Auteur: Hippo-kun
Titre: Until your very end
Disclaimer: Eric Slingy et Alan Humphries appartiennent au Musical « The Most Beautiful DEATH in the World », l'univers en lui-même appartient bien évidemment à Yana Toboso !
Notes:
Bon eh bien voilà ! Il n'y a pas énormément de fics sur ces deux là, alors je me suis enfin décidée à publier une petite fic de quatre chapitres sur Alan et Eric, qui sont respectivement premier et troisième personnage préféré de Kuroshitsuji, en ce qui me concerne. Je n'avais pas vraiment l'intention de faire tourner le tout en shonen-ai, mais comment voulez vous écrire un truc normal avec Eric et Alan HEIN ? C'est mission impossible…Ou c'est juste que je suis incompétente ! ._.
Et vous vous en serez douté, l'histoire prend place AVANT le Musical, pour des raisons évidentes. Enfin bref, bonne lecture ! Et profitez de ce petit guilty pleasure que je vous inflige \o/
Chapitre I: These Reapers, meeting.
« Je…T'ai toujours admiré. »
- Eric Slingby !
Assis sur l'un des fauteuils de la salle commune des Shinigami, Eric leva lentement la tête de son journal, et fixa avec nonchalance celui qui venait de l'interpeller: William T. Spears. Son supérieur. Celui-ci semblait d'ailleurs de fort mauvaise humeur, ce qui incita le blond à camoufler le plus possible le soupir qu'il lâcha.
- Aah…Quel est le problème, William-senpai ?
- Combien d'âmes avez-vous fauchées, aujourd'hui ?
Eric tourna la tête, pour se rendre compte que le grand brun fixait sa Death Scythe, immaculée, qui ne semblait pas avoir été utilisée de la journée. Il toussota, cacha négligemment la scie derrière le fauteuil, et répondit d'un ton provocateur:
- Quatre ! Je suis allé les chercher loin !
-…Je vous jure, rétorqua William d'un air blasé, en remontant ses lunettes. A ce train là, les rapports ne seront jamais tous prêts pour la fin du mois.
- Londres est dans une période prospère ! Le peuple est en bonne santé et la plupart des personnes âgées vivent plus longtemps, c'est normal que…
- Eric Slingby, tout ça finira par se payer en heures supplémentaires non rémunérées !
Le Shinigami ignora le regard des autres étudiants qui le fixaient, un sourire narquois sur leur visage, se leva, et se dirigea vers la sortie, les mains dans les poches, sa faux sur l'épaule, tout en lâchant un vague «J'y retourne alors ! ».
- Je n'ai pas fini, Eric Slingby ! Je n'étais, à la base, pas venu pour vous reprocher les problèmes d'organisation.
- Ah bon ? Alors ?
William jeta un bref regard autour de lui, et fit signe au blond de venir se mettre à l'écart, avec lui. Eric hocha brièvement la tête, et suivit le Shinigami du service de gestion. Une fois hors de la pièce, dans les longs couloirs de la Société des Shinigami, il croisa les bras, et planta son regard rebelle d'éternel adolescent dans celui froid et dénué de sentiments de William. Il se retint de pousser un nouveau soupir, s'attendant au mieux à ce qu'on lui ordonne d'aller récupérer une nouvelle âme sans intérêt, au pire à ce qu'on lui dise qu'il était viré.
- Comme vous le savez, les nouveaux étudiants Shinigami sont arrivés il y a peu.
- Hum. Ouais, il y a eu la cérémonie d'entrée, comme pour chaque année…
- Et c'est donc à propos de cela que je vais avoir besoin de votre aide.
Cette fois ci, le Shinigami blond lâcha un bref éclat de rire, et se passa fièrement la main dans le cheveux.
- Moi ? Vous savez, je n'ai pas le profil adéquat pour enseigner aux jeunes Shinigami et…
- Je ne parle pas de ça. Parmi ces nouveaux, il y en a un en particulier qui a attiré notre attention, mais qui aura besoin d'être assisté en quasi permanence, pendant sa période d'étude, son examen final…et probablement par la suite. C'est vous qui allez prendre en charge ce garçon, Eric Slingby.
Eric n'avait pas bougé d'un pouce pendant que William lui avait finalement expliqué le pourquoi on était venu le déranger. Il aurait du être soulagé après tout, lui qui s'attendait au pire, ou à quelque chose de fatiguant.
