Ce matin, je n'ose pas me réveiller. Je me sens faible, ma tête me tourne... et je suis terrifiée. Aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres. D'habitude, la moisson ne m'effraie pas le moins du monde mais, cette année à lieux la première expiation. Je ne sais pas à quoi m'attendre ni combien seront les tributs dans l'arène. Tout ce que je sais, c'est que cette année ma soeur est éligible et mon frère aussi. C'est la dernière année de moisson pour mon grand-frère, Sébastian et c'est également la toute première fois que ma petite soeur, Emily, va mettre son nom dans l'urne. Je suis moi-même inscrite sur deux morceaux de papiers. Ça me fait à peu près quoi ? Deux chances sur je ne sais combien d'être tirée au sort ! Et pourtant, j'ai un mauvais pressentiment. Et si Emily était tribut ? Et si Sébastian l'était aussi ? Supporterais-je de les voir tous les deux dans l'arène ? Et si c'était moi, contre mon frère ? Et si c'était moi, tout simplement ? Pourrais-je tuer d'autres enfants pour sauver ma peau ? Cette idée ne m'enchante pas vraiment, mais oui. Si je devais tuer pour espérer revoir un jour ma famille, je le ferais sans hésiter. C'est sur cette dernière horrible pensée que je consens enfin à me lever. Je me dirige vers la penderie et prend vite fait un débardeur noir et un jean. J'enfile tout cela en vitesse, puis essaye en vain de coiffer ma tignasse brune. Comme d'habitude, ma brosse reste coincée dedans et je mets dix minutes au moins à me battre avec elle. Lorsque j'arrive enfin à l'enlever, je la repose de peur de m'arracher encore plus de cheveux et tente d'aplatir ceux-ci avec les doigts. Peine perdu ! C'est après cet échec que je descends enfin à la cuisine où ma mère prépare le petit déjeuner. Comme tous les matins, je suis la première levée.
- Hunter ! Déjà réveillée ? Demande ma mère d'une petite voix aigüe.
Je lui connais bien ce ton. C'est celui qu'elle emploie lorsqu'elle est inquiète. Je lui adresse un léger sourire auquel elle répond non sans peines avant de se replonger dans ses pancakes. Je remarque alors que ses mains tremblent. Je n'aime qu'elle se face du soucis mais, après tout, tous ses enfants sont en danger de morts. Cela ira mieux ce soir, quand nous rentrerons tous les cinq à la maison, je pense, pleine d'espoir.
La cuisine se remplie vite. Je suis assez différente des autres membres de ma famille. Seb, Em et ma mère sont tous les trois blonds aux yeux verts alors que moi j'ai les mêmes yeux verts, mais je suis brune, comme mon père. Celui-ci fait d'ailleurs son apparition.
- Bonjour tout le monde ! S'écrit-il joyeusement.
Contrairement à ma mère, mon père n'est pas du tout inquiet à propos de la moisson. Ce serait même un honneur pour lui que l'un de ses enfants participe à la toute première expiation. Mon frère aurait ses chances. Il est grand, musclé, fort et sait manier une arme. Em et moi, par contre, c'est autre chose. Nous sommes toutes les deux petites et maigres. Elle plus que moi. Nous n'aurions aucune chance. Mon père plaisante souvent sur nos physiques mais, je sais qu'au fond, il pense vraiment ce qu'il dit. Ici, au district un, district du luxe, les tributs sont appelés tributs de carrières, tout comme les tributs des districts deux et quatre. Et moi, je n'ai rien d'une carrière. De plus, je ne suis pas particulièrement douée avec une arme. Ces idées me hantent toute la matinée, pendant mon jogging, mon dernier entrainement au centre et pendant toutes mes activités quotidiennes. Ces pensées désagréables me trottent encore dans l'esprit lorsque je me prépare pour la moisson. J'enfile distraitement la robe que ma mère m'a sortie mais ce n'est qu'une fois que je l'aie enfilée que je me rends compte à quel point elle est belle ; C'est une robe blanche, cintrée au niveau de la taille par un ruban gris clair et dotée de bretelles incrustées de minuscules pierres précieuses grises également. Je ne voudrais pas me vanter mais, dans cette tenue, je me trouve magnifique.
-Elle te plait ? Me demande ma mère, dans mon dos. Je l'aie faite moi-même ! Ajoute-t-elle, fièrement. Ta soeur a la même.
Puis, elle entreprend de m'observer sous toutes me coutures. Elle s'attarde quelques minutes sur mes cheveux avant de prendre ma brosse pour me démêler tout ça. Quelques minutes plus tard, ce sont des mèches brillantes et disciplinées qu'elle laisse retomber dans mon dos. Je m'observe un bon moment dans la glace avant de me retourner pour lui offrir mon sourire le plus sincère. Elle me le rend et ajoute un " je vais voir si Emily s'en sort" avant de quitter la pièce les larmes aux yeux.
