Note : Le texte que voici est une traduction de la fantastique histoire « Memento vivere » écrite par Enkida. Si vous lisez l'anglais, foncez donc lire l'original. Vous la trouverez ici sur le site sous le nom de l'auteur, ou en passant par un moteur de recherche avec le titre et le nom de l'auteur.
Sinon, je suis ravie de vous permettre de la découvrir en français, j'espère que vous prendrez autant de plaisir que moi à la lire.
Je remercie Enkida de m'avoir donné l'autorisation de partager avec vous ma traduction.
L'image de couverture a été réalisée par l'artiste Djpunupipi.
Qui dit traduction dit forcément choix, parfois discutables. Je fais appel à votre compréhension en particulier pour l'un de ces choix : je n'ai pas toujours repris les traductions utilisées dans la version française du jeu (pas d'Invokeur ici!). J'espère que vous me pardonnerez ce caprice et que ça ne vous empêchera pas d'apprécier la lecture.
Et si la lecture vous plait, quelques mots en commentaire me ferait grand plaisir!
Bonne lecture!
Memento vivere
1: Où est mon happy end ?
Rikku se sentait flouée. Elle s'affala de manière désordonnée sur le pont du vaisseau volant qui vrombissait doucement et laissa le vent la submerger. C'était une belle journée d'un autre côté, presque chaque journée sur Spira était belle depuis que Sin et Vegnagun avaient tous deux été vaincus. Les gens étaient si frénétiquement heureux qu'on entendait souvent Paine grogner sur la façon dont toute la bonne humeur et les sourires lui donnaient envie de briser quelques dents. Alors qu'en général, Rikku était contente de contribuer au problème de Paine, aujourd'hui c'était différent. Bien sûr, c'était une aussi belle journée que n'importe quelle autre sur Spira, pleine de sourires et de bonheur et de chanson et de danse, mais quelque chose ne collait pas. Quelque chose en dehors du fait que Yuna et Paine ne voyageaient plus sur le Celsius avec elle, ni ne l'avaient fait depuis presque la moitié d'une année.
Avec le retour de Tidus, Yuna était satisfaite de s'installer à Besaid pour un repos largement mérité. Paine, quant à elle, était partie pour s'engager sous les ordres de Nooj une fois de plus, comme l'avaient fait le reste des gars de leur groupe très soudé de l'Escouade Ecarlate. C'était en fait leur groupe qui était dans une large mesure responsable de maintenir la paix et la stabilité dont Spira jouissait en ce moment. Et ça laissait Rikku avec Frangin, Poto et Shinra sur le Celsius ils étaient toujours les Albatros et toujours prenaient toujours part à la quête sans fin de sphères, même si leur nombre s'était réduit.
Rikku savait qu'elle aurait dû être heureuse, satisfaite de son sort. Tout le monde n'avait pas la chance de sauver le monde, et elle l'avait même fait deux fois de suite ! Pourtant, elle avait l'impression que quelque chose lui manquait l'aventure, c'était bel et bon, mais Rikku voulait faire plus que juste sauver le monde. Ou plus précisément, elle voulait faire moins que sauver le monde, pour une fois. Elle voulait trouver cette petite part de satisfaction que Yuna et Paine avait toutes deux réussi à se bâtir; elle voulait avoir sa place, avec quelqu'un. Et même si elle ne doutait pas que Frangin réussirait à tout foirer si elle n'était pas là, passer le reste de sa vie avec les Albatros n'était pas l'idée que Rikku se faisait de sa place dans la vie. Pour le moment, cela ressemblait plus à un inévitable piège. Rikku ferma les yeux, prit une profonde inspiration et considéra la petite boule d'insatisfaction dans son estomac avec attention : Ouaip, une légère gêne dans la poitrine, une un sentiment d'ennui tourmenté et un besoin soudain de s'asseoir de crier haut et fort.
"AAH !"
"Houlà, tout va bien là-haut ?" La voix de Poto jaillit par l'interphone, et Rikku ferma la bouche et cligna des yeux.
"Oups, j'ai vraiment fait ça ?", gloussa-t-elle nerveusement pour elle-même. Puis elle fusilla du regard l'immense écoutille du vaisseau volant, agitant la main en un geste vaguement vulgaire en direction des hauts-parleurs. "Je vais bien, OK !" brailla-t-elle. "Je croyais t'avoir dit que je voulais qu'on me laisse tranquille !"
"Hé, m'engueule pas," répondit Buddy presque immédiatement, c'est Frangin qui voulait qu'on vérifie si tu allais bien. Faut t'en prendre à lui !"
"Hah !" répliqua Rikku en laissant tomber sa tête contre ses genoux avec léger grognement. "Pourquoi ne peut-il pas s'occuper de ses affaires ?", grommela-t-elle à voix haute.
La réaction était presque inévitable : "RIKKU ! J'AI ENTENDU ÇA !" Un autre craquement sonore jaillit des hauts-parleurs, probablement Poto qui avait réussi à arracher l'interphone de la poigne furieuse de Frangin.
"On s'inquiète juste pour toi. Alors tu comptes rentrer bientôt ?"
"D'accord, j'arrive tout de suite, vous excitez pas comme ça !" cria Rikku en sautant sur ses pieds. Elle donna à sa jupe minuscule quelques rapides coups de la main et se tourna vers l'écoutille. Le Celsius volait bas aujourd'hui et pas particulièrement rapidement, mais même comme ça la vitesse du vent était incroyable, fouettant sa chevelure blonde désordonnée dans son visage. "Ooh," râla Rikku, écartant quelques-unes des tresses et perles qui battaient contre ses joues. "Peut-être qu'il est de nouveau temps de couper ma tignasse !" Elle marcha à grands pas vers la porte le vent lui piquait le visage. Ça n'aidait pas à améliorer son humeur maussade. L'écoutille s'ouvrit avec un glissement lisse, le rythme toujours réconfortant des machines en marche l'accueillit, et bientôt elle prenait la large plate-forme d'acier pour redescendre au coeur du vaisseau.
