Une simple question de volonté ?

Chapitre I

« Remords Posthumes »

Il aurait bien aimé pouvoir se lever mais le plafond de la cellule était bien trop bas pour le lui permettre. Dommage. Bah, de toute façon, il n'était pas sûr de pouvoir y parvenir. Les dalles crasseuses sous lui étaient glacées puis soudainement brûlantes. Merveilles de la fièvre… Bientôt elle l'aurait consumé et alors tout serait enfin fini.

S'il n'avait pas été aussi stupide, s'il n'avait pas été aussi fier, s'il n'avait pas été si Malefoy, nul doute que tout aurait été différent mais il s'en foutait complètement à présent.

Les pierres émettaient une espèce de lumière verdâtre, juste suffisante pour produire suffisamment d'ombres et lui permettre d'avoir conscience de son état. Ombres fantomatiques qui dans son délire ne pouvaient qu'être bien plus effrayantes que le noir total. Sa respiration était hachée et beaucoup trop rapide, par moment un spasme plus violent que les autres manquait de le faire s'étouffer. Bientôt il n'arriverait plus à recracher le sang qui persistait à s'échapper de ses poumons en feu et alors…

Dans un grimacement il approcha sa main de son visage, juste assez près pour observer avec un macabre intérêt l'étrange spectacle de ses doigts tordus, de chacune de ses phalanges rompues. Pour qu'il soit dans l'incapacité de tenir une baguette. Macnair était vraiment un artiste à sa manière. S'il en avait été encore capable il aurait certainement ri du paradoxe que constituait l'amour porté par les Mangemorts aux méthodes moldues « d'interrogatoire ». Il se souvint brusquement l'avoir fait remarqué à son père, il y avait longtemps, quel âge avait-il alors ? Sept ans ? Huit ans ?

Son regard s'attarda sur la marque noire logée sur son avant-bras gauche, elle pulsait, participant avec joie au cortège de douleurs qui parcouraient tout son corps. Cette fois-ci, il ne put s'empêcher de rire, un rire grotesque aussitôt stoppé par une quinte de toux. Ouais, le véritable paradoxe c'était bien de crever Mangemort à la manière moldue des mains de Mangemorts.

Bon, il y avait bien eu les doloris aussi mais c'est qu'il était un vrai Mangemort formé par son papa depuis son plus jeune âge et à force, il avait fini par s'y habituer. Non qu'il ne ressentait pas la douleur, fallait pas être ridicule non plus, c'est pas pour rien que les autres glandus du ministère les appelaient « sortilèges impardonnables », mais la douleur, à force, on finissait par s'y habituer.

Provisoirement. Pas besoin d'être Trelawney pour connaître le vainqueur.

Oui, bientôt ce serait fini… Sauf s'ils en décidaient autrement et qu'ils revenaient mais ça il préférait ne pas y songer. Nouveau spasme. De longues secondes avant de reprendre sa respiration tandis que ses côtes en miettes se signalaient amicalement à son cerveau. Cerveau qui jugea bon de tenter la fuite vers le flot de souvenirs embrouillés qui se bousculait près de lui. Poudlard évidemment. Sans faire dans les clichés, faut reconnaître qu'il avait aimé ses années de collège. Prince des Serpentards… Tous se retournant à son passage et lui répondant ainsi aux attentes de son cher Père. Qu'est-ce qu'il avait pu être con. Six années, non cinq, tranquilles. Pratiquement suffisamment éloigné du manoir Malefoy.

Sauf que comme de bien entendu cela n'avait pas duré. Pouvait-il désormais qualifier cela de revers du titre de Prince ? Même pas. Il avait toujours su qu'elles étaient les contreparties et il n'avait pas été bête pour ne pas voir que chaque confrontation de Saint-Potter avec le Maître des siens était un prélude de plus à la future guerre.

Evidemment, il n'était pas retourné à Poudlard l'année suivante et n'avait eu qu'une maigre consolation: personne à vrai dire n'y était retourné. Le déclenchement de la guerre dans le mois qui avait suivi la mort de Dumbledore avait étrangement fait passer au second plan des projets d'éducation centrés sur les BUSES et autres ASPIC. La plupart des élèves étaient passés directement aux travaux pratiques, gonflant les rangs de l'armée du ministère nouvellement constituée. Ces abrutis avaient été incapables de s'imaginer que le Lord pouvait avoir autant de partisans et il était apparu que les vieux de la vieille, pères et mères de famille, regroupé dans leur superbe « Ordre du Phénix » n'étaient pas en nombre suffisant. Alors au mieux, ils avaient peuplé le rang des officiers, puis les affrontements et le renouvellement des cadres qui en découle nécessairement avaient achevé de brouiller la donne.

Au bout du compte, eux comme lui n'étaient que des gosses qu'on avait armé au plus vite et jeté sur un champ de bataille. Sauf que bien sûr, lui il était de l'autre côté. Mais quelle était la différence ? Une autre pseudo tentative de rire, ricanements qui se muèrent une nouvelle fois en une douloureuse quinte de toux. Il se souvint alors avoir ri, au début, en imaginant Weasmoche en uniforme, peut-être même tricoté par sa mère puis Blaise avait relancé sur l'image de Granger perdue sans ses livres… Mais là il n'avait pas ri et avait dû enchaîner très vite sur le Balafré pour que l'autre ne s'aperçoive de rien.

Un craquement ? Une onde de lucidité qui soudain le ramène à une cave gelée, des jambes inutilisables, un torse lacéré, une marque désormais pour lui abjecte et à un regard. Ce regard qui à son tour lui rappelle le jour et les deux nuits les plus longs mais aussi les plus honteux de toute son existence. Cette lâche attente dans la chaleur moite, engoncé dans l'un des fauteuils de sa chambre contemplant le lit dans lequel il ne dormait plus depuis l'âge de douze ans. Un jour et deux nuits. Le temps qui lui avait été nécessaire pour se décider. Un jour et deux nuits. Le temps à cause duquel il était normal que cela finisse comme ça. Mais la douleur qui traversait chacun de ses membres pouvait-elle simplement suffire à expier les fautes de son âme ? Et le désirait-il seulement ?