Chapitre 1

Surprise !

Comme tous les matins, Sumire râla quand son réveil sonna. Elle l'éteignit d'une grande tape qui manqua l'envoyer valser par terre et s'étira en bâillant à s'en décrocher la mâchoire. Il faisait bien chaud sous sa couette et elle n'avait pas envie d'aller dans le froid, mais il le fallait. Elle se leva donc et, comme tous les matins, son premier réflexe fut de se coller contre le poster grandeur nature de Yamapi torse nu qui était accroché sur le mur face à son lit. Elle sourit d'un air charmeur, l'embrassa sur les lèvres, lança son habituel « bonjour chéri, tu as bien dormi ? », puis éclata de rire, fit une pirouette et s'approcha de son armoire pour prendre ses vêtements. Elle savait que c'était idiot, mais c'était son rituel du matin comme d'autres faisaient de la gymnastique avant d'aller prendre leur douche. Elle en sortit sa tenue du matin, puis quitte la pièce et va à la salle de bain en chantonnant « One in a million ».

Une fois la porte refermée, le silence retomba sur la petite pièce.

Tous les matins, c'est le même cirque… pensa Yamapi accroché sur son mur. Ca devient d'autant plus lassant que je suis réduit à l'impuissance moi, là. Je peux pas réagir du tout. Ni bouger, ni chanter, ni parler, même quand elle massacre « loveless ». Quelle plaie d'être un simple morceau de papier…

Il regarda avec désespoir le bazar laissé par la jeune fille et, s'il l'avait pu, en aurait secoué la tête de désespoir. D'autant qu'il voyait ça tous les jours depuis des années et avait l'impression que ça empirait avec le temps.

Comment une fille peut-être aussi bordélique ? Elles sont toutes comme ça ? En tout cas, pour Sumire, c'est catastrophique. Je me demande même comment elle arrive à retrouver quoi que ce soit dans ce foutoir…

Soudain, dans un éclair de lumière, un petit être apparut devant les yeux de Yamapi. Un petit être qui ressemblait à s'y méprendre à une fée.

- Alors, Yamashita Tomohisa, comme ça tu en as assez de n'être qu'un poster ? demanda-t-elle d'une voix fluette en rapport avec sa taille. Je peux arranger ça si tu veux.

Hein ? pensa alors Yamapi, stupéfait. C'est quoi ce délire ?

- Bien sûr, ce souhait ne durera pas éternellement, mais je peux te faire sortir de ce poster pour que tu deviennes vivant, reprit la fée. Le veux-tu ?

C'est comme si vous demandiez à un affamé s'il veut manger, pensa Pi. Evidemment que je veux. Mais Sumire, comment va-t-elle réagir quand elle va revenir ?

- C'est aussi ce que tu aimerais savoir. Je sais que tu t'es souvent demandé ce qu'elle ferait si elle te trouvait devant elle en chair et en os. C'est le moment de le découvrir.

Et sur ces mots, la fée prononça une formule magique. Aussitôt, la silhouette de Pi commença à se détacher du papier, puis à épaissir, de plus en plus, jusqu'à ce qu'il se retrouve avec les pieds fermement posés sur la moquette beige de la chambre de la jeune fille. Encore incrédule, il se toucha, pour vérifier qu'il était vraiment devenu vivant et qu'il pouvait réellement bouger, puis se tourna vers la fée pour la remercier, mais elle avait déjà disparu.

C'est alors que la porte s'ouvrit sur Sumire… qui s'immobilisa sur le seuil de la pièce, bouche bée et les yeux écarquillés. On aurait dit un poisson hors de l'eau. Elle passa d'ailleurs tellement de secondes à fixer sa totale nudité (merci AnAn), qu'un filet de sang se mit à couler de sa narine gauche sans qu'elle s'en aperçoive, car son esprit avait beugué comme un ordinateur, l'empêchant de faire le moindre mouvement.

- Sumire-chan, ça va ? s'inquiéta alors Yamapi, qui trouva que sa voix sonnait étrangement en vrai.

- Y… Y… Y… Y… Ya… Ya… bafouilla la jeune fille, complètement sous le choc.

Il haussa les sourcils et pencha la tête sur le côté sans comprendre, puis il s'approcha et elle poussa un cri (heureusement qu'elle était seule dans la maison), avant de regarder en l'air comme si elle allait trouver une réponse au plafond.

- POURQUOI Y'A YAMAPI A POIL DANS MA CHAAAAAAAAAAAAAAAMBRE ?

Ledit Pi, qui n'avait pas remarqué sa tenue, baissa alors les yeux et, comprenant enfin la réaction (du moins en partie) de son interlocutrice, vira à son tour au rouge écarlate et saisit la couette pour s'en couvrir.