Fatiguant…
D'un geste rageur, il donna un violent coup de poing dans le mur du couloir. Ignorant la douleur qui se diffusa rapidement dans son avant-bras, il finit par rire quelques secondes, faiblement, puis se retourna vers son supérieur avec un sourire amusé.
- Si j'ai bien compris, je vais devoir passer ma vie -ma vie éternelle-, à surveiller les faits et gestes d'un moucheron incapable de se débrouiller seul ?
- Il est particulièrement qualifié. Il s'agit juste de lui prêter main forte dans des situations qu'il ne pourrait pas surmonter seul, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je vous jure...
- POURQUOI L'AVOIR LAISSE INTEGRER LA SOCIETE S'IL N'EST BON A RIEN ALORS ?
William restait imperturbable, ce qui n'avait pour effet que d'agacer encore plus le Shinigami blond, qui serra fortement sa faux, avant de lancer d'un ton las:
- Et où il est, ce gamin ?
- A cette heure là, les nouveaux doivent être en train de défaire leurs valises, ou bien de visiter les locaux de la Société. Tenez, voici son dossier, si vous le cherchez.
Le brun tendit quelques feuilles, agrafées les unes aux autres, à Eric. Ce dernier feuilleta rapidement, et s'arrêta un instant sur la photo: Alan, car c'était son nom, était comme tous les Shinigami: Avec de grands yeux verts clairs, des petites lunettes perchées sur son nez…Complètement banal, songea Eric, déçu.
Non, ce qui attirait plus son attention, c'était le regard du garçon, sur la photo qui avait été prise. Son regard était posé, son sourire presque enfantin…Mais il semblait regarder au-delà de tout ça. Cet air rêver avait quelque chose de surréaliste, quelque chose qu'Eric ne pourrait jamais avoir.
Eric fulminait.
Il avait fouillé la Société de fond en combles sans avoir mis la main sur le garçon. Mais il l'avait finalement trouvé dans la bibliothèque, qui était presque vide à cette heure tardive. Le jeune Shinigami semblait plongé dans sa lecture, sans prêter aucune attention à ce qu'il se passait autour de lui. Eric en profita pour s'approcher discrètement. Oui, aucun doute possible, c'était bien celui de la photo.
Le regard du blond s'attarda un instant sur le livre qu'il tenait, et jugea la couverture du regard. Terne, sans éclat, typiquement le genre de livre qu'on lit pour certaines recherches poussées.
- «Etudes des différentes pathologies uniques aux Shinigami » …Tu aimes ce genre de trucs ? C'est pas au programme...
Eric avait parlé à haute voix, ce qui fit sursauter le garçon aux cheveux châtains, qui se retourna et ferma son livre avant de l'éloigner de la vue du blond. Il le fixa avec un regard mêlant peur et défi.
- Oh, calme toi, c'était juste une question…
- Je…Ce n'est pas poli d'espionner les gens ainsi !
- T'as honte de ce que tu lis ?
- Je ne vous connais pas !
- Eric Slingby. Shinigami officiel, et désormais ta nouvelle nounou. Et toi tu es…Alan heu…Hamkey…?
- C'est Humphries…corrigea Alan avec un léger sourire.
Soudain, le garçon sembla réaliser l'ampleur des paroles de son aîné, et fronça les sourcils, l'air contrarié. Il ferma les yeux, alla rapidement ranger les livres qu'il avait posé sur sa table, et lâcha, d'un ton qu'il voulait sec et autoritaire:
- Je n'ai pas besoin qu'on m'aide ! Je peux me débrouiller seul !
- Ah ouais ? C'est pas ce que William-senpai m'a dit.
Alan baissa les yeux, ce qui fit soupirer Eric. Oui, décidément, ce garçon et lui semblaient radicalement différents, mais il y avait quelque chose d'étrange chez lui.
Quelque chose que les autres Shinigami n'avaient pas, du moins pas de façon si évidente.
Mais qu'est-ce que cela pouvait être ?
- Hum…Bon, Alan, pendant les prochains jours, après les cours, on ira faucher quelques âmes tous les deux, que je vois un peu comment tu te débrouilles !
- Bien…Eric-senpai !
- Tu peux juste m'appeler Eric, tu sais…marmonna le blond, d'un air à la fois fier et gêné.
