Une forêt quelque part au japon

Le soleil était levé depuis quelques heures et illuminait le feuillage des grands arbres de cette forêt millénaire. Une forêt qui laissait une impression pour le moins étrange. Il s'en dégageait une atmosphère tranquille mais saturée d'un pouvoir très ancien. Cette foret était la "mori kyuushiki kami", la forêt des anciens dieux et on pouvait sentir leur présence presque palpable dans l'air. Ici l'homme n'avait encore laissé aucune trace, tenu en respect par la majesté du lieu et les pouvoirs, certes faiblissant, mais toujours puissants des maîtres de l'endroit ; cependant nul ne savait jusqu'à quand cet état de fait allait durer : les hommes pouvaient être si imprévisibles...

Si les humains ne s'aventuraient pas ici, elle était connue chez les démons surtout chez les tai-youkai comme un lieu de grande puissance où il était bon de se rendre une fois dans sa vie pour faire savoir à ces entités ancestrales que l'on connaissait et reconnaissait leur existence. Simple courtoisie entre entités supérieures... Un fait que ne pouvait occulter le grand et puissant Sesshômaru, fils de l'Inu no Taisho. Aussi avait-il, peu de temps avant le début de notre histoire, prit la décision de venir comme le voulait cette tradition non écrite saluer les grands kamis de la forêt. De cette décision, somme toute de peu d'importance, allait découler des évènements qui allaient changer la vie de plusieurs personnes, humains comme youkai

La mori kyuushiki kami était calme ce matin là, grandeur et majesté semblaient régner partout. Soudain, un lointain écho perturba ce silence religieux, une voix stridente qui semblait appeler et se faisait plus proche de minute en minute. C'était un petit démon vert qui s'époumonait depuis deux heures à appeler la petite fille dont il avait la garde. Cette gamine avait encore une fois échappé à sa surveillance. Épuisé, redoutant la réaction de son seigneur, il continua à chercher la désobéissante petite humaine dont il était responsable. Il n'aurait plus manqué quelle se perde ou, pire selon lui, irrite un des kamis de l'endroit !

- Riiiin , appela-t il encore une fois

- Où es tu sale gamine ? Grommela-t il ensuite dans un souffle (la dernière fois qu'il avait insulté la petite, il avait mis deux jours se remettre de la correction que son maître lui avait infligé)

Mais nulle trace de la petite dans les environs, à croire quelle s'était évaporé ! Et Sesshômaru-sama qui sans doute n'allait pas tarder... Cette fois Jaken pouvait dire adieu à la vie.

Ce dernier n'avait toujours pas compris pourquoi mais depuis leur première rencontre (il n'y avait pas assisté mais Rin la lui avait raconté des dizaines de fois), cette petite humaine sans pouvoir ni savoir, sans famille ni richesse avait acquis dans l'esprit de son maître un statut particulier. Lui qui détestait si profondément les humains, au point de ne pas pouvoir croiser son hanyô de frère sans échanger des coups d'épée, avait ressuscité cette insignifiante petite humaine et l'avait laissé le suivre. Cette attitude avait plus que surpris le serviteur mais, ayant piètre opinion des humains, il s'était dit que la fillette se lasserait de suivre des gens si différents d'elle, même si ils étaient ses sauveurs ou bien que son maître au bout de quelque temps se lasserai de voir cette chose le suivre partout au risque d'entacher sa réputation et la ferait partir, et que tout redeviendrait comme avant. Mais les choses ne s'étaient pas vraiment déroulés comme il le pensait. Car plus le temps avait passé et plus la relation entre son maître et cette humaine s'était approfondie. En sorte qu'aujourd'hui, Jaken savait parfaitement que Sesshômaru était près à la protéger en se mettant en danger et que personne (lui compris) n'avait le droit de toucher à cette petite sous peine de se faire châtier sans délai par le redoutable seigneur des terres de l'ouest. Peut-être car elle avait été la première lui montrer ce qu'était la confiance et le courage enfantin ainsi que la bonté et la joie de vivre...

Cela semblait stupide mais quelle autre explication trouver ? Jaken n'en voyait pas. Le résultat en tout cas était là. Depuis bientôt deux ans cette gamine les suivait partout, obéissant au doigt et à l'œil à son seigneur mais ne se gênant pas pour ne pas écouter les conseils et ordres de son baby-sitter.

Ce qui amenait la situation présente : il lui avait pourtant interdit de s'éloigner mais elle n'en avait fait qu'à sa tête, sans doute fascinée par un des magnifiques papillons qui traversaient la forêt, derniers survivants, à ce que Jaken croyait savoir, des messagers des dieux de l'endroit.

