Réponse au défi du tableau du fairiesfans et plus particulièrement à celui d'Alice-Erylis ;)...
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La marchande d'embruns
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Juvia est une nageuse. Juvia est une nageuse qui vit de la pluie, de la rosée, du chlore et des embruns, mais qui ne peut pas décemment en vivre.
Alors Juvia travaille dans une parfumerie. C'est joli, tous ces petits flacons roses et jaunes où danse la mer prisonnière d'une bouteille, et puis ça chante des petits cris brumeux lorsqu'elle s'échappe. Juvia aime bien ça, aider à se libérer les parfums, pour leur donner une nouvelle vie dehors. Juvia trouve que c'est le plus beau métier du monde.
La clochette de la parfumerie carillonne. C'est une cliente, aussi Juvia relève la tête de sous les étagères. Elle quitte les poissons rouges imaginaires et rejoint les réels, dehors dans l'air, qui s'asphyxient. Juvia trottine vers l'arrivante. Elle doit les aider. Ils étouffent, les pauvres, et ils ne le voient même pas.
C'est une grande femme sévère dans un trench blanc. Elle arbore une frange brune, stricte et droite, et ses cheveux lisses et sans vague sont éloignés par un serre-tête immaculé. Elle perd son souffle, ça se voit, dans cette froideur contrôlée et ce maintien d'elle-même. Elle vient pour un peu de parfum, mais elle recherche une porte de sortie. Elle veut une goulée d'eau salée avec des fleurs par-dessus, et du sable, et du vent, pour évader son cœur.
-Vous désirez ? demande délicatement Juvia.
-Non, je regarde juste.
Juvia sait que c'est faux. La femme est immobile mais elle veut fuir. Sa bouche dit qu'elle ne veut pas d'aide mais ses gestes hurlent un appel au secours.
Alors Juvia attend, qu'elle passe, là, entre les rayonnages.
Et la femme revient.
-Finalement, vous pourriez peut-être me conseiller s'il vous plait ?
Juvia s'aperçoit que la brune a une odeur, une odeur légère mais présente, qui l'emplit toute entière et l'obsède. C'est celle du sel, comme la mer, du fer, comme le temps, du sang, comme la fuite. Juvia s'agite et se déstresse, et hume sa détresse avant de se diriger vers un point du magasin qu'elle connait bien.
Elle sait ce que sa cliente recherche.
-C'est un parfum alternatif, s'étonne la femme au trench.
Dedans, il y a la mer en bouteille. Sans cette petite odeur de poison et de poisson qui décante, mais plutôt celle des algues cuisinées avec beaucoup d'amour, du soleil, de la brise et de l'écume et des vacances où Juvia plonge la tête la première dans les rouleaux. Le flacon rapporte tout ça, la tempête qui emporte les épices et les étoffes, et le bois flotté que rapporte le reflux sur la grève, une fois le calme revenu. Juvia tend l'objet sculpté en forme de déferlante à sa jeune brune au visage abîmé de détresse.
Et la femme accepte. Elle vaporise le spray d'alcool sur sa main, et hume la mer. Alors elle regarde la vendeuse comme si elle était folle.
Et puis elle vient jusqu'au comptoir, et elle l'achète.
