à rappeler que je ne fais que me placer du côté du POV de Daenerys, et que je ne porte aucun jugement vis-à-vis d'autres personnages, tels que Sansa ou Tyrion, que je continue d'adorer.
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Dracarys
"Démence et grandeur sont les deux faces d'une même pièce. Chaque fois que naît un nouveau Targaryen, les dieux lancent la pièce en l'air, et le monde retient son souffle en se demandant sur quel côté elle va bien pouvoir tomber."
- Barristan Selmy.
"Tant d'hommes ont attenté à ma vie. Je ne me souviens plus de leurs noms. J'ai été vendue comme une pouliche. J'ai été entravée et trahie. Violée et humiliée. Savez-vous ce qui me permet de garder la tête haute depuis toutes ces années d'exil ? Ma foi. Non pas en quelque dieu qui soit. Non en ces mythes, ces légendes. Mais en moi-même."
- Daenerys Targaryen.
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Dracarys.
Un sanglot strident dépassa du seuil des lèvres entrouvertes de Daenerys une fois qu'elle se retrouva seule, sans ces regards lourds de sens que Tyrion et Varys ne cessaient d'écraser sur sa nuque ces derniers temps. Mais la solitude apportée par ses appartements à Dragonstone ne suffit pas à la réconforter – mais ne le suis-je néanmoins pas sans arrêt ? Seule, compressée à en éclater par les jugements prétentieux que faisaient tomber sur sa tête les seigneurs du Nord, sans même lui laisser la moindre chance de prouver qu'elle ne ressemblait en rien à son père, par les mots emplis de complaisance de Sansa Stark, par le froid infâme de ce continent dont elle avait pourtant tant rêvé enfant, par les départs si brutaux de ceux au nom desquels elle avait combattus, ceux qui avaient cru en sa personne.
Partis. Réduits à des cadavres froids, leur vie aspirée par ce ciel noir, ces plaines aux vents mordants, ces prétendants au trône de fer déshumanisés par leur propre ambition.
N'était-elle pas en train de les imiter ? S'emplissant de fureur, mais une fureur ne ressemblant en rien aux élans passionnées, bienveillants qui l'avaient hissée dans le coeur de ses sujets. Dothrakis, Immaculés, Dorniens… elle les avait menés à la mort, elle qui leur avait promis une terre où ils vaincraient et vivraient éblouis de bonheur.
Ses genoux heurtèrent le sol en pierre. Elle chancela de tout son être, ses jambes, son dos, puis sa tête… oh, sa tête…
Pourraient la contemplaient-ils constamment ainsi ? Guidés par cette froideur purement westerosi, hantés par une histoire vieille de vingt ans ! Que devait-elle faire pour leur prouver qu'elle n'était pas Aerys, sinon ployer le genou et les laisser la broyer vivante ?
Et qui lui demeurait-il pour l'empêcher de tomber davantage ? Qui la soutiendrait donc désormais ? Ses si précieux conseillers, ser Barristan, Jorah, Missandei, ceux qui accompagnaient avec ferveur son règne, ne pouvaient que l'observer au travers du voile de la mort. De ses enfants, deux n'étaient plus que tas d'os, l'un enseveli dans la neige du Nord, l'autre baignant au fond des eaux cernant Port-Réal. Ils ne sillonneraient plus les cieux dégagés de nuages d'Essos, heureux, nourris, protégés par leur mère. Elle possédait bien moins d'importance aux yeux de Jon que ses frère et sœurs et allait bientôt perdre l'homme ayant conquis son coeur bien meurtri.
Ceux qui vivaient encore la trahiraient bien assez tôt. Obéissants face à leurs petites règles de succession, bien soulagés de voir un homme occuper le trône, déjà prêts à tourner le dos à celle qui leur avait sauvé bien des fois la vie.
Ce trône, elle le méritait plus que quiconque. N'y avait-elle pas tout sacrifié, après tout ?
Dracarys.
C'était là l'ultime cri de loyauté qu'avait grondé Missandei avant que l'épée de la Montagne ne la déleste de sa tête. Un rappel à la souveraine juste qu'avait été Daenerys.
Mais celle que Westeros a abattu.
Elle avait été la protectrice, la briseuse de chaînes, la mère. Que demeurait-il de cette époque bénie, maintenant qu'on l'épiait avec crainte et dégoût, que ses précieux gens tombaient les uns après les autres, que son règne se paraît de tyrannie ? Que des cendres froides, et, se contemplant dans le miroir par la suite, alors que ses tresses dothraki victorieuses se voyaient délassées et réduites à une longue chevelure d'argent, elle perçut au fond de ses yeux l'éclat dangereux qui habitait ceux de Viserys, de son vivant.
À trop avoir essayé de ressembler au plus glorieux de ses frères, elle s'y était brûlée les ailes et se voyait devenir l'autre.
Dracarys.
Et l'incendie monta, la regardant tomber encore, encore. Gagnant sa poitrine, cette fureur destructrice qui noierait bientôt Port-Réal de flammes et réduirait Cersei en chair brûlée, et avec elle, une haine terrible envers tous les autres et surtout elle-même.
Daenerys sentit le feu de la folie danser entre les parois de son esprit et rit amèrement de sa solitude.
