A/N : Bonjour bonjour la compagnie !

Je dois me confesser : j'aime le genderbending, ça se voit et j'assume. Quand mon cerveau est fatigué (et c'est souvent), il a tendance à me réclamer de transformer les persos que j'aime bien en fille… Parce que, rendons-nous à l'évidence, la majorité des personnages intéressants et importants sont en général des mecs. Mon cerveau trouve donc qu'on manque de diversité dans nos héroïnes. J'aime bien Sanji (comme tous les persos de OP en gros), donc mon cerveau a réclamé. Puis il a réclamé du smut avec Zoro… parce que c'est mon cerveau, faut l'excuser.

Je me suis dit que je pouvais partager le résultat, donc je vous présente cette petite fic sans prétention, si ça vous dit ;)

NB : Cette fic ne prend pas en compte les révélations sur Sanji après le tome 80, tout simplement parce que je n'ai pas encore tout lu. Et que de ce que j'ai pu voir, ça rendrait toute fic avec Sanji subitement beaucoup plus sérieuse.


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Le Goût du sel

Chapitre 1 : Nakama

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« A taaable! »

Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait crié ces deux mots d'une voix suffisamment portante pour percer les murs du Sunny. Ses mains aux longs doigts pâles se suspendirent au-dessus des casseroles et de la pile d'assiettes creuses l'espace de deux secondes.

« 1…2… » se mit-elle à compter.

A trois elle prit une assiette, y déposa du riz, des légumes et du poulet tikka masala par-dessus -si elle ne suivait pas cet ordre, ce crétin bouderait encore la verdure-. La porte de la cuisine s'ouvrit à grand fracas à l'instant-même où le plat toucha la table.

« MANGER ! »

Elle l'avait à peine lâché que son goinfre de capitaine se jetait dessus, suivi de près par Chopper, Usopp et Franky, qui reçurent tour à tour, et avec la même coordination, leur propre part avec des étoiles dans les yeux.

« Un peu de tenue, bande de blaireaux ! » hurla Sanji, mais sans pour autant que ses gestes perdent de leur dextérité détendue. Elle assembla les deux assiettes suivantes en prenant un peu plus son temps, soigneusement, sa posture presque nonchalante comme si l'effervescence juste derrière elle ne l'atteignait plus. « La nourriture ça se respec-Luffy tu vas t'étouffer abruti ! »

Nami, Robin et Brook entrèrent à leur tour, le dernier débordant d'enthousiasme malgré qu'il ne mange rien. A la vue des deux autres femmes, les sourcils de Sanji cessèrent de froncer, son visage s'illuminant d'un sourire radieux.

« Mes princesses ! Venez, venez ! »

Durant cet intervalle, et presque automatiquement, elle avait déjà resservi son capitaine trois fois, ses charpentier et sniper deux. Une fois tout le monde présent installé, elle resta un instant coi, attendant qu'une dernière silhouette passe la porte. Après quelques secondes, elle haussa les épaules, se servit prestement et rejoignit la joyeuse troupe à table.

L'autre abruti s'était probablement encore endormi dans un coin. Tant pis pour lui, ça allait refroidir.

En voyant son équipage se régaler à grand bruit, elle ne put retenir un sourire. Ils avaient beau la rendre chèvre, parfois -nan, correction, tout le temps- elle ne regrettait son choix pour rien au monde...

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« Tu sais cuisiner ? Rejoins mon équipage ! »

Elle en avait ri au point de perdre sa cigarette. Sans trop savoir s'expliquer pourquoi : peut-être la détermination dans le regard de Luffy, parce que ces mots sortaient de nulle part sans prévenir… ou car ce matin encore, elle avait rêvassé à une vie plus aventureuse entre deux services.

Non pas que la vie de Sanji soit barbante. Au contraire même, elle était bien satisfaisante: elle passait ses journées à cuisiner pour des clients qui appréciaient son travail à sa juste valeur, n'en déplaise au vieux croûton, entourée de sa famille adoptive. Sa cuisine de qualité autant que son apparence la démarquaient : grande et élancée, ses cheveux blonds courts encadrant des traits à la fois fins et sculptés, et vêtue d'un costume noir bien taillé, elle faisait forte impression, peu importe laquelle. Il n'était pas rare qu'un client se trompe, l'interpellant d'un « garçon ! » avant de se confondre en excuses lorsqu'elle se retournait avec un sourire serviable et une voix un rien basse, mais suave.