Le Celsius était la fierté et la joie de Frangin bricolé, customisé et amoureusement entretenu par lui et Rikku, c'était assez probablement le vaisseau volant le plus avancé dans tout Spira – et assurément le plus beau, selon l'opinion personnelle de Rikku. Après la destruction de leur premier Foyer, c'était le plus proche substitut qu'il avait trouvé pour l'original. Si elle était honnête avec elle-même, Rikku aimait le vaisseau tout autant que son frère être à l'intérieur suffisait habituellement à la réconforter. Pas ce jour-là, cependant le ronronnement normalement apaisant des machines lui tapait sur les nerfs et la faisait se sentir plus irritable que d'habitude.
"Où est-il, d'ailleurs ?" grommela-t-elle pour elle-même, en croisant les bras et en marchant impatiemment de long en large tandis que le monte-charge descendait. "Où est mon happy end ?" Elle ferma les yeux et soupira bruyamment. Le soubresaut de la plate-forme qui s'arrêtait la fit sortir de sa réflexion, et Rikku lança un regard noir au corridor vide. "Les happy ends n'arrivent pas tout seuls, Rikku !" se réprimanda-t-elle tout haut. "Il faut les provoquer, pas vrai ?" Et si je ne le trouve pas ici, alors peut-être...
Comme avec la plupart de ses idées, Rikku s'empara de la pensée naissante et en suivit le fil avant qu'elle n'ait totalement pris forme. "Besaid ?" songea-t-elle à voix haute. "Nan, Yunie et Tidus n'ont probablement pas envie que je traîne dans le coin et que je les embête à nouveau si vite." Elle entra rapidement à grandes enjambées dans l'ascenseur et écrasa le bouton menant aux cabines, en marmonnant pour elle-même tout le long du trajet. "Bevelle ? Oh non, pas question ! Je déteste toujours cet endroit ! Je ne comprends pas comment Paine peut le supporter !" Elle fit à peine un signe de la main au Barman alors qu'elle sautait par-dessus les marches puis vers son lit. "Peut-être le Mont Gagazet, je n'ai pas vu Kimahri depuis un moment..." Elle revint sur son idée et baissa les yeux sur ses vêtements peu couvrants, en fronçant le nez. "D'un autre côté, il neige toujours là-bas. Brrr, j'ai froid rien qu'en y pensant !"
En s'asseyant lourdement sur le lit, Rikku farfouilla dans la pagaille de son tiroir, fredonnant distraitement pour elle-même tandis qu'elle choisissait une petite sélection de sphères et faisait passer au hasard quelques vêtigrilles dans ses mains. Avant de se séparer, les trois filles avaient partagé entre elles la collection de petites tablettes à l'apparence minérale comme souvenirs de leurs aventures ensemble. Bien qu'elle n'ait pas vraiment besoin d'autre chose que d'auto-défense de base contre les habituels monstres ordinaires lors des expéditions les plus dangereuses, Rikku se surprenait à les porter souvent par habitude, presque comme des bijoux. Elle avait même commencé à bricoler des ceintures fantaisie pour les assortir avec les motifs gravés sur les différentes tablettes.
En faisant un tri rapide dans sa collection désordonnée de sphères et de grilles, elle se décida pour l'une et commença à la décorer avec les sphères qu'elle avait choisies. "Toujours penser à ajouter des accessoires," proclama-t-elle fièrement quand elle eut terminé, ajustant la ceinture d'un claquement. Aussitôt, elle ferma les yeux et prit une grande inspiration au fourmillement d'électricité qui courut le long de son échine : s'équiper des grilles imprégnées de magie était toujours un peu désagréable au début. Lulu avait fait de son mieux pour former Rikku aux techniques de la magie noire pendant le pélerinage de Yuna, mais à part les sorts élémentaires les plus basiques, la complexité de la haute magie avait toujours échappé à la compréhension de Rikku. Porter la Palette d'Embrasement était comme enfiler une paire de lunettes grossissantes sur ses nerfs magiques, ça poussait sa capacité limitée à une concentration douloureusement intense et ça l'augmentait avec une explosion de pouvoir artificiel. Après quelques secondes, ses doigts cessèrent de picoter et elle ouvrit les yeux.
"Pfiou, quelle explosion !", cria-t-elle, renonçant aux escaliers pour sauter depuis la galerie. Barman lui lança un regard suspicieux depuis l'arrière du comptoir en tout cas, aussi suspicieux qu'un hypello pouvait paraître.
"Mademoijjelle Rikku, est-ce que vôô préparez un autre voyage ?", demanda-t-il placidement, en faisant claquer ses longs doigts.
Rikku adressa au petit hypello un large sourire. "Ouaip ! J'ai quelque chose à faire, et je l'ai mis de côté depuis trop longtemps. Mais ne t'inquiète pas, je reviendrai dare-dare ! Je parie que vous ne remarquerez même pas que je suis partie, les gars !"
Barman hocha la tête et cligna des yeux dans sa direction elle savait que c'était sa version hypello personnelle d'un sourire. "Peut-être que vôô devriez le dire aux jjautres," ajouta-t-il avec diplomatie après coup.
"Bien sûr ! Il faut que quelqu'un m'amène là-bas avec le vaisseau, après tout !"
"T'emmener où ?" Poto entra et croisa les bras. "Frangin m'a envoyé te chercher, il voulait te voir en haut sur le pont il y a cinq minutes."
Rikku leva seulement les yeux au ciel et renifla, sortant à grands pas par la porte. Elle entendit l'écho des pas de Poto derrière elle et se laissa tomber contre la paroi de l'ascenseur en attendant qu'il la suive.
"Alors... tu vas me parler de tes nouveaux projets, ou tu as juste l'intention de les révéler à Frangin quand on sera là-haut ?" Poto paraissait vaguement amusé, mais il y avait une trace d'inquiétude dans la question.
