disclaimer: tout à JK Rowling.
Mise au point: Même si je reprend globalement la trame du livre, je me permets quelque libertés plus ou moins grandes, à commencer par l'âge de Regulus, qui ici est légèrement plus jeune que dans le livre ( à deux ans près).
I. Enfance
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Walburga contemplait d'un œil morne le berceau cerclé de dentelle où dormait son dernier-né.
Depuis toujours, sa plus grande fierté était sa famille, et le sang noble et pur qui coulait dans ses veines. Enfant, ses parents l'avaient traité comme une petite princesse. Jeune, elle avait été de nombreuses fois courtisée pour son sang-pur et sa beauté altière confortant la haute opinion qu'elle avait d'elle-même. Il n'y avait guère que son frère Alphard pour oser se moquer, toujours avec bienveillance, de ses caprices, de son obsession démodée pour les valeurs du sang, et aussi et surtout, mais avec beaucoup moins de bienveillance cette fois, des godelureaux idiots qui lui tournaient autour. C'est finalement son cousin Orion qu'elle avait épousé, sitôt sortie de Poudlard. Dès lors son plus cher désir avait été de lui donner un héritier pour perpétuer la lignée.
Hélas, les années étaient passées sans qu'aucun enfant ne pointe le bout de son nez. Et elle avait vécu les naissances presque coup sur coup de ses deux nièces, Bellatrix et Andromeda comme deux coups de poignard en plein cœur. Au moins, c'étaient des filles. Deux superbes petites filles certes, brunes, avec des yeux gris comme des perles et cette sorte de beauté magnétique propre à la famille Black, mais des filles. Elles avaient fait la fierté de leur mère, Druella.
Bien que descendant elle-même d'une très ancienne famille de sang-pur, Druella vouait une admiration proche de la dévotion à la famille Black. De l'avis de Walburga, elle était une parfaite idiote. Mais elle appréciait beaucoup sa compagnie, particulièrement la façon qu'elle avait de la couver de ses yeux humides, et de boire chacune de ses paroles en hochant régulièrement la tête d'un air approbateur.
Le seul défaut de Druella était son frère, Cillian Rosier. Colérique et instable, Walburga avait en mémoire un repas de famille franchement désagréable, où il lui avait reproché de se complaire dans une vie de parasite plutôt que de travailler à la grandeur de son sang. Ni Orion ni elle n'avaient jamais travaillé, se satisfaisant complaisamment d'une vie oisive faite de mondanités entre gens bien nés.
Cillian y voyait de la décadence. Il était de ceux pour qui tout ce qui n'était pas sang-pur représentait une menace permanente. Pour Walburga, c'était un signe de faiblesse. Elle avait un souverain mépris pour les sang-mêlé et plus encore pour les sang-de-bourbe, mais elle ne les craignait pas. De plus, Cillian fréquentait des groupes douteux frôlant l'illégalité, il avait même brièvement été arrêté, provoquant un beau petit scandale dans la petite société si bien ordonné qui gravitait autour d'elle. Pour elle, c'était là que se situait le déshonneur. Elle ne s'était pas privée de lui dire et il avait fini par partir en claquant la porte. Druella s'était platement excusée de l'attitude de son frère à grand renfort de courbettes, et l'affaire avait été oubliée. Mais Cillian avait visé juste. Après tout, n'était-elle pas incapable de perpétuer son nom ?
Sa détresse avait atteint son paroxysme à la naissance du troisième enfant de Druella. Contrairement à ses deux sœurs, ce bébé-là avait les cheveux blonds et, ses yeux tiraient plus vers le bleu que le gris. Mais surtout, c'était encore une fille. Et elle ressemblait beaucoup trop à sa mère pour qu'elle puisse en être fière. Elle en avait été tellement déçue qu'elle avait fait une entorse à la tradition familiale et s'était contentée de la nommer Narcissa. Walburga avait senti son sang se glacer en comprenant que sa si aimable belle-sœur souhaitait elle aussi donner un petit héritier à la famille Black. Combien de temps encore, avant qu'elle ne tombe à nouveau enceinte ?
Finalement, alors même qu'elle n'y croyait plus, ce fut elle la première à donner naissance à un petit garçon. Et ce fut non sans orgueil qu'elle l'appela Sirius.
