Chapitre 1 : Un nouveau départ
En ce jeudi 21 juin, Delphine avait peur. Elle était terrorisée par ce qui l'attendait. En prenant son petit déjeuner, elle se mit à repenser à cette année qui venait de s'écouler. A ces mois passés à se terrer seule chez elle, exclue de toute vie sociale. Elle ne cessait de se demander comment elle avait pu tomber aussi bas. Depuis plusieurs mois, sa mère et sa famille avaient essayés de lui ouvrir les yeux. Un médecin, un diététicien mais rien n'y avaient fait. Delphine, était perdue, seule et malade. Malade oui mais d'un mal qui ronge sans que l'on ne s'en aperçoit. Petit à petit, elle s'était enfermée dans cet univers austère où plus rien n'avait de goût ni de saveur. « Vous n'en aurez que pour une quinzaine de jours » lui avait promis le médecin. Pourtant, au fond d'elle, elle en était persuadée…ces quinze jours allaient durer bien plus longtemps.
« Ca va ma chérie ? »
Pour seule réponse, Delphine regarda sa mère droit dans les yeux et sentie des larmes couler le long de son visage.
Elle avait pourtant tout préparé. Son sac était prêt à être chargé et elle s'était plus ou moins faite à l'idée que tout cela était pour son bien. Seulement voilà, comment peut-on accepter de ne pas être assez forte pour s'en sortir par soi même.
Elle débarrassa sa table et partie à la salle de bain faire sa toilette. Là, face à son reflet, elle n'avait qu'une envie, celle d'hurler aussi fort et aussi longtemps que son souffle lui permettrait. Au lieu de cela, elle entra dans la cabine de douche, savourant ce moment de solitude sous des jets d'eau bien chaud. Très vite, le froid omniprésent qu'elle ressentait fut remplacé par une chaleur enivrante. Elle était si bien qu'elle en oubliait presque que cela serait peut-être sa dernière douche avant bien longtemps. Quand enfin elle se décida à en sortir, la pièce était envahie d'une buée opaque. Au moins, se dite-elle, ça cachera mes larmes.
Quand elle eut finit de se préparer, elle alla ranger son nécessaire de toilette dans sa valise.
« Je pense ne rien avoir oublier. »
« Il n'y a pas de raison, on l'a faite ensemble hier soir. Dans le pire des cas, je t'enverrai un colis d'ici la fin de la semaine pour que tu le reçoives le plus vite possible ».
Anne prie Delphine dans ses bras et la berça tel un enfant ayant besoin de consolation.
Très vite, l'heure de partir arriva. Delphine et sa mère chargèrent la voiture et prirent la direction de l'aéroport.
Delphine s'était pourtant jurée qu'elle avait assez pleuré mais les larmes sur ses joues tombaient toutes seules. Si seulement elle avait réagi plus tôt, elle n'en serait pas là. Elle pourrait profiter de la vie comme n'importe qu'elle autre jeune fille de son âge. Au lieu de cela, elle s'apprêtait à arrêter une vie normale pour un séjour hospitalier.
Afin de faciliter la mise sous « quarantaine », Delphine et sa mère avait décidé d'envoyer la jeune fille se faire soigner dans un autre pays à savoir le Canada. Dès lors, Delphine pourrait d'une part faire une véritable coupure avec son environnement, sa famille, ses amis mais également travailler son anglais. Autant retirer quelque chose de positif de la situation.
Arrivée à l'aéroport Charles de Gaulle, Delphine ne prononça aucun mot. Elle sentait au fond elle l'angoisse qui commençait à naître et à se répandre dans tout son corps. Je ne pleurerai plus se disait-elle pour se convaincre et se donner du courage. Tu peux le faire, c'est pour ton bien.
Devant la porte d'embarquement, Delphine enlaça une dernière fois sa mère avant de tendre son billet à l'hôtesse. Sur le chemin la menant à l'avion, elle se retourna dans l'espoir de voir sa mère lui dire que c'était bon, qu'elle pouvait rester et qu'elles trouveraient une autre solution. Mais il n'en était rien. Elle était seule avec elle même. Seule face à l'inconnue et à cette aventure qui allait lui sauver la vie. Du moins l'espérait-elle.
