Bonjour à tous !
(A ceux qui n'aimeraient pas les longues introductions, vous pouvez aller lire le texte directement ! Moi, j'aime bien parler pour rien dire)
A mes followers Merlin qui arriveraient ici par hasard, croyez bien que je suis navrée de vous décevoir. Merlin est et restera une de mes séries préférés (je ne peux pas me passer de l'amour de ma vie Mordred, de toute manière), mais il se trouve que la BBC aime bien les séries avec deux hommes en personnages principaux et pléthore de scènes ambiguës qui nous palpiter le cœur des fangirls.
Donc tadada, me voilà sur Sherlock (BBC).
Pour information (et savoir à qui adresser les chèques de remerciement/lettres d'insultes, au choix), je suis ici à cause de Clelia (que je crois, il n'y a pas lieu de présenter ici) et Flow' qui, toutes les deux, hurlaient de frustration quand je leur disais que oui, j'écrivais sur Sherlock (depuis deux ans xD), mais que non, je ne publiais pas ^^ Alors voilà, torts corrigés, je me relance dans la publication, après des mois de silence ! (publicationnelle, mais pas rédactionnelle, cela dit)
Et si cette publication existe aujourd'hui, je tiens à en remercier du fond du cœur Elie Bluebell et Louisalibi, mes deux chères et précieuses bêtas. Je passe mon temps à leur exprimer du fond du cœur ce que je ressens pour elle, mais je vais recommencer : les filles, je vous aime et votre complémentarité correctionnelle (oui c'est un vrai mot mais non ça ne s'emploie pas le moins du monde dans ce sens-là…) est juste parfaite. Continuez comme pour toujours. Vous êtes à moi et je vous aime. (non, je ne suis pas du tout possessive comme fille)
A ceux qui sont arrivés jusque-là sans bâiller, vous avez gagné un cookie. Et vous aurez certainement remarqué que j'aime bien parler de moi, inventer des mots, et les ouvertures de parenthèses sauvages n'importe quand. Retenez-vous de bâiller (mais vous n'aurez pas de deuxième cookie pour autant), ce sera toujours ainsi ! Je suis très prolixe (ce qui veut grosso merdo dire parler pour rien dire, si vous ne le saviez pas).
Sinon, bienvenue dans ma tête, ne vous inquiétez pas, on est déjà plusieurs, y'a de la place pour venir visiter ! Mais faites pas attention au bazar…
Plus basiquement :
DISCLAIMER à la BBC, et notamment S. Moffat et M. Gatiss, respectivement nommés dieu alpha et dieu bêta, pour nous permettre d'emprunter leurs personnages pour nous amuser avec. Surtout que moi, je les rends tout cassés à la fin… Tout ce qui se rapporte à Sherlock leur appartient. Les dialogues de la saison 3, lorsqu'ils sont ici repris, proviennent de la version française. (Je ne suis donc absolument pour rien face à leurs traductions… approximatives, dirais-je pour rester polie. Mais oui, je sais, mouvements des lèvres et adaptation, blabla, je sais)
Infos sur l'histoire : cette fic compte trois chapitres, et se base sur la trame de la saison 3 mixée à ma sauce. Sachez que j'aime quand tout se termine mal, et que si vous aimez mon écriture, j'aurais d'autres écrits Sherlock dans mon sac à malice )
Et enfin, bonne lecture, cela va de soi !
Être humain
Au commencement, il y eut Mary Morstan
La véritable sensation d'être de nouveau vivant, Sherlock l'avait éprouvée lorsque la lame d'un rasoir avait caressé sa joue pour lui permettre de récupérer un aspect normal. Avant cela, il avait été quelque chose de plus proche de la bête que de l'homme. Plus proche de l'animal que du sociopathe habituel. Il était véritablement mort, deux ans auparavant. Vivre à Baker Street l'avait rendu vivant. Avant la colocation, il n'avait été qu'un cerveau, génialement brillant, totalement fonctionnel et hautement puissant. Cela ne faisait pas de lui un humain pour autant, dans la mesure où le brillant cerveau de Sherlock envoyait au loin toutes formes de sentiments. Il savait les feindre, les exprimer quand il le fallait, mais il ne les avait jamais ressenties.
John et la vie à Baker Street avaient changé tout cela. Parce que John était terriblement humain, irrémédiablement humain. Parce que John était un humain fasciné par le non-humain qu'était Sherlock. Parce que cet équilibre et l'amitié en découlant avaient eu sur Sherlock l'effet d'une drogue. Il avait cessé de nier le besoin qu'il avait de John, ce besoin de normalité et d'humanisme qu'il lui apportait, à l'issue d'une réflexion tortueuse dont la conclusion avait été la suivante : il était humain.
Mais cette humanité, Sherlock l'avait perdue en sautant d'un toit, en se faisant passer pour mort. John ne devait pas savoir que son cœur battait encore, que son sang pulsait toujours, que son cerveau était oxygéné et continuait ses brillantes déductions. Ni John, ni personne ne devait savoir qu'il était physiquement en vie. Car moralement, il ne faisait aucun doute à Sherlock qu'il était mort. Perdre John, son humanité, c'était se perdre lui-même, c'était mourir. Alors il avait fait le grand saut et il était mort, totalement volontairement.
Et alors que Mycroft parlait et qu'il répondait de manière mécanique, comme son esprit savait si bien le faire seul, il revenait à la vie. Il redevenait un être humain. Un être vivant. Un être humain vivant. Il le redevenait, en cet instant précis où la lame du rasoir s'appliquait à lui sectionner les derniers poils de sa barbe drue qui avaient poussés durant ces années, parce que son esprit s'attacha à John à ce moment. Et seul John pouvait le rendre vivant, plus humain que jamais.
N'ayant aucun doute quant au fait que Mycroft ait toutes les informations sur John que Sherlock désirait, il ne s'embarrassa d'aucune manière pour les exiger. La photo le surprit. Les poils que lui-même venait de se faire ôter du menton s'étalaient sur le visage de John. Il devrait y renoncer pour renouer avec Sherlock, ce dernier l'exigerait. Ce ne serait pas très humain comme comportement, mais même John et sa bonne influence ne pouvaient pas garantir la destruction de toutes les mauvaises habitudes du détective.
C'était sans la moindre hésitation que Sherlock avançait souplement à travers le restaurant, affublé de son déguisement minimaliste et ridiculement grossier. Ce n'était qu'un jeu, mais cela l'amusait. Il s'approcha de la table que son ami partageait avec une femme. Un mètre. Cinquante centimètres. Il allait parler… Quand il vit. Enregistra. Comprit.
Avec un sursaut de douleur, Sherlock plaqua ses mains sur ses tempes et ses oreilles, souhaitant, pour la première fois de sa vie, s'arrêter de penser. Il n'avait jamais cru que son brillant intellect et son don inné (et également partiellement acquis, bien qu'il serait toujours trop fier pour l'admettre) puissent le desservir un jour. Pour une fois, une malheureuse fois dans sa vie, il aurait voulu que ses yeux n'accrochent pas les moindres détails, que son cerveau ne les traduise pas en hypothèses et conjonctures, que son hypothalamus ne les trie pas pour ne laisser que la vérité.
