Bonjour à tous !

Je suis tout émue de vous présenter ma première fanfiction. Cela fait un bail (2009 exactement) (je vous laisse faire le calcul) que cette idée me trottait dans la tête. J'ai toujours repoussé l'échéance, je crois que j'avais peur… Donc cette fois, c'est décidé : je me lance !

L'histoire tient compte de l'intégralité des 7 tomes et explore des thèmes non abordés par JKR, avec un petit côté "néo-maradeurs", un brin de romance et une intrigue en Polar/Suspens. J'espère que cela vous plaira )

Bien sûr, les personnages et les lieux cités proviennent de l'univers de J.K. Rowling. Ils ne m'appartiennent pas et je ne suis, à mon grand regret, pas payée pour avoir inventé tout ça =(


C'était à la Une de tous les journaux, relayé sur toutes les émissions radio et passé au crible sur tous les plateaux télévisions. Jamais encore, de mémoire de Londonien, on n'avait connu d'épisode orageux aussi étrange. Cela faisait une semaine qu'il pleuvait par intermittence, avec une accalmie parfois d'une heure, parfois d'une seule minute. Il y avait désormais des annonces météo tous les quarts d'heure et les habitants réfléchissaient à deux fois avant de sortir, de peur de se retrouver piégé sous le prochain déluge.

Les experts ne comprenaient pas comment d'énormes Cumulonimbus pouvaient se former aussi rapidement avant de disparaître tout aussi soudainement. S'ils s'accordaient à dire qu'il s'agissait là d'une énième conséquence au réchauffement climatique, les météorologues reconnaissaient volontiers que, fort curieusement, cette perturbation ne s'étendait pas au-delà du London Inner Ring Road, délimitant le centre de la capitale. On aurait pu tout aussi bien croire que quelqu'un avait trafiqué le ciel pour le faire pleuvoir à sa guise.

C'était devenu un vaste sujet de plaisanterie qui avait agrémenté les dîners et diverti les touristes, mais peu à peu, l'amusement s'était transformé en lassitude. Des torrents d'eau sale dégoulinaient à présent dans les rigoles jusqu'aux égouts et d'immenses flaques apparaissaient partout où la chaussée comportait un trou, plongeant la ville dans un arrière-goût de béton mouillé.

Deux adolescents se tenaient sous le porche d'un supermarché afin d'échapper à la vingt-septième averse de la journée. Le premier était plutôt maigre, le dos voûté et les épaules tombantes. Ses cheveux humides, portés à mi-longueur, gouttaient devant ses yeux et il les épongea d'un revers de manche, également trempé. Le second, à la peau mate, était taillé en V avec d'imposantes clavicules, un bassin étroit et de longues jambes qui lui donnaient de fausses allures de nageur olympique.

— Un temps idéal pour le dernier jour des vacances, ironisa le métis qui répondait au nom de Samuel Jenkins.

L'autre secoua machinalement la tête, le regard perdu devant le spectacle médiocre que lui offraient les allées et venues des voitures sur le parking du supermarché. Les pneus d'un monospace crissèrent contre une flaque d'eau près d'eux et ils reculèrent aussitôt pour échapper aux éclaboussures.

— Tu as travaillé chez le père d'Oliver aujourd'hui ? reprit Samuel.

— Non, il m'a justement laissé mon dernier jour.

Samuel rejeta son dos trempé contre la façade du magasin. Mr. Jenkins était agent de piste à Heathrow. Il travaillait de nuit et ne rentrait qu'au petit jour. Son autorité parentale se limitait à la seule consigne de ne pas le réveiller dans la journée, juste avant de fermer la porte de sa chambre. Toute la maison devait alors vivre dans le silence, marchant à pas de loup et sans jamais prononcer un mot plus haut que l'autre. En tant qu'aîné, Samuel devait veiller sur ses trois frères et sœurs ainsi que sur sa mère, atteinte de sclérose en plaques. Il lui arrivait régulièrement de s'absenter, inventant chaque fois une nouvelle excuse pour s'éclipser de la bande mais il ne trompait personne. Tous comprenaient alors que Mrs. Jenkins avait fait une rechute.

Samuel ne s'était jamais plaint. En réalité, il n'en parlait pas, désireux de préserver son incroyable dignité. Il avait les épaules suffisamment larges ainsi que le don de toujours se sortir de situations avec panache. C'était d'ailleurs ce que les gens appréciaient chez lui : son tact inimitable. Au sein d'un groupe, il était souvent le leader, celui auquel on faisait appel pour gérer les tensions. En plus de son autorité naturelle, Samuel avait l'habitude de porter toujours le même sweat à capuche orange, où il était écrit en majuscules : « RESPECT », hérité d'une blague entre amis.