Elle avait considéré son accouchement comme l'accomplissement de toute une vie, elle avait rapidement déchanté quand juste après les félicitations d'usages, les visiteurs s'étaient penchés sur le berceau du bébé. Sa joie s'était alors changée en une jalousie féroce. C'était le jour où elle pouvait enfin se draper dans le digne statut de matriarche. ç'aurait dû être son heure de gloire à elle, pas celle de son fils.
En outre, dans tous ses plans et projets d'enfant, elle avait malencontreusement oublié qu'en plus de le mettre au monde, il lui faudrait aussi l'élever. Elle apprit très rapidement, qu'elle détestait être mère.
Des premiers mois suivant la naissance de Sirius elle ne se rappelait qu'un long braillement ininterrompu. Sirius hurlait à plein poumon de jour comme de nuit, ne s'arrêtant que quand il s'accrochait à son sein comme un parasite, lui pompant toujours plus son énergie. Au début, elle avait cru pouvoir se reposer sur Kreattur mais pas une seule fois l'elfe ne parvint à calmer l'enfant, au contraire, ses pleurs en étaient même décuplés. Sirius ne voulait rester qu'avec elle mais ne se calmait pas pour autant. Alors, elle s'était résignée, et avait passé un nombre incalculable de nuits debout avec son bébé hurlant contre son cœur.
Quand enfin Sirius cessa de pleurer, il rampa et couru à travers toute la maison dans un vacarme insupportable, brisant et fracassant au passage tout ce qui était à sa portée.
Il avait trois ans maintenant mais jamais il ne lui laissait une seconde de répit. Il fallait toujours qu'il vienne l'importuner pour tout et n'importe quoi, « maman, maman, maman ! ». Et quand elle demandait à Kreattur de le surveiller, il provoquait dans la seconde une catastrophe dans la maison, obligeant Walburga à délaisser ses occupations pour venir constater l'ampleur des dégâts. Si bien qu'elle et l'elfe épuisaient tout leur temps à rabrouer l'enfant. Seules les visites de Druella lui procuraient une tranquillité relative, quand Sirius collait ses cousines à la manière d'un caniche. Il était trop jeune pour suivre leurs jeux, mais la présence d'autres enfants lui faisait oublier pour un temps d'aller harceler sa mère. Le reste du temps il demeurait insupportable.
Walburga en avait donc tiré la conclusion logique qu'il la détestait.
La naissance de Sirius avait été longuement désirée et avait constitué une cruelle désillusion. Regulus était arrivé à l'improviste alors que personne ne l'attendait ni n'avait d'attentes à son égard. Walburga avait vécu cette seconde grossesse dans un curieux mélange de joie, d'angoisse et de résignation.
Et maintenant Regulus était là, dormant paisiblement dans son berceau. Elle sentait qu'il n'allait pas tarder à se réveiller.
Quelqu'un toqua à la porte. Druella s'annonça et Walburga l'invita à entrer tout en se redressant contre ses oreillers.
Bellatrix et Andromeda entrèrent les premières, sûres d'elles, suivies de près par leur mère, et la petite Narcissa, sa poupée serrée contre elle. Elle avait l'air beaucoup plus effacée que ses sœurs au même âge, songea Walburga. Impeccablement habillées et coiffées par Druella, elles ressemblaient toutes trois à des poupées de porcelaine.
Les ainées se penchèrent presque immédiatement sur le berceau. Après un bref coup d'œil vers sa tante, Bellatrix prit le nouveau-né dans les bras. Elle avait cette expression avide qu'ont parfois les enfants, et Walburga eut l'impression fugace qu'elle était un oiseau de proie enserrant son fils entre ses griffes. Regulus s'était réveillé et fixait sa cousine de ses yeux gris nacrés, inconscient de l'effervescence qu'il avait provoqué dans la chambre. Walburga continuait d'observer les filles, écoutant distraitement Druella lui faire la conversation. Du coin de l'œil elle vit une petite silhouette entrer furtivement dans la chambre.
Il n'était pas dans les habitudes de Sirius d'être aussi silencieux, sans doute était-il quelque peu intimidé par la venue du bébé. Bellatrix se pencha pour lui présenter son petit frère et Walburga se remémora comme une gifle le calvaire qui avait suivi sa naissance.
