Chapitre 1 : La lueur dans les ténèbres
Le petit garçon aux cheveux grenat était assis sur la balançoire, comme à son habitude. Seul, comme tous les jours. Les autres enfants jouaient au football ou étaient allés se baigner. Pas lui. Il restait seul, assis sur sa balançoire, avec son ours en peluche dans les bras. Ce n'est pas qu'il aimait être seul, non. C'était les autres enfants qui le fuyaient. Le petit garçon serra son ours en peluche plus fort contre lui et se mit à pleurer. Tout doucement. Comme à chaque fois. " Pourquoi suis-je le seul à être un monstre ? ", se demanda-t-il en sanglotant.
Soudain, quelque chose heurta sa cheville. Il se pencha pour voir ce que c'était. Là, à ses pieds, une pelote de laine bleue venait de faire son apparition. Le petit garçon se demanda ce qu'il devait en faire lorsqu'une voix l'interpella.
- Hey toi ! Rends-moi ma pelote !
Le petit garçon releva la tête et constata que la voix était celle d'une petite fille qui se tenait à quelques pas de la balançoire. Elle devait avoir à peu près le même âge que lui. Ses longs cheveux noirs étaient ramenés en une épaisse queue-de-cheval sur le dessus de sa tête. Elle portait un T-shirt et un short noirs et son dos était recouvrer par un long tissu gris élimé. L'écharpe faite du même tissu que sa cape et qu'elle avait enroulée autour de son cou était trop grande pour elle et traînait sur le sol poussiéreux. Mais ce qui troublait le plus le petit garçon, c'était les grands yeux d'un bleu de glace de la fillette fixés sur lui.
- Rends-moi ma pelote ! répéta la fillette.
Le petit garçon allait s'exécuter lorsqu'il remarqua que ses yeux étaient encore pleins de larmes. Il les essuya alors du dos de sa main. La petite fille s'approcha de lui et lui demanda d'un ton inquiet :
- Qu'est-ce que t'as ? Pourquoi tu pleures ?
- Pourquoi tu restes ? demanda le petit garçon.
- Parce que tu as ma pelote, répondit la petite fille. Alors tu vas me dire pourquoi tu pleures ?
- Tu ne sais donc pas qui je suis ? demanda le petit garçon, étonné que la fillette ne fuie pas, comme les autres enfants.
- Non, dit la petite fille. Je devrais ?
- Tout le monde me connait ici ... répondit le petit garçon, une lueur de tristesse dans le regard.
- Je viens juste d'arriver alors c'est normal que je ne sache pas qui tu es, lui dit la petite fille. Je m'appelle Shineko et je viens du village caché des nuages. Et toi, comment tu t'appelles ?
- Gaara, répondit le petit garçon.
- Gaara ? C'est un joli nom. Alors, tu vas me dire pourquoi tu pleures ?
- Parce que je suis tout seul, répondit Gaara. Les autres enfants ne veulent pas jouer avec moi. D'habitude, ils ne veulent même pas m'approcher. Mais toi, tu restes avec moi sans t'enfuir.
Tout à coup, un des enfants qui jouait au football courut vers la balançoire. Il s'arrêta à bonne distance de Gaara et Shineko et cria à cette dernière :
- Hey ! T'es folle ! Faut pas rester là ! Gaara va te tuer !
- Pourquoi ferait-il ça ? lui demanda Shineko.
- Parce que c'est un monstre ! lui répondit le jeune garçon.
" Oh non ... se dit Gaara en regardant Shineko, effrayé. Maintenant, elle aussi va avoir peur de moi ... ".
- Tu sais que ce n'est pas gentil, de dire du mal des gens ! lui cria Shineko. Va-t'en !
Le jeune garçon ne se le fit pas dire deux fois. Il lança un " Je t'aurais prévenue ! " avant de partir en courant rejoindre ses amis. De nouveau seuls, Gaara demanda :
- Maintenant que tu sais que je suis ... un ... un monstre ... tu vas t'enfuir, toi aussi ...?
- Bah je vais pas m'enfuir alors que tu as ma pelote de laine.
Shineko ramassa la pelote de laine bleue et la rangea dans le sac en toile qu'elle portait en bandoulière.
- Moi aussi, je suis toute seule depuis que je suis arrivée ici. Si tu veux, on peux aller jouer ensemble.
Gaara n'en croyait pas ses oreilles. Non seulement, cette fille osait rester avec lui mais en plus, elle voulait jouer avec lui !
- Ce ... C'est vrai ? dit Gaara, un grand sourire s'affichant sur son visage. Tu veux jouer avec moi ?
- Oui, répondit Shineko. Sauf si tu préfères rester assis sur ta balançoire.
- Non, je viens !
