Jeu de Dupes

Note de l'auteur : Bonjour à tous ! Me revoilà avec une histoire sur laquelle je planche depuis près de six mois et que je considère comme ma première fic à chapitres "construite", c'est-à-dire pas seulement une succession de one-shots relativement indépendants. (sans compter la première fic que j'ai postée sur ce site et que je préfère généralement oublier ^^') Bref, comme c'est la première fois que j'écris ce genre de choses, je voulais m'assurer d'avoir fini mon histoire avant de commencer à la poster, afin d'éviter incohérences et autres faux raccords. ;-) Je peux donc affirmer, cette fois réellement (les malheureux lecteurs de MusiQ comprendront), que je posterai un chapitre par semaine jusqu'à la fin de cette fic. Je ne dévoile pas le nombre total de chapitres, je vous laisse la surprise. ;-)

J'espère que cette histoire vous plaira, et que je n'aurais pas trahi à vos yeux l'esprit de la série, ce qui m'attristerait beaucoup...

Disclaimer : Les personnages principaux et leur histoire ne m'appartiennent pas mais sont au merveilleux Anthony Horowitz, que je remercie du fond du coeur pour sa formidable série. Par contre, le méchant est à moi (sinon ce n'est pas drôle).

Remerciements : Merci beaucoup à fidjet et à Gentiane94 qui m'ont soutenue dans mon projet et qui ont relu mon pavé avec un regard acéré mais bienfaisant. Coeur sur vous.

Avertissement : On ne se refait pas, cette histoire concernera principalement le couple Alex/Yassen, ceux qui ne l'apprécient pas sont les bienvenus tout de même, mais je préfère vous prévenir avant. ;-) De plus, cette fic aura une tonalité assez sombre, et certaines scènes pourraient choquer les sensibilités. Je préviendrais en début de chapitre, mais je préfère mettre les choses au clair dès le début. ^^

Sur ce, je vous laisse avec le premier chapitre et que votre lecture soit bonne !


Chapitre 1 : Infiltrés

À près de vingt-deux heures, Yassen se tenait dans une rue déserte du centre de Saint-Pétersbourg, devant la façade d'un hôtel particulier similaire à tous les autres du quartier. Les mains dans les poches de son manteau d'hiver, il s'avança lentement vers l'entrée. Il montra une carte au garde qui se tenait devant les portes battantes, et celui-ci s'effaça pour le laisser passer. Une fois dans le hall, l'assassin regarda à peine le grand escalier qui lui faisait face et bifurqua vers une porte plus petite, qui se fondait dans les moulures du mur. Il descendit les marches disposées en colimaçon qui se dissimulaient derrière et franchit une autre porte. Il pénétra dans une salle sombre beaucoup plus chauffée et beaucoup plus petite, à l'opposé de la grandeur des salles des niveaux supérieurs.

Après avoir déposé son manteau au vestiaire, Yassen traversa le sas d'entrée et fut aussitôt assailli par une forte odeur, mélange de sueur et de parfum, et par le bruit assourdissant des basses. Depuis la passerelle qui faisait le tour de la salle située légèrement en contrebas, il regarda la masse de corps qui s'agitait au son de ce qu'il ne se résoudrait jamais à appeler de la musique. À la vue de plusieurs hommes à la posture rigide et peu naturelle disséminés dans tous les coins, il sourit légèrement. Il ne faisait nul doute à un observateur attentif que quelqu'un d'important était présent ce soir. Dédaignant la piste de danse, où s'agglutinaient la plupart des fêtards, il scruta attentivement les banquettes qui se trouvaient autour.

Face à lui, de l'autre côté du club, l'une des banquettes en demi-cercle était occupée par deux hommes, visiblement pris dans une conversation enflammée. L'homme de droite, chauve et bedonnant, était penché en avant, et semblait expliquer quelque chose en agitant vivement ses mains. Même de là où il était, Yassen pouvait voir qu'il transpirait abondamment. L'autre homme, assis au milieu de la banquette, avait les jambes croisées nonchalamment, une main sur le dossier tandis que l'autre tenait un cigare dont la fumée épaisse l'entourait comme un halo sinistre. Tout dans sa posture indiquait l'assurance, à commencer par ce cigare qu'il n'aurait pas dû pouvoir fumer dans un lieu public, et même sans les quatre hommes se tenant presque au garde-à-vous autour de la table, Yassen n'aurait pas eu de mal à deviner de qui il s'agissait.