De son côté, William Allen avait passé l'été à transporter des palettes d'un camion de livraison à la chambre froide d'une charcuterie tenue par le père d'un ami. C'était un travail épuisant et il en avait gagné quelques problèmes de dos. Mais peu lui importait, il avait récolté une coquette somme en y travaillant durant tous les mois de juillet et août.

La jeunesse de Londres à laquelle ils appartenaient n'était pas riche mais pas misérable non plus. Ils habitaient à une rue l'un de l'autre, dans un quartier où les façades rectilignes des Council Houses s'alignaient de part et d'autre de la chaussée. Les loyers étaient excessivement élevés pour des logements aussi petits et défraîchis. Mais c'était, disait-on, le prix à payer pour habiter Londres.

— Qu'est-ce qu'il fabrique ? s'impatienta William.

— Tu connais Twist, il a encore dû lui arriver quelque chose...

— On aurait mieux fait d'y aller nous-même.

Une plaisanterie qui remontait à leur enfance, consistait à appeler Oliver Thomson, Twist, car il était d'une maladresse et d'une malchance peu commune. Oliver était cependant d'une grande générosité et c'était grâce à lui que William avait dégoté un job d'été dans la boucherie de son père.

William fourra ses mains dans les poches de son anorak puis il poussa un long soupir. Le temps passa paresseusement, sans qu'ils ne parviennent à faire sécher leurs vêtements. Au bout d'une vingtaine de minutes, les portes automatiques du supermarché s'ouvrirent sur deux silhouettes.

Oliver Thomson était un garçon épais, au le visage rond, accentué par une barbe qui lui recouvrait toute la mâchoire. Étriqué dans un T-shirt noir à l'effigie d'un groupe de rock, censé lui donner des airs de durs, il avait les joues rouges et le souffle court d'avoir porté deux packs de bières.

A ses côtés, une fillette se dandinait dans une paire de chaussures aux semelles noires, si haut perchée qu'on aurait dit un girafon apprenant à se maintenir sur ses grandes pattes.

— Tu en as mis du temps, le gronda Sam.

— C'est lourd, tu sais ! riposta Oliver en posant les cartons à terre afin de reprendre son souffle. Je vous présente Pry. Elle était trop jeune pour s'acheter des cigarettes alors elle m'a demandé de lui… et puis je lui ai dit qu'on faisait une soirée, alors…

Il leur adressa un regard interrogateur auquel Samuel et William n'eurent d'autre choix que d'acquiescer. Sam prit ensuite un pack sous le bras et William se pencha pour attraper le second quand Oliver l'interrompit.

— Je peux porter ça, tu sais ! Deux c'était lourd, mais un ça me va !

William lui adressa un bref regard avant de dévisager la fille qui lui faisait visiblement perdre la tête. Il émanait d'elle quelque chose de frêle et d'enfantin malgré tous les artifices derrières lesquels elle voulait se cacher. Elle devait être âgée d'à peine quatorze ans, devina-t-il, à travers les couches de maquillage qui rendaient son teint plus bronzé, son nez plus fin et ses joues plus roses. Ses yeux étaient cendrés et ses lèvres laquées d'une teinte sombre. Se sentant soudainement observée, elle le dévisagea à son tour. Son regard était d'une telle intensité que William détourna aussitôt la tête.

Ils quittèrent l'abri du supermarché pour s'enfoncer dans la banlieue de Londres. Sam et William marchaient devant, laissant Oliver et Pry s'essouffler derrière eux. Il y avait dans l'air un parfum nostalgique de fin d'été, qui venait peut-être du temps maussade. Ils avaient passé les deux derniers mois ensemble, vivant en bande et traînant le plus tard possible. Inscrits dans différentes écoles à travers l'Angleterre, les vacances d'été étaient le seul moment où ils pouvaient se retrouver. Le mois d'août touchait cependant à sa fin. Et alors que chacun évitait d'en parler, c'était dans ces silences que leurs pensées les guidaient inévitablement vers cette fâcheuse idée.

— On est encore loin ? demanda Oliver entre deux souffles.

— On arrive.

— Donne-moi ton pack, intima William en se retournant vers lui.

— Non, non ! Je commençais juste à avoir froid, c'est tout.

Accablé par le comportement de son camarade, il s'apprêtait à répondre quand une sonnerie de téléphone le coupa dans son élan.