Il avait toujours décrypté John. Premièrement parce qu'il vivait avec lui, deuxièmement parce que c'était trop facile. John n'était jamais secret, ou mensonger. Il était lui, et Sherlock devait faire avec, le prendre comme il venait ou bien le congédier et mettre fin à leur colocation. Dans la mesure où l'insupportable détective n'avait jamais fait d'efforts pour se rendre aimable, ou même seulement vivable, Sherlock ne pouvait rien reprocher à John. Il aurait même accepté en guise de colocataire un fétichiste des orteils ou un fan de la reine, avec tasse de thé à son effigie et cierge à la gloire du nouveau-né royal, tant que l'autre accepterait de le supporter. Mais la normalité et la simplicité de John avaient tant bouleversé Sherlock qu'il s'était adonné sur son colocataire à son passe-temps favori : l'observation. Cherchant des tares, des bizarreries, n'importe quoi qui justifierait qu'un homme normal supporte de vivre avec lui.
La déception de voir que cela ne donnait rien avait été remplacée par le sentiment de plénitude de la routine assez rapidement. John ne mentait pas, disait ce qu'il pensait, allait où il annonçait aller, et quand il affirmait détester les carottes, ce n'était pas parce qu'elles étaient brûlées et immangeables (confier la surveillance du repas à un Sherlock absorbé dans une expérience n'avait pas été la meilleure option), mais purement et simplement parce qu'il n'aimait pas ça. Sherlock avait compris rapidement que son colocataire était un homme normal –du moins aussi normal qu'un ancien médecin militaire pouvait l'être– mais le mal était fait : il avait pris l'habitude d'observer John et de deviner tout de lui, dans ses moindres détails, juste avec un simple coup d'œil.
On aurait pu croire que cette sale manie, cette vile capacité, aurait disparue au bout de deux ans d'abstention, et jamais Sherlock n'avait désiré aussi ardemment que ça soit le cas. Mais ça ne l'était pas. Et c'est pourquoi le temps d'un battement de paupière, il engloba toute la scène. Le restaurant, cher, chaleureux. La table, dans un endroit relativement intime. La femme, bien apprêtée et pour l'heure partie aux toilettes vérifier que sa coiffure et son maquillage restent en place. L'écrin, juste assez grand pour y mettre une bague. Le seau à champagne. La nervosité de John. Le léger effleurement de sa main sur son genou, pour savoir si sa jambe n'allait pas émettre un craquement quand il se mettrait à genoux. Le fait qu'ils aient fini le plat, mais attendaient leur dessert.
Et des milliers d'autres détails lui revinrent également en mémoire : John qui râlait sur son âge en disant qu'il aurait voulu se poser, se marier, profiter d'une vie normale. John, qui lors de l'affaire d'une bijouterie, avait regardé les bagues de fiançailles et les alliances. John, si attaché aux valeurs et à la tradition.
Sherlock avait envie de s'approcher de cette table malgré cette demande en mariage imminente. Il voulait gâcher le moment, récupérer son John, retrouver sa vie, son humanité. Il aurait pu le faire. John lui aurait alors soit mis son poing dans la figure, soit lui aurait sauté dans les bras (son cerveau calculait de lui-même les probabilités de chacune des possibilités, avec une forte tendance pour la première). Mais passé le premier choc, ils auraient tous avancés, et tout serait redevenu normal. John aurait épousé la femme, Sherlock aurait récupéré sa vie, son partenaire de scènes de crimes, son humanité et tout cela aurait été parfait. Mais pour en arriver là, il fallait gâcher l'un des plus grands moments de la vie de son meilleur ami, et cela, le grand Sherlock Holmes ne pouvait s'y résoudre.
Il pouvait être un sale con sans cœur, il le savait. Il était même souvent satisfait d'être un sale con. Il se délectait du fait que les autres ne l'aimaient pas, dans la mesure où il les méprisait cordialement en retour. Mais avec John, c'était différent. John faisait partie de ces rares personnes qu'il estimait (car jamais il n'utilisait le terme apprécier, fut-ce dans son esprit), dont liste réduite pouvait se compter sur les doigts de sa main. (Son frère, sa mère et John figuraient sur cette liste, accompagnés de noms inavouables comme Irène Adler et Jim Moriarty, à cause de la fascination morbide que Sherlock éprouvait pour leurs génies capables de rivaliser avec son cerveau dérangé)
John était sa part d'humanité. Son humanité récupérée à l'idée de retrouver John, alors que la lame froide courait sur la peau tendre de sa joue. Alors il ne pouvait se résoudre à la perdre de nouveau. Il voulait être le Sherlock que John aimait bien, celui toujours aussi froid, impitoyablement intelligent, dépourvu du moindre tact et inconscient des relations humaines (du moins quand ça l'arrangeait bien. Feindre les comportements normaux n'était absolument pas difficile, mais simplement ennuyeux et inutile), mais capable d'efforts pour se rendre acceptable.
Etre le Sherlock de John, le Sherlock humain, ça voulait dire respecter l'intimité de son ami, ne pas gâcher l'un des plus beaux souvenirs de sa vie.
Alors il recula, se terra au fond du restaurant, se fit interpeller par un serveur (ou plusieurs ? Il n'en tint de toute manière pas compte), mais ne cessa pas d'observer.
Le retour de la femme, la nervosité de John, l'hésitation dans ses gestes, l'appréhension, le discours bancal qu'il semblait tenir à la femme patiente.
- Fais-le, qu'on en finisse, grommela Sherlock dans sa barbe.
Une fois cette foutue demande faite, il pourrait y retourner, retrouver John, et reprendre le cours de sa vie.
Bien qu'il en fut totalement physiquement impossible, John dût l'entendre, puisque l'instant d'après, il mit un genou à terre, un peu maladroitement, un peu trop vite. Ne parvint pas à ouvrir l'écrin comme il aurait fallu, trembla en présentant la bague à sa future femme. C'était stupide et maladroit, mais Sherlock avait suffisamment étudié les comportements humains (c'était d'un ennui mortel, mais il fallait en passer par là pour comprendre les mobiles des criminels) pour savoir que ça resterait un des meilleurs souvenirs de leur vie. Parce que justement ce n'était pas parfait, mais complètement humain. Parce qu'ils étaient deux humains, au contraire de Sherlock.
La réaction de la femme, dont il ignorait toujours le nom, le surprit grandement. N'importe laquelle des gourdes habituelles qui tournaient autour de John aurait poussé un grand cri, les mains parfaitement manucurées se seraient posées sur la bouche, les yeux se seraient écarquillés de surprise. Même quand elles s'y attendaient, il fallait qu'elles miment la surprise pour rendre l'instant encore meilleur, semblait-il. Un comportement que malgré son étude acérée de ses congénères êtres humains, Sherlock ne comprenait toujours pas.
Mais la femme de John (ou plus exactement, future femme de John) ne fit rien de tout ça. Un simple sourire, une réponse courte donnée sur un ton d'évidence, un baiser léger une fois son futur mari de nouveau sur ses pieds. La scène, qui aurait pu attirer l'attention de tout le restaurant, provoquer une salve d'applaudissements (il y avait eu ça dans ces mauvais films que John laissait la télévision émettre, tout en lisant le journal) n'avait eu absolument aucune répercussion. Le serveur un peu trop guindé qui les observait était peut-être le seul, avec Sherlock, à avoir vu quelque chose.
C'était d'une telle simplicité, d'une telle facilité, tellement John que Sherlock ne put pas bouger de sa place. Les deux amoureux finirent leur repas, tranquillement et simplement, comme si la scène passée n'avait été qu'une formalité banale dont ils s'étaient débarrassée avec normalité.