Il s'abstint d'appuyer sur le bouton qui les amènerait vers le pont tandis qu'il attendait qu'elle lui réponde.
"Eh bien..." commença Rikku, en s'agitant. Elle n'avait pas prévu grand-chose pour le moment, en réalité elle était encore en train de débattre silencieusement du lieu où elle voulait aller pour commencer son voyage. Tout ce qu'elle savait, c'était que quel que soit l'endroit où son happy end se cachait, elle ne le trouverait pas sur le Celsius en compagnie de ses amis. "J'ai juste l'impression que j'ai besoin de partir de mon côté un moment," admit-elle finalement. "Tu sais, voler de mes propres ailes, ce genre de choses !"
"Hein," répliqua Poto. Il se grattait la tête et semblait peu convaincu. "Tu fais toujours ce que tu veux, qu'on soit là ou pas de toute façon," lui signala-t-il. En la voyant qui s'agitait nerveusement et restait silencieuse, il haussa les épaules en signe de défaite et lui sourit. "D'accord, pas besoin de cracher le morceau si tu ne veux pas. Dis-moi seulement : est-ce qu'on va regretter de te laisser faire ce que tu prépares, quoi que ça puisse être ?"
"Non !" répliqua Rikku, se mettant aussitôt à faire la tête. "Pourquoi d'ailleurs supposez-vous toujours le pire à propos de mes plans, les gars ?"
Poto rit en secouant la tête. "Parce que tu es la fille de Cid le Cinglé. Parce que tu es de la famille de Frangin. Parce que tu sais que j'ai raison. Je peux rentrer dans les détails si tu veux. Oh, comme la fois où tu as voulu introduire les courses de Chocobos à Bevelle pour « les décoincer »..."commença-t-il en tendant la main et agitant un doigt. Rikku prit un air renfrogné. "Ou alors quand tu nous as emmenés faire du snowboard au Lac Macalania ?"
"Ecoute ! C'était une parfaitement bonne idée jusqu'à ce que ces monstres débarquent ! Comment est-ce que j'étais censée savoir que la glace était si mince ?"
Poto secoua simplement la tête à nouveau et haussa les épaules. "Tu vois ce que je veux dire ?"
Rikku leva les yeux au ciel et écrasa le bouton pour le pont avec un soupir impatient. "Je ne vais PAS vous attirer d'ennuis cette fois, c'est juré ! C'est juste que je..." Elle baissa les yeux et se balança sur la pointe des pieds avec gêne. "J'ai juste besoin d'un peu de temps pour moi, tu comprends ? Y a un truc que je dois trouver, et je ne crois pas que vous pouvez m'aider cette fois, les gars."
"Hmm," dit Poto, en la regardant pensivement. "On a tous remarqué que tu étais plutôt grincheuse ces dernières semaines..."
"GRINCHEUSE ?", brailla Rikku d'une voix stridente, en serrant les poings. "Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire, hein ?"
"... tendue, je veux dire tendue," corrigea Poto immédiatement. "Peut-être que tu as raison, pourtant. Je suppose qu'on a tous besoin d'un peu de vacances de temps à autre." L'ascenseur s'arrêta, et alors que les portes s'ouvraient, ils purent entendre les cris sonores de Frangin qui passaient à travers la lourde paroi de métal du cockpit pendant qu'il se querellait avec Shinra. "... peut-être que ce n'est pas le meilleur endroit si on veut réfléchir, de toute manière."
Ils s'engagèrent dans le couloir, mais il s'arrêta à nouveau avant qu'ils n'entrent sur le pont. "Mais tu sais, Rikku... on sera toujours là pour toi si tu as besoin de nous. Tu es une Albatros, après tout. Ça veut dire que tu fais parti de la famille."
Rikku cligna des yeux, surprise Poto était bien plus perspicace qu'il ne le laissait généralement paraître. Elle se rendait compte qu'il était inquiet pour elle, et elle ressentit un vague accès de culpabilité pour songer à les quitter si soudainement avec un objectif peu clair et sans autre réel but que de « se trouver ». "La famille," répéta-t-elle faiblement, en lui adressant un sourire reconnaissant. "Ne t'inquiète pas tant, je reviendrai dès que j'aurai compris ce que je cherche."
Poto l'approuva d'un petit signe de tête. "Nous avons confiance en toi," dit-il simplement, puis il ouvrit l'écoutille.
"RIKKU !" Frangin releva la tête immédiatement alors qu'elle entrait sur le pont. "Te voilà ! Qu'est-ce qui t'a pris si longtemps ? Nous avons des ondes de sphères qui viennent de -"
"Eh bien elles vont devoir attendre !" dit Rikku immédiatement, en levant la main pour imposer le silence à son frère qui postillonnait. "Il y a un endroit où je dois aller avant de pouvoir continuer la chasse aux sphères pour les Albatros !"
"QUOI !" s'exclama Frangin, en levant les bras en au ciel.
Poto secoua seulement la tête d'un air fatigué, donnant une rapide tape sur l'épaule de Rikku avant de prendre son poste à la barre. "Je crois que Rikku veut un peu de vacances," dit-il prudemment.
"On vient juste de revenir de ces vacances à Besaid il y a deux semaines," glissa Shinra en regardant par-dessus l'épaule des autres. "Pourquoi est-ce qu'il nous en faut d'autres ?"
"EXCELLENTE QUESTION !" brailla Frangin, agitant ses mains en cercle encore plus furieusement au-dessus de sa tête. "Encore que... si tu veux dire que tu veux retourner à Besaid pour rendre visite à Yuna..." commença-t-il pensivement.
"Hé !" cria Rikku, en sautant sur place d'un air furibond. "Moi j'ai besoin de vacances, pas vous les gars ! Moi ! Seulement moi ! Et je ne vais pas à Besaid !" ajouta-t-elle, ce qui fit s'assombrir le visage de Frangin.
"Moi moi moi," imita-t-il dans un ricanement en se singeant de Rikku. "Tu ne penses qu'à ça. Et notre chasse au trésor ? Et le Celsius ? Et Yuna ?" ajouta-t-il. Cette dernière question sortit sur un ton mélancolique.