— Ouais, grogna Samuel en décrochant. On arrive. Ils sont avec moi. Twist a ramené une fille... oui, une fille. Hem… je crois que…

Un grand fracas les fit tous se retourner vers Oliver. Il venait de lâcher son pack dans une rigole pleine d'eau boueuse.

— C'est bon, je m'en occupe, le coupa William en ramassant avec précaution le carton imbibé tandis qu'Oliver se répandait en excuses.

— Non… je ne sais pas… on aura qu'à commander des pizzas, poursuivit Samuel au téléphone. Will ? Tu crois que tu as quelque chose à manger chez toi ?

— Je vais voir ce que j'ai…

— Arrête ! s'exclama Samuel au téléphone. C'est impossible qu'on ait fini le paquet ! Je me souviens plus trop… mais je suis sûr que ce n'était pas moi…

— On se rejoint là-bas.

— Mais moi non plus ! Comment ? fit Samuel en lâchant enfin son téléphone. Oui, oui. À tout à l'heure.

William les salua au croisement de Methley Street. La lumière passant à travers la porte du numéro 45, ainsi que les deux voitures garées devant l'entrée lui confirmèrent que ses parents étaient de retour du travail. Il s'arrêta devant la porte noire, calant le pack de bière à l'odeur de chien mouillé contre ses côtes pour fouiller ses poches à la recherche de ses clefs. D'ici, il pouvait entendre la télévision débiter son flot d'informations.

— C'est moi, annonça-t-il en rentrant.

— C'est toi chéri ? fit sa mère depuis la cuisine.

— Ouais ! répondit-il aussi fort.

Il posa le carton mouillé dans un coin de l'entrée, jeta son anorak et ses chaussures près d'un radiateur puis avança jusqu'à la cuisine au bout du couloir. Sa mère était occupée à mettre la table, surveillant sa casserole du coin de l'œil.

Mrs. Janette Allen était une femme de petite taille, dont les cheveux blonds étaient attachés en une minuscule queue de cheval qui laissait dépasser quelques mèches. Elle portait encore son pantalon de sport et un T-shirt sans manche qui laissait voir d'impressionnants biceps sur ses petits bras. Elle était professeur de fitness et venait manifestement tout juste de rentrer de son gymnase.

— Oh chéri ! Tu es tout trempé ! s'exclama-t-elle en le voyant arriver. Quelle idée d'aller traîner dehors avec toute cette pluie ! Donne-moi ça, tu vas attraper froid, ajouta-t-elle en lui faisant retirer son vêtement.

William se laissa faire, levant les bras pour l'aider à retirer son T-Shirt. Il avait l'habitude d'avoir sa mère au petit soin pour lui, comme elle l'était avec son mari. Elle quitta la cuisine, le temps de mettre son T-shirt humide avec le reste du linge sale dans la machine. William commença d'ouvrir tous les placards, prit d'une soudaine fringale.

— Qu'est-ce que tu cherches ? Si tu as faim, attends un peu, le repas est bientôt prêt, déclara Janette en refermant toutes les portes derrière lui.

Il se pencha vers la casserole où mijotaient des haricots verts puis il tira une grimace peu inspirée.

— Non, je ne mange pas ici ce soir. Je vais chez Toby mais on n'a rien pour dîner… T'as pas des pizzas ou quelque chose dans le genre ? interrogea-t-il, en plongeant la main dans un paquet de Capt'n Crunch qu'il venait de dénicher.

Janette remua le repas à l'aide d'une cuillère en bois. Elle se mit à réfléchir à voix haute entre ses dernières courses et ce qu'elle avait déjà cuisiné, puis elle finit par se diriger vers la réserve. Entendant la télévision allumée, William rejoignit son père au salon. Il s'allongea de tout son long sur un canapé face à l'écran.

Allen était installé dans un fauteuil en cuir noir, concentré sur les grilles de sudoku de son magazine. Il portait ses vêtements décontractés, signifiant qu'il était revenu plus tôt du travail. Les traits de son visage laissaient penser qu'il avait dû être bel homme dans sa jeunesse. Ses cheveux bruns taillés dans une coupe impeccable et une barbe saillante prouvaient le soin qu'il accordait encore à son apparence. Il fumait nonchalamment, le dos enfoncé dans son fauteuil et les pieds croisés sur la table basse du salon.

— Quoi de neuf ? demanda-t-il à son père sans quitter l'écran des yeux.

— Oh… tu sais… la même chose qu'hier, marmonna celui-ci en dépliant son magazine jusqu'aux solutions. Demain à quelle heure je dois t'amener déjà ? questionna-t-il.