Alors Sherlock décida d'accorder à son ami un délai supplémentaire. Sherlock savait (par Mycroft, qui d'autre ?) que sa tombe était régulièrement fleurie, par John, par Mrs Hudson, et d'autres personnes. (Sherlock avait donc mentalement rajouté Molly, et potentiellement Lestrade sur cette courte liste). John n'oubliait pas Sherlock. Mais il avançait. Faisait son deuil.
Là où Sherlock était resté bloqué au même stade que deux ans auparavant, ne faisant rien d'autre que se concentrer sur le réseau de Moriarty, John avait progressé sur le chemin de la vie, et retrouvé un équilibre avec une femme qui semblait parfaitement lui convenir. Sherlock en était sincèrement heureux pour lui. Et à ce titre, le détective acceptait de ne pas gâcher la fin de la soirée. Ils auraient demain et tous les jours de leur vie pour que John lui abatte son poing dans la figure (les statistiques penchaient définitivement dans ce sens, surtout considérant que John, par cette demande en mariage, montrait la fin de son deuil, et que défaire un deuil s'accompagnait probablement d'autant de colère que les étapes classiques d'un deuil normal), puis lui pardonne, lui remette un coup un jour ou l'autre par pur principe (ou lors de la prochaine enquête potentiellement létale dans laquelle Sherlock se fourrerait), puis tout recommencerait comme avant.
Les futurs Monsieur et Madame Watson finirent leur dessert, quittèrent le restaurant. Passé la porte du lieu guindé, il semblât que l'effet « demande en mariage » les rattrapât soudain et Sherlock en fut quitte pour supporter une longue embrassade digne d'adolescents sur un trottoir sombre de Londres.
Puis le couple s'engouffra dans une voiture, la leur de toute évidence puisque John s'installa au volant.
Une voiture ? C'était absurde, lorsqu'on vivait à Baker Street, en plein cœur de Londres, et que les taxis et le métro desservaient très bien la zone. Un taxi, justement, Sherlock en héla un et lui ordonna de suivre la voiture de devant (lui donnant l'impression de se retrouver dans un mauvais film d'action ou d'espionnage). C'est alors que la voiture personnelle de John et la femme prit tout son sens. Ils n'allaient pas du tout à Baker Street, mais en banlieue. Suffisamment près de Londres pour aller travailler en vélo ou en métro, mais en banlieue tout de même. Dans un pavillon pour couple. Mycroft le lui avait dit, bien sûr, mais il n'avait pas écouté. Il n'écoutait jamais Mycroft, hormis lorsqu'il lui fournissait du travail. Ou plus exactement cette fois, il n'avait pas voulu entendre son frère. Les sons avaient été reçus par ses tympans, transformés en mots par son cerveau, mais son âme avait refusé de leur donner une signification. Ce n'était resté qu'une suite de sons dénués de sens. John ne pouvait pas avoir quitté Baker Street, dans l'esprit de Sherlock. C'était impossible.
Et pourtant c'était là devant lui, une maison semblable aux autres, coincée entre deux de ses jumelles. Grâce à cette maison, Sherlock ne comprenait que davantage la raison du mariage, du manque de réaction disproportionnée de la femme. Cette bague et l'engagement qu'elle représentait n'était qu'une étape tout à fait normale du développement de leur couple.
Il regarda les deux amants sortir de la voiture, s'engouffrer dans leur maison en riant et en courant comme deux adolescents. L'euphorie du moment les cueillait définitivement, mais en bon anglais, ils attendaient de ne plus être dans un lieu public.
Longuement, Sherlock observa la façade, à tel point que le chauffeur s'impatienta.
- Vous serez réglé en conséquence, lui répondit Sherlock, glacial.
L'homme ne dit plus un mot.
- 221B, Baker Street, se résigna-t-il finalement, une fois la porte du pavillon Watson refermée depuis longtemps.
John n'y était peut-être pas, mais son ancien logement existait toujours, conservé en l'état par une Mrs Hudson en deuil, et payé par un Mycroft consciencieux.
Lorsque, bien plus tard dans la nuit, après un hurlement à réveiller tout le quartier de Mrs Hudson et une promesse de ne rien dire à John tant que lui-même ne l'aurait pas fait, Sherlock se retrouva couché sur le canapé, mains croisées sous le menton avec les airs d'une momie, il se rendit compte que pour la première fois de sa vie, il ne réfléchissait pas à un problème dans cette position, mais à un autre être humain.
Et la douloureuse constatation était que Sherlock ne se sentait pas le moins du monde humain tant qu'il n'aurait pas pu reparler à John mais qu'il n'avait foutrement aucune idée de comment approcher son ami. A l'instinct, sans réflexion, c'était facile. Mais en décidant d'être le Sherlock humain que John félicitait quand il songeait à faire du thé pour deux, et pas seulement une tasse pour lui, l'affaire était autrement plus ardue.
Le lendemain, sans avoir dormi la moindre minute, Sherlock se retrouva à faire le pied de grue devant le pavillon de banlieue. Il voulut avancer, se présenter, se placer de manière à ce que le poing de John n'atteigne pas son nez (il était très douloureux d'avoir le nez cassé), et repartir sur de bonnes bases. Mais il ne put pas.
Cette fois, ce fut pour la raison futile de l'absence de moustache de John.
Un simple geste de la femme, un baiser et une caresse légère du bout des doigts là où s'était tenu le ridicule essai de John, relégué au passé, et cela bloqua Sherlock. Il déduisit, sans le vouloir ou même essayer, qu'elle avait accepté le mariage à condition qu'il enlève cette chose horrible qui le vieillissait, au moins pour les photos du plus beau jour de sa vie.
Il avait déjà deviné la veille qu'elle détestait cette moustache autant que Sherlock l'avait trouvée ridicule, mais qu'elle n'avait jamais osé lui dire. Une bague à l'annulaire gauche changeait la donne, et son mari avait cédé au caprice de sa promise. Promise qui se retrouvait bien heureuse de pouvoir embrasser son homme avec tendresse, sans se piquer, et pouvoir caresser la peau douce juste après le rasage.
Sherlock vit tout ça dans un geste qui dura moins de deux secondes, mais cela suffit pour l'empêcher d'aller rejoindre le couple sur le pas de la porte. Ne pas briser leur bonheur. Pas maintenant. La notion de bonheur, lorsque cela se rapportait à sa propre personne, lui était totalement inconnue. Trop ambigu, trop complexe, absence de réponse unique basée sur des faits scientifiques… Il y avait bien longtemps qu'il avait arrêté de chercher à comprendre quoi que ce soit à cette quête futile qu'avaient les humains et qu'ils appelaient bonheur.
Mais le perron de John, l'homme qui embrassa sa future épouse, le sourire de celle-ci, leurs mains qui s'emmêlent, le rire doux de la femme qui lui ordonna d'y aller avant d'être en retard… Si on avait demandé à Sherlock, qui n'avait jamais su le définir, ce qu'était le bonheur, il aurait répondu John et un pas de porte, aussi incongru que cela puisse paraître.
Alors il ne fit rien, resta à distance, bien caché, regarda John partir, marchant en direction du métro d'un pas vif, disparaissant sous la terre. En sous-sol. Souterrain. L'attaque souterraine de Londres. Les ordres de Mycroft. Les raisons de son retour. Les pensées traversèrent son esprit, mais furent compartimentées sans la moindre pitié dans les « problèmes à classer ultérieurement ».
