Elles se mélangent, se changent, s'adaptent, se transforment.
Ce remue-ménage intérieur, elle ne le sent pas, inconsciente de ce qui se passe à l'intérieur d'elle. Et lentement, après quelques dixièmes de seconde, tout s'arrête.
Au sein de ses chairs, tout est chaud, calme et silencieux.
Elle ne le sait pas, et lui non plus.
Il ne sait rien. Il n'est rien.
Même
pas « il ». Peut-être qu'il sera « elle », peut-être qu'il sera « il »,
ou peut-être qu'il ne sera rien du tout. Mais appelons-le « il », pour
l'instant.
Donc, il est là.
Il croît peu à peu, simple amas de cellules. Et au fond, s'il n'est rien, il est déjà tellement.
Tout le monde ignore son existence. S'il ne s'en rend pas compte, c'est précieux, et une petite vingtaine d'années plus tard, il lui arrivera de le souhaiter. Mais il ne le sait pas encore.
Il est fragile, et pourrait mourir à chaque instant. Mais il n'en a pas conscience.
Il
n'a conscience de rien, à commencer par lui-même. Il n'a pas conscience
non plus du temps qui passe, des heures puis des jours, qui le font
lentement évoluer.
Au bout de quelques jours, il a peu changé. Il est encore cellules informes et confuses, qui continuent à bouger et à changer.
Il ne le sait pas, et elle non plus.
Et c'est alors que le drame se produit.
Tout dégénère. Lentement, insidieusement, ses cellules se dédoublent, se multiplient par deux, se rejettent, s'étirent. S'il en était conscient il hurlerait. S'il le savait, il se révolterait. Mais il n'est rien.
Il n'existe même pas.
Il ne sent pas qu'il n'est plus seul, et pourtant qu'il l'est plus que jamais, tranché en deux, définitivement transformé. Il est mort. Il n'existe plus.
Il n'existe plus.
Ils existent.
C'est la première déchirure.