William qui enfournait ses céréales tout en regardant la télévision, manqua sa dernière poignée de Capt'n Crunch et les renversa partout sur le canapé. Il jeta aussitôt un œil à son père, craignant de se faire disputer mais celui-ci était trop concentré sur ses sudokus pour remarquer quoi que ce soit. Discrètement, William ramassa un à un les céréales égarées avant de les dévorer à leur tour. Il se redressa en position assise puis se racla la gorge pour attirer l'attention de son père :

— Il faudrait que j'y sois au moins dix minutes en avance. Donc… on devrait partir à dix heures et demie, si ça ne te dérange pas, ajouta-t-il devant son visage impassible.

Christopher expira sa fumée puis inspira à nouveau, l'air de peser le pour et le contre.

— Je vais essayer. Mais dès que j'arrive, menaça-t-il du bout de sa cigarette, tu as intérêt à être prêt.

— Ouais, ouais, grogna William en reprenant une poignée de Capt'n Crunch.

— J'ai deux pizzas et un sachet de chips, ça te va ? annonça Janette en les rejoignant.

Le visage de sa mère changea soudainement d'expression lorsqu'elle aperçut son mari.

— Chris ! Je t'ai déjà dit de ne pas fumer à l'intérieur !

— Oui et comme tu le vois, ça n'a rien changé, bougonna-t-il avec arrogance.

— Je te préviens tu…

— C'est bon, ça ira, les interrompit William en quittant le canapé. On ne sera pas plus d'une dizaine de toute façon.

Il s'empara du carton encore glacé d'une pizza dont l'emballage certifiait une croûte « extra-moelleuse ».

— Tiens, voilà un T-shirt propre, fit Janette en lui tendant un vêtement fraîchement repassé. Tu rentres à quelle heure ? Il faut que tu sois en forme pour demain, hein ?

— T'inquiète, je serais de retour avant minuit, assura-t-il en emportant les pizzas sous son coude.

Il essaya d'attraper le pack de bière, mais il était déjà trop chargé. Janette insista alors pour lui donner un sac de courses aux motifs fleuris qui, bien qu'il eût l'air ridicule en le portant, se révéla fort pratique. Elle l'interpella une nouvelle fois.

— Je ne pourrai pas te dire au revoir demain matin. Mrs. Aucott a réservé une séance intensive de deux heures et donc…

William observa l'air attristé de sa mère avant de comprendre qu'elle ne demandait qu'un peu d'affection. Il lâcha son sac pour la prendre dans ses bras. Il ne la dépassait que d'une tête. Elle contracta ses petits biceps pour le serrer encore plus fort. William se sentit ridicule en remarquant qu'elle était plus musclée que lui. Elle le relâcha soudainement.

— Tu seras sage, d'accord ? Tu sais, Will, ton père et moi, on a fait ce que l'on a pu, parce que ce n'était pas notre truc les études. Mais je sais que tu peux aller loin si tu t'en donnes les moyens. Tu as tout ce qu'il te faut pour y arriver : tu es intelligent et beau garçon.

Elle caressa ses cheveux encore humides d'un geste tendre avant de l'embrasser sur la joue en guise d'adieu. Ce fut le cœur plus léger que William retourna à la fraîcheur du soir, prenant la direction de Doddington Grove, où habitait Toby Schepper.

Il marcha à grandes enjambées. Les rues étaient calmes ce soir, comme fatiguées par la pluie qui s'était abattue sans retenue. Il entendait parfois le moteur d'une voiture s'avancer puis tourner à l'angle mais rien ne semblait vouloir interrompre la quiétude nocturne.

Le son étouffé de quelques basses lui parvint et, relevant les yeux, William vit qu'il était bientôt arrivé. Toby Schepper habitait une coquette maison blanche, en face d'une rangée d'immeubles en pierre brune dont la construction avait causé une telle polémique à l'époque. C'était toujours avec mélancolie qu'il observait la façade sombre qui s'élevait désormais à la place d'un ancien terrain vague, où ils avaient appris jouer au foot. Un simple bout de terrain qui leur servait de repère, de refuge, un endroit où aller lorsqu'ils ne savaient pas quoi faire. Quelques années plus tôt, ils auraient tous été prêt à sortir les poings pour le défendre contre une autre bande. Ils parcouraient le quartier sur leur vélo, sans casque, tel des princes surveillant leur domaine. Ces rues étaient à la fois tout ce qu'ils avaient et tout ce qu'ils connaissaient.

A son arrivée, il fut accueilli par Samuel et un autre garçon qui déposèrent sur le trottoir un nombre indécent de sacs poubelle.