Tout à ses pensées, le petit démon s'enfonçait, de plus en plus dans la forêt et ne s'était pas aperçu que deux yeux noisettes le suivaient, brillants et clairs, depuis la cime touffue d'un arbre. Un sentiment de malaise le tira cependant très vite du gouffre de ses souvenirs. Il savait que ce n'était pas digne du serviteur du grand Sesshômaru mais une certaine forme d'angoisse montait peu à peu en lui en voyant les arbres colossaux de cette partie de la forêt. Il ne pouvait s'empêcher d'être intimidé par ses géants millénaires qui avaient dus voir, pour certains, la période glorieuse des kamis de la forêt. Aussi se fit-il de plus en plus petit pour passer le plus discrètement possible au travers de ces géants peu avenants, recommençant à appeler, tout bas cette fois, la fillette.

Aucune réponse bien entendue. Mais la sensation de malaise se faisait de plus en plus grande, comme si quelqu'un lui avait murmuré : "Arrête, tu ne dois pas aller plus loin, tu n'y est pas autorisé!" Il décida de passer outre, plus effrayé au fond par la probable réaction de son maître que par un malheureux pressentiment. Il avait tord et s'en rendit compte bien vite.

Il avait en effet à peine fait 20 pas dans cette futaie majestueuse qu'un sourd grognement se fit entendre derrière lui. Le démon se retourna puis se figea de peur : lui faisait face un ours noir haut de près de 2 m 50 et pesant au bas mot 250 kg, un spécimen puissant qui ne semblait pas apprécier la présence de Jaken sur ce qui devait être son territoire. Le petit serviteur eu peine le temps de crier qu'un coup de patte magistralement appliqué l'assomma pour le compte. Il s'écroula lâchant son nintôjo qui alla rouler un peu plus loin. Une fois certain d'avoir neutralisé l'intrus, l'animal se pencha, le renifla, retroussa les babines et grogna de colère mais contre toute attente se contenta de prendre entre ses mâchoires le corps inanimé de Jaken et de partir au petit trot dans la même direction que suivait tout à l'heure l'infortuné petit démon.


La première chose qui vint à l'esprit de Jaken lorsqu'il revint à lui fut : "Que va dire Sesshômaru-sama ?" L'idée d'avoir déplu à son maitre, de s'être fait assommer par un ours comme un vulgaire humain le rendait malade. Il gémit de colère et de dégout envers lui-même juste avant qu'une décharge de douleur se répande depuis son cerveau dans tout son corps. Son gémissement cette fois fut de pure douleur. Même après la plus magistrale des corrections de son maitre, il n avait jamais enduré pareille souffrance.

La douleur était insupportable, résonnant dans son cerveau comme un tambour dans la célèbre vallée de l'écho. Mais par-delà ces battements assourdissants, il lui sembla percevoir à la limite de sa conscience des voix dont au moins une lui paraissait familière.

Peu à peu, suivant ce bruit de voix, il sortit du brouillard où il était encore plongé… et le regretta presque aussitôt : la voix familière qu'il avait cru discerner n'était autre que celle de Rin, pointue comme celle de tous les enfants et qui, déjà désagréable à ses oreilles sensibles de youkai en temps normal, lui était actuellement une torture.

« - Ne, ne, Mankai-sama, il va aller mieux hein ? Parce que je ne veux pas qu'il meure moi, Jaken-sama ! »

« - Ne t'inquiète pas Rin-chan, il ne risque pas de mourir, mais juste un bon mal, de crâne pendant quelques jours, l'apaisa une voix douce mais dont Jaken avait saisi le subtil acier : quelqu'un qui assurément avait l'habitude de commander et d'être obéi. Mais je crois que tu devrais baisser la voix car ton ami ne me semble pas particulièrement apprécier l'expression de ta sollicitude, continua la voie avec un léger humour. »

Jaken ouvrit les yeux. Malgré la douleur, il put constater qu' il se trouvait dans une cabane en bois tout à fait banale avec son toit de chaume et ses grandes poutres, mais qui lui sembla cependant très vaste par rapport aux habitations des humains telles qu'il les avait déjà vues, ce qui ne l'étonna qu'à moitié : la personne propriétaire de la voie entendue ne se serait pas contentée d'une habitation de paysans. Et justement où se trouvait-t elle cette mystérieuse femme ? Il tourna la tête…et fixa fasciné la personne face à lui. Assurément une tai-youkai d'une grande famille, tant son port était noble et ses traits harmonieux. En plus de cela, l'aura de pouvoir qui l'entourait était parfaitement perceptible et d'une force considérable. Il voulut se lever pour la saluer mais sa tête le rappela à l'ordre et il grimaça de douleur en se recouchant sur le futon confortable sur lequel il se trouvait.

Laissant la douleur refluer, le petit démon continua de fixer la femme séduisante qui était semblait-t il son hôtesse. Un visage d'un ovale parfait, des yeux brun brillants et rieurs quoique volontaires, de très longs cils, une bouche menue et bien dessinée, des cheveux argentés et une silhouette tout en courbes formaient un ensemble des plus charmants. Seules quelques rides sur le front, signe de son âge quelques peu avancé, déparaient ce portrait. Elle devait avoir quelque chose comme 750 ans, un âge honorable pour un youkai.