Elle ne leur en voulait jamais. Même, elle s'en fichait. Sanji s'habillait comme elle voulait, avec classe, confort et utilité : ses tailleurs lui faisaient une silhouette impeccable, ses pantalons étaient les seuls qui convenaient à son style de combat -qui, bonus notable, lui faisait un cul et des jambes à se damner en plus d'être diablement efficace-, et ses bottes avaient des semelles plombées qui accentuaient ses coups. Et la cravate ? Elle attirait le regard sur son long cou mince.

Elle était, étrangement, la seule femme dans l'équipage du Baratie. Ayant grandi là, ses habitudes lui étaient venues tout naturellement. Zeff avait essayé de lui inculquer les « bonnes manières » … mais avait vite abandonné, mortifié comme le reste de l'équipage de voir une gamine faire des poiriers et des coups de pieds sautés en robe à rubans, se fichant comme d'une guigne que tout le monde puisse voir sa petite culotte rose.

Elle souriait souvent à ce souvenir, accolée contre un mur sur le ponton lors de sa pause, cigarette à la main et sans gêne. Elle savait qu'elle devrait en être mortifiée, mais non.

« Bien fait pour leurs pommes. »

Son autre main repoussa sa frange. Les cheveux longs avaient aussi été un fiasco : en tresses ou en couettes, ils finissaient toujours par pendre dans les casseroles, répandant sauces et bouillons partout. Et les cuistots avaient beau être superbement agiles de leurs dix doigts aux fourneaux, lorsqu'il s'agissait de faire des chignons à une petite fille, ils arrivaient à peine à tenir un élastique.

Par la suite, tout autre stéréotype de féminité avait tour à tour provoqué des remous au sein de la famille grande et tarée qu'était le Baratie. Comme lorsqu'elle avait essayé des talons hauts, manquant de crever des yeux. Comme lors des premiers dégâts de sa puberté, où tout ce qu'on lui disait semblait être la pire insulte jamais inventée dans un monde où elle était une grande incomprise. Ou encore lorsque quelqu'un lui avait arraché une cigarette des lèvres, prétendant que ce n'était pas une attitude de « jeune fille de bonne tenue. »

Pire, lorsqu'un client lui avait mis la main aux fesses… Zeff en avait eu ses premiers cheveux blancs. Et en avait attrapé des supplémentaires à chaque fois que des clients avaient gaspillé de la nourriture sous les yeux de sa protégée.

Au final, tout était rentré dans l'ordre lorsqu'ils avaient arrêté de vouloir la traiter « comme une fille », et s'étaient contenté de la traiter comme l'une des leurs, parmi tant d'autres, avec ses singularités. Alors, malgré la routine, elle avait commencé à s'imaginer passer sa vie ici, laissant le Baratie la porter sur les flots qui la mèneraient tôt ou tard, sans effort ni trop y penser, à All Blue. Cet endroit de rêve réservé à demain, à plus tard, à peut-être…

Puis Luffy était arrivé.

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Il l'avait intriguée, ce gamin excité au sourire surdimensionné qui clamait son rêve haut et fort, se fichant complètement des moqueries incrédules des autres. De deux ans son cadet, les yeux et les cheveux brillants; il avait l'odeur d'un enfant laissé au bord de la mer : sentant le soleil, le vent et le sel. Il était taré, à sa façon, mais une façon que Sanji comprenait, malgré toutes les fois où elle lui avait collé un coup de pied bien placé tant il pouvait l'exaspérer.

« Sanjiii… J'ai faim! »

Luffy l'aimait, elle le savait. Et pas seulement lorsqu'elle cédait à ses caprices et lui donnait du rab, voire lui faisait un en-cas en pestant exagérément contre son ouistiti de capitaine.

« T'as toujours faim. Si je n'étais pas là, tu crèverais de la dalle en une journée. »

Il lui sourit, une lueur peu habituelle au fond du regard.

« Yep, ça c'est vrai, heureusement que je t'ai ! Shishi ! »

En cet instant, des souvenirs raclèrent à la porte de sa mémoire, la laissant silencieuse l'espace d'une seconde, mais elle se ressaisit. « Tu sais que je ne laisserais jamais ça t'arriver » avait-elle ensuite murmuré, comme pour elle-même.