- Non ! C'est irrespectueux !
- T'es bizarre…Enfin bref, comme tu veux.
Les jours suivants, Eric Slingby ne put que s'interroger de plus en plus sur le pourquoi on lui avait confié Alan. Le petit brun semblait très assidu durant ses heures de cours, et ne montrait aucune faiblesse dans sa pratique qui puisse nuire à son futur travail de Shinigami. Alan n'était qu'un jeune Shinigami ayant parfois un air mélancholique, mais il avait également un côté jovial. Eric le considérait comme un bon camarade. Pendant tout le temps où le blond restait avec lui, c'est-à-dire toute l'après midi et en début de soirée, il n'avait pas vu où ce garçon avait besoin d'assistance…
Excepté…
Excepté ce jour là…
- …Qui…êtes vous ?
Par une froide nuit de Novembre, les deux Shinigami venaient d'entrer par la fenêtre d'un petit hôpital londonien. Face à eux, une dame d'un certain âge, seule dans une chambre austère, ses cheveux grisonnants rattachés en un petit chignon, les yeux à demi-clos, alitée, les fixait. Elle cligna faiblement des yeux, réveillée en sursaut.
- Nous sommes des Shinigami, madame. Nous venons récupérer votre âme, répondit calmement Eric, en la saluant d'un hochement de tête.
- Je vois…Alors c'est fini…
Alan gardait son regard fixé sur cette vieille femme. Elle semblait fatiguée de la vie, fatiguée de cette douleur qui semblait la tirailler. Le brun plissa les yeux, et se retourna vers son ainé, qui feuilletait la liste des personnes devant mourir ce soir là.
- Alors alors…Mary Hopkins, 79 ans, née en 1804...Morte de maladie…On dirait que tout est bon, tu peux y aller, Alan !
Le Shinigami lança un regard furtif à sa Death Scythe qu'il tenait en main. Il serra le poing, et s'avança vers Mary. Pendant plus d'une minute, il resta interdit, à moins d'un mètre du lit, à la fixer d'un regard étrange, à la fois vide, froid, et plein de compassion. Au bout d'un moment, il ouvrit lentement la bouche, et demanda:
- Vous…Quel genre de maladie était-ce…?
- Gangrène, mon petit…On me donnait encore quelques mois, mais apparemment…
- Est-ce douloureux…?
- Alan…soupira Eric.
- Tu peux le voir par toi-même…
Mary remonta douloureusement ses manches, et montra ses bras squelettiques, couverts en quasi-totalité de plaques noirâtres. Alan écarquilla les yeux, et eut un mouvement de recul. Eric fronça les sourcils, et donna un vague coup sur l'épaule de l'étudiant.
- Alan bon sang…
- Je…balbutia-t-il, d'un air terrorisé.
- Quand j'y repense, il y a tant de choses que j'aurais aimé faire…J'aurais du profiter de ma vie…
- Ma…dame…
- C'est étrange de parler de ce genre de chose en pleine nuit, à un Shi…
Mary ne finit pas sa phrase. Elle retomba, morte, sur son oreiller. Eric, qui venait de lui asséner un violent comme de scie, frotta vaguement le sang coulant sur sa Death Scythe contre son pantalon, et regarda son collègue d'un air mécontent. Celui-ci restait figé, sa faux toujours entre ses mains, l'air hagard devant la lanterne cinématique de la vieille femme qui défilait de devant ses yeux.
- Tu hésitais. Ca te faisait peur, pas vrai ?
- Je…Mais…
- Comment veux-tu devenir un vrai Shinigami comme ça ? Un Shinigami ne doit montrer aucune émotion ! Et tu crois que tu te sentiras mieux en parlant avec tes futures victimes ?
- Je…Voulais juste savoir ce qu'elle ressentait…
- Savoir ! S'exclama Eric, moqueur. Ces maladies, à quoi ça t'avances qu'ils en parlent ? T'étudies ce sujet ? Nous avons droit à la vie éternelle, ça ne nous concerne pas !
- N…Non c'est juste que c'est effrayant…
- Effrayant ? Ca veut dire quoi ça, Alan ? Tu as peur de la mort ?
Alan ne répondit pas tout de suite, mais Eric eut le sentiment d'avoir touché un point sensible.
Peut-être était-ce la manière dont le corps du brun sembla s'être raidi, durant un instant.