Il s'attarda encore devant le pavillon de banlieue, attendit que la femme en sorte, un peu plus tard, et prenne le métro à son tour. Sherlock en fit les déductions nécessaires : la maison coûtait cher, la pension militaire de John ne servait pas à grand-chose (même à l'époque de Baker Street, elle n'avait pas grand utilité alors même que le loyer était ridiculement bas, du fait de l'amitié et la reconnaissance que Mrs Hudson lui portait), il leur fallait deux salaires. Et John, en homme moderne mais attaché aux valeurs traditionnelles et gentilhomme anglais jusqu'au bout des ongles, s'obligeait à travailler davantage que sa femme, partant plus tôt qu'elle au boulot. Sherlock connaissait tellement bien John qu'il savait que ce n'était pas du machisme de base, mais tout l'inverse : il aimait tellement la femme qu'il aurait voulu subvenir à ses besoins sans qu'elle n'ait jamais besoin de rien faire. Mais corrélativement à ça, il l'aimait tellement qu'il respectait son envie de travailler. C'était tellement facile à penser. Tellement simple que Sherlock entendait presque la voix de John dans son esprit le lui expliquer.
- Oh tais-toi ! grommela-t-il à l'adresse de la voix.
Le chauffeur de taxi qui le ramenait à Baker Street sembla le prendre pour lui et lui adressa un regard courroucé dans le rétroviseur, baissant néanmoins le volume de la radio qui diffusait un quelconque discours d'un quelconque homme politique, se méprenant sur l'objet du propos de Sherlock.
Le reste de la vie de Sherlock devint soudainement embrumé et confus. Il alla voir Lestrade, et Molly, pour leur annoncer son retour, et s'assurer de leur silence. John ne devait rien savoir avant qu'il n'ait pu le lui dire lui-même. Molly lui fit toute une déclaration longue et ennuyeuse (il cessa d'écouter au bout de deux minutes et cinquante-sept secondes exactement, et elle avait déjà eu le temps de prononcer assez de mots pour l'assommer durant toute une vie) sur combien John avait souffert de sa perte, et combien il était important qu'il aille le retrouver, et surtout qu'il s'excuse de l'avoir autant traumatisé.
Lestrade fut plus rude : il le traita de salaud une fois ou deux, puis commenta gravement qu'il devait aller voir John au plus vite. Pour le bien-être du docteur.
Mais ils ne comprenaient pas, ni l'un ni l'autre. Ils disaient tous les deux que John avait souffert, que John l'avait pleuré, que John méritait d'être heureux, qu'il avait mis du temps pour retrouver une situation stable, et que Sherlock devait le respecter pour ça. Là où ils se trompaient, c'était sur les intentions de Sherlock. Il s'était fait le pari stupide avec lui-même (parier avec son propre esprit lui permettait généralement de garder un niveau de stimulation intellectuel stable, et évitait l'ennui) de ne jamais interférer dans le bonheur de John. Choisir le bon moment pour revenir, ne pas détruire la stabilité de John. Rester le Sherlock humain de John. Le meilleur moyen selon le sociopathe de le respecter.
Mais cela fut sans doute la chose la plus dure qu'il eut à faire de sa vie.
Pour oublier ce cruel manque de John à ses côtés, il s'abandonna dans son travail. Le manque de son ami s'était déjà fait sentir pendant deux ans, mais il était à l'étranger. Là, de retour à Londres, c'était plus douloureux encore. Même son palais mental était sens dessus-dessous. Principalement parce que John ne cessait de lui parler et d'y apparaître. Il avait beau lui ordonner de cesser, de partir, de ne pas revenir tant qu'il serait au milieu de sa réflexion, il en était incapable. Parfois, « la » Femme venait lui parasiter ses pensées, mais il était désormais capable de chasser Irène Adler de sa tête d'une pichenette. John était indétrônable. A tel point que Sherlock finit par lui installer son fauteuil et le laisser là, entretenant l'illusion que John était physiquement à ses côtés.
Ce fut d'ailleurs de lui que vint la solution concernant l'attaque massive imminente tant crainte par Mycroft. Sherlock avait installé ses cartes, schématisé tout sur son mur (au grand dam de Mrs Hudson), mais il regardait le puzzle sans savoir où pouvait bien se trouver la dernière pièce, celle au centre et qui lui permettrait de comprendre le motif d'ensemble. C'est John qui lui donna la situation. John qui embrassait sa femme sur le perron avant de prendre le métro, cette image de son John si heureux que Sherlock avait correctement enregistrée sur son disque dur.
- Le métro ! John ! Ce n'est pas un réseau souterrain, mais un réseau sous-terrain !
Le silence lui répondit. De toute manière, même si John avait été là, il n'aurait rien dit parce que la phrase de Sherlock n'avait pas de sens. Mais il n'était pas là et cela rendit le silence poussiéreux du 221B Baker Street plus prégnant encore.
La suite fut supprimée dans ses grandes largeurs de l'esprit de Sherlock. Il trouva la bombe, la désamorça, affaire classée, et à la suivante. Mycroft utilisa son influence pour que son nom ne soit pas cité dans les journaux qui couvrirent largement l'évènement. Sherlock se refusait que son nom apparaisse dans les journaux, les réseaux sociaux. Ce n'était pas ainsi que John devait apprendre son retour.
Le temps passa, dans un brouillard de solitude, de poussière et d'obscurité. Pour une raison qui lui échappait lui-même, Sherlock ouvrait à peine les rideaux de l'appartement, ne faisait jamais le ménage et n'autorisait pas Mrs Hudson à le faire. C'était toujours John qui s'en occupait, avant. Et personne d'autre que lui ne devait le faire. Les affaires revinrent doucement, à peine assez intéressantes pour lui occuper le cerveau. Il fouilla méthodiquement tous les sites d'énigmes en ligne, sur lesquels John se perdait quelquefois, espérant stimuler son esprit et apprendre à deviner aussi bien que Sherlock. Ce dernier, qui s'était toujours moqué du médecin, avait finalement essayé à son tour, résolvant chaque difficulté en moins d'une minute. La facilité déconcertante de chacune des pages l'ennuya profondément, à l'exact opposé du but recherché, censé maintenir son intellect. Il essaya de trouver ce qu'il y avait de plus ardu, mais s'y ennuya exactement de la même manière.
Les clients venaient, aiguillés par le discret Mycroft ou Lestrade, qui renvoyaient vers lui les problèmes personnels que la police ne pouvait pas traiter. Et il continuait d'œuvrer pour la police, mais toujours avec cette précaution : ne pas être vu, ne pas être cité dans les journaux. Donovan se permit un commentaire grossier à son encontre, et sa stupidité quant à son incapacité à renouer avec John.
Mais John était heureux, John prévoyait son mariage, John envoyait des invitations (Sherlock déroba celle de Mrs Hudson, qui se lamenta sur cette perte deux bonnes heures durant). Sherlock n'arrivait pas à gâcher ça. Ce qui ne l'empêchait pas de se lever tous les matins, se rendre devant chez John, surveiller son départ de chez lui, puis celui de sa femme. Une fois, il avait également suivi John dans le métro, découvert le cabinet médical où il exerçait. Il avait caressé l'idée d'aller se présenter comme malade. Juste pour voir la tête que ferait John quand on lui annoncerait que le prochain patient serait Holmes.
L'idée avait été abandonnée pour deux raisons : la première, terriblement ennuyeuse et terre-à-terre, c'était que les infirmières du cabinet effectuaient une brève consultation, accompagnée d'un questionnaire avant l'entrevue avec le médecin. En l'absence de maladie, il n'aurait pas eu accès à John. Et il n'était, à son grand désarroi, jamais malade.