"Pff, c'est pour ça que je ne discute pas avec toi," répliqua Rikku, en levant les yeux au ciel. "Je pars en vacances de mon côté, et c'est décidé ! Les gars, vous allez juste devoir apprendre à vivre sans moi. Horrible, je sais !" ajouta-t-elle avec un large sourire.
"Hah !" répliqua Frangin, jetant des regards noirs à sa soeur. "C'est juste une autre de tes idées de dernière minute pour échapper à la chasse aux sphères, c'est ça ? Je parie que tu ne sais même pas où tu veux aller !" Il croisa les bras et attendit avec un sourire narquois.
"Hé ! C'est absolument pas vrai !" cria Rikku avec colère, en se dirigeant à grands pas vers le panneau de contrôle. Elle redressa l'hologramme tournoyant de la carte du monde et le fixa d'un air absent un moment, en sentant les yeux de Frangin qui la transperçaient. Réfléchis, Rikku, réfléchis ! Les yeux plissés, elle faisait glisser son doigt sur le continent en essayant de choisir une destination, quand l'inspiration la frappa soudainement. "Pour votre information, je vais à Guadosalam !" les renseigna-t-elle d'une voix triomphante.
Un silence tomba alors sur la pièce alors que tout le monde se tournait pour la regarder.
"Pourquoi ?" demanda finalement Shinra.
Oui, pourquoi ? se répéta nerveusement Rikku, sentant leurs yeux sur elle. Guadosalam n'offrait que de mauvais souvenirs aux Al Bhed de sa vantardise d'être l'emplacement de l'Au-delà, au fait d'être l'ancienne demeure du peuple qui avait détruit la leur, au simple fait que le Syndicat LeBlanc contrôlait encore pratiquement la ville. "J'y vais. Ne posez pas de questions, ok ?" répondit-elle d'un ton cassant, sur la défensive.
"C'est vraiment ce que tu veux faire, Rikku ?" demanda Frangin, en plissant les yeux vers elle. Il était agaçant, et bruyant, et il avait tendance à surréagir à la moindre provocation, mais au bout du compte il était quand même son frère. Rikku sourit et lui adressa un petit signe d'acquiescement, et l'expression de son frère s'adoucit très légèrement. Il prit ensuite un air dur et renfrogné. "Bon. Mais tu me revaudras ça, et plutôt deux fois qu'une, tu sais ?"
"Ouais, ouais, c'est ça," répliqua Rikku, en tirant la langue dans son dos. "Merci," marmonna-t-elle à voix basse, mais rien ne montra qu'il l'avait entendue.
.x.x.x.
"Qu'est-ce que je fais là ?" grommela Rikku, regardant fixement le puits de lumière tourbillonnante qui marquait l'entrée de l'Au-delà. Elle pensait que ses aventures avec Yuna avait guéri sa répugnance à y entrer, mais maintenant ces jours-là paraissaient dater d'une autre vie, et toutes les anciennes peurs refaisaient surface rapidement.
Les Al Bhed n'avaient pas peur de l'Au-delà ils le méprisaient, toutefois, ou en tout cas méprisaient ceux qui le considéraient comme un portail pour communiquer avec les morts. "Tout a une explication simple, et si ça ne peut pas être expliqué, c'est que ça n'a simplement pas encore été assez étudié." Cette maxime s'appliquaient assurément à l'égard des pyrolucioles et des visions qu'elles formaient quand quelqu'un entrait dans l'Au-delà. C'était l'explication à laquelle Rikku aimait se fier quand elle essayait d'expliquer pourquoi elle n'aimait pas y venir. Ce n'était pas la vérité, quoi qu'il en soit, en tout cas pas la vérité pour elle.
La vérité, pour Rikku, c'était qu'elle avait peur des choses qu'elle pourrait voir dans l'Au-delà. Elle voulait garder les souvenirs des personnes qu'elle avait perdues figés à l'intérieur de sa tête, piégés dans des temps heureux elle ressentait le fait de laisser les pyrolucioles projeter ces pensées là où tout le monde pouvait les voir comme une violation de son intimité, mais aussi une renonciation elle avait l'impression que d'une certaine manière, elles allaient lui voler ses souvenirs heureux et la laisser seule avec juste de la tristesse.
Elle faisait les cent pas nerveusement à l'extérieur de la porte de lumière les derniers visiteurs étaient sortis depuis longtemps, et au vu de l'heure tardive il était peu probable que d'autres viennent ce soir-là. Non que qui que ce soit puisse jamais dire quelle heure du jour ou de la nuit il était réellement à Guadosalam la communauté souterraine était perpétuellement éclairée par une ambiance de soirée paisible, tandis que l'Au-delà était baigné dans un éternel coucher de soleil.
"Ohh, arrête de renâcler et fais-le !" se dit-elle, en se prenant la tête dans les mains et en fouettant l'air de ses tresses autour elle. Puis, en se mordant les lèvres, elle ferma les yeux avec force et se jeta à travers la barrière. Une brève, nébuleuse sensation de froid passa sur sa peau, comme si Shiva lui avait envoyé un léger baiser. Cela disparut, mais pas l'air frais, et Rikku ouvrit prudemment un oeil.
"Ça y est," souffla-t-elle doucement tout en grimpant les marches de pierre et en admirant le ciel sans fin et les nuages tournoyants qui entouraient la plate-forme. L'Au-delà était aussi époustouflant que dans ses souvenirs beau et froid et si totalement vide. Le chant silencieux des pyrolucioles emplissait l'air, et Rikku frissonna convulsivement. "Ça fout les jetons !" cria-t-elle à voix haute, essentiellement pour tenter de s'inspirer du courage et chasser les doux soupirs des pyrolucioles. "Ce n'est pas aussi terrible que le tonnerre," se dit-elle, en frottant ses doigts dans sa paume et en avançant avec raideur. "Il est temps d'affronter quelques vieilles peurs." Elle s'approcha résolument du bord du plateau de pierre et regarda dans les brumes en dessous. La couleur et la lumière emplissaient l'air, avec le grondement étouffé de la chute d'eau. Il y avait quelque chose de douloureusement beau dans l'Au-delà, et pourtant d'une grande tristesse... Avec toute sa beauté, il était tout de même désolé et vide.