« Et t'es forte » continua Luffy. « Ça aussi, c'est cool ! »

Elle sentit ses joues chauffer légèrement sous le compliment. C'était vrai, même si elle n'osait pas encore s'en vanter. En combat, elle était vite devenue le bras gauche de son capitaine, écrasant leurs ennemis sous ses talons. Tous ceux qui riaient des rêves du jeune homme et de ses nakama, elle les broyait sous ses bottes, sans pitié. En ça, c'était un avantage de porter du noir : leur sang pouvait lui mordre les chevilles, on n'en voyait rien.

Elle avait ri jaune en pensant que même ainsi, elle ne suivait pas le stéréotype féminin, imposé de force, explicite ou subtil : elle cuisinait de ses mains et fracassait de ses pieds. La cuisine redevenait un art, une maîtrise quand jusqu'alors, entre les mains d'une femme, elle avait été réduite à un devoir. Un homme qui cuisine est l'auteur de chefs-d'œuvre, une femme qui cuisine est… banale.

C'était l'une des choses qui la faisaient facilement enrager. Elle leur montrerait, qu'une cuisinière pouvait tout autant être maîtresse de son art qu'un homme, sans que son talent et son travail ne soient dénigrés, réduits à une évidence, une ridicule vocation génétique. All Blue était son rêve, mais ceci était son ambition.

Et aider Luffy à devenir le Roi des pirates, le but de sa vie.

Elle ne s'expliquait même pas la loyauté qu'elle ressentait envers lui, elle n'en avait pas besoin. Ce garçon éternel tenait son cœur et son destin au creux de sa main, et elle les y savait en sécurité.

« Sanjiii… »

Elle sourit doucement, presque tendrement, même si elle ne l'avouerait jamais. Le même sentiment qui la poussait à se jeter à sa suite chaque fois qu'il tombait à la mer -et non, ce n'était pas uniquement parce qu'elle était la meilleure nageuse de l'équipage- s'insinuait dans son cœur en cet instant.

« Je sais Luffy, je sais. »

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Si elle était le bras gauche, le bras droit, venu avant elle, avant tout le monde, était Zoro.

Mais… ça, pour l'instant, elle ne voulait pas y penser.

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La première fois qu'elle avait vu Nami, elle était tombée amoureuse. Enfin, presque. En quelque sorte.

Comment expliquer ? Sanji adore les femmes. Elles sont fortes, belles, complexes, merveilleuses… Et elle ressent envers elles une sorte de connivence aisée, qui vient tout naturellement et suscite en elle une profonde admiration. Nami en était plus qu'un exemple, elle était une concrétisation. Sanji donnerait tout pour elle, anéantirait quiconque la ferait pleurer. Non pas que Nami ne soit pas capable de le faire elle-même, mais à quoi serviraient des nakama s'ils ne s'entraidaient pas ? Nami était une personne magnifique, d'esprit comme de corps. Libre, incroyablement intelligente, au caractère de cochon qui n'avait rien à se faire excuser, et Sanji ne pouvait que l'admirer, avec des étoiles dans les yeux.

L'aimait-elle ? Bien sûr. L'aimait-elle ? Dans le sens, la désirait-elle ? Elle avait bien conscience de ce que ses explosions d'attentions et de compliments laissaient entendre, et elle les assumait complètement. Pour elle, l'attirance ne se limitait pas à un genre ou au seul physique. C'était un potentiel que chacun pouvait détenir et choisir de cultiver. Alors… peut-être. Peut-être que si Nami lui renvoyait un jour un signe, un geste en ce sens… Peut-être, mais pour l'instant, ce n'était pas le cas, et ce n'était pas important.

Le plus important étaient la confiance, l'amitié indiscutables qu'elles avaient tissées. Le plus important était ce qui l'avait poussée à protéger Nami, alors malade et portée par Luffy, de son propre corps sur l'île de Drum. Elle n'avait même pas hésité, sa décision marquant un tournant dans leur relation, broyant son dos contre un tronc d'arbre pour amortir leur choc, avant d'être emportée par une avalanche. La peau le long de son échine portait encore les traces de la chirurgie de Kureha. Mais elles étaient loin d'être les seules cicatrices que son corps arborait, à présent. Aucune ne lui suscitait du regret.