Serguei Kaplov. Un des plus grands pontes de la mafia russe, quoique le plus discret. Il avait su tisser sa toile avec une habileté qui lui permettait encore de sortir au grand jour. Au-delà du pouvoir qu'il détenait entre ses mains, l'homme lui-même était de surcroît extrêmement dangereux. Yassen se souvenait l'avoir vu dans la base de formation de Scorpia, lorsqu'il ne disposait pas encore d'une grande influence. C'était lui qui avait tué le précédent chef de la branche qu'il dirigeait actuellement depuis près de dix ans. D'après ce que l'assassin pouvait voir depuis son poste d'observation, l'homme qui allait bientôt avoir cinquante ans n'avait rien perdu de sa force physique ni de son charisme. Même à distance, il exsudait un magnétisme presque animal, bien que policé.

Yassen descendit les quelques marches qui menaient à la partie inférieure, et se dirigea vers le bar, du côté gauche de la salle. Il veilla à choisir un tabouret qui lui permettait d'avoir une bonne vue de la table de Kaplov, et commanda une vodka qu'il coupa d'une cuillère d'eau, plus pour se donner une contenance que par réelle envie de boire. Du coin de l'œil, il vit le mafieux décroiser lentement les jambes et se pencher pour écraser presque délicatement son cigare dans le cendrier posé en face de lui. Il en profita pour prendre le verre qui se trouvait juste à côté, avant de se rasseoir contre le dossier en portant à ses lèvres ce qui était apparemment un grand whisky, si on en croyait la bouteille qui se trouvait aussi sur la table. De sa main libre, il fit un signe à l'un des gardes qui vint empoigner l'homme avec lequel il discutait par le bras. Celui-ci perdit toute contenance et commença à supplier.

Grossière erreur. Le cri qu'il poussa attira l'attention de certaines personnes autour de la table, et le regard de Kaplov se durcit. L'homme ne passerait pas la nuit, c'était certain. Pour donner le change, Yassen prit une gorgée de sa vodka, savourant l'alcool sur sa langue avant de l'avaler, appréciant la chaleur qui se répandait dans sa poitrine. Laissé seul, le mafieux fixa son regard sur la piste de danse, et il sourit légèrement alors qu'il portait de nouveau son verre à ses lèvres. D'un geste souple, Yassen pivota sur son siège et s'adossa au bar pour voir ce qui avait attiré le regard de Kaplov. Quelques instants plus tard, il ne put s'empêcher de sourire à son tour.

Au milieu des corps qui bougeaient presque frénétiquement, son regard avait été attiré par un jeune homme blond portant un jean et un T-Shirt noir qui laissaient relativement peu de place à l'imagination. Situé sur le bord de la piste, il était directement dans le champ de vision du mafieux qui visiblement profitait du spectacle. Le jeune homme qui dansait les yeux fermés comme pour mieux ressentir le rythme des basses les ouvrit lentement, croisant presque immédiatement le regard de Yassen. Il marqua un temps d'arrêt imperceptible avant d'offrir à l'assassin un clin d'œil et un sourire en coin, qui provoqua chez l'autre un soupir amusé.

Il n'avait pas vu Alex depuis près de trois mois, mais n'était pas vraiment surpris de tomber sur lui au milieu d'une boîte de nuit branchée de Saint-Pétersbourg. Voyant que le blond pivotait lentement pour se trouver face à Kaplov, ses mouvements se faisant de plus en plus sensuels, Yassen constata rapidement qu'il devait sans doute accompagner le ponte de la mafia. Au vu du regard féral de ce dernier, l'assassin n'avait que peu de doute quant à la réussite du plan du jeune homme. Il constata néanmoins avec un nouveau sourire qu'Alex avait veillé à ce que son dos et son postérieur restent parfaitement dans son champ de vision. Ce qu'il appréciait grandement.

« Je voudrais pas me mêler de ce qui me regarde pas, commença une voix rauque, mais si j'étais toi je laisserais pas trop traîner mon regard de ce côté là. »

Yassen se retourna et avisa le barman qui était en train d'essuyer un verre, visiblement peu soucieux de venir en aide à ses collègues débordés à l'autre bout du comptoir. Il lui jeta un regard interrogateur en attrapant de nouveau son verre.