"A quoi bon des fleurs si personne ne les voit s'épanouir ?" se demanda doucement Rikku, en s'installant sur le bord du rocher et en laissant ses pieds pendre au-dessus du vide. Quelques pyrolucioles s'amoncelèrent autour du bout de ses bottes, et Rikku les regarda tournoyer là avec une fascination détachée. Difficile de croire que les monstres sont faits de ces petits gars-là, pensa-t-elle en elle-même. Pas seulement les monstres, se rappela-t-elle. Les pyrolucioles s'éloignèrent en virevoltant de ses bottes et tournoyèrent devant elle, et Rikku déglutit avec difficulté.
"Maman," dit-elle doucement, en regardant la silhouette qui apparaissait lentement à sa vue. Des larmes inattendues lui piquèrent les yeux c'était sa mère, flottant devant elle avec bien plus de clarté et de netteté que ce que sa mémoire confuse pouvait se rappeler. "Est...Est-ce que tu es vraiment là ?" murmura-t-elle en tendant la main vers l'image. Mais l'image lui souriait simplement, flottant là, étrangement vivante et pourtant sans jamais changer, sans jamais réagir à sa présence par autre chose qu'un doux sourire. Rikku laissa retomber sa main. "Juste un souvenir, en fin de compte, hein ?" murmura-t-elle, en s'essuyant les yeux avec colère. "Nous avons raison, n'est-ce pas, maman ? Ce n'est pas un portail vers le passé, ce n'est qu'une très grosse sphère pour émettre ses propres pensées." Elle se sentit idiote de son moment de foi incontrôlée, d'avoir cru que cela pouvait être contre toute probabilité sa véritable mère qui se tenait devant elle. Quand elle leva les yeux, l'image se dissipait déjà.
"Seulement des souvenirs des morts," se répéta-t-elle. Les pyrolucioles tourbillonnèrent et tournoyèrent encore, et Rikku sourit à l'homme qui flottait devant elle. "Hé, Keyakku," dit-elle, clignant des paupières pour ravaler une autre vague de larmes. "Longtemps qu'on ne s'est pas vus. Tu manques à Père et Frangin, tu sais. Non qu'ils l'aient jamais dit." Il lui rendit seulement son regard, un demi-sourire jouant sur son visage, le même qu'elle avait vu à sa mère. "A moi aussi, je suppose," ajouta-t-elle doucement. Elle était contente qu'il ne porte pas ses lunettes de protection cette fois elle avait presque oublié le vert de ses yeux. "C'était toujours toi le raisonnable. Alors veille bien sur maman jusqu'à ce qu'on arrive, tu veux bien ?", murmura-t-elle, en lui faisant un petit au revoir de la main. Les pyrolucioles virevoltèrent autour de lui et il disparut.
"Ce n'est pas si mal," se raisonna Rikku avec un petit soupir. "Je suppose... que d'une certaine manière c'est bien de pouvoir dire au revoir." Elle sourit d'une manière hésitante pour elle-même. "Je me demande si c'est vraiment comme une sphère de projection..." Fermant les yeux, elle se concentra. Puis elle les entrouvrit et poussa un petit cri de joie. Les pyrolucioles s'étaient regroupées, et elle sourit à la silhouette devant elle. "Salut, Jecht ! J'espère que ça ne dérange pas Tidus que je te vois ici," dit-elle tandis qu'elle le saluait de la main. Sans surprise, il ne répondit pas. "Je suppose que je ne te connais pas si bien que ça, mais j'étais juste un peu curieuse de voir si je pouvais te faire venir puisqu'on ne s'est jamais rencontrés en personne. Euh, bon, à moins qu'on ne compte la fois où nous avons aidé à te tuer avec Tidus... mais tu n'étais pas vraiment toi-même, alors ça ne compte pas !" se dépêcha-t-elle de finir avec embarras. Elle savait qu'il n'était pas vraiment là, mais c'était quand même embarrassant de le dire à voix haute. "Désolée pour ça, d'ailleurs." ajouta-t-elle avec une petite grimace. Je ne sais pas pourquoi je me sens si coupable pour ça. Il voulait mourir, après tout, il a pratiquement demandé à Tidus de le tuer ! En plus, si on veut être techniquement technique là-dessus, on pourrait dire que c'est Yunalesca qui l'a tué...
Les pyrolucioles changèrent de forme, et Rikku se figea de terreur. «PAR LES MACHINES !" hurla-t-elle, perdant presque l'équilibre. Yunalesca sourit seulement en réponse sa longue chevelure flottait dans la brise fantôme. Après quelques secondes, le coeur de Rikku quitta sa gorge et elle regarda la femme en bikini avec précaution. "La vache, tu fiches autant la trouille que quand tu étais vivante ! Ou, euh, morte-vivante, ou quoi que ce soit que tu étais. Pourquoi est-ce que tu ne ...ouste ! Va-t-en !" Ça ne marchait pas plus Rikku essayait de ne PAS penser à Yunalesca, plus son image paraissait devenir solide.