Parfois, tard le soir, elle pouvait voir les traits tirés de la rousse, concentrée sur ses cartes à la lueur des chandelles. L'entendait respirer erratiquement à des heures où le sommeil aurait dû l'envelopper dans le calme de la chambre des filles, et non les vieux souvenirs qu'elle s'efforçait de contenir.

« Nami. »

Elle ne savait trop si ses yeux d'un marron riche mettaient en valeur ses cheveux roux irréels ou l'inverse sous le rayon de soleil, alors qu'elle se retournait pour la regarder, sortant de sa contemplation de l'océan.

Sanji déglutit. « Tu sais que si tu as besoin… pour parler, ou quoi que ce soit, je suis là. »

Elle était la seule autorisée à toucher ses mandarines sans sa supervision immédiate, et Sanji savait tout ce que cela voulait dire, d'autant plus lorsqu'elle savait très bien qu'elle ne les gardait pas égoïstement, mais les utilisait dans des plats pour tout l'équipage.

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Robin était… son idole, en quelque sorte. Pourtant, leurs premiers contacts n'avaient pas été des plus idylliques, lorsqu'elle croyait que la mystérieuse femme représentait un danger pour l'équipage. Mais lorsque sa véritable nature commença à être apparente, Sanji avait été l'une des premières à l'accepter. Robin avait accompli tout ce qu'elle ne pouvait s'empêcher de vouloir pour elle-même : l'intelligence, le mystère, la détermination de faire face à tous les aléas de la vie dans le but ultime de découvrir une vérité qui ne lui servirait pas qu'à elle, égoïstement. Sa soif sans fin de savoir, sa curiosité à toute épreuve qui alimentaient un esprit plus brillant que ceux de la majorité des gens qu'elle avait pu rencontrer ne pouvaient susciter en elle qu'un profond respect.

Avec une telle intelligence, de telles connaissances, Sanji aurait compris que Robin la regarde de haut, de ses magnifiques yeux pleins de sagesse. Elle aurait le droit de lui accorder un sourire plein de pitié dédaigneuse, à elle qui, en comparaison, ne savait pas grand-chose, et elle aurait eu la grâce de rester incroyablement belle en le faisant. Mais il n'en était rien, car Robin ne s'était toujours comportée envers elle qu'avec une profonde et sincère bienveillance.

Ils avaient déclaré la guerre au Gouvernement mondial pour elle, et pas un instant Sanji n'avait hésité. La voir pleurer avait réveillé en elle une rage sans nom, comme une prise de conscience finale face à toutes les injustices qu'elle avait jusqu'à présent refusé de regarder droit dans les yeux, absorbée par le confort relatif de sa propre vie.

Elle avait vu le drapeau brûler et s'était dit que c'était ça, l'essence même de la piraterie, et elle n'en avait ressenti que fierté et acceptation : oui, elle était bien une pirate, quand jusqu'alors ce terme n'avait eu qu'une vague signification, dépourvu d'un sentiment d'appartenance. Mais plus que tout, elle était une pirate membre de l'équipage de Luffy au Chapeau de paille. Et ils étaient nakama.

Ce sentiment, elle l'avait déjà ressenti lorsqu'au commencement de leurs aventures, ils étaient allés casser la gueule aux hommes-poissons qui avaient fait vivre à Nami un véritable enfer. Mais il s'était précisé en cet instant, et Sanji ne savait trop comment remercier Robin, à part de sa manière habituelle : à travers sa cuisine. Elle était particulièrement soucieuse de lui apporter régulièrement des boissons lorsque l'archéologue lisait, si captivée par ses ouvrages qu'elle en oubliait de s'hydrater. A chaque fois, elle lui adressait un sourire de remerciement radieux qu'elle ne pouvait s'empêcher de lui rendre. Un sourire qui prit une autre teinte, celle de la complicité, lorsque Sanji surpassa sa timidité -oui, vous avez bien lu, timidité- pour lui demander si elle pouvait un jour lui emprunter quelques livres, poussée par la curiosité.

« Avec grand plaisir ! »

Elle les emportait alors pour les lire en cachette, dans la salle de l'aquarium à l'atmosphère et la luminosité paisibles, son esprit vagabondant à travers les temps, les civilisations, la réalité et la fiction. Une fois, elle s'y était assoupie, captivée par l'ouvrage entre ses mains jusque tard dans la nuit, et s'était réveillée avec une couverture sur elle et un grand verre d'eau à ses côtés. Elle en avait rougi et souri à la fois.

