Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas.

Cette fiction est un UA donc pas de magie ici.

Possible relation entre deux hommes mais rien n'est sûr et si elle existe finalement, il n'y aura pas de scène explicite.

Il y aura par contre une présence prononcée de vocabulaire vulgaire, au moins dans les premiers chapitres.

Première réelle fanfiction, j'espère que vous serez indulgents et surtout que vous aimerez !

Chapitre I : Sittin' on the dock of the bay

Il n'avait pas plus de vingt ans. Vingt ans et quelques mois, quelques heures. Il se sentait pourtant l'âme d'un vieillard. Ses cheveux d'un noir de jais toujours aussi ébouriffés qu'au temps de son enfance encadraient un visage fin, sans extravagance ni réelle beauté, d'une banalité à faire peur en réalité. Ses mains calleuses d'avoir travaillé trop jeune et trop tôt crochetaient le nid de corbeau posé sur le haut de son crâne. Pas de rides, pas de tâches de vieillesse, pas de voix esquintée par des années de passé à raconter. Mais là, assis sur les quais de seine, occupé à percer les eaux troubles de la vie parisienne, Harry Potter se sentait vieux. Bien trop vieux.

Il savait que réfléchir était dangereux. Dangereux pour sa santé mentale, déjà bien abimée soit dit en passant, mais aussi pour sa santé physique. Il savait que le poison de l'agonie s'insinuant petit à petit dans son esprit n'aurait de cesse de le harceler lorsqu'il aurait réellement pris conscience de sa présence. Cette petite fée insidieuse se frayant un chemin depuis ses jambes croisées sur les pavés froid jusqu'à son épine dorsale puis ses méninges le narguait de toute sa splendeur.

« -Fais-le, vas-y fais-le !

-Juste un plongeon dans la marée brune devant toi ! Cinquante centimètres, même pas besoin de te lever pour ça ! Tout sera enfin fini, tout absolument tout ! Et le meilleur dans tout ça c'est que tu ne manqueras à personne…par conséquent tu ne feras pas souffrir les autres. Plus rien d'égoïste là-dedans, juste un choix personnel. Fais-le…Fais-le ! »

Combien de fois avait-il entendu cette rengaine lancinante qui lui prenait les tripes et le tentait autant qu'un junkie par une barre de coke offerte gratuitement ?

Combien de fois n'y avait -il pas pensé ? C'était après tout très tentant. Plus de désastre, plus d'obstacles à franchir…juste une agonie de quelques instants puis le calme pour longtemps, très longtemps.

Cela faisait longtemps que cette petite voix contaminait la moindre de ses pensées. Depuis l'enfance à vrai dire. C'était triste, mais c'était ainsi. Harry Potter n'était pas du genre à s'appesantir sur les choses. Son truc à lui, c'était plus de s'assoir pendant des heures devant les tonnes d'eau qui charriaient les ordures de plusieurs millions de voyageurs de passage dans cette belle capitale « empuantée » qu'était Paris. Il essayait alors de vider son esprit. Ah ! Essayer était bien le mot. Pas assez d'ardeur à la tâche ou bien un esprit trop inextricablement enfoncé dans la folie, il ne savait pas trop mais toujours est-il que vider son esprit était impossible.

Même lorsqu'il était petit, confiné dans le placard du couloir Boulevard Haussmann, il n'avait jamais réussi à atteindre cet état de léthargie. Pas de méditation, non, de léthargie. Ne plus penser, ne plus ressentir, combler le vide par le vide. Les araignées, les portes qui claquaient, le parquet qui grinçait…il y avait toujours quelque chose pour le tirer vers de nouvelles réflexions. Réflexions, craintes, espoir. Peu importe, toujours est-il qu'il n'était pas possible pour lui d'avoir l'esprit tranquille.