"Ahh ! Il faut que j'arrête de penser à des morts !" cria Rikku, en se prenant la tête dans les mains et en la secouant furieusement. "Pense aux vivants Rikku ! Pourquoi pas... euh... Gippal ! Ouais, c'est ça, pense à Gippal !" Elle se concentra sur sa mine prétentieuse, et son sourire en coin, et comme on pouvait s'y attendre, les pyrolucioles se dispersèrent. Malheureusement pour Rikku, elle avait maintenant en tête un Al Bhed extrêmement agaçant et toujours vivant. Pourquoi faut-il qu'il soit si mignon ? pensa-t-elle avec agacement. A une certaine époque, Rikku avait eu plus que de l'amitié pour lui elle se trouvait toujours beaucoup trop facilement troublée en sa présence, un fait qu'à l'évidence il prenait plaisir à utiliser. "Je n'arrive pas à croire que je craque toujours pour cet abruti de Gippal. Je veux dire, il a dragué Yunie la première fois qu'il l'a rencontrée ! Il drague tout ce qui bouge !" Elle croisa les bras sur sa poitrine et s'affaissa. "Je n'aime pas les gens qui draguent. Enfin, OK, si, mais je n'aime pas les MECS qui draguent ! Ils ne prennent jamais rien au sérieux !"
Rikku se redressa soudain alors que les mots sortaient de sa bouche. "C'est ça !" marmonna-t-elle entre ses dents en regardant fixement dans le vide devant elle. "C'est ce dont j'ai besoin. Je cherche quelqu'un qui me prendra au sérieux." Elle fronça les sourcils, en essayant de se rappeler la dernière fois que c'était arrivé. "Pfiou... quand est-ce que je n'étais pas l'élément comique de service pour tout le monde ?" se demanda-t-elle. Elle se replia alors sur elle-même et ricana tout haut. "Quand nous étions en pélerinage avec Yuna, voilà quand c'était. Tidus était parfois assez à côté de la plaque pour me soulager de ce poids de temps en temps ! Hé Hé... ces jours-là me manquent un peu." Elle se reconcentra sur les pyrolucioles pendant qu'elle parlait, et le sourire s'effaça de son visage. "Oh, c'est toi," dit-elle finalement.
Auron lui rendit son regard, impassible elle remarqua avec amusement que même son image en pyrolucioles n'avait pas le même demi-sourire que les autres.Voilà Messire Auron pour toi. A jeter des regards noirs même dans l'autre monde, pensa Rikku pour elle-même avec un large sourire. Il s'effaça rapidement tandis qu'elle examinait le visage de Auron les touches de gris aux tempes, la cicatrice irrégulière qui passait sur un oeil et le haut col de son manteau qui dissimulait ses lèvres expressives. Elle souhaitait presque que ce col ne soit pas là pour qu'elle puisse voir entièrement son visage les pyrolucioles, cependant, formaient des images à partir de la mémoire, et elle ne pouvait pas se souvenir d'une occasion où il avait suffisamment baissé sa garde pour lui montrer tout son visage.
"Ce n'est pas juste," lui dit-elle, en remontant les genoux sous son menton et enveloppant ses jambes de ses bras. "Yuna a Tidus, Paine a Nooj. Bon, je suppose que ça veut dire qu'elle a LeBlanc, aussi, donc il y a une forme de justice là-dedans, hein ? Mais elle a aussi Baralai et Gippal. Et moi, j'ai quoi ? Frangin, et Poto et Shinra. Je suppose que ce n'est pas si mal, mais... Je commence à penser qu'il n'y a pas de chevalier servant qui m'attende quelque part, tu vois ?" Rikku leva les yeux au ciel, même si cet Auron ne pouvait pas vraiment voir le geste et y être sensible. "Ça renforce vraiment la confiance en soi."
Auron ne dit rien sur ce point, l'image correspondait vraiment à l'homme dont elle se souvenait.
"Rah, je me sens stupide, de me parler à moi-même comme ça," lui dit-elle sur le ton de la conversation. "C'est plus facile de le dire maintenant que tu es là d'une certaine façon, pourtant. C'est pour ça que je suis venue, en réalité, je suppose. Pour affronter mes... problèmes." Elle rit doucement, en essayant d'éviter l'inévitable. Evidemment, cela ne fit que rendre son image encore plus nette et plus solide.
Contrairement à la croyance générale, Rikku n'était pas stupide. Il y avait une raison pour laquelle aucun chevalier servant ne l'attendait, et elle le savait parfaitement tandis qu'elle la regardait. C'était la même raison qui faisait que Paine la taquinait parce qu'elle utilisait obstinément la vêtisphère du samouraï malgré le fait qu'elle n'avait pas assez de force dans les bras pour que ça vaille la peine qu'on en parle la raison que Yuna connaissait, elle en était assez sûre, à cause de l'étoffe rouge qui la recouvrait chaque fois qu'elle l'activait. Yuna avait passé son temps à porter l'épée de Tidus, et Rikku... elle avait choisi de porter celle d'Auron. "Personne ne t'arrive à la cheville," lui dit-elle avec un sourire ironique. "Je suppose que c'est plutôt difficile de rivaliser avec une légende morte." Son visage s'assombrit, et elle souhaita plus que jamais pouvoir tendre la main et le toucher, qu'il soit réel.
"Pourquoi a-t-il fallu que tu sois le premier à me voir réellement, moi ? A voir que je n'étais pas juste une fille idiote, et à me prendre au sérieux ? Pourquoi a-t-il fallu que ce soit quelqu'un comme toi ?" lui demanda-t-elle. "Et pourquoi a-t-il fallu que tu meures avant que je puisse même te dire ce que je ressentais ?"
L'image était silencieuse, sans changement à part la brise fantôme qui ébouriffait ses cheveux. Cet Auron n'avait pas de réponse pour elle elle pouvait facilement entendre ce qu'il dirait, s'il avait été encore là.
Il n'y avait aucune chance. J'étais déjà mort, longtemps avant que tu n'arrives.
"Mais tu étais quand même réel," protesta-t-elle désespérément. "Maintenant tu es juste un souvenir, comme maman et Keyakku, trop mort pour me rendre mon amour mais toujours assez vivant pour me rendre malheureuse." Elle soupira avec amertume et laissa tomber sa tête sur ses genoux, pour ne plus voir son image. "Il vaut mieux avoir aimé et avoir perdu son amour, que de ne jamais avoir aimé du tout, à ce qu'on dit," sanglota-t-elle. "C'est pas comme si je pouvais le savoir, hein, Auron ? Vu comment j'atterris en plein dans le tas de ceux qui n'ont jamais été aimés."