— Hey Will ! Tu as trouvé quelque chose à manger ? Toby a commencé de piquer une crise, nous accusant d'avoir dévalisé son frigo !

— Ma mère m'a donné des pizzas. Tout le monde est à l'intérieur ?

— Ouais… ils se passionnent pour un tour de magie que Twist leur a montré. Ils essayent de découvrir comment il fait.

William pénétra dans le grand salon de Mrs. et Mr. Schepper qui, à en juger par le désordre ambiant, devaient s'être absentés depuis plusieurs jours. Des emballages de fast-food traînaient partout, une pile de vêtements sales s'amoncelait devant une porte qui devait mener à l'arrière cuisine et des cacahuètes écrasées jonchaient le tapis, témoignant d'une bataille féroce. Ils étaient tous affalés dans des fauteuils autour d'Oliver Thomson qui battait les cartes.

— C'est un six de cœur.

— Encore ?!

— Comment tu fais pour deviner ?

— J'ai des pouvoirs magiques.

— Arrêtes ! Sérieusement !

— Sérieusement, je suis un sorcier.

— Ouais, c'est ça ! Et moi j'ai épousé Kate Middleton !

— Hey Will ! Tu as ramené à manger ? questionna Toby par-dessus les autres.

C'était un garçon au visage carré, marqué par d'épais sourcils blonds au-dessus de ses yeux bleus. Il avait un coquard à l'œil droit et un énorme coton à la place du nez. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Toby avait toujours été un peu casse-cou.

Celui-ci était capable de faire n'importe quoi du moment que c'était dangereux. Son goût du risque lui avait pourtant valu de graves problèmes dont un genou déformé depuis ses huit ans alors qu'il apprenait à faire du roller, un traumatisme crânien qui avait mis fin à ses vacances de ski dans les Alpes, un bras entaillé lorsqu'il travaillait au rayon do-it-yourself du Robert Dyas du coin ainsi que plusieurs autres cicatrices dont il s'amusait toujours à raconter comment elles étaient arrivées là.

— J'ai des pizzas. Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? s'enquit immédiatement William en désignant du menton son énorme pansement au nez.

— Oh ! Je ne t'ai pas raconté ? Tu sais que je travaille pour le Wimbledon Common Golf Club cet été ? Eh bien, y'a deux jours de cela, j'étais en train d'apprendre à un groupe de débutants comment faire un swing. Je passe voir comment ils se débrouillent et là, je vois un gamin qui se tient complètement de travers, pas du tout équilibré dans sa posture donc je lui replace ses pieds bien parallèles à son axe de tir et au moment où je me relève, il me donne un coup avec son club ! Eh bah… il n'avait peut-être pas le positionnement, mais il avait la force, ce petit !

— Et ça te fait rire de t'être fait amocher par un gosse ? railla William.

Toby haussa les épaules.

— Sa mère m'a donné un pourboire de cinquante pounds pour s'excuser.

William déposa le sac de courses dans la cuisine. Il n'avait plus très faim maintenant qu'il s'était empiffré de Capt'n Crunch. Une pile de vaisselle sale croulait dans l'évier d'où on avait laissé l'eau couler et il sentit l'odeur piquante d'un plat en décomposition quelque part dans la pièce.

Les parents de Toby travaillaient dans l'automobile et ils partaient souvent pour affaires à l'étranger. Toby profitait de ces moments pour y inviter un maximum de ses amis et rendre tous ensemble sa maison la plus sale possible. Heureusement pour lui, il avait jusqu'alors toujours réussi à tout nettoyer avant leur retour. C'était à se demander s'il ne cachait pas un génie, quelque part dans une lanterne.

Il entendit soudainement un bruit de semelles couiner, lui indiquant qu'Oliver Thomson l'avait suivi.

— Tu as déjà fini de jouer aux apprentis sorciers ? se moqua William.

— Je sais que tu n'aimes pas les tours de magie. Mais tu devrais, les filles adorent ça.

William hocha de la tête, retenant une réplique piquante. Oliver devenait si agaçant lorsqu'il se donnait de grands airs. Il était cependant trop susceptible pour lui faire remarquer.

— Tu fais à manger ? s'enquit Oliver.

— Non, répondit William en se sentant insulté.

— Laisse-moi faire, Pry a faim, expliqua-t-il.

William l'observa sortir la pizza congelée de son emballage et la mettre au four.

— Pry, prononça-t-il avec dédain. Si elle a faim, pourquoi elle ne cuisine pas elle-même ?

— Peut-être parce que tu es macho et moi non ?

— Une fille dans un supermarché te demande d'acheter des cigarettes à sa place et toi, tu l'invites ici ? Elle a quel âge ? A peine douze ans ?