Assise près du hublot, elle réalisa que d'ici une dizaine d'heure elle ne serait plus en France mais au Canada, ce pays qu'elle avait tant de fois rêvé de visiter et qui d'ici peu serait à sa porté. N'est-il pas malheureux de réaliser son plus grand rêve pour une raison des plus sinistre d'une hospitalisation. Pas de visite pour elle. Aucun lieu touristique. Aucune virée au fin fond des bois à la recherche de la nature et l'air pur. Il ne l'attendait qu'une grande clinique privée réputée pour ses soins psychiatriques et son cadre bucolique. Bucolique…comment une clinique pouvait être bucolique…des murs, du béton, des blouses blanches…rien de bien excitant.
Le vol en direction de Montréal se passa sans aucune embuche. Quelques petites perturbations au dessus de l'océan Atlantique mais rien de bien angoissant. Il faut dire que Delphine n'aimait pas beaucoup prendre l'avion et qui plus est, le prendre toute seule pour une aussi longue distance.
Le somnifère prescrit par son médecin traitant avant de partir lui fut d'un grand soutien. Elle ne se réveilla qu'une fois l'appareil est touché terre.
Prenant la direction de la salle où elle pourrait récupérer ses bagages, Delphine observa les lieux, les gens qui l'entouraient. Sans comprendre pourquoi, toutes les angoissent qu'elles nourrissaient sans cesse en elle depuis plusieurs semaines semblaient s'évaporaient. Elle fut surpris de se sentir sourire. Elle avait envie de rire et de crier. Depuis bien longtemps, elle n'avait pas sentie se sentiment de bien être l'envahir. Comment, le simple fait d'avoir changer de continent, de pays, pouvait elle lui procurer cette sensation si longtemps perdu et si dure à retrouver ?
A la sortie, une jeune femme en tenu de civil tenait une pensante sur laquelle était indiquée « Delphine Cormier ».
Elle se dirigea vers la jeune femme et lui tendit la main.
« Bonjour, Delphine Cormier » !
« Bonjour, Eliza ! » répondit la jeune femme en lui serrant la main.
Sur le chemin qui l'emmenait vers son nouveau chez soi, Eliza n'avait pas prononcé un mot. Elle avait laissé Delphine se perdre dans ses pensées. Sûrement pensait-elle laisser à la jeune femme le temps d'accepter ce qui était entrain d'arriver.
Arrivée devant le pavillon Breton de l'hôpital Hardview, Delphine suivit l'infirmière jusqu'à un bureau sur lequel était inscrit sur une pancarte « secrétariat ».
« Je te laisse ici le temps que tu remplisses quelques formulaires d'admissions. Quand tu auras fini, prend l'ascenseur en face de toi et monte au cinquième étage. Une infirmière t'accueillera ! »
Delphine regarda Eliza s'éloigner. L'infirmière se retourna avant de tourner à l'angle du couloir et lui fait un clin d'oeil accompagné d'un « ça va bien se passer ».
« Bonjour, c'est pour une admission » dit-elle à la secrétaire.
« Oui, pour quel service ? » demanda la secrétaire.
« Trouble du Comportement Alimentaire ! »
« Vous pouvez passer dans le bureau d'à côté pour les modalités d'entrée. »
La secrétaire lança un regard accompagné d'un sourire à Delphine. Delphine le lui rendit même si sur son visage on pouvait lire un tas d'émotions aussi contradictoire les uns que les autres.
Une demi-heure plus tard, l'entrée est effective et Delphine n'a plus qu'à se rendre dans son nouveau service.
Le long couloir blanc cassé qu'elle longe en direction de l'ascenseur lui semble austère. Tout tirant la valise, Delphine sentait les battements de cœur s'accélérer. En entrant dans l'ascenseur qui l'emmenait vers son nouveau chez elle, elle se rendit compte que quoi qu'elle décide, elle n'avait plus le choix. Les dés sont jetés.
A l'ouverture des portes, elle pris sur elle et afficha un visage neutre sans aucune trace de tristesse. C'est pour ton bien se répétait t-elle. Ta survie en dépend.
