C'était jour de congé pour le capitaine Carotte. Comme à son habitude il en profitait pour se promener dans Ankh-Morpork. Il ne se lassait jamais de cette ville. C'était l'heure d'amener quelques pigeons aux gargouilles qui regardaient le quartier des Ombres de très haut.
- Alors, comment ça va aujourd'hui?
- Ah, bon-hou 'a-pi-'aine Ca'otte. Bien et 'ous?
- Cette ville est toujours aussi magnifique et ses habitants toujours aussi intéressants. J'ai de nouveau visité le musée du pain de nain, ça m'émeut et me fascine à chaque fois.
- 'ous avez de 'a chance.
- Mais la vue ici est magnifique, je ne m'en lasse pas non plus. D'ailleurs, vous voyez du neuf d'ici?
- Nuits 'lutôt calmes.
Carotte eut l'air choqué.
- Aux Ombres?
- Oui. 'e 'e sais pas 'e qu'il 'e passe, mais attroupements 'a nuit.
- Oui, des bagarres.
- Non, 'ens 'e 'e battent pas.
- Un traffic?
- 'e 'e sais pas
- Mmh
Carotte continua sa visite auprès des autres gargouilles de la ville. Quelques-unes purent lui confirmer ces attroupements, d'autres non. Il rentra chez lui dubitatif. Il ne voulait pas être vu perdu, désorienté et en pleine réflexion en pleine ville, c'était juste bon à créer des rumeurs, et les rumeurs pouvaient mener au chaos, il le savait. Qu'est ce que cela pouvait bien signifier? Il ferait son rapport le lendemain au comissaire divisionnaire Vimaire.
Le lendemain, à sa prise de service il toqua à la porte du bureau de Vimaire
- Entrez.
- Bonjour monsieur Vimaire.
- Ah, Carotte, entrez donc.
Carotte prit un siège et s'assit face à Vimaire.
- Qu'est ce qui vous amène?
- Le quartier des Ombres.
- On va encore découvrir du pas propre autour des sbires de Chrysoprase?
- Je ne sais pas monsieur le comissaire.
- Dites-moi alors.
- D'après les gargouilles, les rues des Ombres sont calmes la nuit.
Vimaire cracha son café sur une des piles de papiers qui lui masquait la fenêtre tant il était choqué.
- Quoi?
- J'étais aussi choqué que vous.
- Savez-vous ce qu'ils bricolent?
- Non, seulement qu'ils se regroupent. Ils ne se battent même pas.
Vimaire s'enfonca davantage dans son fauteuil.
- Bordel de merde, c'est vraiment louche ça. Ca ne peut pas être un traffic, ils ne le feraient pas au vu de tous.
- Monsieur, avec votre permission, je souhaiterai organiser des patrouilles dans le quartier des Ombres.
- Accordé. Nous devrons opérer discrêtement. Je dois aller faire mon rapport au Patricien, à mon retour, vous, Angua et moi irons patrouiller.
Vimaire se leva de son bureau, sorta discrêtement du Guet des Orfèvres pour éviter sa chaise à porteurs et se rendit au palais du Patricien. Il entra en saluant les gardes, puis s'assit dans la salle d'attente jusqu'à ce que Tambourinoeud vienne le chercher et le fit entrer dans le bureau du Patricien.
- Ah, Vimaire, vous voilà enfin, j'écoute.
Vimaire lui fit son rapport sur les évènements de la veille.
- Je vois, dit le Patricien. Et pour notre nouveau problème?
- Pardon?
- Je veux dire: les nuits calmes dans le quartier des Ombres, en avez-vous trouvé la raison?
Vimaire rala intérieurement: ce salopard était déjà au courant et en profitait pour le prendre à revers. Un espion avait sûrement dû écouter les conversations entre Carotte et les gargouilles.
- Le Guet fait son enquête.
- Bien, j'ai hâte de connaître la suite. J'espère ne pas devoir en conclure que c'est l'absence du Guet qui a pacifié les Ombres?
Vimaire laissa échapper sa colère.
- Vous pouvez retourner à vos mots croisés, y en a qui travaillent dans cette ville!
Vimaire se leva brusquement et quitta le palais. Tambourinoeud vint ensuite voir le patricien.
- Tout va bien Monseigneur?
- Oui. Je me suis assuré que notre Comissaire Divisionnaire ne manque pas de motivation.
Tambourinoeud se demandait ce qu'ils avaient bien pu se dire. Cette simple phrase pouvait signifier des milliers de choses.