- Ontoni gomen nasai (tr : vraiment désolé), s'excusa-t-il d'une petite voix. Je n'avais pas réalisé que… ano (tr : heu)…

Mais Sumire n'était manifestement pas encore remise du choc, car elle tendit une paume dans sa direction pour le faire "taire" et pouvoir réfléchir deux secondes.

Alors 1) mon poster est devenu réel 2) Yamapi est dans MA chambre 3) il est totalement à poil 4) il est totalement bilingue français… OK. Je suis totalement en train de rêver en fait. Mon réveil a pas sonné et je dors encore.

La jeune fille en était là de ses réflexions, quand une main se posa sur son épaule. SA main. Sumire sursauta comme une tarée.

- Ano… Gomen (tr : désolé) je ne voulais pas te faire peur. Je me demandais juste si tu pouvais… enfin je veux dire… je ne peux pas me promener comme ça, donc…

C'est alors que Sumire sembla réellement comprendre ce qui se passait. Ses yeux s'écarquillèrent et elle sortit à toute vitesse de la pièce en direction de la chambre de son frère, le cœur battant au moins à trois mille à l'heure et se répétant en boucle C'est pas un rêve, je suis bien réveillée ! Qu'est ce qui se paaaaaaaaasse ?.

Une fois dans la pièce, elle farfouilla dans l'armoire et en sortit des affaires au hasard. Si elle avait eu toute sa présence d'esprit, elle aurait cherché des vêtements qui aurait été comme un gant à la star, mais elle avait le cerveau déconnecté, donc elle ne pouvait pas. Tout aussi vite, elle rejoignit sa propre chambre, en craignant que Yamapi ne se soit évanoui dans les airs. Mais non, à son entrée, il était toujours là, aussi magnifique qu'avant.

Dans un geste digne d'un automate, elle lui tendit les vêtements, les yeux rivés malgré elle sur son corps aussi parfait que son visage.

- Arigato gozaimasu (tr : merci beaucoup), lui dit-il dans un sourire adorable. Par contre… tu pourrais te tourner ou sortir le temps que je me change ?

L'espace de quelques secondes, la jeune fille le regarda sans comprendre, puis réalisa et vira de nouveau à l'écarlate, avant de se retourner vite fait. Sauf qu'il n'avait pas fait attention au fait qu'il se trouvait devant un miroir.

Yamapi est en train de s'habiller dans ma chambre… C'est un truc de dingue… pensa-t-elle en ne perdant pas une miette du délicieux spectacle.

- C'est bon, annonça-t-il finalement.

Sumire se retourna au moment où il dégageait ses cheveux du col de la chemise qu'il venait d'enfiler par-dessus un t-shirt et déglutit péniblement en luttant pour ne pas pousser LE cri de la fangirl .

- A qui sont ces affaires ? demanda-t-il ensuite.

- A… mon frère, répondit son interlocutrice, pas encore remise.

- Alors j'ai de la chance que lui et moi fassions à peu près la même taille, dit-il en souriant.

Bon, la première chose à faire était de se calmer. D'essayer de comprendre les choses. D'être rationnelle… Enfin ça c'était plus facile à dire qu'à faire. On parlait de YAMAPI, quoi !

- Heu… je peux v… te demander comment tu es arrivé là ?

Bon, la grande question était posée et en plus, elle l'avait tutoyé. Elle le fixa (comme si c'était possible de faire autrement), se demandant ce qu'il allait répondre.

- Ah… Anooooo… C'est pas très important, je t'assure, dit-il dans un sourire désarmant. J'y suis, c'est le principal, ne ?

- Oui mais… heu… comment dire… Ben en fait c'est pas très no…

Elle s'interrompit en plein milieu du mot, car elle venait de remarquer quelque chose. Son poster. Son beau poster de lui, fait d'après le shooting de AnAn… Il avait disparu ! Est-ce que par hasard…

- Mais nan, c'est ridicule… murmura-t-elle pour elle-même. C'est totalement impossible… Il a dû tomber et c'est tout…

- Tu dis ? demanda-t-il en se rapprochant.

- Heu, non, rien du tout ! Tout va bien, tout va trèèèèèèèèèès bien ! se défendit-elle. Vite. Très vite. Trop vite.

- Si tu le dis, capitula Pi dans une petite moue peu convaincue. Qu'est ce qu'on fait maintenant ?

- Ben…

Le regard de la jeune fille se posa alors sur son réveil… et elle poussa un cri, totalement catastrophée.

- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! Baka que je suis ! Je suis en retaaaaaaaaaaard !

