POURQUOI ?


« Mais qu'ai-je fait ? C'est ce que je voulais depuis toujours, mais était-ce bien ? Ne suis-je pour lui qu'une maîtresse, une amie, ou celle qu'il cherchait ?… »


Je suis une jeune Gondorienne qui vient d'atteindre sa majorité sous le règne de notre bien aimé roi Aragorn. Je suis secrètement amoureuse d'un homme plus âgé que moi, beaucoup trop pour certains. Voulez-vous que je vous conte mon histoire ?

Tout commença un beau jour de printemps, alors que les fleurs avaient décidé de montrer leur plus bel apparat. Etant montée au sixième niveau de Minas Tirith, je venais comme à chaque fois observer la pleine du Pelennor. Je montais dans un arbre et m'assis à califourchon sur une branche solide, m'adossant au tronc large et imposant de cet arbre sûrement millénaire, rêvant d'aventures comme celle de la Communauté de l'Anneau. J'entendis une voix résonner dans ma tête. Je l'aurai reconnue entre mille, c'était celle de mon frère : il m'appelait pour aller faire mes corvées. Surprise, je perdis l'équilibre, et le sol arrêta ma chute dans un bruit mat et sourd. C'est à ce moment que je ressentis une vive douleur à mon poignet gauche. Mon frère m'emmena aux maisons de guérison, me sermonnant sur les dangers de grimper aux arbres. Comme à chaque fois, je ne l'écoutais que d'une oreille amusée, le sourire aux lèvres. Nous entrâmes dans une des maisons de guérison, et après avoir traversé le hall nous nous dirigeâmes vers l'étage supérieur, puis mon frère ouvrit une des portes et m'invita à le suivre. Et c'est là que je LE vis ! Mon frère alla le saluer chaleureusement, lui expliquant la situation. Moi, abasourdie devant lui, j'étais restée sur le pas de la porte en le fixant. J'aurais pu m'évanouir tant la vague d'émotion qui m'a transpercée de part en part était forte. Une fois le récit de ma chute terminé, il posa son regard sur moi… Ses yeux... Je n'oublierai jamais ses yeux noirs, qui savent exprimer tant d'émotions, et qui me font tant trembler...

Je me ressaisis alors et m'approchait afin qu'il puisse regarder mon poignet. Il m'indiqua un lit sur lequel je pouvais m'asseoir. Le contact de ses doigts sur ma peau me provoqua une onde de tremblements que je réussis néanmoins à lui cacher. Tout du moins c'est ce que je pensais jusqu'au moment où je vis un sourire sur ses lèvres. Comment avais-je pu croire qu'un guérisseur expert ne s'apercevrait pas que je tremblais ? C'était la première fois que cela m'arrivait, je ne comprenais pas ce qui se passait, mais je ne pus m'empêcher de regarder attentivement tous les traits de son visage qui m'attirait tant et je ne le savais pas encore, allait me hanter. Ses cheveux peu communs étaient fins, courts et couleur ébène. Son visage était harmonieux, ses yeux exprimaient la douceur à l'extrême, et ses lèvres… Je n'aurais su dire pourquoi, mais elles m'attiraient. Si fines, probablement d'une telle douceur… Je regardais ses mains qui allaient et venaient sur mon poignet douloureux, me provocant à chaque frôlement une onde de plaisir indescriptible. Ma voix semblait m'avoir quittée, puisque je ne pus prononcer aucun mot, pas même pour exprimer ma douleur. Mais par contre, je sursautais lorsque ses mains caressaient certaines zones sensibles.


D'abord, il n'a été qu'un simple ami, une connaissance de mon frère. Ensuite nous sommes devenus de très bons amis, et je ressentais déjà une grande attirance pour ce guérisseur.