Quant à la deuxième raison, c'était toujours la même : ne pas gâcher le bonheur de John. Il aurait été capable de le frapper en plein milieu du centre médical, et d'en récolter un blâme, une suspension, ou pire un renvoi. Alors Sherlock n'avait pas pu.
Il s'était contenté, jour après jour quand il n'avait rien de mieux pour l'occuper, de suivre John, de l'observer, d'assimiler tous les détails de sa vie. De leur vie commune, à lui et la femme. Il s'était refusé à entrer par effraction chez eux pour y découvrir des indices, mais la tentation avait été grande, à cause de la femme justement. Mary, avait-il fini par apprendre. Un nom aussi banal et ordinaire que John. Un nom parfait pour la future femme de John.
Mais elle était tout sauf parfaite. Elle n'était rien. Sherlock ne voyait rien quand il la regardait et essayait de l'analyser. La première fois qu'il avait vu John, il avait su : médecin, militaire, stress post-traumatique à la jambe partiellement psychosomatique, le frère (qui était une sœur) alcoolique… Toute l'analyse qu'il avait détaillée à son futur compagnon. Et généralement, les gens étaient d'une facilité de lecture aussi aisée que John.
Molly : légiste, tombe amoureuse trop facilement, se fait avoir trop souvent, forte pour certaines choses, mais tellement faible et lâche pour tant d'autres ! Un cerveau scientifiquement brillant que Sherlock respectait néanmoins : les connaissances en biologie et anatomie de la jeune femme surpassaient parfois celles de les siennes et elle était intelligente. Il avait vu tout ça en elle à la première rencontre.
Lestrade, il avait deviné ses problèmes de couple, son métier de policier, l'équipe de foot qu'il supportait (Arsenal, en l'occurrence).
Et Sherlock restait persuadé que sa première pensée en voyant son frère (même s'il était bien trop jeune pour s'en souvenir) avait été « idiot »,ce qui restait encore aujourd'hui parfaitement applicable. Oui, Sherlock savait lire dans les gens avec une facilité déconcertante.
Mais pas en Mary Morstan, future Mme Watson. Trop de choses apparaissaient, trop de mots, trop d'incertitudes. Pas de vérités, pas de choses normales. Alors il enquêta. Parce qu'il se devait de le savoir. Parce qu'il restait terré chez lui depuis des mois pour le bonheur de John, le bonheur conjugal de celui-ci. Et s'il s'avérait que la promise du docteur était une menteuse et une manipulatrice, Sherlock ne s'en remettrait jamais.
Il établit les emplois du temps précis de Monsieur et Madame Watson, les fit suivre, nota les visites de John sur sa tombe. Mais ne trouva rien. La vie ordonnée et tranquille de deux adultes qui n'aspiraient rien d'autre qu'une routine familière. Mais ce n'était pas suffisant pour Sherlock. Maladivement, il avait besoin d'en savoir plus sur cette Mary Morstan. Mycroft avait qualifié ça de jalousie, la dernière fois.
- Tu régresses, Sherlock, avait-il annoncé à peine entré.
Sherlock était recroquevillé dans le fauteuil, à peine habillé, sa robe de chambre le drapant pompeusement. Il s'ennuyait. Ou pensait à John. Ou les deux. Il était près de midi, et la pièce souffrait de ses rideaux fermés, projetant des ombres sur les murs. L'obscurité et la poussière, rien de tout cela n'était très engageant. La cuisine disparaissait sous une montagne d'éléments divers et variés, autant des béchers que des assiettes dans lesquelles Sherlock mangeait occasionnellement, quand il y songeait. Ou quand de la nourriture ou du thé avec des gâteaux apparaissaient spontanément sur sa table basse. (Savoir d'où venait cette nourriture était si peu intéressant qu'il ne songeait même pas à suspecter Mrs Hudson).
Sherlock grogna en réponse à son frère.
- Ça fait cinq mois Sherlock. Tu ne crois pas que tu as assez attendu pour aller saluer John ? Il ne sait toujours rien ! Rien !
- Je sais. Si tu ne viens ici que pour m'apprendre à compter, sache que cela fait quelques années que je n'ai plus besoin de toi pour ça.
Mycroft ne répondit rien dans un premier temps, soulagé que toute la verve de son petit frère n'ait pas tout à fait disparue. L'état général de Sherlock l'effrayait. Pas son génial intellect, bien sûr, toujours conservé. Il résolvait même ses affaires encore plus rapidement que d'habitude, comme pressé de pouvoir se remettre à penser à autre chose. Quelque chose qui s'appelait John. Mycroft avait vu le mur de Sherlock, autrefois couvert d'indices et de rapports d'enquête, couvert de documents sur la vie de John et Mary. Des photos, des commentaires, des notes sur le mariage, des réflexions couchées sur le papier sur tout ce que Sherlock aurait fait différemment dans l'organisation dudit mariage… De l'extérieur, tout cela ressemblait fort à l'œuvre d'un psychopathe. Sa maigreur, son visage émacié ou le fait qu'il accueille Mycroft en pyjama ne venaient que s'ajouter aux inquiétudes du grand frère. Sherlock avait ce parfait instinct qui lui dictait s'il devait être habillé ou non chaque jour, s'il allait recevoir des visites de son frère. A moins d'une volonté ou d'une fierté mal placée de la part de Sherlock, Mycroft l'avait presque toujours vu dans ses parfaits costumes avant aujourd'hui.
- Tu deviens fou, Sherlock. Tu t'en rends compte au moins ?
- Je ne suis pas fou, grinça son frère. Sociopathe de haut niveau.
- Et ça –Mycroft désigna le « mur de John »–, c'est quoi au juste ? Une des conséquences de ta sociopathie je présume ?
Sherlock haussa les épaules, murmura quelque chose comme « m'occupe, m'ennuie ».
- Tu n'es pas sociopathe, de toute manière. Tu es un foutu autiste, atteint du syndrome d'Asperger, comme aucun de nos deux parents n'a jamais voulu le reconnaître.
Mycroft ne laissa pas le temps à son frère d'indiquer que l'Asperger était génétique, que ses chromosomes allaient très bien, que non il n'était pas atteint d'Asperger, et que oui, il était sociopathe. De haut niveau.
- Mais ça ! ça ce n'est ni de la sociopathie, ni de l'autisme, ni même un syndrome d'Asperger ! C'est de la jalousie, Sherlock. Maladive. Tu n'es rien qu'un humain. Tu es jaloux de John, parce qu'il a avancé pendant ces deux années sans toi, alors que tu n'as fait rien d'autre qu'agir dans le but de le retrouver. Tu es jaloux du bonheur de John, de ce concept que tu es incapable de seulement toucher du doigt. Tu es jaloux de Mary, parce que c'est elle qui a aidé John quand tu étais loin. Tu es jaloux de Mary, parce qu'elle est la cause directe du bonheur de John, et tu es possessif. Tu es un enfant, Sherlock. Tu n'as pas changé depuis des années. Possessif, orgueilleux, manipulateur. Tu te souviens de Barberousse ?
Sherlock tressaillit, il se redressa et ses yeux fusillèrent son frère, qui reprit sans lui laisser le temps d'en placer une :
- C'est toujours la même chose. Tu ne t'attaches pas à grand-chose, mais tu fais toujours montre d'une possessivité mal placée quand c'est le cas. Cette fois c'était John. John que tu t'étais accaparé, vivant dans l'illusion qu'il t'appartenait. Mais c'est un être humain. Avec des pensées et des émotions. Il n'était pas à toi. Les hommes ne n'appartiennent pas les uns aux autres, sinon quand ils décident de se marier. Auquel cas ils font le choix d'appartenir l'un à l'autre.
