Titre : L'Oubliée
Rating : T, justifié.
Chapitres : Petites histoires à plusieurs chapitres, avec un point de vue interne différent à chaque chapitre. Un chapitre de L'effaceur entre chaque histoire. Théoriquement, vous n'aurez pas deux fois le même narrateur, mais je n'ai pas le plan sous la main. Pareil pour le nombre de chapitre et d'histoires, je dirais une dizaine d'histoires et une vingtaine de chapitres. Malgré l'aspect un peu receuil de OS, tous les chapitres auront un lien.
Disclaimer : La malédiction appartient à Natsuki Takaya. Pour ce qui est du reste, tout est de moi. D'ailleurs, vous ne trouverez pas de japonais dans cette histoire, ni de grosses références à la culture japonaise.

Pas de Blabla aujourd'hui, l'histoire de cette fanfic n'est pas vraiment intéressante. Sur ce, je vous souhaite une excellente lecture !


1. L'effaceur

Combien ? Combien d'instants détruits ? Combien de mémoires dissoutes ? Combien de rêves brisés ? Combien, oui, combien de larmes avaient coulées ? Pour un peu d'argent, pour un remerciement, pour quelqu'un de haut placé, pour faire plaisir, pour faire souffrir, pour tout et rien à la fois. Et puis surtout parce que c'était son don, sa mission et son utilité. Sa marque à lui, son propre fardeau. Sa capacité à envoyer les souvenirs dans la pénombre. De plus c'était lui qui était chargé d'annoncer « la » nouvelle aux mères, c'était à lui d'expliquer aux parents et parfois même aux enfants. Il était aussi chargé de la conservation du secret, de la préparation de certains évènements et parfois même la surveillance de maudits dans une mauvaise passe. Les maudits… Ses principaux clients, ou leur entourage, car après tout ils étaient des rares à être au courant de son savoir. Et ils étaient ceux qui en avaient le plus besoin.

Aujourd'hui personne n'avait frappé à sa porte. Tant mieux. Il n'aimait pas arracher les souvenirs, même si cela ne le faisait pas souffrir. Même si cela ne le faisait plus souffrir. Justement parce que cela ne le faisait plus souffrir. Son cœur était devenu insensible aux larmes, aux cris et aux paroles de ses patients. Depuis combien de temps faisait-il cela ? Depuis son enfance, dès qu'il avait su comment faire on lui avait expliqué que c'était un don du ciel utile pour sauver des gens, pour les préserver, pour leur éviter de trop grosses souffrances. Il avait appris et compris cela, il y avait même cru un temps. Jusqu'à elle. Elle.

Affalé dans son fauteuil, William soupira. Profondément. Il en avait marre de cette mission, il prendrait bien des vacances. Ce n'était pas bon pour lui de côtoyer autant de gens malheureux, ce n'était pas bon pour lui d'être autant malheureux. Quand est-ce qu'un vent frais viendrait enfin le laver de son poids immense ?

« Je ne parlais pas de ce vent là idiot. »

Cette phrase était destinée à cette maudite brise qui avait soufflé dans son bureau, comme une réponse à sa question muette. Maudite brise… Maudits… Cette maudite malédiction. Combien de fois l'avait-il récitée pour les mères, pour les pères, pour les enfants ou encore pour les cérémonies ? Elles étaient aussi multiples que les souvenirs qu'il avait effacés. Il se surprit à la murmurer, instinctivement :

« Il y a bien longtemps Dieu invita tous les animaux à une grande fête en leur disant : "Les douze premiers arrivés seront mes invités." La veille de la fête, le rat dit au chat que la fête se passerait un jour après, c'était évidemment un mensonge mais le chat le cru et il ne s'y rendit pas. Dans les douze premiers arrivés il y avait d'abord le rat sur le dos de la vache, suivit par le tigre, le lapin, le dragon, le serpent, le cheval, le mouton, le singe, le coq, le chien et le sanglier. Ils devinrent les signes du zodiaque mais le chat resta en dehors et n'en fit jamais partie.
Aujourd'hui treize Sôma sont maudits par l'esprit de ces treize animaux. Douze par les animaux du zodiaque, un par le chat. Tous ont quelque chose en commun : une malédiction les obligeant à prendre la forme du signe du zodiaque qu'ils représentent, mais que lorsqu'ils sont en contact physique avec un représentant du sexe opposé n'étant pas lui-même maudit. Mais un, un seul reçut une punition affreuse : le chat. Cet être se transformant en monstre dès qu'on lui retirait son précieux bracelet. Cet être qui à chaque génération est enfermé à un moment précis de sa vie. Oui il est enfermé, et ce à jamais. »

Il voulait partir, loin, bien loin. Il voulait s'évader enfin de cette prison maudite, de ce corps immonde lui interdisant d'aimer vraiment, de ce pouvoir pesant qui le transformait en un monstre bien pire que le chat lui-même. Si seulement il pouvait s'envoler, s'élever au dessus du monde réel. Alors il courrait dans une plaine, il rirait aux éclats, il oublierait tout ce qu'il voudrait et l'enlacerait. Elle.

Le bruit de la clochette de l'entrée le rappela à la réalité, brisant ses doux rêves, brisant ses espoirs. Il ne serait jamais ni plus ni moins que William l'effaceur. Alors qu'il se levait pour ouvrir la porte à son client il murmura sa propre malédiction, soufflée dans son berceau, éternelle de douleur.

« Aussi bien que tu effaceras la mémoire des autres tu ne pourras jamais effacer la tienne. Et d'aucune façon. »

Combien ? Combien d'instants détruits ? Combien de mémoires dissoutes ? Combien de rêves brisés ? Combien, oui, combien de larmes avaient coulées ?
Même les réponses à ces questions il ne pouvait les oublier, comme gravées au fer rouge sur son âme abîmée.