Peut-être était-ce ses grands yeux verts qui brillèrent, comme s'il refoulait des larmes.
Ou peut-être était-ce simplement la façon dont il avait serré sa main libre contre son cœur, comme par reflexe. Toujours était il que sa voix tremblait lorsqu'il lâcha, la tête baissée, à son ainé:
- La mort est une chose horrible.
Et il repartit, en sautant par la fenêtre, et en atterrissant sur un toit plus loin, pendant que son collègue appliquait fermement le tampon marqué d'un "COMPLETED" sur la photo de la vieille femme, sur sa liste.
La première fois qu'Eric l'entendit dire ça, sa seule pensée fut « Quel idiot. »
C'est tout. Pour lui, un garçon sensible et faible comme lui ne pouvait pas être un Shinigami digne de ce nom.
La mort, une chose horrible…Comprendre ce que les mourants ressentaient…
Alan Humphries n'était pas un Shinigami prometteur, ayant besoin d'assistance.
A ses yeux, c'était un garçon très gentil, mais trop faible, et ayant des idéaux stupides.
C'était tout. C'était son seul problème.
- Eric Slingby !
Impression de déjà-vu, William s'avança vers Eric, qui venait tout juste de rentrer de mission, en fin de soirée. Seul cette fois, car la période des examens des nouveaux Shinigami approchait, et qu'Alan préférait réviser en premier lieu ses cours de théorie.
- Oh, William-senpai ! Venu me féliciter sur mon travail de…tuteur ? Nourrice ? Haha, je rigole, il est sympa ce…
- Alan Humphries n'est pas avec vous ?
- Avec moi…? Répéta le blond, légèrement étonné, se retournant comme si le petit brun allait surgir derrière lui. Il est en cours non ?
- Non. Il n'est pas venu de la journée.
Eric haussa un sourcil. Ce n'était pas le genre du brun de sécher les cours. Lui qui, ces dernières semaines, n'avait cessé de lui rappeler qu'en tant qu'aîné, il devait montrer l'exemple et travailler d'arrache-pied.
- Ah et bien…Je vais aller le chercher, et il s'excusera, si c'est ce que vous voulez…marmonna-t-il en se grattant l'arrière de la tête.
- J'espère que vous n'avez pas abordé le sujet sensible avec lui. Grommela le Shinigami en remontant ses lunettes d'un air courroucé.
-…Hein ?
- Ce garçon est comme une poupée que vous portez à bout de bras. Si vous la lâchez, sa chute sera lente et douloureuse, et elle se brisera. Mais vous voyez ce dont je veux parler.
Non.
Eric ne voyait pas du tout.
Alors que William faisait demi-tour, ses souliers cirés claquant régulièrement sur le marbre du couloir, le blond baissa la tête, pensif.
Puis il éclata de rire, quelques instants. Alan, une poupée ?
Ce n'était qu'un gamin qui avait peur de la réalité. C'était donc ça ce « sujet sensible » ?
Ridicule.
D'un pas rapide, il alla poser sa Death Scythe dans sa chambre, et décida d'aller à la recherche d'Alan. Après tout, il ne pouvait pas être bien loin.
Eric ne le trouva pas dans la bibliothèque, pourtant remplie de Shinigami en pleines révisions.
Il ne trouva rien dans les salles communes, quasiment vides. Mais à vrai dire, ça ne l'inquiétait pas vraiment. Assisté ou pas, Alan Humphries n'était pas un enfant.
- Alors…Dortoir A, dixième étage, chambre 64...
Répétant inlassablement les indications qu'il avait trouvé dans le registre sur la chambre de son camarade, il commença à monter les escaliers du bâtiments, sautant une marche sur deux. Chaque Shinigami ayant sa propre chambre, il n'avait pas pu demander des nouvelles à un possible colocataire.
Après tout, les Shinigami n'avaient pas besoin de prendre des nouvelles de leurs amis.
Car un bon Shinigami ne devait pas avoir d'amis.
« Règle n°5: Ils travaillent froidement, sans même un sourire » comme on disait.
- Hé Alan ! Fit Eric en tambourinant à la porte de la chambre du brun.
Aucune réponse. De plus, la porte semblait fermée à clef. Le blond grinça des dents, et s'écria de plus belle.
-…Hé, ouvre ! Alan ?
-…Je suis là…!