- Très bien, dit Shineko en souriant. Alors on va jouer à cache-cache. Et comme je ne connais pas les cachettes de ce village, c'est toi qui va te cacher en premier, d'accord ?
- D'accord ! dit Gaara.
- Je compte jusqu'à dix !
Dès que Shineko eut le dos tourné, Gaara partit en courant. Il se cacha derrière un mur et attendit. Shineko ne mit pas longtemps du tout à le trouver.
- C'est ça, ta cachette ? demanda-t-elle d'un ton dédaigneux. Elle est pas terrible.
- Je sais, mais je ... je ... tenta de s'excuser Gaara.
Voyant que son nouveau compagnon de jeu était mal à l'aise, Shineko ajouta :
- C'est pas grave. Si tu n'es pas très fort à cache-cache, on va jouer à autre chose. A quoi tu préfères jouer ?
- Je ne joue jamais ... répondit Gaara d'un air désolé. Je suis toujours tout seul ...
- Moi aussi, je devais toujours m'amuser toute seule chez moi, dit Shineko.
- Pourquoi ça ? demanda Gaara.
- C'est une longue histoire ...
- J'aime bien les histoires, dit Gaara. Raconte-moi.
Shineko et Gaara s'assirent contre le mur d'une maison. Shineko fouilla dans son sac et en sortit deux biscuits tout ronds.
- Tu en veux un ? demanda-t-elle à Gaara en lui tendant un des deux biscuits.
- Qu'est-ce que c'est ? s'étonna Gaara.
- Bah, des cookies ! dit Shineko, surprise que Gaara ignore l'existence de cette merveilleuse pâtisserie. Ça se mange, tu sais. Alors, tu veux goûter ?
Gaara prit le cookie qu'on lui tendait et croqua dedans. Le biscuit fondit instantanément dans sa bouche. Les pépites de chocolat libérèrent leur saveur douce-amère. La pâte était sucrée, croquante sur les bords et moelleuse au milieu.
- C'est délicieux ! s'exclama Gaara. Je n'avais encore jamais mangé quelque chose d'aussi bon !
- J'en ai d'autres si tu veux. Ma mère disait toujours que les cookies étaient comme des petits morceaux de bonheur à partager.
- " Disait " ? répéta Gaara, étonné que la fillette parle de sa mère au passé. Elle n'est plus de cet avis, maintenant ?
Soudain, le visage de Shineko s'assombrit et Gaara eut peur de l'avoir blessée.
- Ma mère est morte à présent, dit Shineko avec tristesse. Si je me suis enfuie de mon village, c'est parce que des ninjas ont tué ma famille ...
Gaara fut choqué par cette révélation.
- Mais ... pourquoi ont-ils fait ça ? demanda-t-il.
- Parce que moi aussi, je suis un monstre ... répondit Shineko.
- Un ... un monstre ? s'exclama Gaara, de plus en plus surpris.
- Oui, un monstre. Ou plutôt ce qu'on appelle un jinchûriki. Le monstre que j'héberge en moi se nomme Nibi no Bakeneko. Dans mon village, les gens me fuyaient. Je leur faisais peur. Les autres enfants ne voulaient pas jouer avec moi, donc je passais mes journées toute seule. Heureusement, ma mère et mon père étaient là pour veiller sur moi. Ils étaient tous les deux maîtres des malédictions et m'ont enseigné quelques techniques. J'avais aussi un petit frère, âgé de six mois. Parfois, je pouvais le tenir dans mes bras et lui donner son biberon. Je jouais aussi avec lui lorsque j'en avais assez de la solitude. Mes parents nous aimaient beaucoup, mon frère et moi. Et puis un jour, le chef du village a décidé que je devais rester enfermée car j'étais trop dangereuse. C'est vrai que parfois, j'ai du mal à contrôler mes émotions et alors, je peux faire de graves bêtises ; mais je ne voulais pas être emprisonnée ! Mes parents refusaient aussi de me séquestrer. Alors, le chef du village les a tués devant mes yeux. Chaque fois qu'il en tuait un, il me demandait de le suivre pour qu'on m'enferme. Et chaque fois que je répondais non, il tuait le suivant. D'abord mon père, puis mon petit frère innocent et enfin ma mère. Et à la fin, il m'a emmenée de force avec lui, en me disant que c'était de ma faute si ma famille était morte. Je crois que ça a été le pire jour de toute ma vie ...
Après cette dernière phrase, des larmes se mirent à couler le long des joues de Shineko.
- Tu as mal quelque part ? demanda Gaara, inquiet.
- Oui, j'ai mal là ... lui répondit Shineko en agrippant le tissu de son T-shirt à l'endroit de son cœur.