« Le gamin là, continua l'homme en désignant Alex d'un signe de tête, c'est chasse gardée du boss et il n'aime pas tellement partager. Le dernier type qui a essayé de l'approcher a fini dans une benne à ordure. Et entre nous, je ne pense pas que ça en valait la peine. »

Yassen n'était pas tout à fait d'accord avec cette affirmation, mais il répondit tout de même sur le même ton :

« Merci du conseil, mais les minets attirés par le pouvoir et par l'argent ne sont pas vraiment mon genre. »

Il n'avait pas menti, même s'il n'aurait pas pu trouver une définition plus éloignée de ce qu'était Alex, et le barman approuva avec un reniflement de dédain, avant d'aller servir un autre client. Yassen pivota de nouveau pour faire face à la piste, et constata que le jeune espion l'avait quittée et se dirigeait d'un pas presque félin vers Kaplov. Il s'assit à califourchon sur ses genoux dans un mouvement souple, et le mafieux posa aussitôt une main possessive sur ses reins tandis que l'autre maintenait fermement son cou tandis qu'il l'embrassait. De loin, il semblait vouloir lui dévorer littéralement la bouche.

Yassen finit son verre d'une traite, et se leva. Il contourna la piste d'un pas nonchalant et zigzagua entre les banquettes, en veillant à passer suffisamment loin derrière celle de Kaplov pour ne pas attirer l'attention de ses gardes du corps, avant de sortir par la porte qui menait aux toilettes. Les murs du couloir dans lequel il entra vibraient sous l'effet des basses, mais moins que dans certaines boîtes où il avait pu mettre les pieds et où l'isolation sonore avait été beaucoup moins efficace.

L'assassin esquiva agilement deux jeunes femmes qui passaient en riant au milieu du couloir, sans doute légèrement ivres, et il entra dans les toilettes des hommes. Il prêta peu d'attention au couple qui s'embrassait dans une des cabines, et qui n'avait apparemment pas remarqué que la porte était ouverte, et se dirigea directement vers les urinoirs. Il était en train de se laver les mains, lorsque Alex entra à son tour dans la pièce. Bien conscients du fait que des caméras de sécurité étaient sans doute dissimulées partout dans la pièce, le jeune homme ne fit aucun mouvement vers Yassen qui se passa de l'eau sur le visage et s'appuya sur le bord du lavabo en fermant les yeux pour gagner du temps. Après avoir fini, Alex vint à son tour se laver les mains, jetant à peine un regard à l'assassin qui secoua la tête, comme pour se ressaisir.

Ils sortirent ensemble de la pièce, le jeune homme légèrement en tête. Le couloir était vide et avant d'emprunter l'escalier qui remontait vers la salle principale, ce dernier bifurqua rapidement dans une coursive étroite qui menait sans doute à une autre cave. En un instant, il avait attiré Yassen à lui et l'embrassait à perdre haleine, les deux mains agrippées au col de sa chemise. L'assassin appuya une main sur le mur pour garder l'équilibre et passa l'autre sous la cuisse du plus jeune qui enroula aussitôt sa jambe autour de sa taille et entoura son cou de ses bras. Quelques secondes plus tard, Alex recula un peu la tête, haletant.

« On est dans un angle mort mais on va trouver ça bizarre si je ne ressors pas sur la caméra de l'autre côté, souffla-t-il avec un sourire en coin.

- Ce n'est pas moi qui t'ai attiré dans un coin sombre, fit remarquer Yassen sur un ton sous lequel perçait l'amusement.

- Tu m'as manqué », se contenta de répondre Alex en le regardant droit dans les yeux.

L'assassin reprit ses lèvres en souriant légèrement. Il avait toujours apprécié la franchise du jeune homme, qui lui ouvrait son cœur comme il lui aurait lancé un défi, sans honte ni pudeur. Alex s'interrompit de nouveau, et reposa lentement sa jambe sur le sol.

« Si je n'y retourne pas, Serguei va se poser des questions, dit-il d'un ton qui laissait transparaître son ennui.