- Tu devrais dire ça à notre mère, grinça Sherlock. Elle a toujours considéré que nous étions sa propriété.
Mycroft ne tint pas compte de l'intervention de son frère.
- Barberousse était un être vivant, lui aussi. C'était la même chose. Aussi fort que tu essayes, tu ne peux pas contrôler et posséder des êtres vivants. Tu ne peux qu'échouer dans ce que tu fais Sherlock. Tu es jaloux, maladivement jaloux, mais tu ne pourras rien faire contre ça. Tu jures sur tes grands dieux que c'est pour le bien-être de John que tu ne te montres pas, mais tu t'illusionnes toi-même. C'est pour trouver un moyen définitif de te l'accaparer que tu patientes. Mais tu n'as rien compris, comme d'habitude. Tu n'y connais rien en relations humaines, Sherlock. Tu es un pitoyable humain, mais tu n'y connais rien en sentiments. Tu ne comprends rien aux sentiments de John.
Et sur cette grande tirade, il quitta la pièce, laissant son frère bien plus perturbé que précédemment. Parce qu'il savait que son aîné avait raison. Il avait voulu le bonheur de John, tellement désespérément que désormais cela tournait à l'obsession… et à un besoin de possession.
Mais autant son frère avait raison, autant il décida de ne plus s'en préoccuper. Mycroft lui demandait d'exprimer des émotions et il ne savait pas le faire. Il ne voulait pas savoir le faire. Il voulait être un sociopathe de haut niveau, parce que c'était mille fois plus simple et scientifique que d'être humain. Et il ne parvenait à être humain qu'en présence de John.
Alors il reprit, intensément, ses recherches sur Mary. Puis un matin, alors qu'il était sur le point de fouiller dans la vie passée de la jeune femme plus en profondeur, ses yeux tombèrent malgré lui sur un calendrier. Son cerveau si brillant fit les liens tout seul, aussi rapidement que d'habitude : Mrs Hudson levée tôt et qui ne cessait de s'affairer en chantonnant, Lestrade qui lui avait dit qu'il ne travaillait pas aujourd'hui, Molly qui l'avait également informé d'un jour de congé. Aujourd'hui. Le mariage de John. La consécration du bonheur de John.
Sherlock s'y rendit, par pur ennui se jura-t-il dans son esprit. Par jalousie possessive, répondit son frère, incrusté dans son palais mental. Déguisé, habitué à ne pas se faire remarquer, au milieu de la foule, il était sûr de passer inaperçu. Au fond de lui, il lui semblait entendre Mycroft lui hurler que ce n'était pas du tout le cas. Il prenait de plus en plus de risques dans sa surveillance des Watson. Comme s'il voulait être remarqué, lui criait le Mycroft dans sa tête. Ce à quoi le John de son esprit rétorqua à Mycroft qu'il fallait qu'il fiche la paix à son frère une bonne fois pour toute, il était grand nom de dieu !
- Et toc ! ricana Sherlock à voix haute à la suite des deux personnages dans son palais mental.
La femme placée à côté de lui dans l'église sembla le trouver très bizarre, et il se dépêcha de disparaître dans la foule.
Il endura la journée en silence, de loin. Parmi la foule des invités, mais jamais avec eux pour autant. Incapable de communiquer. Incapable de faire autre chose que de scruter John, et lire en lui son bonheur, sa joie évidente qui transparaissaient. Et pour la première fois, en regardant Mary, il parvint à la décrypter. Ce ne fut pas difficile. Le même bonheur que celui de John. Et ce petit truc en plus que John, dans sa qualité de médecin, ne tarderait pas à remarquer désormais. Il sourit en voyant cela, sentant parallèlement son cœur se briser. Jamais il ne parviendrait à entrer de nouveau dans la vie de John après la naissance de l'enfant. Il ne pourrait jamais briser sa cellule familiale.
Pendant le repas, auquel il ne participa pas, par manque de place prévue pour lui, il s'amusa à observer chacune des personnes présentes. Y trouva deux fétichistes des chats. Trois hommes trompés. Huit femmes infidèles. Une assistante d'un directeur de presse. Une femme se demandant comment annoncer à son récent petit ami que son travail réel consistait (par ordre décroissant de revenu) à être actrice porno, strip-teaseuse, et prostituée. Un menteur professionnel. Une douzaine de médecins. Une poignée de militaires. L'ancien petit ami de Mary, toujours amoureux de celle-ci (Sherlock se fit une note mentale pour se rappeler de le traumatiser et que jamais il ne vienne troubler la quiétude de nouveau couple marié). Un passionné de spéléologie. Deux cadres de la City. Trois artistes fauchés. Des demoiselles d'honneur jalouses. Sept personnes récemment divorcés (seigneur, quel récent divorcé se rendait à un mariage, sinon pour y déprimer et risquer de se moquer de l'heureux couple du jour ?) Et une cible.
Ce fut, selon Sherlock, le moment le plus réussi du mariage. La découverte de la cible. Cette femme, venue lui soumettre l'affaire sur laquelle il travaillait actuellement, celle d'un homme fantôme avec lequel elle serait sortie, lui revint soudain en tête, avec une foules d'autres détails. Qui tous, tendaient à se concentrer sur cet homme qu'il n'avait jamais vu et dont John ne lui avait jamais parlé, militaire de son état.
Refusant que le mariage de John fût gâché par un meurtre, Sherlock réfléchit. Plus que d'habitude, plus vite que d'habitude, pressé par l'urgence, et le besoin vital d'épargner le bonheur de John. Il lui fallut pourtant un temps fou, reclus dans une pièce sombre de la demeure où se tenait la réception, surfant sur internet et discutant avec les femmes trompées par l'homme-fantôme, avec John et Mycroft dans son palais mental pour aboutir à une solution. Lorsqu'il y parvint, la soirée était déjà bien entamée, et l'heureux couple dansait sur la piste prévue à cet effet.
Sherlock, s'intégrant naturellement aux oscillations de la foule en mouvement, la traversa pour se diriger vers le militaire, manifestement désireux d'être partout sauf ici, mais ayant juré à John de rester jusqu'au bout. Et pendant sa traversée de la salle, Sherlock effleura John et Mary. Sans même s'en rendre compte.
- John ? s'inquiéta Mary en sentant son mari s'immobiliser au milieu de la chanson, alors que Sherlock était déjà loin.
- J'ai cru voir… Ne t'inquiètes pas… Ce n'est rien, pardon, balbutia John.
- Sherlock n'est-ce pas ? comprit aussitôt Mary.
- Oui… Pardon…
Sherlock n'y avait pas assisté, trop perdu dans sa réflexion mentale, mais il avait été cité dans un bref discours de John. Sans que son nom soit prononcé, mais John avait tenu à avoir une pensée pour son meilleur ami, qui aurait dû occuper la place de son témoin, s'il n'avait pas été mort plus de deux ans et demi plus tôt. Bien trop bouleversé, John n'avait remarqué ni le regard courroucé de son vrai témoin, vexé d'être un second choix, ni les regards gênés de Lestrade, Molly et Mrs Hudson.