- Tout ce que j'espère, c'est qu'il ne te ressemblera pas, lâcha-t-elle.
La petite main que Sirius avait timidement levée vers son frère se retira prestement, comme s'il s'était brûlé.
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Kreattur sursauta quand il entendit les hurlements provenant de l'étage. Il ramassa la louche qu'il avait laissé tomber et poussa un grognement. Le jeune monsieur Sirius avait contrarié la maitresse. Encore.
"J'IRAI PAS! J'IRAI PAS!"
A chaque fois c'était pareil, avec les cours de gobelbabil, la langue des gobelins. Sirius craignait son précepteur, plus que tout et c'était chaque semaine le même combat pour le forcer à y aller.
"TU IRAS! TU ENTENDS? TU IRAS OU JE T EFFACERAI!"
Kreattur remua doucement la soupe aux oignons, puis sauta de son escabeau. Il était en train de faire léviter la nappe quand il aperçut que la porte de son placard était entrouverte.
-Monsieur Regulus ne devrait pas être là, couina-t-il.
Il lui avait pourtant répété des centaines de fois mais rien n'y faisait. A chaque fois, qu'il voulait échapper aux leçons de son père ou aux cris de sa mère face à son frère, il le retrouvait dans sa tanière avec les quelques jouets qu'il avait chipé à ses cousines. Kreattur ne les avait jamais apportés aux maîtres, il les cachait précieusement pour l'enfant et se pinçait régulièrement les oreilles dans la porte du four pour s'en punir.
« POURVU QUE TON FRÈRE NE DEVIENNE JAMAIS COMME TOI »
La maîtresse avait la voix qui portait.
-Monsieur Regulus ? répéta-t-il.
Il entrouvrit le placard. Le jeune maitre s'était endormi, avec la poupée borgne de mademoiselle Narcissa, celle que mademoiselle Bellatrix avait fait fondre au-dessus de l'âtre pour la punir d'être « une infâme traîtresse à son sang ». Kreattur soupira. Il n'avait pas le cœur à réveiller le jeune maître. Il referma doucement le placard. Il irait se frapper plus tard avec le tisonnier.
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Il faisait un froid glacial, saisissant jusqu'à l'os.
C'était bientôt Noël. La ville était recouverte d'un épais manteau blanc qui amenuisait tous les sons. A la tombée de la nuit, un vent cinglant s'était levé au milieu duquel tourbillonnaient de lourds flocons qui régulièrement s'écrasaient contre les carreaux des fenêtres. Ils fondaient aussitôt sous la douce chaleur baignant l'intérieur de la maison. Kreattur avait allumé toutes les cheminées, décoré toute les pièces, et une délicieuse odeur sucrée embaumait l'atmosphère.
En temps normal, Sirius aurait essayé de s'infiltrer dans la cuisine pour y chaparder quelques biscuits avant de retourner coller son nez à la vitre pour admirer sans fin la neige tomber.
Mais pas ce soir. Il se passait quelque chose d'étrange dans la maison, alors pour l'heure, il était tapi dans les escaliers et écoutait.
Oncle Cygnus et tante Druella étaient arrivés plus tôt dans la soirée l'air passablement énervé. Avec les parents, ils s'étaient barricadés dans la cuisine. Ensuite, sa cousine Andromeda était arrivée, sa grosse valise de Poudlard sous le bras. Ils étaient alors sortis en trombe, avaient attrapé la jeune fille par le bras l'avaient conduite dans le salon où là encore, ils avaient fermé la porte.
Ses parents, son oncle et sa tante criaient. C'était normal. En général tout le monde criait dans cette maison. Sauf Regulus et Narcissa. Mais ces cris-là avaient quelque chose d'inhabituel. Il se passait quelque chose de grave, mais quoi ? Il tendit l'oreille pour saisir un peu mieux ce qui se passait, mais seuls des éclats de voix indistincts lui parvenaient.
Quelque chose lui frôla l'épaule et il sursauta. Regulus était descendu sans qu'il s'en aperçoive. Lui aussi fixait d'un air anxieux la porte du salon. On entendit quelqu'un -Andromeda sans doute- éclater en sanglot.