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Usopp était pour elle, la personne avec laquelle elle avait la relation la plus fraternelle. S'ils étaient tous comme une grande famille, en quelque sorte, Usopp était celui avec lequel Sanji pouvait oublier qu'elle n'avait pas réellement de liens de sang. Elle ne savait exactement se l'expliquer, ni dire à partir de quel évènement elle l'avait considéré ainsi, c'était tout simplement le cas. Ils pouvaient tout aussi bien être frère et sœur ou cousins, tant il avait pris une place dans son entourage avec un naturel évident. Avec Usopp, elle pouvait parler de tout et de rien, être sérieuse et l'engueuler comme rire aux éclats et se comporter comme une éternelle gamine. Elle aimait son intelligence toujours en alerte et dépourvue de toute suffisance, son don pour le bricolage qui l'avait parfois bien aidée en cuisine, sa nature chaleureuse et festive. Malgré son manque profond de confiance en lui et ses peurs presque maladives, Sanji le respectait énormément et espérait qu'il puisse un jour voir lui-même qui elle voyait en lui. Lui était admiratif face à sa force et sa puissance, sans jalousie même si elle pouvait bien voir qu'il espérait un jour atteindre son niveau, et elle en était sincèrement flattée -Usopp était d'une sincérité qui la touchait, même si elle avait parfois tentée de le secouer littéralement pour qu'il affronte ses craintes-. Quand il la qualifiait de ''sa garde du corps'', elle riait aux éclats.

Lorsqu'il s'était disputé avec Luffy concernant le sort de Merry, au point de menacer quitter l'équipage, Sanji en avait été bouleversée; bien plus qu'elle ne l'aurait cru. L'idée qu'il parte définitivement de leurs vies lui avait fait se rendre compte d'à quel point sa présence et sa compagnie étaient devenues naturelles. Elle était allée jusqu'à attaquer Luffy pour l'empêcher de commettre l'irréparable, déchirée à la vue du conflit entre les deux garçons qui avaient pris tant d'importance à ses yeux. Quand Usopp était parti, elle s'était éclipsée en silence pour fumer cigarette sur cigarette, les yeux embués de larmes qu'elle refusait d'accepter ou de laisser couler. Personne n'était obligé de rester, elle devait bien s'en faire une raison… pire, elle le savait.

Mais il était revenu. Les genoux tremblants, le visage caché derrière un masque, mais il était revenu, et les avait aidés à sauver Robin. Il avait tiré la balle qui avait mis le feu au drapeau gouvernemental, sur ordre de Luffy, et Sanji avait su en cet instant que son petit frère avait changé pour de bon, pour le meilleur.

Elle attendait avec impatience le jour où il épouserait Kaya, car elle avait bien l'intention de réaliser en cette occasion un festin digne de dieux.

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Peut-être Chopper était-il aussi comme son petit frère, en quelque sorte. Son tout petit frère qu'elle voulait protéger à tout prix, même si lors de leur première rencontre le rapport de forces entre eux avait été tout autre : elle tenait à peine debout, sa colonne vertébrale fracturée, et lui l'avait opérée alors qu'il ne la connaissait même pas.

Parfois, lorsqu'elle le regardait, le sentiment qui s'emparait d'être pourrait même être plus qualifiable de celui qu'une mère ressentirait pour son enfant. Rien que l'idée que quelqu'un puisse lui faire du mal la mettait hors d'elle, et entendre la manière dont il avait été traité par le passé l'avait glacée jusqu'au plus profond : comment être aussi abject avec un petit être qui ne voulait qu'aider les autres, débordant d'amour et d'affection ?

Elle n'oublierait jamais la fois où, comme ils en avaient pris l'habitude à intervalles espacés mais réguliers, elle était allée le voir dans la pièce qui lui servait de clinique pour faire un bilan de santé. Le voir si sérieux et appliqué l'avait fait sourire d'emblée, et elle s'était laissée examiner sans broncher.

« Comme toujours, tu es en parfait état de santé, Sanji » avait-il fini par dire, avant de prendre une mine plus soucieuse. « Mais est-ce que tu envisages d'un jour arrêter de fumer ? »

C'était un sujet sensible pour elle. Elle était bien consciente d'en être dépendante et d'en abuser. Ça l'aidait à calmer ses nerfs, elle qui avait tendance à s'énerver facilement. Et même si c'était Chopper qui le demandait, ça ne l'empêcherait pas d'être agacée.