- Serguei ? Tu n'as pas tardé à te trouver un autre Russe dis-moi, rétorqua Yassen en se détachant de lui et en laissant son regard dériver vers le suçon violacé qu'il avait dans le cou.

- Tu vas me faire maintenant le coup de la jalousie ? rit légèrement Alex. Et moi qui m'apprêtais à te donner un rendez-vous galant, ajouta-t-il faussement boudeur.

- Et compromettre ta couverture ? demanda l'assassin en haussant un sourcil.

- Il ne me fait pas assez confiance pour me convier à ses « réunions », ironisa le jeune homme en mimant des guillemets, mais je sais qu'il en a une demain matin, en dehors de la ville. Je devrais réussir à m'esquiver. Tu loges dans quel hôtel ?

- Tu le découvriras bien assez tôt, répondit le Russe avec un air énigmatique. Mais tu ferais bien de remonter rapidement, David, ajouta-t-il avec un clin d'œil en reculant vers l'escalier.

- Je peux savoir comment tu connais mon alias ? » s'exclama le jeune espion en le suivant à son tour sur les marches.

Sa question resta sans réponse, et il demeura un instant immobile. Le silence relatif fut brisé lorsque l'assassin ouvrit la porte en haut des escaliers, et il se força à reprendre ses esprits avant de retourner auprès de Kaplov. Installé à moitié sur les genoux de l'homme et sur la banquette, tâchant d'oublier la main brûlante de Yassen sur sa cuisse et les baisers qu'ils avaient échangés quelques minutes auparavant, il le chercha néanmoins du regard. Mais dans la salle obscure, celui-ci était invisible.

o0o

Quelques heures plus tard, après s'être assuré que le jeune homme rejoignait bien sa chambre dans l'hôtel particulier où il résidait, Kaplov décrocha son téléphone et composa de mémoire un numéro en veillant à masquer le sien.

« Alors ? demanda-t-il dès que son correspondant eut décroché.

- Il a refusé, répondit une voix légèrement plus grave.

- Vraiment ? s'étonna Kaplov. Il est pourtant resté longtemps dans l'angle mort.

- Il s'est montré méfiant, il a tenté d'en savoir plus.

- Méfiant ? répéta le mafieux avec un sourire en coin. Vous voulez dire que vous n'avez pas réussi à donner totalement le change à un jeune homme de vingt ans n'ayant supposément aucune expérience de notre monde ?

- Il se pourrait qu'il cache quelque chose, répondit la voix d'un ton neutre.

- Je compte sur vous pour me le dire, asséna Kaplov, et pour me faire un rapport circonstancié de chacun de ses faits et gestes. C'est pour cela que je vous ai engagé après tout.

- Quelle explication dois-je lui fournir s'il me voit ? demanda l'autre. Il risque d'être surpris d'être de nouveau face à moi.

- Vous trouverez bien, dit le mafieux pressé d'en finir avec l'appel. Ce n'est pas moi qui vais vous apprendre à être discret ou à mentir. Vous êtes sur place ?

- Oui.

- Bien, dans ce cas je vous veux dans mon bureau demain à quatorze heures », conclut Kaplov, coupant la communication sans laisser à l'autre le temps de répondre.

Il rangea son téléphone dans la poche intérieure de sa veste avec un air satisfait. Il avait trop d'influence dans son milieu pour faire confiance au premier jeune Anglais venu, aussi séduisant soit-il. Le détective qu'il avait engagé ayant mystérieusement disparu quelques jours après avoir commencé sa mission pour être retrouvé noyé dans la Néva, il avait décidé d'engager quelqu'un qui ne risquerait pas d'être éliminé aussi facilement.

Eh puis, dans le cas où il apprendrait que son amant n'était pas celui qu'il prétendait être, il aurait de toute façon à mettre fin à leur relation de manière relativement...radicale. Kaplov aimait la simplicité et l'efficacité, qu'espionnage et élimination se fassent aussi rapidement que discrètement. Qui d'autre qu'un assassin pourrait remplir au mieux ces deux tâches ?


Et voilà ! J'espère que cela vous a plu ! ^^ N'hésitez pas à m'envoyer un message pour me le dire si c'est le cas, ou pour me faire une remarque si quelque chose vous a gêné. Tant que le message reste poli, je prends tous les commentaires. ;-)

Bon week-end et à la semaine prochaine !