« Bonjour, Delphine Cormier »
« Oh oui, bonjour ! » répond une jeune femme brune.
« Bonjour » répond Delphine.
« Suivez moi, je vais vous montrer ta chambre ! »
Chambre 401. A partir de maintenant je ne suis plus simplement Delphine se dit-elle. Je suis Delphine mais aussi la patiente de la chambre 401. En une fraction de seconde, son identité s'était réduite à un simple chiffre. La chance voulue que Delphine ait une chambre individuelle. Elle qui n'avait jamais réussi à vivre en colocation était soulagée à l'idée de ne pas devoir partager sa chambre avec une inconnue.
Après un rapide aperçu des installations, à savoir un lit, une armoire fermant à clé, et une petite pièce avec toilette et lavabo, l'infirmière invita Delphine à s'asseoir.
« Comment ca va ? » demanda t-elle
« Ca va ! » répondit Delphine.
« Alors je me présente, je m'appelle Cosima et je suis infirmière ici au service TCA ».
Delphine n'était plus aussi franche qu'à son arrivée. Cette femme l'a mettait mal à l'aise sans savoir pourquoi ni comment l'expliquer.
« Enchanté ! »
Delphine était si angoissait par cette situation qu'elle en oublié qu'elle était désormais dans un pays anglophone.
« Enchanté ! » Répondit Cosima, en souriant face à ce naturel de la jeune fille.
« Oh excusez moi, vous ne parlez surement pas le français ? »
« Effectivement mais je ne dirai pas non pour prendre des cours ! » Répondit Cosima accompagnée d'un clin d'oeil.
« Aujourd'hui je vais m'occuper de ton admission. Je vais donc te poser quelques questions et j'aimerai que tu y répondes sincèrement. »
« D'accord » répondit timidement Delphine.
« Peux-tu me donner ta date de naissance ? »
« 20 février 1990 »
« Mmm 22 ans ! Tu verras les autres patientes ont a peu près ton âge, tu ne devrais pas te sentir déstabiliser. »
Delphine ne savait pas quoi répondre. La seule chose à laquelle elle pensée était sa date de sortie. Elle venait à peine d'entrée dans ce lieu qu'elle n'avait qu'une envie, en sortir.
L'entretien continua pendant encore une bonne heure. Toute sa vie fut analysée succinctement afin de dresser ce qu'ils appellent : « un profil patient. » Certaines questions l'avaient mise mal à l'aise mais heureusement pour elle, sa mère avait été invitée à partir en plein milieu de l'entretient. « Peux-tu me donner trois aversions ? Est-ce que tu te fais vomir ? Depuis combien de temps es-tu malade ? Pourquoi es-tu ici ? » Sont un exemple de ces questions.
S'en suivit une batterie d'analyses : prise de la tension, glycémie, température… Delphine avait l'impression qu'en l'espace de quelques minutes, elle était passée de l'état d'être humain en celui de cobaye humain. Elle était scrutée de haut en bas. Même sa valise, qui pourtant ne renfermait rien de particulier, était passée au peigne fin. Rasoir, coupe ongle…tous objets susceptibles d'être tranchant lui avait alors était enlevés. «Tu pourras bien sur les utiliser si tu le désir. Il suffira juste que tu les demandes à un membre du personnel. » Tout ce protocole commençait à inquiéter Delphine. Certes elle était ici de son plein gré, enfin plus ou moins, mais l'idée de devoir se justifier pour chaque action entreprise ne faisait que confirmer ce qu'elle redoutait déjà : une totale perte de liberté !
« Tu as peut-être des questions avant que je te laisse avec les autres patientes pour la collation de l'après-midi ? »
« Vous pouvez me d'écrire une journée type ? »
Cosima sourie à cette question. Elle pouvait lire dans les yeux de Delphine la peur et l'angoisse de celle-ci. Elle avait l'habitude d'entrevoir cet appréhension dans le regard des nouveaux arrivants mais sans qu'elle n'arrive à l'expliquait, cette fois-ci, c'était différent. Elle ne la connaissait pas encore. Ne savait pratiquement rien de son histoire. Pourtant, elle sentait au fond d'elle que Delphine n'était pas comme toutes les filles.