Sherlock, une fois parvenu au militaire guindé, lui glissa un simple mot lui indiquant de ne pas enlever sa ceinture sous peine de mort rapide, et lui ordonnant de s'adresser à la police, sans faire de vague, pour se sortir de tout ça. Suite à quoi le jeune homme attrapa Lestrade, le tira dans une pièce sombre et à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes.
- Rattrapez le photographe. Coupable. La victime est le militaire. Empêchez-le d'enlever sa ceinture.
Bref, précis et concis. Du pur Sherlock. Qui s'abîma presque aussitôt dans une agonie personnelle, absolument furieux de ne pas avoir réussi à trouver qui était coupable avant qu'il ne parte. Le contrat du photographe n'incluait pas la soirée, et il était parti depuis un certain temps maintenant. Sherlock s'en voulait. Si l'homme fuyait, quittait la ville ou le pays, Lestrade ne pourrait rien faire et il ne serait jamais inculpé. Bien sûr, la victime n'en était pas une, elle serait sauvée grâce au détective… Mais ça ne suffisait pas pour Sherlock. Il aurait dû trouver plus vite. Il aurait dû. Eviter tout scandale au mariage de John. Lui offrir cette journée parfaite. Cette vie parfaite que Sherlock lui plaçait sur un plateau en refusant de revenir au vu et su de son ancien meilleur ami. Perdu dans son auto flagellation mentale, il n'entendit pas les remontrances de Lestrade.
- SHERLOCK ! finit-il par hurler en le secouant.
Le regard du détective sembla s'allumer partiellement, reprenant pied avec la réalité. Il aurait pu s'écouler deux heures ou deux minutes que l'effet aurait été le même.
- Sherlock, c'est n'importe quoi ! Tu viens de résoudre un meurtre au mariage de John ! Tu ne peux pas rester là à te terrer dans le noir ! Sherlock !
C'était trop tard. Sherlock était de nouveau perdu dans son palais mental, et c'était l'une des pires manières que Lestrade lui connaissait pour faire comprendre à son interlocuteur tout le mépris que sa proposition lui inspirait.
- Jamais, souffla cependant Sherlock, comme si la réalité avait encore une légère emprise sur lui.
- Greg ? retentit une voix dans le couloir.
Les deux hommes se figèrent. Lestrade, qui tenait toujours le bras de Sherlock –vu combien cet homme haïssait qu'on le touche, ce simple fait relevait de l'exploit– le lâcha mollement. Sherlock n'hésita pas. Dans un léger bruissement de tissu, il disparut. La fenêtre, comprit Lestrade. Même s'il ignorait comment on pouvait se déplacer aussi vite et aussi silencieusement.
- Greg, tu es là ? redemanda John en ouvrant la porte, faisant entrer dans la pièce sombre une lumière violente et crue en provenance du couloir.
Mû par un réflexe, Lestrade se saisit de son portable, l'alluma pour qu'il émette de la lumière, et le colla contre son oreille.
- John ! Mary ! sourit-il à l'heureux couple sur le pas de la porte qui venait le chercher, s'inquiétant de son absence.
- On t'a entendu parler et crier, annonça Mary. Tout va bien ?
Sourire feint. Protéger Sherlock, encore. Lestrade agita son portable comme s'il venait de raccrocher, priant pour que les époux ne remarquent pas qu'il s'agissait de l'écran d'accueil verrouillé et qu'il était donc totalement impossible qu'une conversation vienne de se terminer. Fort heureusement, n'était pas Sherlock Holmes qui voulait.
- Scotland Yard. J'avais pas vraiment envie d'y aller donc j'ai dû un peu leur crier dessus… Mais bon, les criminels n'attendent pas !
John sourit tranquillement, totalement convaincu par l'explication de son ami. C'était sans doute cette qualité que Lestrade lui admirait tant. Cette manière qu'il avait de faire confiance, de croire en ses amis. De la même manière qu'il croyait toujours Sherlock, même quand il lui mentait honteusement. John avait toujours cru Sherlock, parce qu'il avait l'assurance que les mensonges de celui-ci avaient pour seul but de débusquer la vérité, et qu'ils servaient toujours leurs intérêts à tous les deux, même quand leurs conceptions divergeaient. John avait toujours tout pardonné à Sherlock, ses mensonges, ses manipulations, ses expériences. Jamais John n'avait douté de Sherlock. Et même aujourd'hui, alors qu'il vivait enfin son plus beau rêve, son cœur continuait de pleurer son meilleur ami, ignorant du pire mensonge de leur existence.
Lestrade devinait tout ça dans le regard de John. Ce fut sans doute ce qui l'empêcha de voir celui de Mary, bien plus pénétrant et bien moins convaincu, alors qu'elle se laissait entraîner par son époux vers la piste de danse, tandis que Lestrade s'éloignait précipitamment vers le parking.
Après le mariage, Sherlock reprit sa vie aussi normalement que possible. Ne jamais ouvrir les rideaux, ne jamais faire la poussière, résoudre toutes les enquêtes qui passent à sa portée (apportées par Mycroft ou Lestrade, et toujours dans la plus grande discrétion de la presse), et espionner John. Surtout espionner John.
C'était devenu sa nouvelle drogue, et son mur, autrefois couvert des préparatifs du mariage, passait à la prochaine étape : l'enfant à venir. Cela leur avait pris un temps fou pour le réaliser, du point de vue de Sherlock, mais Mary avait fini par faire un test de grossesse. Et de l'annoncer à son mari, folle de bonheur, passée la première panique. Sherlock n'était pas Mycroft, il ne disposait pas de caméras dans la maison de John, et n'en voulait surtout pas. Mais il suivait John dans la rue, il le voyait aller au travail, il devinait des choses dans les détours faits pour acheter un bouquet de fleurs, simplement par plaisir et bonheur.
Il devinait des choses dans les sorties dominicales dans un parc quelconque de Londres, main dans la main, simplement pour affirmer à la face du monde qu'ils étaient heureux.
Il devinait des choses lorsqu'il voyait les achats de vêtements, jouets, lit d'enfant, poussettes et autres biberons. Le mur de Sherlock était recouvert de clichés de John et Mary, et de prévisions pour le futur bébé. Mycroft était venu, une fois. Il avait failli faire une syncope en voyant des landaus (Sherlock faisait une étude comparative des meilleurs modèles) punaisés sur le mur. C'était la manière de Sherlock de continuer de vivre avec John. En s'immisçant dans sa vie sans que ce dernier le sache. En l'aiguillant inconsciemment vers ce que Sherlock estimait être le meilleur.
Le temps passa. Mary, dont la grossesse avançait de plus en plus, passa d'un temps plein à un mi-temps, avec la bénédiction de son mari. Il devint dès lors plus facile pour Sherlock de s'intégrer encore davantage à leur future vie de famille. Il ne pouvait pas suivre John trop souvent, ou celui-ci finirait par comprendre quelque chose. Mais Mary n'était qu'une femme, enceinte donc dominée par des hormones qui plus est, et elle possédait l'incommensurable avantage de ne pas le connaître. Sherlock doutait que John ait des photos de lui, même s'il était assez sentimental pour avoir gardé des coupures de presse. Mais John disait souvent de lui-même qu'elles n'étaient pas fidèles à la réalité, et que Sherlock ressemblait assez peu aux photos sur papier glacé. Partant de ce postulat, Sherlock pronostiquait qu'il y avait peu de chances pour que Mme Watson le reconnaisse en un court instant, au hasard d'un croisement de rues.