L'évènement du matin était tellement extraordinaire, tellement improbable, qu'elle en avait oublié qu'elle s'était levée pour aller en cours. Elle allait se faire tuer par le prof de géo et foutre d'elle par ses amis… et elle n'avait vraiment pas besoin de ça en plus du reste. En panique, elle attrapa son blouson et son sac. Elle se dirigeait vers l'escalier, quand la sensuelle voix du japonais l'arrêta :

- Anoooooooo… Tu me laisse seul ?

La jeune fille se retourna sur la silhouette de la star encadrée sur le seuil de sa chambre. Elle prit une photo mentale et respira de nouveau.

- Heu… Ben je vais au lycée là… dit-elle, très embarrassée.

- Je peux peut-être venir avec toi, ne ? Je n'ai pas très envie de rester seul dans une maison inconnue…

. Cette fois, son cri mental avait été violent. Pi avec elle à son lycée ? C'était… Mais elle n'avait plus le temps de réfléchir. Le temps pressait.

- Ok. Viens. On dira que tu es mon correspondant japonais.

- Correspondant ?

- Pas le temps de t'expliquer ! Grouille, je suis méga à la bourre ! dit-elle en l'attrapant par la main pour le tirer après elle dans l'escalier.

Sans le lâcher (pas folle !), Sumire se mit à piquer un sprint vers l'arrêt de bus et s'y arrêta, hors d'haleine. En se redressant pour reprendre son souffle, elle constata que lui ne paraissait pas du tout essoufflé malgré la course qu'ils venaient de faire. Est-ce que c'était parce que, à la base, c'était un poster ? D'ailleurs, est-ce qu'il respirait ? Voulant en avoir le cœur net, la jeune fille colla son oreille sur le torse de son compagnon au niveau du cœur… et constata que, oui, il respirait. Elle se redressa en constatant qu'il se tortillait, mal à l'aise.

- Anoooooo, qu'est ce que tu fais au juste ? demanda-t-il d'une petite voix gênée.

Heeeeeeeeeeeee ? La pauvre Sumire vira au cramoisi bien mûr. Elle ne s'était même pas rendu compte de la portée de ce qu'elle faisait tellement la curiosité avait été la plus forte.

- RIEN ! s'exclama-t-elle en reculant de deux bons pas. Rien du tout ! Ca… Ca va ! Tout va bien ! Tout est sous contrôle ! Je gère ! Pas de problème ! Ah ah…

Interpellé par un comportement dont il n'avait pas l'habitude (vu du poster, elle semblait moins bizarre que depuis qu'il était vivant), Yamapi pencha la tête sur le côté et la fixa, comme si ça pouvait l'aider à comprendre.

- Tu es sûre ? Tu as l'air plus étrange que d'habitude. Ca m'inquiète…

Et sur ces mots, il posa une main sur son front et l'autre sur celui de la jeune fille, craignant qu'elle n'ait de la fièvre.

Le brusque contact fit s'envoler le thermomètre interne de Sumire, qui recula d'un pas, au comble de la gêne… avant de percuter quelque chose.

- "Plus étrange que d'habitude" ? Comment ça "que d'habitude" ? demanda-t-elle en le regardant à nouveau.

Oups… Il en avait trop dis. Ca lui avait échappé et maintenant, elle allait forcément lui poser des questions.

- Anoooo… hésita-t-il en se passant une main dans les cheveux d'un air profondément embarrassé. Je suis perturbé, je confonds les mots. Ce n'est pas ça que je voulais dire…

Pitoyable tentative de détourner la conversation. Il était très mauvais en mensonges et il le savait. Il y avait 0,00000000000000000000000000000[…]1% de chance qu'elle le croit.

D'ailleurs, vu le regard qu'elle posa sur lui, même cette chance microscopique était chimérique. En effet, la jeune fille avait rapproché son visage du sien, étréci les yeux et mis les poings sur ses hanches.

- Yamashita Tomohisa, je te conseille de me dire la vérité… dit-elle d'un ton menaçant.

Elle avait l'habitude d'appeler les gens par leur nom ET prénom quand elle était mécontente et, en général, ce n'était pas bon signe pour la personne en question.

Plus qu'embêté, le japonais passa une nouvelle fois sa main dans sa superbe chevelure, détourna le regard et marmonna quelque chose qu'elle ne comprit pas.

- Tu dis ? J'ai rien entendu.

L'arrivée du bus bondé lui épargna la peine de répondre et il soupira de soulagement.

- J'en ai pas fini avec toi, lui chuchota-t-elle en passant devant lui pour monter dans le bus.

Ca, il n'en doutait pas.