« Pour faire simple, les infirmières et aides soignants viennent vous réveiller entre 7h30 et 8h00. Vous devez ensuite vous préparer afin d'être vers 8h15 dans la salle de vie afin de pouvoir prendre votre traitement. Aux environs de 8h30, le petit déjeuner vous sera servi. Il vous sera ensuite demandé d'attendre 1h30 avant de pouvoir vous rendre dans votre chambre ou aux toilettes. A 12h15 le protocole recommence. Rendez-vous dans la salle de vie avec prise de traitement. On vous sert ensuite le déjeuner et vous devez une fois de plus attendre 1h30 avant de pouvoir regagner votre chambre. A 16h c'est l'heure de la collation. Là vous ne devez attendre que 45 minutes avant de quitter les lieux. Pour finir, à 18h15 début des traitements du soir. Encore une fois, on vous sert le repas et vous devez attendre 1h30 avant de retourner dans votre chambre. A partir de là vous pouvez faire ce que vous voulez. A savoir vous coucher, lire, rester seule ou alors retourner en salle de vie pour regarder la télévision et passer la soirée avec les autres patientes. Ah et j'allais oublier, vers 21h40 on vous propose une tisane et pour celle qui n'auraient pas tenues leurs engagement on leur donne une dernière collation. Est-ce que j'ai été assez clair ? »
Delphine ne s'attendait pas à autant de règles, de conduites à suivre et de protocoles aussi rigides. Elle était un peu perdue par cette vague d'informations qui venait de déferler sur elle.
« Ca fait beaucoup de chose à retenir d'un coup » dit-elle en riant.
« Ne t'en fais pas. Toutes les filles disent la même chose à leur arrivée mais très vite cela deviendra une routine quotidienne et tu n'y penseras plus. »
Delphine était perdue dans ses pensées.
« Delphine, tu es avec moi ? » Demanda Cosima tout en souriant.
« Oui oui ! » Répondit-elle amusée.
« Le naturelle revient vite quand tu es stressée on dirait. Bien, alors je vais te laisser. Marie va te conduire dans la salle de vie afin de te présenter aux autres patientes et te donner une collation. »
Une jeune femme brune, entra dans la chambre et demanda à Delphine de la suivre.
« Je suis Marie, une aide soignante. Ne t'en fais pas, tout va bien se passer. Je sais que ça peut te faire peur mais tu vas très vite t'habituer à ce nouvel environnement. »
Par chance, Delphine avait la chambre située juste à côté de la salle de vie et des douches.
La salle de vie n'était pas bien grande. Elle se composait de trois tables installées en U, d'une grande télévision accrochée au mur et de quelques fauteuils au fond de la salle. Elle n'était pas austère mais pas chaleureuse non plus. A cet instant précis, Delphine pris conscience qu'à partir d'aujourd'hui, cet endroit était sa nouvelle maison. Son nouveau chez soi. Elle ne savait pas pour combien de temps elle allait devoir vivre ici, entourée de médecins, infirmières, aide soignantes…
« Les filles je vous présente Delphine, elle vient d'arrivée. Je vous demande de bien l'accueillir ».
Contrairement à ce qu'elle avait pu imaginer, il n'y avait pas beaucoup d'autres patientes. Elles étaient à peine cinq attablées.
« Les autres filles sont en sortie cet après-midi. Elles devraient rentrer vers 18h » déclara une jeune fille blonde entrain de manger une tartine.
Le reste de l'après-midi sembla durée une éternité pour Delphine. Elle avait tout de même réussi à casser sa carapace de jeune fille fragile et timide pour se rapprocher des quelques filles présentes. Elle s'était même nouée d'amitié avec deux d'entre elles, arrivées il y a tout juste une semaine.
« Delphine, je peux te voir ? »
Delphine tourna la tête pour voir d'où venait cette voix et vit Cosima, accoudée dans l'ouverture de la porte, un dossier à la main.
Cosima l'emmena dans sa chambre.