Ça lui donnait l'occasion de la suivre partout, d'aller dans de multiples endroits où il n'aurait jamais mis les pieds seul (il ne savait pas qui était le fou sadique ayant inventé les magasins de puériculture, ou si c'était simplement les parents qui étaient cinglés de venir dans ce genre d'endroit avec des enfants en bas âge, mais il se jura de ne jamais y retourner. Internet pouvait très bien faire l'affaire, et il y avait bien moins de monde susceptible de le toucher), et surtout de continuer de chercher qui elle était. Par-dessus ses multiples interrogations, il avait réussi à attacher quelques certitudes : future maman, heureuse, épouse comblée. Même si le mystère Mary Morstan demeurait entier, Sherlock avait l'absolue certitude que son mariage était heureux, et qu'elle aimait réellement et profondément John. C'était la seule raison pour laquelle il tolérait encore la femme aux côtés de celui-ci. S'il avait eu la moindre suspicion qu'elle puisse être dangereuse pour son ami, il se serait chargé de l'éliminer de la vie de celui-ci.
Malgré les mois qui filaient, Sherlock continuait de caresser l'espoir d'un jour pouvoir se dresser face à John, pour lui prouver qu'il était bien vivant. Il avait conscience que plus le temps passait, plus cela devenait dur, et probablement incompréhensible pour John. Tout le monde (Molly, Lestrade, son frère, Mrs Hudson…) le lui répétait. Mais paradoxalement, Sherlock savait qu'il faisait tout ça pour John, pour son bonheur, et cela John le comprendrait, l'accepterait, lui pardonnerait. Parce qu'il faisait tant d'efforts pour être le Sherlock douloureusement faible et humain de John. Il le saurait, il le comprendrait. Sherlock le savait.
Mycroft était venu, encore. Sherlock jouait du violon, composant comme souvent. Cette fois ça ressemblait à une berceuse, parfaite pour une fillette en bas âge. John et Mary avaient fait une échographie. C'était une fille, et Sherlock était passé des landaus aux listes de prénoms sur son mur. Il probabilisait depuis deux jours le choix des futurs parents : soit un prénom aussi banal que John et Mary, un prénom passe-partout, que la petite n'aurait pas de mal à porter. Soit ils préféreraient quelque chose qui sorte de l'ordinaire. Quelque chose qui ressemblerait davantage à Sherlock.
Perdu dans ses réflexions (à la fois sur le prénom et sur sa mélodie), il n'entendit pas son frère. Il s'en moquait de toute manière. Mycroft avait tout essayé, y compris envoyer leurs parents, rien n'avait fonctionné, et rien ne fonctionnerait.
La visite des parents de Sherlock avait cependant constitué son plus bel essai. Le couple savait que leur fils cadet n'était pas mort durant ces deux années de fuite, mais ils semblaient avoir considéré que l'absence de nouvelles se devait d'être compensée. C'était absurde. Ni Mycroft ni Sherlock ne donnait beaucoup de nouvelles. A peine appelaient-ils une fois par an, par obligation plus que par désir. Il avait pu s'écouler cinq ans sans que Sherlock ne voie ses parents durant sa jeunesse, mais manifestement deux années sans avoir la possibilité de donner des nouvelles était radicalement différent de cinq années sans nouvelles parce qu'il ne voulait pas en donner. Absurde. Ils étaient venus, et comme d'habitude, avaient parlé. Sherlock avait écouté sans entendre. Puis ils étaient partis. Echec sur toute la ligne.
- Tu m'écoutes Sherlock ? demanda la lointaine voix de Mycroft.
Ledit Sherlock s'extirpa de son palais mental, sous le regard goguenard du John virtuel qui vivait là.
- Mmh ?
- Ça fait un an Sherlock. Un an. Tu attends quoi au juste ? Que John meurt pour aller pleurer sur sa tombe, et ainsi vous serez à égalité ? Sauf qu'après, il ne reviendra pas comme toi. Tu seras seul. Si toutefois tu ne meurs pas avant.
Le silence lui répondit. Comme d'habitude.
- Sherlock ?
- Il est heureux, grommela Sherlock. Je ne peux pas gâcher ça.
Sa voix était rauque et caverneuse. Il n'avait pas adressé la parole à quiconque depuis trois jours. Pas d'enquête, pas de nécessité de parler. Il conversait avec lui-même et tous les gens dans sa tête, mais n'avait pas fait physiquement fait fonctionner ses cordes vocales depuis 72h.
- Toujours la même excuse, répliqua Mycroft d'un ton méprisant. Tu as attendu sa demande en mariage. Puis son mariage. Maintenant tu attends leur enfant. Puis tu vas attendre quoi ? Son baptême ? Ses premiers pas ? Son entrée à l'école ? Admettons qu'ils en fassent un deuxième, tu attendras qu'il sache lire ? Ou même qu'ils soient partis de la maison tous les deux, voire qu'ils aient un diplôme, un appartement, un travail et des enfants eux-mêmes. Tu peux calculer toi-même l'âge qu'aura John à ce moment là.
Sherlock maudit son frère dans un grognement, car il ne put effectivement empêcher son cerveau de faire le calcul.
- Et crois-moi, acheva Mycroft, à ce stade, il ne te filera plus un coup de poing, il te tuera de ses mains pour avoir tant tardé. Si toutefois tu n'es pas toi-même mort avant.
Sherlock ne répondit rien. Il n'admettrait absolument jamais que son frère puisse avoir raison.
Et voilà comme il se retrouvait, sous une pluie battante d'automne londonien, à observer la maison de Mary et John de son poste de guet habituel, toujours aussi incapable de détruire le bonheur qui exsudait du pavillon de banlieue. Mary accouchait dans deux mois, désormais, et elle était fatiguée. Elle avait de plus en plus de jours de repos. Sherlock voyait bouger les rideaux aux fenêtres. John était au travail, comme tous les jours.
A contrecœur, Sherlock se détourna de la bâtisse, et s'éloigna sous la pluie battante. Il était là depuis des heures, de toute manière, et à la différence de son frère, il n'avait jamais de parapluie. Il était trempé jusqu'aux os et il s'en fichait. Il marchait sans but, sans voir où il allait quand on le bouscula rudement. Le mouvement le fit se précipiter dans une ruelle sombre et probablement jamais fréquentée. Sous l'impulsion de la personne derrière lui, il se retrouva rapidement au fond, acculé, et personne ne pouvait ni le voir ni l'entendre de la rue principale. Il commença alors à se retourner pour faire face à son agresseur.
- Qui êtes-vous ? demanda une voix dure, sèche, mais féminine. Ça fait des mois que vous nous suivez. Qui êtes-vous ?
Sherlock acheva son demi-tour et se redressa.
Mary Morstan-Watson braquait sur lui une arme, dans une attitude qui tranchait de son rôle habituelle d'épouse parfaite. Tous les mots explosèrent dans l'esprit de Sherlock, n'en laissant qu'un seul : Menteuse.
- Mary Morstan. Menteuse, souffla-t-il.
Elle le regarda. Fronça les sourcils. Comprit.
- Sherlock Holmes, souffla-t-elle à son tour.
Elle ne baissa pas un seul instant le canon de son arme pour autant.
Le prochain chapitre sera publié dans deux semaines, le mardi 3 novembre (ou le 2 si vous êtes très sages). Le troisième et ultime chapitre sera publié trois semaines après le 2e, soit le mardi 24 novembre. Je n'essaye pas de vous frustrer, je compose avec mon EDT…
N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé par review si vous le désirez :)