— On s'en fiche, cassa Oliver. Elle est cool. On a bien discuté, elle aussi est fan des Pushy Parrot.

Oliver désigna son T-shirt noir où était imprimé un perroquet portant une crête iroquoise.

— Qu'est-ce que tu voulais que je dise ?

— Oh, eh bien, je ne sais pas, fit William en mimant une réflexion. Tu aurais pu lui dire « non » ?

— Tu crois vraiment que je vais dire « non » ? À une fille comme ça ?

— Pourquoi elle est venue te parler à ton avis ? Elle se sert de toi. Tu lui achètes des cigarettes, tu l'invites à une soirée, mais tu verras, quand elle n'aura plus besoin de toi !

— Tu sais ce que je crois ? s'énerva Oliver.

— Vas-y !

— Je crois que tu es jaloux parce que j'ai trouvé une fille canon !

— N'imp…

— Tu crois que quelqu'un comme moi ne peut pas avoir de copine comme Pry ! cracha Oliver. Et que c'est toi qui devrais l'avoir !

William le dévisagea en silence, ne sachant plus quoi dire. Il était blessé que son ami ait cette vision de lui mais il était encore plus énervé par son aveuglement. C'était pourtant d'une telle évidence. Les filles savaient parfaitement jouer à ce genre de jeux. Elles n'aimaient qu'être désirées. Jamais rien sérieux, mais à l'inverse, dès que le garçon en question leur échappait, elles revenaient aussitôt à coup de regards de braise et de larmes aux yeux. Il aurait voulu expliquer tout cela à Oliver mais William savait déjà qu'il était déjà trop épris pour oser aller contre Pry. Il poussa un soupir, maudissant le sexe féminin dans son ensemble.

— Que se passe-t-il ici ? Ça sent le brûlé mais ça ne vient pas des pizzas, plaisanta Samuel en entrant.

— Will est jaloux que je sorte avec Pry.

— Je ne…, commença-t-il.

— Mais tu ne sors pas avec Pry, Oliver, corrigea Samuel.

— Peut-être, mais tout le monde sait que ce n'est qu'une question de temps !

Samuel ne répondit pas tout de suite. Il se hissa sur un comptoir face au four et croqua dans un morceau de pain rassis qu'il trouva. Il agissait souvent comme s'il avait connaissance de tous les secrets de la vie et que plus rien ne pouvait lui faire peur. Comme s'il venait d'un monde où toutes ces préoccupations n'avaient plus aucun sens.

— Et moi qui croyais que tu avais enfin retenu la leçon, soupira-t-il.

William ouvrit le frigo à la recherche d'une bière mais il était vide à l'exception d'un pot de moutarde et d'un jus de fruit à moitié entamé. Ignorant le discours que Samuel tenait à Oliver, il éventra un des packs de bière qu'ils avaient ramenés pour les mettre au frais. Puis il retourna au salon se servir quelque chose de plus fort.

Le groupe d'amis se tenait toujours affalé dans les fauteuils. Une grande lampe à pied ayant perdu son abat-jour éclairait le salon d'une lumière criarde. Toby pianotait de temps à autre sur son portable pour changer de musique. Des rires éclatèrent çà et là, le paquet de chips passa de mains en mains et bientôt la sonnerie du four retentit, leur indiquant que les pizzas étaient prêtes. Samuel prit place à ses côtés pour lui exposer son avis sur les tubes à la mode et les résultats des derniers matches de rugby. William l'écouta de moins en moins attentivement au fur et à mesure que l'alcool lui montait aux joues.

Pry et Oliver se tenaient tous les deux dans un fauteuil à l'écart. Elle buvait sa boisson du bout des lèvres, confortablement installée, tandis qu'Oliver serré sur un coin d'accoudoir, tapait le rythme de la musique sur ses genoux. Il disait vrai. Elle était belle. Pas de cette beauté innocente, naturelle, presque sans le savoir. Elle irradiait autour d'elle tel un halo qui l'empêchait à tout jamais de passer inaperçue. Elle entrait dans une pièce et l'air crépitait autour, forçant chacun à relever les yeux vers elle. Plus il la dévisageait et plus il devenait difficile de détacher les yeux. Il fallut que Samuel lui envoie une violente bourrade dans le dos pour qu'il revienne enfin au jeu d'alcool qu'entamaient ses camarades.

— A ton tour, Will ! lui indiqua-t-il.

Il souleva au hasard une des cartes disposées sur la table et tomba sur le cinq de pique. Relevant la tête vers ses camarades pour savoir ce que cela signifiait, il sentit que leurs sourires ne présageaient rien de bon.

