Le jeune homme poussa un immense soupir en se regardant dans le miroir. Il avait un cocard, encore une fois. Pourquoi juste un soupir ? Parce qu'il avait l'habitude maintenant. C'était devenu habituel, toutes ces moqueries, ces insultes, cette violence… du bout des doigts il toucha son œil et grimaça. Bien sûr que ça faisait mal, quel idiot il faisait. Il attrapa la poche de glace qu'il avait au préalable prise et la posa sous son œil, sur la partie violette et gonflée. Il se laissa ensuite tomber sur son lit et ferma les yeux. Au début il avait pensé que c'était pour le charrier, que ça allait passer. Oui, au début ce n'était que des petites moqueries mais ça avait vite dégénéré. Tout ça parce qu'il était différent. Tout ça parce que… du sang Galra coulait dans ses veines. Était-ce sa faute ? Non. Il n'avait pas choisi de naître différent. Allura avait été la première à être dégoutée des origines du brun au mulet, puis les autres avaient progressivement suivi. Peut-être avaient-ils raison de le juger ainsi, de le rejeter. Après tout, il avait le sang de leurs ennemis.
Keith leur pardonnait, il les comprenait. Après tout, il avait toujours été solitaire, mis à l'écart. Mais ce qu'il ne supportait pas c'était les moqueries d'un membre. Ce même membre qui lui avait porté ce coup à la figure. Ce petit espagnol : Lance. Le paladin rouge ferma les yeux plus fort, pour ne pas laisser les larmes y perler. Il ne devait pas pleurer, il était fort. Jusque-là il n'avait pas pleuré, alors pourquoi maintenant ? Peut-être parce que jusque là Lance n'avait pas levé la main sur lui. Ces deux là avaient toujours été rivaux, jamais ils n'avaient réussi à s'entendre, et pourtant : ils n'avaient jamais été ennemis avant aujourd'hui. Lance avait été poussé par les autres, surtout par Shiro… Shiro qui était le premier à déverser physiquement sa haine sur lui. Oui, notre cher Keith Kogane était devenu un souffre douleur. Leur souffre douleur.
Le brun grogna et se redressa. Peut-être était-il temps d'agir, de réagir, de reprendre les choses en main. Il était temps de faire comprendre à ses camarades qu'il en avait plus qu'assez. Il était temps de quitter le navire, de voyager en solitaire. De toute façon, encore au fond de lui, il ne savait toujours pas pourquoi il avait accepté de les rejoindre. Ni une ni deux, il sauta hors du lit et rempli un sac à dos de nourriture, vêtements, bref de quelques trucs qui lui étaient nécessaires. Sans faire de bruit il longea les couloirs, jusqu'à arriver à son Lion. Il posa une main sur le métal froid de la bête dont les yeux s'éclairèrent. Elle avait compris. Depuis que leur lien s'était renforcé, c'était comme si les deux êtres étaient des âmes sœurs, non- la même personne. Il était Red et Red était lui.
Pendant quelques secondes, Keith sembla hésiter. Du moins, c'était ce qu'on pouvait lire dans ses yeux –qui étaient rivés vers la porte de la pièce. Est-ce qu'il attendait quelque chose ? Est-ce qu'il espérait que l'espagnol débarque, s'excuse, le retienne ? Ou bien préférait-il qu'il l'insulte à son habitude et le dissuade, quitte à le blesser ? De toute façon, il ne se passa rien. Il n'y avait que Red, lui, et ce silence pesant dans la pièce. Un bruit se fit cependant entendre : celui de la porte du hangar qui se refermait sur le départ du paladin rouge.
