Il était assis le dos, le dos contre le mur. Il avait passé dix-sept années épouvantables. Cuddy partie. Wilson mort. Il était brisé. Effondré. Il avait tenu durant tant de temps mais...Un accès de douleur plus fort que le précédent l'avait fait tomber, s'avachir contre le mur. Il avait mal. Mal. Mal. Très mal. Atrocement mal. Il avait arrêter le Vicodin pour elle. Et elle était partie il y a si longtemps. Elle avait dû refaire sa vie depuis le temps, avec un autre homme, une nouvelle ville, une nouvelle maison, un nouvel hôpital depuis le temps. Et lui ? Plus rien. Quelques mois avec Wilson, de la taule, de la taule, un trou perdu, plus d'énigme, juste de l'alcool, une déchéance aussi lente que douloureuse, de la douleur qu'il combattait chaque jour. Une douleur physique mais aussi un douleur due au vide qu'elle avait laissé. Il avait bien espéré au départ. Il avait espéré qu'elle pensait encore à lui mais il avait fini par déchanter. Bon, il devait reconnaître que, même s'il était réapparu dans la circulation, il doutait qu'elle ait un jour cherché un bar miteux au fin fond de l'Arkansas. Il n'avait jamais pu refaire sa vie . Enfin faire plus que refaire en réalité. Elle...était elle. Pour lui, c'était elle, juste elle et rien qu'elle. Mais ce n'était pas réciproque. C'était probablement ça le plus dur.
Il prit le 9mm qu'il avait caché dans un tiroir et qui était maintenant sur le sol. Il le regarde. Sa vie n'avait été qu'une succession d'échecs : un père indigne de porter ne serait-ce que ce nom. Une université d'où il avait été viré. Une demi-vie avec Stacy. Puis la douleur à la jambe. Une de ses seuls amis. Avec Wilson bien évidemment. Puis le Vicodin. Les cas. Le Vicodin. Les patients. Le Vicodin. Mais à chaque fois, le seul fil qui unissait tout ça, mis à part le père indigne, est elle. La flamme de sa vie. Celle qu'il aimait de tout son cœur et de toute son âme. Elle qui l'avait abandonné alors qu'il avait tout tenté. Elle qui l'avait abandonné alors qu'il n'avait fait qu'une seule erreur. Une seule fois parce qu'il avait eu peur. Une seule fois où il avait cédé au Vicodin, un autre de ses grands amis. Enfin un ami empoisonné.
Mais cette fois, il ne tremblait pas. De toute façon, elle n'en entendrait pas parler. Personne ne le verrait. Ou alors dans la semaine, quand il serait en putréfaction. Il n'avait plus personne. Si ce n'est ses douleurs. Il avait même abandonné le Vicodin. Pour elle. Il l'avait déjà dit ou pensé mais il voulait se le répéter. Comme pour se dire qu'il avait tout tenté même si ce n'était pas vrai. Il espérait juste que personne ne la préviendrait. Il voulait éviter de la faire souffrir. Elle ne le méritait pas. Chaque fois qu'il l'avait blessée, il revoyait qu'il l'avait blessée. Il revoyait ses yeux remplis de larmes et son cœur se serrait à chaque fois.
Il regarda de nouveau le 9mm. Sa main ne tremblait toujours pas. Au contraire, elle semblait comme apaisée. Il regarda la pièce : son piano, sa guitare, quelques habits, un lit,.. Mais tout semblait vide. Vide de tout bonheur, de toute émotion, de tout sentiment positif. Juste vide. Pas de femme, pas d'enfant, pas de parent, sa mère étant morte il y a deux ans dans son sommeil, plus d'ami physique, juste une amie provenant de lui-même : la douleur. Il était déjà mort moralement, mort puis ressuscité juridiquement. Il ne manquait plus que la mort physique et il aurait fait les trois. Ce serait une demi-réussite dans sa vie de raté.
Il inspira profondément et pointa le canon de l'arme vers sa tempe. En anéantissant son encéphale, il détruirait la seule chose qui l'ait jamais rendu spécial : son intelligence. Mais toute l'intelligence du monde ne pouvait ne pas permettre de devenir gentil si on ne l'était pas. C'était un con. Il le savait, ce message s'était planté dans son encéphale à mesure que sa vie avançait. En tirant, il détruirait tout ça. Cette fois, il ne fuyait pas. Il allait se libérer. Des larmes coulaient sur ses joues creusées telle la pluie ruisselant le long d'une colline. Ce n'était pas des larmes de tristesse mais de joie. Des larmes de joie car ce cauchemar allait enfin cesser. Tableau noir parsemé de tâches de couleurs à de minuscules endroits, recouverts d'une couche de noir.
Il inspira à nouveau et pressa la détente après avoir souri pour la première fois depuis la mort de Wilson.
