1er mai 2013, 5h du matin

Sac à dos… check. Bouteille d'eau… check. Bento bien garni… check. Plaid et matelas de sport pour s'isoler du sol… check. Carnet et stylo… check. Guitare… check.

Une fois tout passé en revue, je hoche la tête, satisfait. Normalement, je suis prêt. J'attends ce jour depuis tant de mois, que j'ai pas pu dormir de la nuit, j'étais bien trop surexcité. Je me fais l'effet d'un gamin la veille de noël et pourtant j'ai trente ans aujourd'hui. Du coup, c'est un cadeau que je m'offre. Un cadeau hors de prix (soixante-quinze mille trois cent cinquante yens), mais j'aurais pas manqué ça pour tout l'or du monde. Me nourrir de riz et de légumes saumurés pendant plusieurs mois valait le coup, puisque c'est dans le carré VIP que je serais.

Je soupèse mon sac. Hum, pas léger, mais tant pis c'est le pack de survie en milieu hostile. Bon, je crois que j'ai tout, plus qu'à y aller. Vu l'heure plus que matinale, je devrais théoriquement être dans les premiers sinon le premier je pense. Tant mieux, comme ça je pourrais choisir où m'installer. Je met mon sac sur mon dos, attrape l'étui de ma guitare et ouvre la porte. Au moment où je la verrouille, je me rend compte que j'oublie quelque chose d'important. Peut-être même le plus important si on excepte le billet bien à l'abri dans la poche de mon jean. Je me rue de nouveau dans l'appartement et fonce récupérer mon uchiwa. Cet uchiwa fabriqué si laborieusement et pour lequel mes doigts malhabiles ont tant souffert (coups de cutter, traces de marqueur et de colle…), mais qui pourrait me valoir un regard si j'ai beaucoup de chance. Je le glisse dans son sachet plastique en faisant bien attention de ne pas l'abîmer et retourne sur le pas de la porte. A l'extérieur, l'air est doux pour la saison, donc je n'aurais pas trop froid, même si je reste assis pendant des heures comme ce sera très certainement le cas. Le sourire aux lèvres, je pars d'un bon pas, en imaginant toute la soirée. J'ai même dl la tracklist, donc je connais l'ordre et je me passe toutes les chansons dans ma tête pour m'occuper jusqu'à destination. J'habite vers la station Suidobachi, qui est la plus proche du Tokyo Dome, donc je serais vite arrivé.

Un quart d'heure plus tard, en arrivant sur le parvis, je déchante. L'heure a beau être plus que matinale, il y a déjà du monde qui campe. Du monde qui a l'air de se connaître vu que ça papote déjà dans tous les coins. Enfin jusqu'à ce que je sois repéré. Et là, on dirait qu'une bombe vient d'exploser : il n'y a plus un bruit et tout le monde me dévisage comme si j'étais un alien. Mais vu la situation, je le suis un peu il faut bien avouer.

Je m'appelle Koyama, j'ai trente ans aujourd'hui et suis uniquement entouré de filles qui attendent la même chose que moi : le concert de printemps des Kis-my-ft-2. Sauf que je suis un homme et que j'ai dix ans de plus qu'elles au bas mot.

- Koyama Keiichiro desu, lancé-je à la cantonade en souriant malgré tout. Hajimemashite.

1er mai 2013, 6h du matin

Un bip strident et répétitif me tire très désagréablement du sommeil. Je grogne et enfouis mon nez dans mon oreiller, comme pour atténuer ce son horripilant, jusqu'à ce qu'une âme charitable coupe l'alarme en question. Je soupire de contentement et m'apprête à me rendormir, mais une main caresse ma joue.

- Tai, réveille-toi, tu vas être en retard à la répète et ton leader va pas apprécier, me dit une voix douce à l'accent craquant.

Je soupire une nouvelle fois, me retourne et ouvre les yeux sur le doux visage de mon compagnon depuis deux ans, le coréen Yong Jeong Hwa.

- Anyeong haseyo, fais-je dans sa langue, avant de me redresser en m'étirant.

Ca (« bonjour » donc) et « merci » sont les seules choses que je sais dire en coréen même après deux ans de vie commune. C'est un peu la loose, mais les langues étrangères et moi… Et puis il parle parfaitement japonais alors ça m'arrange.

- Anyeong, anata, me répond-il dans un adorable mix de nos deux langues, avant de m'embrasser.

Je lui rends son baiser avec ardeur et me redresse même au point de me retrouver au dessus de lui. J'adore ses lèvres. J'adore les embrasser, les toucher, les goûter, les caresser. Il manquerait pas grand-chose pour que…

- Non non, tu as un concert ce soir, dit-il en souriant en mettant son index sur ma bouche pour m'empêcher de continuer. Sois raisonnable, hum.

Il aura vingt-quatre ans dans un mois et demi (soit un an de moins que moi) mais parfois, j'ai l'impression que c'est lui l'aîné. D'ailleurs, parfois, je l'appelle…

- Yea hyung, fais-je en lui tirant la langue.

Ah nan je me suis gouré, je sais aussi dire « oui », « non » et j'avais cherché sur internet comment dire « grand frère » pour le taquiner. D'où ce que je viens de dire.

Il rigole et me repousse en me donnant un coup d'oreiller.

- Oui oui je me lève. T'es pas romantique ce matin, fais-je dans une petite moue.

- Je pense à ta carrière, anata, dit-il en souriant.

Encore cette sagesse… J'aime bien ça parce que ça fait partie de sa personnalité, mais parfois… Je soupire, puis lui souris et me lève. Je l'aime tellement que c'est indescriptible. Et quand je pense qu'on ne doit notre rencontre qu'à ce rôle qu'on a joué tous les deux même si le perso avait un nom différent… C'est presque un miracle et je remercie chaque jour l'émission qui nous a réunis sur le même plateau télé à l'occasion des quatre ans de la version coréenne de « Ikemen desu ne ». Ca a été un coup de foudre immédiat des deux côtés. Comme si ce rôle commun nous avait destinés l'un à l'autre. Je sais, ça fait vraiment cliché, mais je l'ai ressenti comme ça et lui aussi.

Je me lève donc puisque je suis obligé et puis c'est vrai que Kita-chan risque de gueuler si j'arrive à la bourre comme c'est arrivé hier parce que j'ai un peu sauté sur Jung.

- Je vais à la salle de bain, déclaré-je avant de filer de peur de craquer encore.

Je m'appelle Fujigaya Taisuke, j'ai vingt-cinq ans et je fais partie des Kis-my-ft-2.