En même temps, comment avoir l'esprit tranquille, enfermé dans le noir, son balourd de cousin le narguant, sa tante hurlant après des choses qu'il était censé avoir faites de travers mais qu'il n'avait finalement jamais faites. Pas faute d'avoir essayé après tout. Réduire en miette le « si précieux service de porcelaine made-in-china » de tante Pétunia aurait eu quelque chose de jouissif. Renverser une bonne dose de café brulant sur l'ordinateur dernier cri de Dudley l'aurait amené à un état de contentement proche de l'extase. Et surtout, surtout, raser la moustache de son gros porc d'oncle aurait été le summum. Le summum ouais…

Harry Potter n'était pas un ange. C'était certain et puis quoi de plus normal. La violence engendre la violence…pas de quoi chipoter là-dessus.

Il avait fini par essayer, vraiment. Détruire, salir, tout ça. Ce n'était pas très difficile d'y penser une fois que la peur des punitions avait passé. Chien qui aboie ne mord pas. Belle connerie. Vraiment. Toutefois vraie lorsque les cris et la morsure deviennent une habitude.

Il avait presque réussi d'ailleurs. Une fois…mais ce n'était pas faute d'avoir essayé, foi de Potter ! Mais comment réussir à mener ses plans à bien lorsque vous étiez confiné dans un placard pour un oui ou pour un non. Surtout pour un oui, en fait.

Ses années d'enfance et d'école passées à fuir et à courir d'un placard à un autre l'avaient forgé à la solitude mais jamais à la léthargie qu'il essayait tant bien que mal d'atteindre. C'était peut-être ça le problème après tout. Trop de solitude, tue la solitude et surtout, surtout, la présence accablante du silence apporte trop souvent avec elle des tonnes de pensées pour combler le vide qu'elle laisse derrière et autour d'elle.

Des pensées grises, des pensées blanches, des pensées colorées. Des rêves, des voyages, du lointain et du sable. L'odeur de la mer, de la mère et puis parfois d'une famille qui l'aimerait rien qu'un peu. Un sauveur, même grand, sombre et arrogant avec un grand nez crochu et des cheveux gras, des bras presqu'aussi maigres que des os d'ailes de chauve-souris et un sourire aux dents jaunies. Un rêve d'une intelligence surhumaine, d'un autisme de génie qui pourrait expliquer sa maladresse auprès des autres. Même une beauté extraordinaire, rien qu'un physique sortant de l'ordinaire pour le sortir de sa prison de pensées et de silence.

Harry n'avait pas d'aptitude extraordinaire, ni même d'aptitude tout court. Rien que ses yeux d'un vert saisissant pour pleurer lorsqu'il lui prenait l'envie de se comporter comme une fillette de cinq ans. Son corps n'était pourtant pas déformé par les coups ou par la famine. Oncle Vernon ne se serait jamais permis de faire subir à son neveu autre chose que des coups psychiques qui abimaient son mental au fur et à mesure qu'il grandissait. Bien sûr, il y avait le placard mais il y avait une différence entre trouver un gosse dans un placard et trouver des coups sur un gosse. Le premier pouvait être expliqué par une partie de cache-cache (son neveu n'aurait jamais démenti…trop bien dressé par ses soins ce petit vaurien !) mais le second…Trop de scandale se plaisait-il à expliquer à sa femme.

«-Tu comprends Tunie, tomber dans l'escalier c'est connu maintenant. Se cogner contre une étagère ou glisser par terre aussi. J'ai besoin de garder mon influence au sein des gens bien moi ! Renchérissait-il avec un regard dégouté vers le placard sous l'escalier du duplex qui leur servait d'appartement.

Après tout, nous avons déjà bien failli la perdre cette influence, que dis-je cette merveilleuse réputation lorsque ta dérangée de sœur et ton anormal de mari ont eu la bonne idée de se saouler avant de conduire ! Seuls les paumés dans leur genre auraient l'idiotie de faire ça, enchainait-il, un verre de cognac à la main.

Vraiment, une chance que personne n'ai appris toute l'histoire et que nous ayons pu faire passer son emménagement chez nous comme un acte de charité. Il nous coute déjà bien trop cher comme ça, heureusement qu'il nous aide à maintenir nos relations avec les bonnes gens !