Rikku garda sa tête solidement plantée dans ses genoux et songea à pleurer, mais les larmes ne voulaient pas venir. Cinq ans, ça faisait long à pleurer sur un amour non partagé, et Rikku n'était pas du genre à se morfondre. A la place, elle était remplie d'un amer sentiment d'injustice. Elle aurait voulu sauter sur ses pieds et crier que ce n'était pas juste, qu'elle méritait une autre chance, ou au moins une occasion de reprendre son coeur et de le ramener en sûreté avant qu'Auron ne l'emporte, en le dissolvant avec ses pas mesurés et ses pyrolucioles et son refus de regarder en arrière juste une dernière fois, s'il te plait !
Quand elle fut certaine d'avoir fini de ne pas pleurer, Rikku leva la tête et les yeux avec circonspection. Il était toujours là, sans mouvement, sans changement, même si tout de même l'image s'était légèrement brouillée. Elle voyait les points de lumière vive qui brillaient à travers son lourd manteau rouge, serpentant paresseusement à travers sa poitrine, parfois plus brillants, parfois presque complètement masqués par sa silhouette. "Je suppose que je dois te quitter la première cette fois-ci ," lui dit-elle sur un ton d'excuse.
Rikku ramena ses pieds sous elle, poussa sur le sol et bascula en position debout. Après coup, dans le bref moment entre sa compréhension rationnelle des conséquences de la gravité et la panique pure, elle eut le temps d'analyser ce qui avait provoqué sa chute. Peut-être était-ce parce qu'elle était restée assise dans la même position si longtemps que ses jambes s'étaient ankylosées. Ou peut-être était-ce la rafale de vent soudaine et inattendue qui balaya le paisible plateau alors qu'elle se levait. La façon dont elle s'était placée tout au bord du rocher n'avait certainement pas aidé du tout. Ou peut-être, juste peut-être était-ce la fugitive impression d'être poussée, avec une grande douceur. Quelles qu'en soit les raisons, elle était en train de tomber, paquet de membres s'agitant en tous sens et de cheveux flottants, à regarder le plateau qui rapetissait à chaque seconde qui passait.
Rikku s'était toujours imaginé qu'elle aurait quelque chose de spirituel à dire juste avant de mourir. "Banzaï !" peut-être, ou "Salut, sympa de vous avoir connus !" ou éventuellement même "Si j'y passe, tu viens avec moi !" Au lieu de ça, tout ce qu'elle pouvait faire c'était haleter en silence et faire un geste inutile pour saisir la sécurité de la pierre qui disparaissait dans les brumes beaucoup trop vite à son goût.
Ce n'est pas mon happy end ! Je ne veux pas devenir un monstre ! Minute, est-ce qu'on peut seulement devenir un monstre dans l'Au-delà ? Peut-être que je n'aurai pas besoin d'être envoyée puisque je suis déjà ici, donc tout marchera bien. Enfin, à part pour le fait que JE NE VEUX PAS MOURIR MON DIEU MON DIEU MON DIEU-
Tout devint blanc. Ou peut-être que tout était toujours blanc on prévenait les vivants de ne pas passer trop de temps dans l'Au-delà parce que les choses étaient différentes là-bas du temps et de l'espace fondus ensemble. L'Au-delà était le royaume de l'esprit, et ne suivait pas les règles de la logique et de la chair ceux qui essayaient de rester là-bas devenaient fous à lier, ou en tout cas c'est ce qu'on disait. Bien qu'elle ne se rappelle pas avoir eu le temps de s'endormir, quand Rikku se réveilla elle réalisa qu'elle n'était plus en train de tomber. Elle ne se tenait pas sur un sol solide non plus, cependant elle flottait en apesanteur, entourée de froides brumes blanches.
"Est-ce que je suis morte ?" se demanda-t-elle en haletant. Est-ce que c'est ce que ça fait d'être mort ? Je ne me sens pas différente du tout. A titre de test, elle tint sa main devant son visage et loucha vers elle. Elle avait l'air solide.
Sur une impulsion, elle porta les doigts à ses lèvres et mordit avec force.
"AOUW !" cria-t-elle, en retirant sa main et en la secouant rapidement. De petites taches de sang suintaient sous les marques de morsure, et ça lançait douloureusement. "On dirait que je suis en vie," grommela Rikku prudemment. Elle leva à nouveau la main et essaya une dernière fois. Pyroluciole-pyroluciole-pyroluciole ! ordonna-t-elle fermement à ses doigts. Ils restèrent solides, quelle que soit l'intensité avec laquelle elle essaya de les convaincre de se dissoudre. Après quelques essais supplémentaires ponctués de grognements, Rikku abandonna et décida de partir du principe qu'elle n'était probablement pas morte.
"Où suis-je ?" demanda-t-elle, en se tournant de tous côtés et en essayant de distinguer quelque chose dans l'épaisse brume.
"Tu es dans l'Au-delà," répondit une voix, et Rikku glapit et se retourna pour lui faire face.
"Tu... est-ce que je ne t'ai pas déjà rencontré quelque part ?" dit Rikku sur un ton hésitant, en dévisageant l'étrange garçon qui flottait devant elle. Ses yeux étaient cachés par le lourd capuchon violet qui était tiré bas sur sa tête. Un léger sourire recourbait ses lèvres et il la salua de la tête.
"Oui," lui dit-il. "Nous nous sommes déjà rencontrés." Il lui tourna le dos et les yeux de Rikku furent attirés vers le complexe motif de roue qui était brodé sur le dos de la chemise du garçon.
"Tu es un Priant !" laissa échapper Rikku soudain, se couvrant la bouche des mains. "Tu es-"
"Que veux-tu ?" Bahamut se retourna et la considéra en silence.
Rikku recula et s'écarta de l'enfant fantôme. "Je sais pas, genre, ne pas mourir peut-être ?" cria-t-elle avec exaspération.