Déclic. La porte s'ouvrit lentement, laissant apparaître dans l'entrebâillement le petit brun. Il souriait de son habituel air mélancolique, mais cette fois, il semblait réellement se forcer. De même, il restait cambré, comme s'accrochant à la porte.
« Il vient sûrement de se lever », pensa Eric, imperturbable.
- Alan. Pourquoi t'es pas allé en cours aujourd'hui ? Hein ?
- J'é…J'étais fatigué, je ne me sentais pas très bien !
- Dans ce cas, pourquoi n'es-tu pas allé prévenir à l'administration ? Ca va te faire de la paperasse à remplir !
- Désolé…
Eric lança un bref coup d'œil à la chambre. Elle était tout ce qu'il y avait de plus simple, une armoire, un lit, un bureau, une table de chevet…Une vague odeur de fleurs flottait dans les airs, mais il n'y prêta pas attention.
- Enfin bon, tu viendras demain ? Pas envie de me faire passer un savon par William-senpai.
- Ou…Oui !
- Tu as vraiment l'air fatigué dis moi…On dirait que tu ne tiens pas debout.
- Ca va…!
Il fronça les sourcils. Depuis qu'il lui avait ouvert, Alan avait sa main droite agrippée à son cœur. Encore…?
Il essaya de saisir l'épaule de son collègue, qui se dégagea vivement, en lâchant un faible « Tout va bien… »…
…Avant de s'écraser lourdement au sol, emporté par son mouvement.
Tout d'abord, Eric ne réagit pas, croyant à une blague, qu'Alan allait se relever comme si de rien n'était.
A la limite, qu'il allait juste expliquer qu'il avait trébuché, et se plaindre de sa maladresse.
-…Alan…?
Eric s'approcha pas à pas, et écarquilla les yeux devant le garçon, secoué de violents spasmes, haletant et crachotant sur le sol de sa chambre. Il lui tâta lentement le pouls, où il put sentir le cœur du brun battre la chamade.
- Alan…Eh, il t'arrive quoi ?
- Ne…Ne t'inquiète pas…! Ca va passer, j'ai l'ha…Ah !…L'habitude ! Lança Alan, avec un nouveau sourire, comme pour avoir l'air assuré, malgré ses convulsions.
- L'habitude…Qu'est-ce que tu racontes ? Tu dois aller à l'infirmerie !
- Le livre…disait…de ne pas paniquer et de se reposer…
Le livre ? Il parlait sans doute du livre sur les pathologies, du premier jour…
Livre qu'il avait sans doute du finir par emprunter, étant donné qu'il se trouvait présentement sur sa table de chevet. Eric empoigna Alan, et le força à s'appuyer sur son épaule.
Il sentait le souffle rauque du garçon s'affaiblir. Bon ou mauvais signe, il n'en savait rien. Mais il ne pouvait se résoudre à garder son attitude laxiste dans ce genre de situation.
A présent, il attendait depuis vingt minutes, adossé contre le mur de l'infirmerie, fixant un point invisible, complètement neutre. Quelques Shinigami passèrent devant lui, certains le regardant avec étonnement, d'autres continuant leur route vers les dortoirs sans lui adresser un regard.
Il ne prenait pas attention à eux non plus. Immobile, se contentant de gratter son début de barbe avec nonchalance.
« Quelle plaie. »
C'étaient les seuls mots qu'avaient craché Grell, qu'ils avaient croisé dans les escaliers, portant une simple robe de chambre rouge par-dessus sa lingerie de la même couleur, après qu'Eric ait expliqué la situation.
Le regard dédaigneux que le transsexuel avait lancé à Alan en se dirigeant à son tour vers l'infirmerie ne lui avait pas plu du tout.
Soudain, il se retourna, reconnaissant la voix de Grell s'approchant de la sortie.
-…Voilà ce qui arrive quand tu ne vas pas à ta visite quotidienne !
- Mais…Je pensais que ça allait mieux…
- La preuve que non: Ca a empiré.
Alan sortit le premier de l'infirmerie, suivi du Shinigami aux cheveux rouges. Le brun avait la tête baissée, comme un enfant ayant fait une bêtise. Il avait l'air en meilleure forme, mais son regard semblait toujours voilé, comme éteint.
- Alan ! Ca va mieux ? S'écria Eric, en s'approchant de lui.
