Il y a un escalier, derrière la faculté. On peut y accéder via une sortie de secours, et, par conséquent, pas grand monde n'est au courant de son existence. Il est vieux, pas très frais et pas mal endommagé. Personne ne passe par là, et tout le monde oublie le petit carré d'herbe laissé à l'abandon dans ce coin de béton.
Il se trouve néanmoins que de rares fois, Lysandre s'y rend pour terminer l'arrangement de ses compositions. Étrangement, l'ambiance lourde et étouffante de cet endroit aide parfois à capter une sensation étrangère et très particulière, comme une fumée épaisse qui s'étale et envahit le corps.
Aujourd'hui, il ne fait ni beau ni mauvais : le soleil est dissimulé par une couche épaisse de nuages immaculés, aucunement menaçants de délivrer leur nombreuses gouttes.
Lysandre s'avance et s'assoit silencieusement sur la dernière marche de l'escalier, ouvrant son carnet à la page gribouillée de notes de musique dansantes. Au début, il ne remarque pas tout de suite ces étranges bruits de souris qui parviennent à ses oreilles par intermittence. Lorsqu'il finit par entendre un murmure et des sortes de courtes lamentations indistinctes, il se décide à chercher l'auteur de ces sons étouffés. Il se lève, suit ses oreilles, est mené jusqu'au petit espace plongé dans l'ombre sous le vieil escalier.
Il passe dans sa discrétion habituelle sa tête en dessous du ciment défraîchi, plissant les yeux pour pouvoir distinguer la forme humaine qui s'agite tout au fond. L'odeur de la peinture envahit ses narines, et il distingue une hanche pâle, un bras agité, un éclat vermeille scintiller alors qu'elle se tourne vers lui. Sa bouche s'ouvre en grand alors qu'il remarque les sillons de larmes séchées qui recouvrent ses joues.
Il recule, désarçonné.
- Excuse-moi, je…
Avant qu'il ait pu comprendre pourquoi il s'excuse, elle se relève précipitemment et se met à courir, emportant avec elle son sac brun qui trainait au fond du coin sombre. Dans un réflexe nerveux, il s'écarte pour laisser passer cet amas de larmes et de cheveux noirs de jais, avant de finalement se détendre en la voyant partie.
Il a seulement le temps d'apercevoir la peinture représentant un amas de chair tourmenté avant que la jeune femme ne disparaisse derrière un mur.