"Toutes les choses vivantes meurent. C'est dans l'ordre des choses. Sinon ce serait cruel," lui dit Bahamut sur un ton raisonnable. "Que veux-tu ?" lui demanda-t-il à nouveau.
Je dois avoir des hallucinations, pensa Rikku vaguement. Peut-être que j'ai atterri dans cet immense champ de fleurs tout en bas et que je me suis cogné la tête ou quelque chose comme ça. Elle se frictionna les doigts et grimaça sous la douleur de sa morsure. "Je crois que je veux me réveiller," dit-elle à voix haute.
Le garçon soupira doucement et secoua la tête dans sa direction. "Si tu ne veux pas rêver, alors pourquoi es-tu venue ici ?" demanda-t-il.
Rêver? pensa Rikku, désorientée. "Je ne sais pas pourquoi je suis venue ici à la base," dit-elle sur la défensive. Menteuse, se réprimanda-t-elle avec un sentiment de culpabilité.
"Menteuse," dit Bahamut en écho. "Tu as juste peur de ton rêve."
"Ben, c'est un gars assez flippant, tu ne trouves pas !" lâcha Rikku, exaspérée. "Même s'il est... mort," ajouta-t-elle plus doucement, en sentant son coeur se serrer dans sa poitrine.
"Que veux-tu ?" lui demanda encore Bahamut avec patience.
Rikku ferma les yeux et se laissa flotter dans les brumes. "Je veux..." Elle prit une profonde inspiration et essaya de chasser tous les soucis et les distractions qui réclamaient son attention dans sa tête. Fais simple, se dit-elle fermement. Pourquoi suis-je venue ici ?
"Je veux ma propre histoire."
"Hmm," entendit-elle Bahamut dire son rire sonnait avec la mélodie légère, insouciante, d'un enfant. Pourtant, en dessous, elle entendait un grondement grave, un grognement sorti de la gueule d'un dragon. Et soudainement, sa voix sembla trop vieille malgré la jeunesse de sa tonalité. "Je peux seulement ouvrir la porte. Tu devras encore trouver ton histoire par toi-même."
Rikku tendit le cou vers la voix, mais ses paupières étaient trop lourdes pour les ouvrir elle flottait toujours, mais son corps pesait comme du plomb. "Pourquoi est-ce que tu m'aides ?" lutta-t-elle pour demander. "Je ne suis pas Yuna. Je ne suis même pas Paine ! Je suis juste Rikku."
"Rikku est Rikku. C'est bien assez," l'entendit-elle dire.
Ou n'était-ce pas Kimarhi qui m'avait dit ça ? Pendant le Pélerinage de Yuna... Rikku fit l'effort de faire légèrement la moue. "Je... ne veux pas... une autre... aventure..." murmura-t-elle, luttant contre la lourdeur oppressante pour rester éveillée .
"Qu'est-ce qu'on dit toujours Rikku ?" entendit-elle Keyakku lui dire sur un ton taquin en lui passant une clé à molette. "Jamais deux sans trois."
"Pas... de nouveau... !"
Yuna la regardait avec anxiété, inquiète à cause de ce qu'elle avait vu après que Rikku avait activé la vêtisphère la première fois. "Est-ce que tu l'aimes vraiment ?" demanda-t-elle doucement à sa cousine.
"Qui ?" chuchota Rikku, à peine consciente.
"Tu sais qui," répondit-il, et elle se ressaisit d'un coup, luttant pour rester éveillé.
"Est-ce que tu pensais ce que tu as dit, à propos d'aimer et de perdre ?"
Elle pouvait presque sentir son souffle sur son visage souffle ? Avait-il même respiré, quand il était pas-vivant ? "Auron... ne t'en vas pas." sanglota-t-elle. "Ne m'abandonne pas de nouveau, en tout cas pas sans te retourner." Elle laissa échapper une petite plainte de consternation en sentant sa présence disparaître.
"A la fin tu devras choisir ce que tu aimes le plus... Es-tu sûre ?"
"Choisir ? Je veux juste te revoir," marmonna-t-elle. "Te voir vraiment, pas seulement dans mes souvenirs. Même si c'est juste... pour dire... au r'voir." Ses mots ralentirent et se réduisirent à un bredouillement tandis qu'elle perdait le contrôle de sa langue.
"Rappelle-toi tes paroles," entendit-elle Bahamut dire faiblement. Et alors elle eut l'impression d'être écartelée, soulevée, et elle pouvait sentir ses os se désolidariser, et elle n'avait pas imaginé que des os pouvaient ressentir quelque chose et ça faisait tellement mal et ça chatouillait partout et même si elle savait qu'elle n'était pas morte elle ne pouvait sûrement pas être vivante et ressentir ça et ensuite-
"Saute."
Soudain Rikku sut qu'elle était à nouveau en train de tomber, tomber à travers l'Au-delà comme avant, la brume hurlant à ses oreilles et sifflant à travers ses cheveux, et cette fois rien ne l'arrêterait. Elle allait atterrir dans un champ de fleurs et mourir d'une mort brouillonne, laide, comme une flaque, sans même avoir dit un truc cool avant de s'en aller, et personne ne prendrait jamais le temps de l'envoyer parce qu'elle était déjà dans le monde des morts.
"Saute ! Maintenant !"
Un chatouillement dans sa tête, un rappel... La voix enfantine de Bahamut s'introduisit à nouveau dans ses pensées il avait presque un ton pressant.
Comment puis-je sauter ? Je suis déjà en train de tomber ! songea furieusement Rikku, battant des bras.
"Tu ne dois pas avoir peur de tes rêves. Saute.
Mais...
"Les choses sont différentes dans l'Au-delà."
Ça, c'était moi, pensa Rikku avec un sursaut. C'est ce que je me suis dit tout à l'heure ! Le temps est différent ici. Elle se tourna face au vent et écarta les bras.
Et j'espère... que ça aussi, c'est différent ici.
Rikku sauta.