Grell poussa un long soupir, et poussa le brun en avant, qui manqua de retomber à terre.
- Il vient de refaire une attaque, et tu crois qu'il va bien ? Ahlala, c'est pitoyable !
- Une attaque…? S'étonna-t-il, en haussant un sourcil.
- Tu as lu son dossier non ?
-…G…Grell-senpai !
Alan tournait le dos à Eric. Sa voix tremblait, mais cette fois, cela ne semblait pas être de douleur. Il tritura faiblement ses lunettes en marmonnant, d'une voix qu'il voulait ferme et assurée:
- Il…Eric-senpai n'est pas au courant…Et je crois que c'est mieux ainsi…!
- Ah oui ? Et que dira-t-il lorsque tu iras mourir dans ses bras ? L'Epine de la Mort continuera sa route et…
- L'Epine de la Mort ? Coupa le blond, abasourdi.
Grell et Alan se retournèrent vers lui. Le regard d'Eric zigzaguait entre les deux Shinigami. Il recula d'un pas.
- Il…C'est une blague ?
- Aaah, quand je pense que Will m'avait dit qu'il t'avais montré le dossier de ce petit. Bien, vois-tu, on a diagnostiqué depuis longtemps la maladie à ce garçon. Mais que faire ? Il a tant envie de profiter de la vie, il est brillant, promis à un bel avenir…Mais voilà qu'il se sait condamné à mort. Triste, tu ne trouves pas ?
Alan restait debout, semblant à la fois insensible et terrassé en entendant les paroles de son aîné. Il ne réagit pas non plus lorsque Grell, un sourire digne du chat du Cheshire aux lèvres, posa sa tête sur son épaule, et caressa son poitrail du bout des ses longs doigts, traçant des cercles invisibles autour de son cœur.
- Et le temps passe, passe, passe…Et l'Epine de la Mort s'enfonce de plus en plus profondément dans ce petit corps meurtri…Et à la fin…Elle touche le cœur et…
Il pinça sèchement la peau d'Alan qui ne put retenir un faible gémissement de douleur en se dégageant. Eric écarquilla les yeux, ne sachant trop comment réagir.
Comme réalisant qu'il perdait son temps, Grell se redressa et croisa les bras, avant de faire demi-tour.
- Aucun Shinigami n'a jamais survécu à l'Epine de la Mort. Et ce n'est pas ce gamin faiblard qui fera exception à la règle. Un jour viendra où il s'écroulera pour de bon, et où il ne pourra que pleurer, et se demander pourquoi lui, un Shinigami, un Dieu de la Mort, n'aura jamais eu le droit de goûter à ce que nous appelons…
Il redressa ses lunettes rouges, ornées de têtes de morts, et lança d'un ton méprisant, qui fit frisonner Alan:
-…La vie éternelle.
Et il partit, laissant les deux Shinigami côte à côte, interdits. Au bout d'un moment, Alan sembla chercher une excuse pour le quitter, et fit lentement demi-tour en fredonnant l'hymne des Shinigami. C'en fut trop pour Eric, qui le saisit violemment par l'épaule, et se mit à crier, sa voix grave et imposante résonnant quelques secondes dans les couloirs en écho, au fur et à mesure qu'il parlait:
- ALAN…C'EST FAUX HEIN ? TU ES UN SHINIGAMI, TU NE PEUX PAS MOURIR ! JE…TU NE PEUX PAS TE LAISSER MOURIR COMME CA ?
- MAIS DIS QUELQUE CHOSE !
Puis il s'arrêta. Brusquement. Comme se demandant à lui-même pourquoi lui, tellement insensible à tout ce qui ne le touchait pas directement, tellement égoïste…Pourquoi s'en faisait-il pour ce garçon, qu'il ne connaissait que depuis si peu de temps ? Pourquoi l'idée de le voir mourir le rebellait-il à ce point ?
Alan serra le poing, semblant chercher ce qu'il pouvait dire. Eric prédit -ou plutôt espéra- une réponse qu'il aurait pu dire, dans une situation similaire.
« Je vais me battre ! » ou « Une telle maladie ne viendra pas à bout de ma vie ! »
Mais ce ne fut pas la réponse qu'Alan Humphries, tellement différent de lui, tellement innocent, formula.
Lui, se contenta de sourire faiblement, et de retourner vers sa chambre en lâchant tristement:
- On y peut rien.