- Moi aussi, j'ai mal là, dit Gaara. Ma mère est morte à ma naissance. Mon père est toujours vivant mais il ne m'aime pas. Il n'y a que mon oncle qui s'occupe de moi. Et il m'a dit que ce qui pouvait soigner les blessures du cœur, c'était l'amour. Tu sais où en trouver ?
- Oui ... dit Shineko.
- Et où ça ? s'exclama Gaara, enthousiaste. On pourrait peut-être aller en chercher tous les deux !
Shineko s'avança alors vers Gaara et l'entoura de ses bras. Gaara, très surpris par son geste, voulut se dégager mais Shineko l'en empêcha.
- On peut recevoir de l'amour par sa famille mais aussi par ses amis, lui dit-elle. Et pour se montrer qu'ils s'aiment, les amis se prennent dans les bras, comme ça. Tu veux bien être mon ami, Gaara ?
- O ... oui ... murmura Gaara en fermant les yeux.
Il pouvait sentir la chaleur qui se dégageait de Shineko entrer dans son corps. Et cette étrange chaleur apaisait un peu la douleur de son cœur. " C'est donc ça, l'amour ? pensa Gaara. C'est drôlement bien ... Et j'ai enfin une amie ! ".
Lorsque Gaara rentra chez lui, il raconta tout à Yashamaru, qui l'écouta avec attention. " Il a enfin trouvé quelqu'un qui le comprend, songea Yashamaru. Cependant, cette fillette ne devrait pas rester ici très longtemps si elle est un réceptacle ... ".
Le lendemain matin, Gaara partit en ville pour chercher Shineko. Cependant, il avait beau parcourir toutes les rues, il n'y avait nulle trace de la fillette. " Ça alors, ou peut-elle bien être ? se demanda Gaara. Je suis pourtant sûr d'avoir fouillé partout ... Peut-être que ce n'était qu'un rêve ... ". Gaara s'assit alors sur la balançoire et attendit. Il était midi passé lorsque Shineko pointa le bout de son nez.
- Shineko ! s'exclama Gaara. Où étais-tu ? Je t'ai cherchée partout !
- J'étais dans ma cachette et je dormais. J'ai du mal à m'endormir la nuit à cause de la nature de mon bijû, alors je me réveille tard dans la journée. Désolée de t'avoir fait attendre, tu as dû t'inquiéter.
- Tu as de la chance de pouvoir dormir, dit Gaara. Moi, je ne peux pas m'endormir, sinon le monstre qui sommeille en moi va se libérer.
- Alors c'est pour ça que le tour de tes yeux est tout noir ! en déduisit Shineko. Ça doit être horrible de ne pas pouvoir dormir ! Viens avec moi, je vais te montrer où j'habite. Comme ça, tu pourras venir quand tu veux, même la nuit !
Shineko avait élu domicile dans une ancienne petite cabane en bois près de l'entrée du village. A l'intérieur, il y avait juste la place pour deux enfants comme eux. Dans un coin, un tas de chiffons servait de lit à Shineko. A côté des chiffons, il y avait un sac en toile, plus gros que celui que la petite fille portait avec elle. Shineko ouvrit le sac et en sortit des cookies. Elle en donna un à Gaara et l'invita à s'asseoir sur le tas de chiffons à côté d'elle.
- C'est pas très joli, mais c'est chez moi, dit Shineko en mordant dans son cookie.
- Tu pourrais venir habiter chez moi, lui proposa Gaara. Je suis sûr que Yashamaru (c'est mon oncle) serait d'accord. Il y a aussi mon grand frère et ma grande sœur qui habitent avec moi. Mais eux, ils ont peur de moi, alors je ne les voie presque jamais.
- Non, c'est bon, je ne veux pas vous encombrer, dit Shineko en souriant. Je suis bien ici. Et puis si je veux m'en aller, je peux le faire quand je veux.
- Tu vas partir ? s'écria Gaara sur un ton apeuré.
- Non, car je me suis trouvé un ami : toi, le rassura Shineko. Ce que je voulais dire, c'est que si je veux avoir une maison plus grande, je peux partir de cette cabane miteuse sans problèmes.
- Ouf ! soupira Gaara. Dis, Shineko ...
- Oui, Gaara ?
- Tu veux bien ... me prendre encore dans tes bras ? J'ai eu mal à mon cœur cette nuit et j'ai besoin d'un peu d'amour pour le soigner ...
Shineko le prit dans ses bras et lui caressa les cheveux. Comme Gaara ne lui rendait pas son étreinte, elle lui demanda tout doucement :
- Gaara ...? Moi aussi, j'ai mal à mon cœur. Et je sais que les amis guérissent cette douleur. Est-ce que tu es mon ami ?
- Oui, lui répondit Gaara.
- Alors ça va mieux, dit Shineko. Tant que tu seras mon ami, je n'aurai plus mal ...