— Cinq, tu trinques, déclara Toby d'un ton moqueur.

Il était près de minuit lorsque le jeu se termina. William, se sentant soudainement brûlant, décida de sortir avec Samuel. Ils furent bientôt rejoints par leurs camarades qui, tous plus saouls les uns que les autres, avaient définitivement besoin de prendre l'air.

Toby s'amusa à shooter dans les poubelles, aidé par Oliver qui jouait bizarrement les m'as-tu-vu. Puis ils eurent la brillante idée de faire un concours de lancer de poubelles, ce qu'ils regrettèrent très vite lorsque l'une d'entre elle heurta la voiture de Mr. Plowman qui se mit à sonner bruyamment.

Ils coururent tous se cacher chez Toby, refermant la porte à clef et éteignant toutes les lumières. William ne fut pas assez rapide. Il tituba vainement jusqu'à la porte, suppliant ses amis d'ouvrir, avant de voir s'allumer les lumières de la maison voisine. On l'attrapa par la main, le tirant derrière la haie du jardin.

— Qu'est-ce que… ?

— Chut !

— Sam, je n'ai pas…

— C'est moi, fit une voix plus aiguë que ce à quoi il s'attendait. C'est Pry.

Il retira violemment son bras, manquant de lui donner un coup.

— Qu'est-ce que tu fais là ? s'énerva-t-il.

— Tais-toi !

— Je me tairais… tu…

Il perdit ses mots au moment où une lumière éclaira subitement la rue, manquant de les démasquer. Ils se recroquevillèrent dans l'ombre que leur offrait la haie derrière laquelle ils étaient cachés. Ils patientèrent, immobiles, craignant que le moindre de leur mouvement ne les trahissent. Ils se fixèrent un long moment les yeux dans les yeux, s'intimant l'un l'autre de se taire. La lumière réapparut aux fenêtres de la maison de Toby et ils entendirent quelques éclats de voix. Ils n'y prêtèrent pas attention, tout semblait secondaire.

Elle était belle. Sa beauté était telle qu'elle lui brûlait la rétine. Elle battit deux fois des cils, ce qui fit scintiller ses paupières cendrées. Son regard était d'une intensité si dévorante qu'il en eut le souffle coupé. Elle poussa une longue expiration, laissant ses lèvres entrouvertes comme si elle avait peine à respirer. Elle sentait un de ces alcools pour fille bien trop sucré et William prit alors conscience de leur proximité.

Un incendie naquit dans le creux de ses poumons avant même qu'il ne s'en rende compte. Le feu lui rongea les entrailles, remontant jusqu'à ses joues qui rougirent si fort qu'il sentit tous les pores de sa peau s'étirer sous la chaleur. Il lâcha à son tour une longue expiration. Happé par un désir grandissant, comme ensorcelé devant tant de charmes, il caressa du bout du nez le beau visage de Pry, à la recherche de son contact. Ce fut une terrible erreur. À peine l'eût-il frôlé qu'il sentit son corps s'électriser. Il ferma douloureusement les yeux, dans une tentative désespérée pour reprendre contrôle de lui-même. C'était un supplice, songea-t-il. C'était trop tard. Elle l'avait eu, comme elle avait eu Oliver. Son cœur tambourina violemment dans sa poitrine, il pouvait presque entendre le sang pomper contre ses tempes. S'en était trop.

Ne réfléchissant pas une seule seconde de plus, William fondit sur ses lèvres, avalant son rouge à lèvres au goût pâteux. L'incendie déclaré au creux de ses poumons le consuma définitivement lorsqu'elle l'attrapa par la nuque pour lui rendre son baiser. Dans leur équilibre précaire, ils titubèrent avant de s'écraser contre la haie. Les branches de Thuya leurs fouettèrent le visage, s'accrochèrent dans leurs cheveux, les chatouillant derrière l'oreille et imprégnant tous leurs vêtements d'une forte odeur de résine. Il avait perdu toute notion au moment où il entendit son nom, comme une voix lointaine, venue d'un autre monde.

— Will.

Le grand métis lui adressa un regard dur auquel il ne comprit pas grand-chose. Puis il aperçut, juste derrière-lui, le visage profondément choqué d'Oliver Thomson.

— Je crois qu'il est temps pour tout le monde de rentrer chez lui, déclara Samuel Jenkins.

Pry quitta la cour de sa démarche de girafe, perchée sur ses grandes échasses. Encore alcoolisé, William mit un moment avant de comprendre ce que Samuel venait de dire. Alors qu'il s'apprêtait à rentrer chez lui, comme il venait justement de lui demander, Sam l'empoigna violemment par le col de son T-shirt.