J'allais le voir une fois par semaine aux maisons de guérison qui était assez souvent fréquentée par la Reine ces derniers temps. J'étais toujours bien accueillie par lui et les autres guérisseurs. En quelques mois j'étais devenue la petite sœur du groupe fermé qu'ils formaient. Mais je ne voyais que lui… Lui qui était si gentil, si attentionné avec moi… Si beau, si charmant…

Combien de fois j'ai rêvé qu'il m'embrassait, qu'il me disait qu'il m'aimait, que j'étais la femme de sa vie… Les mois passèrent, ainsi que les années. Le temps est un courant imperturbable et insaisissable… Cela faisait à présent près de quatre ans que je le connaissais. Puis vînt cette fameuse soirée qui restera gravée dans ma mémoire…

Un beau jour d'hiver, il fit une fête invitant tous ses amis et moi-même. J'arrivai devant sa porte, pensant passer une bonne soirée en sa compagnie ainsi que celle des autres guérisseurs. Comme à chaque fois je m'arrêtais devant sa porte, prenais une grande respiration, levais mon bras pour frapper à la porte, mais cette fois-ci je suspendis mon geste. J'entendais les échos de cette soirée qui avait l'air prometteuse. Bien sûr, mon frère et sa femme étaient déjà arrivés. Comme lors de chaque soirée, j'avais mis un temps fou à me préparer, ne pouvant me décider parmi mes tenues, et par conséquent mon frère était partit avant moi. Enfin, je me décidais à frapper en tremblant, malgré une voix sournoise qui me disait de partir en courant sans me retourner. La porte s'ouvrit finalement et mon cœur accéléra encore, si cela était possible. IL était là, devant moi. Il me fit un immense sourire et m'embrassa sur la joue.

« Je suis heureux que tu sois venue ! annonça-t-il, la voix joyeuse.

- Je n'allais quand même pas rater une soirée organisée par toi ! »

Il se mit sur le côté pour me laisser entrer. L'atmosphère était chaude et lourde à cause de la cheminée. J'avais mis ma plus belle robe, tout juste décolletée car j'étais d'un naturel un peu timide. Tous ces regards sur moi lors de mon entrée me génèrent, et je baissai la tête, un peu honteuse d'être la cible de cette attention, mais je sentis une petite pression sur mon bras. Je relevai la tête vers lui, qui m'encourageait à garder la tête haute, et un regain de courage me gagna. Il m'invita à m'asseoir à la table où lui et ses amis étaient installés. Ils parlèrent de choses et d'autres sur la médicine, comme à chaque fois. Moi, je les écoutais, ne me lassant pas d'entendre sa voix mélodieuse… Il était déjà tard et mon frère vînt me chercher pour rentrer, ce dont je n'avais aucune envie.

« Allez petite sœur ! Il faut rentrer maintenant.

- Bien… » soupirais-je sans le cacher.

IL perçut très bien à quel point j'étais déçue de partir.

« Allons, laisse-là donc rester, tu vois bien qu'elle ne veut pas partir… intervînt-il en ma faveur, et mon visage s'illumina.

- Ah non ? Et comment va-t-elle rentrer ?

- Je la ramènerais…

- Tu es presque ivre et tu voudrais ramener ma sœur ? ajouta ironiquement mon frère.

- Je peux te casser la figure pour te montrer que je ne suis pas ivre, et que je pourrais faire pareil à celui qui osera toucher ta sœur, si c'est ce que tu veux savoir… » hurla-t-il.

Ils se mesurèrent du regard, et c'est la première fois que je voyais de la colère dans les yeux de l'homme que j'affectionnais tant…

«-Très bien, concéda mon frère. Mais s'il lui arrive quelque chose, je te préviens que je t'en tiendrais responsable, sois-en sûr ! »

Il prit sa femme par le bras et ils sortirent calmement, me laissant là. IL me regarda et je le remerciais du regard avec mon plus beau sourire.


La soirée était déjà bien avancée et je commençais à être fatiguée. Alors, me levant, j'allai lui murmurer à l'oreille.