« Si je t'ai demandé de me suivre c'est pour te faire un électrocardiogramme afin de savoir quelles sont tes constantes cardiaques. »
Même si la demande semblait claire, Delphine resta planté droit comme un I devant l'infirmière.
« Je ne sais pas si tu le sais, mais ce n'est pas en restant ainsi que je vais pouvoir t'analyser » dit Cosima en éclatant de rire.
Delphine sentie ses joues rougir. Non pas de honte mais d'intimidation. Oui, Cosima, cette jeune femme brune au regard envouteur, l'intimidé. Elle se surprenait à perdre tous ses moyens en sa présence.
« Si tu veux bien enlever ton haut et t'allonger sur ton lit, je pourrai commencer les examens ».
Delphine s'exécuta en essayant de cacher au mieux son corps dénudé.
« Je préfère te prévenir, j'ai les mains froides et les électrodes le sont aussi » dit Cosima d'un air amusé.
Délicatement, Cosima posa les capteurs sur le corps de Delphine. Aux contacts des ses mains, Delphine se surpris non pas à sursauter mais à frissonner. Ce n'était pas un frisson lié au froid mais à un sentiment profond qu'elle n'arrivait pas à identifier.
Doucement, elle suivit du regard les mains de l'infirmière. Au départ posé sur ses mollets, elle les voyait remonter doucement pour se poser sur sa poitrine.
« Je te met les trois derniers et l'on pourra commencer. »
Delphine ne savait pas quoi répondre. Elle était comme paralysée ou plutôt subjuguée par ce toucher. Cosima ne faisait rien d'autre que de poser des petits capteurs à des poings stratégiques du corps. Il n'y avait là aucun geste déplacé, et pourtant, Delphine en était toute retournée.
« On va pouvoir débuter. Je vais te demander de ne plus bouger pendant que je prends tes constantes. »
Observant les résultats, Cosima ne remarqua pas les yeux de Delphine qui l'observer de haut en bas. Vêtue d'un blouse blanche, Cosima intriguait la jeune femme par son allure de scientifique déluré. Dreadlocks et une paire de lunette peu conventionnelle…Cosima n'avait rien avoir avec l'archétype que l'on se fait d'une infirmière de nos jours.
« Pour te rassurer, il n'y a rien d'alarmant ce qui est surprenant au vu de ton BMI actuel. »
Delphine sursauta à ces paroles. Perdue dans ses pensées, elle ne s'était pas rendue compte que l'infirmière avait fini son examen. Prise au dépourvu, elle ne sue que répondre et se contenta d'un léger sourire.
« Tu peux te rhabiller tu sais ! » Dit-elle en riant.
Gênée, Delphine remis son haut et passa une mèche derrière son oreille.
« Je vais te laisser maintenant. A toute à l'heure Delphine ! » Dit-elle en terminant sa phrase par un petit clin d'œil taquin.
A 18h, en parfait petit soldat, Delphine sortie de sa chambre et alla chercher son traitement. Dès lors, elle était cloitrée dans la salle de vie jusqu'à ce qu'on lui autorise à la quitter. Contrairement à son arrivée, la salle était remplie de jeunes filles. « Les filles sont s'en doute rentrée » pensa t-elle. En une fraction de secondes, elle sentie sur elle huit paires de yeux la fixer.
« Bonjour, je m'appelle Delphine. Je suis arrivée cet après-midi. »
Dès lors, les autres patientes se présentèrent les unes après les autres. Claire, Ludivine, Amandine, Ingrid…tant de noms à se souvenir en un instant. Tant de visages à mémoriser en une seule journée. A ce moment précis, Delphine se demanda combien de jour allait lui être nécessaire pour emmagasiner tout cela.
« Cela te dérange si je m'installe ici pour manger ? »
Delphine leva les yeux de son plateau et vis Cosima qui lui souriait.
« Aucun problème » dit-elle d'une voix à peine audible.
Delphine pris un instant et observa ce qui se passait autour d'elle. Dans une ambiance chaleureuse et familiale, patientes et personnel médical mangeaient tout en discutant de la pluie et du beau temps. La télévision affichait un jeu télévisé qui servait d'appuis pour lancer des discutions.