Je soupire et m'observe une dernière fois dans le miroir. Mes cheveux sont attachés en demi-queue et paraissant beaucoup moins longs que ce qu'ils ne le sont mais, je les préfère comme ça. Puis, je descends dans l'entrée mettre des chaussures achetées tout spécialement par mon père pour l'évènement. Elles sont parfaitement assorties à ma robe. Puis j'attends patiemment que les autres daignent me rejoindre pour que nous puissions enfin nous mettre en route. Ils arrivent très vite et je remarque que nos tenues à tous les trois sont assorties.
Il est quatorze heures piles lorsque je m'identifie et prend place avec les filles de mon âge. Elles ont toutes l'air tout aussi stressées que moi, à la seule différence que c'est de l'excitation qui se lit dans leur regard et non de la peur.
Je me tourne vers l'estrade où une jeune femme s'avance. Elle à l'air ridicule avec ses cheveux bleus et argentés qui lui tombent en dessous des genoux, ses chaussures en peau de serpent et à talons compensés très hauts et sa robe bustier bleu métallique. En y regardant de plus près, je crois bien que c'est du métal ! Elle nous sourie de toute la blancheur de ses dents parfaites avant de nous informer d'une voix suraigüe qu'elle va nous passer un film qui nous vient tout spécialement du capitole. Je ne le regarde même pas. Je m'intéresse plutôt aux personnes assises derrière la dame du capitole. Il y a d'abord le maire, au côté de notre chef des pacificateurs qui lui-même se tient à côté d'une jeune femme absolument magnifique. Je la reconnais directement. Il s'agit d'Essence. La gagnante des quatorzièmes hunger games. Elle avait alors seize ans et avait tué son dernier adversaire en lui arrachant les membres uns à uns à l'aide d'une pince géante.
Le film est à présent terminé et la dame du capitole se dirige vers les deux urnes en annonçant :
- On commence par les demoiselles !
Avec un sourire, elle s'empare du premier papier qu'elle voit, et là, mon coeur s'arrête net. Je vois tous les visages se tourner vers moi. C'est comme si la scène se passait au ralentis, repassant sans cesse dans ma tête. Mon coeur se remmet à battre, mais beaucoup trop fort. Ma respiration est rapide, saccadée et plus difficile que jamais. J'imagine déjà les autres tributs me mettre en pièce puis me laisser entre les mains de l'hovercraft qui me ramasserais comme si je n'étais qu'une vulgaire poupée en chiffon. J'ai envie de crier, de pleurer. Mais je n'en faits rien.
- Hunter Blacks ? Répète la dame, un peu plus fort cette fois-ci.
Je m'approche lentement, ne laissant rien paraître de mes sentiments. J'affiche un visage indifférent et me tiens droite. Lorsque j'arrive à sa hauteur, la dame du capitole me serre dans ses bras, tout sourire, et s'empresse de tirer au sort le tribut mâle qui m'accompagnera dans l'arène.
- Emery Miller !
Un garçon assez grand mais pas trop musclé s'approche. Il est plutôt mignon. C'est étrange que je ne l'ai jamais remarqué au centre d'entraînement. Il se place à mes côtés, le visage de marbre.
- Trrrès bien ! Y a-t-il des volontaires ?
Je croise intérieurement les doigts. Après tout, nous sommes les carrières et il est rare qu'il n'y est aucun volontaires. Je suppose qu'ils ont tous un peu peur de l'expiation puisque je ne vois aucune main se lever. Je me force de ne pas laisser paraître mes sentiments. Mes nouveaux futurs adversaires vont bientôt voir la rediffusion et je ne veux pas qu'ils décèlent la moindre trace de faiblesse sur mon visage.
- Dans ce cas, joyeux hunger games, et puisse le sort vous être favorables ! Chantonna-t-elle en se tournant vers nous. Serrez-vous la main s'il vous plaît.
Je regarde mon partenaire dans les yeux et lui serre la main. Tout comme moi, il ne laisse pas une seule expression traverser son visage. Je n'imagine pas du tout un garçon aussi grand que lui avoir peur mais, tout est possible.
- Trrrès bien ! Continue la dame. Il est grand temps pour moi de vous annoncer en quoi consistera la première expiation ! Monsieur et Mademoiselle les tributs, je vous annonce que seul l'un d'entre vous aura la chance de rentrer dans l'arène ! L'autre va quitter les jeux dès maintenant, dans un combat qui aura lieux sur cette scène !
Du coin de l'oeil, je vois les personnes assises au fond prendre leurs chaises et s'en aller, la dame du capitole fait de même et ajoute, le sourire jusqu'aux oreilles :
- Vous pouvez commencer !
Je n'ai pas le temps de faire un mouvement que j'entends déjà le sifflement d'une lame tout près de mon oreille.