-Evidement Vernon chéri, évidement. Tu n'as pas oublié qu'on nous attend ce soir chez les Mainson pour la réception annuelle de la famille ? répondait invariablement sa tante. »

Seuls les noms changeaient. Le verre de Cognac aussi. C'était parfois du Whiskey et en été du pastis, mais pas trop souvent quand même, c'était d'un commun ! Et lui, pauvre Harry restait à écouter cloitré dans son placard. Donc, à part ses yeux verts qu'il tenait de sa mère décédée et un manque de confiance en soi grandissant, Harry n'avait pour lui qu'une rapidité hors du commun acquise à force de fuir son cousin et ses jeux stupides. Il aurait pu être intelligent voire plus intelligent qu'une partie de la population mais les années passées à saboter ses devoirs afin de ne pas obtenir de notes supérieures à celles de Dudley avaient eu raison de son envie d'apprendre. Il aimait philosopher, se questionner sur tout et n'importe quoi, tourner en rond pendant des heures une seule petite phrase dans sa tête jusqu'à en découvrir tout son sens mais pas apprendre. Ça non ! Autant vomir ou mourir plutôt que d'apprendre quoi que ce soit.

Il n'avait rien pour lui. Enfin, c'était faux. Il était juste un garçon normal, pas très futé, pas très grand (ni très petit d'ailleurs), un peu mince et surtout très dérangé. Mais c'était mieux ainsi. Sortir de la norme était mal, monstrueux, sale. Des mots gravés au fer blanc dans son esprit malléable par son oncle. Et longtemps après – déjà deux ans- avoir été débarrassé de ce cachalot et de sa dictature de paille Harry en gardait encore la cicatrice cuisante.

Etre normal…un rêve, une norme, une règle. Mais qu'avait-il de normal à se tenir là, agenouillé, prêt à sauter dans l'eau glaciale du mois de janvier. Un pied sur terre et l'autre dans la tombe à seulement vingt ans ?

Harry n'en savait foutrement rien. Tout ce dont il se doutait c'est qu'il devait avoir l'air sacrément con à attendre « Merlin ne savait quoi » avant de finir dans l'eau boueuse chargée d'ordures. Ouaip, sacrément con, ou sacrément fou.

Soudain, un rayon de lune éclata en un million d'étoiles lorsqu'il frappa une théière abandonnée sur l'eau et happa au passage son esprit. Harry se perdit dans sa contemplation d'un millier de lucioles paraissant lascivement dans les remous. Un mini système solaire à lui tout seul. Pour lui tout seul.

Un violent courant d'air, une canette que l'on jette et la théière disparu, engloutie et avec elle ses milliers d'éclats d'espoirs. Il releva la tête de colère et croisa un regard d'acier et d'arrogance mêlés. Du dégoût, une pointe de curiosité puis l'oubli. L'étranger parti sans aucun autre regard, sans un regard.

Harry se releva, livide de rage et emplie d'une fureur que l'on croise rarement chez les sujets sains d'esprit. C'était SES étoiles ! Les siennes ! Et ce petit con prétentieux avec son manteau de velours et ses Louboutain venaient de les faire partir en plein néant.

Il ne le permettrait pas ! Tout son esprit criait vengeance. Il lui courut après, silencieux et rapide comme la mort, avide d'obtenir réparation pour son dû. Il courrait vite, trop vite pour le pauvre imbécile blond et le dépassa sans s'arrêter mais gardant dans sa main, dans son poing bien serré, un portefeuille d'un cuir immaculé. Après tout, deux ans passés à vivre dans la rue avaient eu raison de sa bonne conscience et sa culpabilité naturelle. Le vol était nécessaire pour survivre mais surtout pour vivre dans la jungle de la ville citadine, réparer les torts causés et s'affirmer comme n'étant pas une victime potentielle. Harry était très vite devenu un as à ce petit jeu-là, merci Dudley.

Il accéléra soudain. L'autre n'était peut-être pas si empoté et endimanché dans ses vêtements que ça. Fallait que ça tombe sur lui, voler un imbécile friqué qui savait faire marcher ses yeux et surtout ses jambes !