« Tu n'es pas très bavarde. Tu préfères la solitude peut-être ?» Demanda Cosima.
« Non, c'est juste que je me sens un peu perdue et seule au milieu de tout ce monde. Et même si je parle assez bien l'anglais je dois avouer que j'ai un peu de mal à suivre. »
« Tu n'es plus seule maintenant. Je suis là regarde ! Et pour l'anglais ne t'en fais pas…si tu me donnes des cours de français alors je pourrai peut être t'aider un peu en anglais. »
Comme à son habitude, Cosima avait un sourire sur le visage. Delphine ne l'a connaissait que depuis quelques heures mais elle avait l'impression d'avoir réussi à percer une partie de la personnalité de Cosima. Cette femme était la joie de vivre réincarnée. Jamais en cette journée, elle ne l'avait vu triste ou pensive. A chaque regard, Cosima affichait l'un de ses plus beau sourire et semblait heureuse de vivre. « J'aimerai tant retrouver ce sentiment » pensa Delphine.
Le reste du repas se passa dans la joie et la bonne humeur. En dehors des blouses blanches que portaient les infirmières, l'ambiance faisait plutôt penser à une joyeuse colonie de vacances qu'à un milieu hospitalier.
Lorsque Cosima annonça au reste du groupe que Delphine venait de France, l'attention jusqu'alors détourné était revenue sur Delphine. Des questions fusées de toutes parts et Delphine ne su bientôt plus où donner de la tête. Cependant, cette élan de curiosité l'aidait à se sentir acceptait par le groupe ou tout du moins, elle réussissait à imaginer cette possibilité. Elle en oubliait la présence de l'infirmière qui prenait son repas juste à côté d'elle.
Quand Cosima quitta la table pour débarrasser son plateau et commencer le compte rendu des plateaux - patients, Delphine eut un petit pincement au cœur. Elle était déçue ce moment de proximité ne dur pas plus longtemps. C'était la première fois qu'elle s'attachait aussi vite à une personne d'autant qu'elle ne la connaissait que depuis quelques heures. Pourtant, à cet instant précis, elle se mit à imaginer une autre journée en sa compagnie. Le reste des soignants avait l'air également sympathique mais quelque chose chez cette fille, cette femme, l'intriguait plus que de raison.
« Tu fais quoi sinon dans la vie Delphine ? » Demanda Claire, une jeune fille brune à l'allure chétive.
« Je suis étudiante en dernière année de communication. Enfin, j'étais étudiante ! J'ai arrêté mon année en décembre à la vue de mon état de santé. Et toi ? »
« Si tout va bien je commence une formation en école d'infirmière à la rentrée de septembre ! J'ai hâte ! »
Médecin, professeur, infirmière, journaliste…tant de métiers, tant de rêves mis en suspend à cause d'une maladie sournoise. Certaines personnes disent que ce n'est pas du temps de perdu. Que la guérison nécessite du temps et que la patience est de mise. Pour Delphine, cette philosophie sonnait faux. En acceptant de se faire hospitaliser, elle s'était résolue à l'idée qu'à la rentrée, elle ne pourrait toujours pas reprendre ses études et qu'elle était partie pour perdre une année de plus. A cela s'ajouter les difficultés de la vie quotidienne et les tracas d'adolescentes.
« Qui n'est pas là ce week-end ? » Demanda Cosima à l'ensemble des patientes.
A tour de rôle, Ludivine, Amandine et la plus part des restes des filles levèrent la main en affichant un sourire. Seule, Ingrid, Elise, et Delphine, restaient le bras baissé.
« On sera donc en petit comité pendant deux jours. C'est bien, ce sera plus intime ainsi ! » Affirma t'elle d'un regard malicieux.
« Oh vous dites ça mais l'on sait très bien que l'on va vous manquer quand nous serons parti » répliqua Claire amusée.
« Qui sait, je vais peut-être profiter de cette accalmie pour me faire plaisir avec les autres patientes ! »
Le reste du groupe rebondi sur cette phrase qui fit naître de nombreuses questions et supposition envers l'infirmière.