«-J'aimerais rentrer s'il te plaît, je ne tiens presque plus debout…

-D'accord. Mes amis je dois vous laisser, j'ai promis à quelqu'un de ramener cette jeune demoiselle saine et sauve. Alors je vous dis à tout à l'heure… »

Il se leva et me tendit son bras que je pris avec plaisir.

«-Mais di… dis-moi… elle est…elle est bien jo… jolie… cette… cette demoi… moiselle ! Cette phrase avait été prononcée par une personne que je ne connaissais pas mais qui était de toute évidence ivre.

- Ne pense même pas la toucher Abramir ! Ce n'est pas n'importe quelle fille ! Il avait haussé le ton, et son regard était devenu hargneux.

- Ah bon ? Ca doit… être… être une fille… im… impor… importante… pour que… pour que… tu la… tu la protèges comme… comme ça. Ne serait-ce peuh… pas… l'une de… dede… de tes maîtresses ? » Pour toute réponse il reçut un coup de poing dans la figure, puis IL m'entraîna vers la sortie.


J'étais en plein rêve. Nous étions tous deux dans les rues de la cité, bras dessus bras dessous. On ne parlait pas, je ne voulais pas briser la magie de ce moment. Nous étions arrivés chez mon frère un peu trop vite à mon goût. Je m'adossais à la porte, mes mains jointes dans le dos et je le regardais droit dans les yeux, mon cœur battant la chamade. Il posa sa main contre la pierre froide de la maison, juste à côté de ma tête.

«-Ne fais pas attention à ce qu'il a dit, ce n'est qu'un enquiquineur… Sa voix était à ce moment douce et mélodieuse, presque ensorceleuse.

- Mais ce n'était pas à lui que je pensais… » Si mon cœur avait pu à cet instant briser la cage qui le retenait, je crois que c'est ce qu'il aurait fait.

Son regard était dur à soutenir, je voyais à présent quelque chose que l'on identifierait comme du désir. Mais n'y étant pas habituée et donc mal-à-l'aise face à ce genre de regard, je n'aurais su dire si c'était cela. Je vis son visage se rapprocher tout doucement du mien, petit à petit, et si mon frère nous avait surpris, je crois que j'aurais eu droit à une sévère réprimande. Moi je le regardais toujours dans les yeux, et j'aurais pu me noyer dans ces iris noirs. Puis, je sentis le contact de ses lèvres si douces sur les miennes. Mon sang bouillonnait dans chaque parcelle de mon corps, et bien sûr je répondis à son baiser en m'accrochant tendrement à son cou. Depuis le temps que je rêvais de ce moment, il était enfin arrivé ! Notre baiser se fit de plus en plus passionné… Malheureusement, c'est lui qui rompit ce contact en me caressant les cheveux et en me regardant, haletante. Il me fixa encore une fois avec ce regard remplit de désir, et me laissa là… devant la porte, chancelante et le souffle court. Je n'étais plus dans la réalité, d'ailleurs l'expression qu'arborait mon visage devait certainement en témoigner. Je mis du temps à revenir dans la réalité qui m'entourait, repensant sans cesse à ce baiser. Malgré tout, je réussis à ordonner à mon corps de bouger. Je montais alors directement dans ma chambre, me couchais et pensais à lui… A ce baiser si passionné et si doux en même temps, me passant et repassant au ralenti ces images pour les imprégner dans ma mémoire… Puis des questions vinrent s'insinuer dans mon esprit comme le venin du serpent s'insinue dans toutes les veines du corps jusqu'au cœur. Des questions presque vicieuses, et qui vous font douter…

« Qui suis-je pour lui ? Une simple maîtresse ou celle qu'il cherche depuis toujours… Est-ce mal ce que j'ai fais ? Dois-je vivre mon amour malgré la décennie qui nous sépare ? »

Je m'endormis avec ces questions auxquelles, je le pense, je ne pourrais jamais apporter de réponse…

Fin...