— Qu'est-ce qu'il t'a pris ? Oliver n'avait peut-être aucune chance, mais tu n'avais pas à faire ça.

— Je… je ne sais pas… a… arrête de me secouer comme ça !

Samuel le lâcha tout aussi brutalement.

— Je ne voulais pas… pas vraiment… où est Oliver ? Il faut que je lui dise…

— Il est déjà reparti.

— Tu sais, c'est pas moi qui…

— J'en ai rien à faire, Will.

— Toby m'a vraiment trop fait boire avec son jeu idiot !

— Je pense que tu devrais rentrer, le voisin menace d'appeler la police.

— Je… je… j'y vais.

Il reprit le chemin inverse, un peu moins rapidement que la première fois. Ses pieds le conduisirent machinalement, sans qu'il eût à y penser. Il était bien trop occupé à se passer la scène, essayant de se trouver des excuses, se demandant qui avait embrassé l'autre. Il espérait qu'Oliver ne soit pas trop rancunier.

Une fois chez lui, il remarqua que de la lumière filait encore à travers la porte d'entrée. Il se déchaussa en silence, accrochant maladroitement son anorak au porte-manteau. Il trébucha, sans trop comprendre pourquoi et dans un réflexe, s'accrocha au porte-manteau. Il l'entraîna finalement dans sa chute et tous deux tombèrent dans un raffut qui ne manqua pas d'alerter son père.

— Qu'est-ce que… ? commença-t-il en le voyant à terre, empêtré dans les manteaux en fourrure de Janette.

— C'est rien… je suis tombé… rien de grave ! J'vais bien ! assura William en essayant de se redresser.

— Tu es complètement saoul.

William se figea. Le visage de son père avait cet air impassible qui était presque aussi effrayant que lorsqu'il était en colère. Il s'attendit à ce que, la minute qui suive, celui-ci se mette à crier. Il attendit que vienne le sermon, le discours moralisateur, la punition. Mais rien ne vint. Ils restèrent un moment à se demander ce que l'autre allait faire.

— Va te coucher avant que ta pauvre mère ne te voie dans cet état, lâcha-t-il et William s'autorisa enfin à respirer.

Il grimpa les escaliers sans se faire prier, trop effrayé à l'idée que son père change d'avis. Il espérait qu'il ne reparlerait plus jamais de cet incident. Le goût pâteux du rouge à lèvres de Pry lui irrita la langue et il s'essuya la bouche avec le dos de la main. Une tâche de couleur sombre lui indiqua qu'il devait encore en avoir plein les lèvres. Son sang se glaça à l'idée que son père l'ait remarqué. Il regagna sa chambre encore plus honteux de lui-même qu'il ne l'avait été pour Oliver.

La pièce semblait sortir d'un documentaire sur les séismes. Là où le sol n'était pas couvert de vêtements ou de livres, on en voyait la vieille moquette Clifford le gros chien rouge. Sur les murs, brillait un poster géant des étoiles du ciel. Juste à côté de son lit, une autre affiche représentait les souterrains de la pyramide de Khéops. La lampe sur sa table de chevet, était constituée d'un globe terrestre qui projetait les contours de l'Afrique lorsqu'il l'allumait.

L'espace était occupé de gros meubles en bois vernis dont les tiroirs ouverts dévoilaient quelques sachets de bonbons parmi des tas de vêtements pliés. Seule une malle dans le coin de sa chambre restait désespérément vide. Il la regarda d'un air abattu, avant de se laisser tomber lourdement dans son lit. Il n'avait pas beaucoup dormi ces derniers temps, voulant profiter au maximum de ses camarades avant de reprendre les cours, comme la plupart des adolescents de son âge.

Car en effet, William Allen était à peu de choses près, un adolescent comme les autres. Excepté qu'il prenait son train voie 9 ¾ pour aller étudier la magie dans l'école de Sorcellerie Poudlard. Là-bas l'attendait une place sur les bancs de la Grande-Salle, un lit à baldaquin dans le dortoir de Gryffondor ainsi qu'un diplôme de fin d'étude. Élève de 7ème année, il hésitait encore sur son choix d'orientation, mais il était doué.

Il le savait.


Surprise ! Je parie que vous ne vous attendiez pas à cela )

Alors comment va se passer la rentrée ? Avec qui William partage-t-il son dortoir ? Qui sont ses camarades ? Et quels sont les cours au programme de la 7ème année ?

Tout ça et bien plus encore au prochain chapitre !