Très vite, Delphine s'était aperçue que Cosima été très appréciée par l'ensemble des autres filles. Elle avait cette faculté d'être à l'écoute, proche des gens tout en restant professionnelle. Pour beaucoup, elle était comme une grande sœur à qui il était facile de se confier malgré son statut de blouse blanche. En effet, contrairement à ses consœurs, Cosima ne prenait pas ses patients de haut et les considérait comme des individus à par entière.
Malgré cette convivialité, Delphine n'avait pas l'esprit à la fête et très vite, après la période d'attente obligatoire, elle regagna sa chambre. C'est alors, seule, allongée sur son lit qu'elle s'effondra. Toute l'appréhension de la journée, le stresse ainsi que toutes les émotions jusqu'alors contenues, éclataient au grand jour. Et c'est à bout de force qu'elle sombrât dans un sommeil lourd et tumultueux.
6h15. Le soleil perçait déjà le bout de son nez et éclairait légèrement la chambre mal protégée des rayons du soleil. A son étonnement, elle avait bien dormi et se sentait en pleine forme pour affronter cette journée. C'est donc avec un certain engouement qu'elle se leva pour se préparer.
A 7h30, la porte s'ouvrit et laissa entrer l'équipe médicale pour les examens matinaux.
« Bonjour Delphine ! On ne se connaît pas encore je crois. Alors moi c'est Mariel, une infirmière. »
« Bonjour ! »
« Bien dormi ? » Demanda Virginie, une aide soignante.
« Étonnamment, très bien merci ! »
Dès lors, Delphine commença une batterie d'examens matinaux qui deviendront très vite un rituel parmi tant d'autre. Tension, pulsation cardiaque, glycémie, température…tout un nombre de constante servant à établir l'état de santé au réveil. Par chance, Delphine était dans un état aussi bon qu'il puisse être dans sa situation.
Au petit déjeuner, Delphine appris qu'elle commençait aujourd'hui sa rationalisation. Entendons par là, qu'à partir d'aujourd'hui, elle devait lire, signer pour enfin suivre un « contrat » calorifique. Pour faire simple, l'infirmière lui présenta une feuille sur laquelle était indiquée ce que Delphine devait manger aujourd'hui tout au long de la journée. A la vue de celui-ci, Delphine sentie son cœur battre la chamade. Elle avait peur. Des suées froides coulées le long de son dos. Ses mains devenaient moites et l'anxiété prenait le pas sur sa bonne humeur de début de mâtinée. Elle se posait tout un tas de question, « que se passerait-il si elle n'arrivait pas à respecter ce contrat ? Que penserait sa famille, ses amis si elle échouait ? » Depuis quelques mois, Delphine s'était auto définit comme étant une personne faible, sans aucune volonté et que si elle en était arrivée là, c'est qu'elle le méritait. Sans s'en rendre compte, elle avait perdu toute confiance en elle. Elle n'était plus que l 'ombre d'elle même. Ses proches ne la reconnaissait plus et elle même avait du mal à se reconnaître face à un miroir.
« Ce n'est qu'un morceau de papier. Tu viens d'arrivée et l'on peut comprendre que tout ceci te semble difficile et insurmontable mais tu verras, si tu suis nos directives tout se passera bien. »
C'est donc, la peur au ventre, que Delphine inscrit son nom au bas de la page. Après tout, si je suis ici c'est pour me soigner se convainc t'elle.
« Bonjour tout le monde ! » C'était Cosima, toujours aussi rayonnante, qui été arrivée.
Elle était de l'après-midi mais avait préféré arrivée plus tôt afin de régler quelques problèmes au sein du service.
« Vous allez bien ? »
Dans un brouhaha général, toutes les filles se mirent à répondre en même temps. Cosima s'aperçue cependant qu'une d'entre elle n'avait pas prêtée attention à son arrivée. Elle n'avait pas levé la tête de son plateau et semblait perdue dans ses pensées.
« Quand je vous disais que l'on vous manquait quand vous n'êtes pas avec nous ! Vous commencez à 14h mais vous êtes déjà parmi nous à 9h. » Déclara Claire.
Pour seule réponse, Cosima fît un clin d'œil et partit en direction du bureau infirmier.