Après cette brève analyse, le youkai vert prit la parole pour remercier comme il se devait son hôtesse et l'assurer de son respect :

« - Mankai-sama ? Je ne sais comment vous remercier de votre bonté à mon égard et soyez assuré que je suis votre fidèle serviteur, lança d'une voix mal assurée le petit youkai. »

« - Ce n'est rien que vous ne deviez prendre autant à cœur, je vous assure Jaken-san… rétorqua la femme, d'autant que c'est de la faute de Yajuu si vous vous retrouvez dans cet état »

« - Yajuu ? Qui est yajuu ? S'enquit le petit démon quelque peu perdu »

« - Yajuu est à la fois mon protecteur et mon animal de compagnie, Jaken-san, vous ne vous souvenez pas de lui ? C'est lui qui vous a assommé… »

« - Oh kami-sama ! L'ours ! »

« - Eh oui l'ours ! Vous vous êtes trop approché de mon refuge sans vous faire connaitre aussi a-t il prit des mesures, nous diront, radicales. » La youkai continuait de sourire doucement mais un sentiment d'excuse perçait à travers ces paroles. Pour une youkai, elle était vraiment aimable et ne ressemblait absolument pas à Sesshômaru-sama.

A ce point de la conversation, Rin ne pouvait plus se taire et s'approcha de Jaken au bord des larmes :

« - Vous m'avez fait très peur Jaken-sama !! Quand vous êtes arrivés avec ya-kun vous ne bougiez plus du tout ! Ne recommencez plus hein ?!

Le démon était touché mais n'allait pas pour autant oublier ce qui l'avait amené dans cette situation, aussi, faisant fi de la douleur, lui lança-t il de son air le plus sévère :

« - Et a qui la faute Rin ? Hum ? Qui est partie du camp alors que je lui avais ordonné de rester à portée de voix ? Toi fille stupide ! Et voilà où j'en suis à cause de tes folies ! J'espère au moins que tu n'as pas embêté Mankai-sama ou profité de sa grande bonté pour faire ton intéressante ?! »

La youkai intervint alors : « Croyez moi Jaken-san, Rin-chan ne m'a pas du tout importuné ou ennuyé, au contraire sa présence m'a beaucoup amusé et son histoire m'a intéressé au plus haut point, je dois d'ailleurs parler à votre maitre à ce sujet dés qu'il arrivera ici. »

« Dés qu'il arrivera ici !, releva le petit youkai, qui commença à quelque peu s'affoler, vous voulez dire que Sesshomarû-sama va se déplacer pour venir nous chercher ?! Continua-t il, effondré. Cette fois c'est la fin pensa- t il la tête basse, Sesshômaru ne me pardonnera pas de l'avoir fait se déplacer… Il ne dira rien à Rin, comme d'habitude, mais me coupera en petits morceaux! Pauvre de moi mais qu'ai-je fais pour mériter tous ces problèmes, moi si fidèle, si loyal… ».Jaken continua à se lamenter intérieurement sur son triste sort pendant encore un certain temps, puis toujours sous le choc de l' « accueil » de Yajuu, ferma les yeux, espérant oublier ce qui s'apparentait pour lui à un cauchemar vivant. Mankai, voyant la fatigue du petit démon vert, retourna prestement, mais sans faire le moindre bruit, prés de l'âtre, surveiller ce qui bouillait dans sa marmite. Rin, ayant compris qu'il lui fallait se taire pour permettre à son compagnon de se rétablir, resta prés du futon jouant tranquillement avec des glands.


Le grand Sesshômaru détestait que les choses ne se déroulent pas selon son désir. Ce qui actuellement était indéniablement le cas. Il balaya de son regard froid le camp où le feu finissait de s'éteindre faute d'avoir été nourri.

Il avait laissé ces deux compagnons à ce camp aménagé sous un chêne ; ils auraient du s'y trouver. Or ils n'y étaient pas. A-Un l'avait certes accueilli d'un grognement de reconnaissance mais de son serviteur et de l'enfant, aucune trace. C'était agaçant. Et il se sentait agacé d'être agacé. Une lueur passa un instant dans son regard doré puis s'évanouit. Il faudrait qu'il ait une petite discussion avec Jaken quand il l'aurait retrouvé…D'ici là, il lui allait falloir découvrir où ils étaient. Le plus sûr moyen était bien sûr son odorat particulièrement affuté ; et ce ne fut en effet guère long jusqu'à ce qu'il perçoive, porté par la brise, un parfum léger qu'il connaissait bien. Il se détendît imperceptiblement (d'après l'odeur qu'il percevait Rin allait bien) et faisant signe au dragon à deux têtes de le suivre, il s'enfonça dans les bois de son pas tranquille, suivant l'odeur légèrement fleurie de la petite humaine.

A suivre