Et il courut, il courut à en perdre haleine. Il traversa les boulevards et les ruelles qu'il connaissait désormais par cœur. Manque de bol pour lui, il n'avait pas assez mangé ce matin, tout comme les six derniers jours. Les restos jetaient moins de restes maintenant, la crise et tout le baratin. Il était épuisé, complètement lessivé. Il jeta un regard derrière lui et comme il ne vit personne, il s'assit sur un cageot de bois au milieu d'une impasse.

Il ouvrit le portefeuille et ses yeux brillèrent. Bonne pioche ! Trois billets de cent et quelques centimes. De quoi s'offrir de bons repas pour au moins deux mois. Et dire qu'à l'origine il n'avait même pas volé ce portefeuille pour l'argent. Il tira également un permis de conduire et une carte d'identité ainsi qu'une carte de visite. Le mec était grand, blond, les yeux aciers. Pas forcément très beau mais une putain de posture et une attitude qui en imposait. Harry se perdait dans la contemplation de cet illustre inconnu qu'il pouvait désormais nommer Draco Malfoy d'après ses papiers lorsqu'il se retrouva soudain à terre, une douleur lancinante à la tête.

Il n'arrivait pas à le croire, ce fils de riche, riche lui-même était en train de lui mettre une putain de raclée. Il l'avait retrouvé !

« -Tu cours vite sale voleur ! Mais tu aurais dû manger quelque chose de solide avant. Je ne t'aurais jamais rattrapé sinon. Tant mieux pour moi, tu vas pouvoir avoir ce que tu mérites ! L'argent se gagne, vaurien. Il ne se vole pas hurla-t-il calmement en lui assénant coups de poing sur coups de poings. »

Oui, ce mec hurlait calmement. Et c'était bien plus impressionnant que s'il s'était contenté de crier. Non, là il parlait calmement mais chaque phrase sonnait et résonnait dans l'air, justice implacable, comme s'il l'avait criée.

Et Harry, se prenant chaque phrase en plein cœur, pleura pour la première fois depuis longtemps devant cette injustice. Oui, il l'avait volé mais visiblement trois cents euros n'étaient rien pour Monsieur et puis d'abord, c'était lui qui lui avait volé ses étoiles le premier !

Il s'arracha à la poigne de fer qui le maintenait cloué au sol et renversa l'autre homme d'une clé de bras bien placée avant de lui asséner un coup un plein pif. Craquement sec mais pas de quoi pleurer, juste un vaisseau pété et un cartilage déplacé. Harry était violent mais pas méchant. Il se redressa alors et s'enfuit s'en se retourner.

Alors qu'il courrait à en perdre haleine comme si ça vie en dépendait fuyant cette maudite ruelle puis lorsqu'il fut à nouveau assis à la même place sur les bords de seine, il se dit qu'il n'allait pas sauter finalement. Il n'avait pas d'argent, pas de facultés spécifiques pas de bagages, ne savait même pas où il dormirait ce soir…mais il savait une chose. Il voulait vivre. Ne serait-ce que pour revoir peut-être un jour ces étoiles de bric et de broc qui ravivaient en lui un souvenir resté enfouis jusqu'à maintenant. Celui d'une belle femme rousse aux yeux verts le tenant dans ses bras en regardant un ciel éclairé de millions d'étoiles…

Assis au sol, complètement sonné cherchant, hagard, de quoi se redresser Draco Malfoy regardait le petit brun s'enfuir, ébahi. Autour de lui, éparpillés sur le sol, ses trois billets et ses papiers ainsi que son portefeuille. Il se redressa avec toute la fierté qui pouvait lui rester en pareilles circonstances, ramassa ses affaires et rentra chez lui, un mouchoir cloué sous son nez. Les dernières paroles du jeune homme aux yeux larmoyants animés d'une rage indescriptible tournant inlassablement dans sa tête…

-Mais c'était pas pour ton fric. Garde-le ton argent pourri. C'était pour mes étoiles connard !

Voilà, le premier chapitre est terminé, j'espère qu'il vous aura plu !

Le titre du chapitre est en fait celui d'une chanson de jazz/blues absolument géniale.