N'y tenant plus, Sirius s'approcha à quatre pattes, il entrouvrit de quelques centimètres le lourd battant et passa la tête dans l'entrebâillement. Il leva les yeux et la main de tante Druella s'abattit d'un coup dans un claquement cinglant. Sirius recula paniqué, et Andromeda s'effondra en se tenant la joue.
-Garce, GARCE! hurla Druella. Te déshonorer avec un sang-de-bourbe! Nous déshonorer tous ! Comment oses-tu?!
-Mais écoute-moi au moins! Si tu prenais seulement la peine de le voir...
-Pas sous mon toit, répliqua Druella d'une voix perçante. Jamais sous mon toit!
-Monsieur Sirius, monsieur Regulus, qu'est-ce que vous faites ici? Vous devriez être dans vos chambres!
Kreattur avait murmuré d'un ton précipité. Il referma discrètement la porte, et ce ne fut à nouveau que des cris indistincts.
-Retournez dans vos chambres! répéta Kreattur.
Mais ni Sirius ni Regulus ne bougèrent. Le plus jeune s'était accroché au bras de l'elfe et fixait la porte d'un air horrifié. Quant à Sirius, il demeurait près de la porte, et la gifle de Druella à sa fille volait en boucle devant ses yeux.
Ils sursautèrent tous les trois quand, à l'autre bout du couloir, la porte d'entrée claqua. Narcissa venait d'entrer à son tour. Elle passa en trombe devant eux sans leur accorder un regard, ouvrit les doubles battants du salon à la volée et se campa crânement devant toute l'assemblée. Mais Orion referma les portes illico d'un coup de baguette. Les cris reprirent de plus belle, avec, étonnamment, ceux aigus et clairs de Narcissa en plus. Il se passa encore un moment durant lequel le couloir resta parfaitement immobile, avant que les portes ne se rouvrent à nouveau avec fracas.
Andromeda avait cessé de pleurer, mais des traces de larmes marquaient encore ses joues. Fasciné, Sirius la regarda traverser le couloir, lentement, raide comme un « i », la tête droite, les yeux fixés vers l'entrée. Le claquement de ses talons retentissait à chacun de ses pas comme un tambour. Elle prit sa cape et, au moment où elle ouvrit la porte, une bourrasque de neige s'engouffra à l'intérieur de la maison. La porte d'entrée claqua une dernière fois, et Andromeda fut engloutie dans la nuit hivernale.
Les adultes étaient eux aussi sortis du salon et se tenaient à présent près des enfants. Tous arboraient un air si sévère et si furieux, que Sirius se tassa sur lui-même. A côté de lui, Regulus agrippait encore plus fermement Kreattur.
Walburga expira profondément. Elle ressemblait à un dragon crachant du feu par les nasaux.
« Venez tous les deux ! », Leur dit-elle sèchement.
Sans mot dire, ils suivirent tous la matriarche à travers l'ancestrale demeure des Black. Elle s'arrêta devant la grande tapisserie familiale, celle où figuraient leurs noms et ceux de tous leurs ancêtres. Elle sortit sa baguette et d'un geste déterminé la pointa sur l'ouvrage. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, les flammes consumèrent les lettres savamment brodées du nom d'Andromeda Black, quelques fumeroles de fumée restèrent en suspension dans l'air avant de s'évaporer définitivement. .
-Voilà ce qui arrive à ceux qui déshonorent le nom des Black, cracha Walburga.
Et elle s'éloigna à grands pas, les autres adultes dans son sillage.
Sirius, Regulus et Narcissa restèrent seuls face à la tapisserie. Sirius contemplait la trace de brûlure, effaré. Sa mère menaçait souvent de l'effacer sans qu'il comprenne vraiment ce que cela impliquait. Et voilà que d'un coup la menace devenait une horrible réalité. Il s'imagina à la place d'Andromeda, seul dans la neige et la nuit, et fut saisi de peur. Sa mère pouvait-elle vraiment l'abandonner? Paniqué, il fondit en larmes.
-Où est partie Andromeda? demanda Regulus à Narcissa.
Sirius se tourna vers la jeune fille, peut-être qu'après tout, tout ça n'était pas si grave?
Sa cousine fixait la tapisserie d'un air glacial.
-Andromeda est morte, répondit-elle d'un ton définitif.
Et elle s'en alla à son tour, laissant les enfants seuls avec Kreattur.