« Je sais… » marmonna-t-elle. « Mais n- »

« -je ne te demande pas ça qu'en tant que docteur » l'avait-il interrompue avec une fermeté et une détermination qui l'avaient étonnée sur l'instant. « Je te demande ça aussi pour moi-même. »

Elle l'avait alors regardé avec surprise alors qu'il rassemblait visiblement son courage pour continuer.

« Je ne veux pas que la cigarette raccourcisse ton espérance de vie. »

Ça l'avait laissé sans voix un long instant. Toute trace d'agacement avait disparu de son humeur, et elle l'avait regardé avec émotion avant de lui sourire.

« Je vais y penser » dit-elle, pour la première fois avec sincérité.

Souvent, lorsqu'il avait peur, Chopper se blottissait derrière l'une de ses jambes qu'il enlaçait comme pour s'y raccrocher, et le cœur de Sanji enflait à lui en donner envie de tousser -ou peut-être était-ce la cigarette, plutôt-. Elle lui caressait alors la tête, la petite touffe douce entre ses cornes, lui disant silencieusement que tout irait bien. Chopper était l'incarnation de l'innocence dans ce qu'elle avait de plus beau et de chérissable : il n'était pas naïf, non, il avait vu et ressenti les horreurs de ce monde, mais malgré tout, il ne voulait que faire le bien.

Parmi tous les garçons de l'équipage, il était le seul qu'elle n'avait jamais frappé, celui envers lequel elle avait le plus de patience, et aussi, le plus d'affection. Elle avait grandi dans une immense famille où l'affection était dissimulée derrière les engueulades et les baffes -figuratives comme propres-, et n'était donc pas vraiment du genre à l'exprimer à travers des gestes, mais quand Chopper avait une fois poussé la porte de la chambre des filles en pleine nuit, tout penaud et silencieux, mais en reniflant d'une manière qui ne pouvait tromper, Sanji s'était relevée dans son lit et avait été la première à lui ouvrir ses bras alors que Nami et Robin s'agitaient à peine dans leur sommeil.

« Viens » avait-elle murmuré tout bas avant de l'enlacer contre son cœur, caressant sa tête jusqu'à ce que sa respiration redevienne régulière et sereine. C'était resté leur secret.

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Franky et Brook, étant les derniers arrivés dans l'équipage, étaient ceux avec lesquels Sanji était encore en train de construire les bases -solides- d'une amitié. Elle respectait Franky pour ses capacités, son don pour la menuiserie, et ne le remercierait jamais assez de lui avoir construit une cuisine merveilleuse, dans laquelle elle se sentait comme un poisson dans l'eau. Et n'avait aussi pas manqué de remarquer la manière dont il regardait Robin : littéralement avec des étoiles dans les yeux. Si au début elle en avait ressenti comme une sorte de jalousie -pour elle, personne ne méritait Robin, même si elle avait conscience de la stupidité d'une telle pensée-, maintenant, elle ne pouvait qu'en sourire.

Quand Brook avait d'abord semblé perplexe de la voir porter un pantalon, si près du corps soit-il, puis lui avait demandé s'il pouvait voir sa culotte, elle lui avait envoyé sa cigarette à la figure, manquant de mettre feu à sa coupe afro. Mais lorsqu'il jouait de la musique, elle ne pouvait être que transportée. Et elle trouva bien vite en lui un complice, voire parfois même un rival comique dans l'admiration des femmes, formant un duo de spectacle pour amuser et embarrasser le reste de l'équipage.

Le Baratie lui manquait, oui, et elle avait passé de nombreux instants à penser à Zeff, son père adoptif, en espérant que tout se passait bien pour ce vieux croûton, mais l'équipage du Chapeau de paille était devenu le véritable centre de son univers, et elle était heureuse.

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Il manquait quelqu'un, et elle ne pouvait pas le nier éternellement. Comment le pourrait-elle, d'ailleurs ?

Il manquait Zoro.


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A/N : Hum… Je dois me rendre à l'évidence qu'apparemment, je ne sais pas écrire du smut sans un minimum de contexte *kof kof*

Encouragez notre Zoro ! Il est timide ;)