Je m'appelle Keiichiro Koyama, j'ai 26 ans et suis métis franco-japonais, bien que ça se voit pas parce que j'ai l'air franchement asiatique. Je me trouve plutôt banal physiquement (1,75m, 54kg, des cheveux noirs plutôt courts et des yeux marron clair), mais j'ai quand même du succès auprès des filles mais aussi des mecs, je capte pas trop pourquoi.
Mon père, Keisuke, a épousé ma mère, Coralie, quand elle était enceinte de moi et il n'était en France que depuis deux ans à ce moment-là. Depuis, on a toujours vécu à Paris et je ne connais pas le Japon, alors je rêve d'y aller un jour, entre autres pour découvrir par moi-même toutes les merveilles dont mon père me parle depuis que je suis petit.
En attendant d'avoir les moyens d'y aller et d'y rester au minimum un an (plus j'adorerais), je bosse et j'économise. Ce que je fais ne me plait pas (c'est alimentaire comme dit ma mère), mais ça ne paye pas trop mal et on a des primes plutôt importantes en fin d'année, alors depuis deux ans, je mets tout de côté (enfin presque tout, il faut bien vivre et payer tout ce qui doit l'être) en faisant mon rapiat sur tout ce que je peux. Ca craint un peu vis-à-vis de mes amis, mais ils comprennent assez bien ma raison. Mon collègue Guillaume, qui est devenu mon ami au fil du temps et voue une passion au Japon depuis l'adolescence, a dit qu'il partira avec moi quand je serais prêt à partir et qu'il restera au moins un mois. Ce sera cool de partir à deux, j'avoue. Enfin, encore quelques semaines de patience et on y sera (j'ai déjà mon visa vu que j'ai fais la démarche il y a des mois et des mois). J'ai trouvé une coloc avec un duo d'ami japonais (Naoki et Ren) juste à côté d'Akihabara. Ca a l'air super sympa, j'espère qu'on va bien s'entendre. J'ai un avantage sur Guillaume : grâce à ma double nationalité, je suis bilingue japonais, ça va m'aider. Je me demande si Tokyo est aussi belle que mon père, tokyoïte, me le dit. En tout cas, il est drôlement fier que "son fils unique veuille à ce point découvrir ses racines et le pays de ses ancêtres". J'ai pas osé lui dire que c'est pas exactement ça ma motivation en fait. Enfin si quand même, je peux pas dire le contraire après tout ce que j'ai expliqué, mais en fait je veux fuir la France et son climat malsain (dans tous les sens du terme). Je ne suis pas fier de ce que devient mon pays en 2015 alors… Mais ça je vais pas le dire à ma mère non plus. Elle est pas aussi patriote que lui, mais bon, y'a des trucs qui se disent pas.
Mon portable sonne depuis la table basse où je l'ai posé. Je jette un œil au nom et grimace. Nan, je réponds pas, il va bien finir par se lasser, je lui ai dit que j'étais pas intéressé. Sauf qu'il insiste… Je sais plus comment faire avec lui, j'ai tout essayé, mais quoi que je fasse, où que j'aille, il me colle comme une sangsue, persuadé que je vais finir par tomber amoureux de lui. Sauf que bah… les stalkers, c'est pas mon trip à moi. En plus physiquement… bah les blondinets c'est pas mon style. Ca va faire stéréotypé, mais je préfèrerais un japonais bien typé. Ou un coréen à la limite. Je sais pas pourquoi, j'attire que les types dans son genre à lui là… heu… Eric je crois qu'il s'appelle. Ou Oliver peut-être, je sais plus. Nan Oliver c'est mon chat. Enfin peu importe il m'intéresse pas de toute façon (mon stalker perso, pas mon chat. Mon chat m'a rien fait lui). Ah il s'est arrêté. Il va tomber sur mon répondeur de toute façon. Je laisse passer quelques secondes, puis compose le numéro de ma messagerie, pour entendre sa voix larmoyante : "Keii c'est Eric. Pourquoi tu me parle plus ? Je me sens tellement triste sans ton sourire. Reviens, j'ai besoin de toi. S'te plait. Rappelle-moi peu importe l'heure".
Je pousse un soupir désespéré. Il parle comme si on avait déjà été ensemble à un moment donné alors que ça a jamais été le cas (à part dans sa tête peut-être mais je suis pas responsable de ses délires), c'est de pire en pire… Là moi, je sais plus. Agacé, j'éteins mon portable et vais mettre mes chaussures pour partir bosser. Allez, plus que vingt-sept jours avant le départ. J'ai tellement hâte…
