It's not a miracle that we needed

And no I wouldn't let you think so


Juin 2006

Je ne saurais vous dire comment j'ai atterri ici. Chez les Potter.

Vous savez, la vie garde parfois des surprises -tordues au possible- qu'elle nous laisse découvrir en nous observant d'un regard sadique. Vous me demanderez ce qu'il s'est passé ces neuf dernières années, je ne saurais vous répondre. Le temps a défilé à une allure surnaturelle, je vois bien les aiguilles des horloges de la Salle du Temps s'être affolées. En plus rajoutons que des amitiés improbables, inqualifiables et autres termes de ce genre ce sont formés.

Moi qui eut l'infime espoir de ne pas avoir à être mêlé aux fréquentations de Pansy, me voilà dans le salon de Potter. Moi.. L'humble Malefoy...

Vous savez, la maison du balafré était de celles qui dégageaient un sentiment d'infinité. Je m'explique : les murs immaculés, les meubles de bois clairs, les grandes fenêtres laissant filtrer les rayons de ce Soleil de juin laissaient imaginer une absence totale de noirceur, un espace non enfermé. Tout était éclairé, la lumière régnait à chaque coin de chaque salle. Ça en devenait frustrant. Infinité je disais donc, pourquoi ? Parce qu'il donnait l'impression de ne pas s'arrêter, les murs ne faisaient pas barrières, les orchidées -toutes aussi blanches les unes que les autres- apportaient une touche de gaieté au tableau parfait que Mme Potter -ou Weaslette pour les intimes- s'efforçait de peindre.

Je suis là, assis comme un paumé, sur le fauteuil de cuir beige face à un engin plat et noir. J'écoute Pansy ricaner avec la rousse et Potter parler avec le roux. Je suis seul et je ne sais pas en quoi ma présence importe ici.

Je dois tout de même avouer que mes relations avec Potter s'étaient améliorées, nous nous serrons la main sans nous écraser les phalanges, il m'invitait souvent à entrer dans leurs conversations sur le Quidditch, et il faisait d'innombrables efforts pour m'accueillir comme il se doit. Mais au vu du regard peu attrayant de la belette, je n'osais franchir la barrière que j'avais imposé à ma conscience.

Mon regard s'égare sur les murs : en fait, ils n'étaient pas si immaculés que cela. De légères lignes d'or couvraient chaque face : elles se mouvaient, sous l'action d'un sortilège, sur la surface blanche et s'entremêlaient dans des formes et des boucles parfaites. Encore une fois, le mot parfait revient. J'en ai déjà marre.

Soudain un cri. Puis deux. Je ne m'inquiète pas, qui s'inquiéterait pour des cris de joie d'un enfant ?
Je l'ai omis parce que j'aimerais l'oublier, mais les Potter ont deux petits garçons. Ils sont ... je n'ai pas de mots, ils m'agacent.

Les mains collantes du petit dernier avaient tenu mon pantalon blanc pour ne pas tomber lorsqu'il était venu me dire bonjour, plus tôt. J'allais râler lorsque ses yeux verts m'observèrent et qu'un sourire vint s'étaler sur son visage.
Aucune remarque ne put sortir et je ne pus m'empêcher de répondre à son sourire. Il avait tiré sur le tissu onéreux et, faible, je m'accroupis. Il déposa un énorme baiser tout aussi collant que ses mains sur ma joue et j'entendis le rire cristallin de la maîtresse de maison qui se trouvait à la porte de la cuisine. Je m'étais redressé et serra simplement la main de l'aîné qui me lança un regard noir -déjà à son âge!-. Weasley avait pris le petit dans ses bras et m'informa de son prénom. Albus qu'il s'appelle. L'autre James.

Je ne pense pas que les affinités soient une coïncidence.

J'aimerais oublier cet incident. Je suis sûr que Weaslette ne s'abstiendra pas de me charrier. Pour une première rencontre, ça s'était plutôt bien passé. Mais bon.

J'entends le cri euphorique d'Albus s'estomper pour se transformer en un éclat de rire. Je lève mes yeux au ciel : qu'est ce que je fous ici ? Je le ferai payer à Pansy, c'était certain. Celle-ci travaillait à la Gazette, c'est là qu'elle a renoué des liens -bien différents de ceux à Poudlard- avec Weaslette, et par la suite tout le troupeau.

Finalement un rire s'élève dans le salon accompagnant celui d'Albus. Voilà la principale cause de ma présence, en fait.

Granger, Hermione Granger. Je ne me suis toujours pas retourné, j'étais comme pétrifié ou collé sur le cuir du fauteuil. Celle-là aussi j'aimerais bien l'oublier. Combien de fois avait-elle raccompagné Pansy chez elle alors que j'attendais cette dernière sur le pas de sa porte ? Elle ne s'était guère améliorée depuis Poudlard. Toujours les mêmes cheveux broussailleux, toujours cet air de Miss-je-sais-tout. Mais je ne sais pas, une chose avait dû changer pour que ...

« – Salut ! m'interrompit une voix.
– Salut ! répéta Albus, sans doute, et en effet lorsque je levai ma tête j'aperçus Granger et Albus.

– Bonjour, je fais la bise à Granger, question de politesse.
– Ça ne te dérange pas si je te le confis ? Je dois aider Ginny.
– Donne-le à son très cher père, non ?
– Il cri "'Rago" depuis tout à l'heure, je pense qu'il te veut toi ! »

Et sans attendre une quelconque protestation, elle fourre le bonhomme d'environ un an et demi dans mes bras. Celui-ci, tout content, crie et rit. Je regarde donc la traîtresse partir et mon regard se perd sur elle et son corps. Je détourne vite la tête et me rassoit sur le fauteuil, dos à tous, sauf à Albus. Pendant qu'il joue avec mes mains, je songe à elle.

Merde. Elle s'était fait une tresse sur le côté encadrant magnifiquement son visage de quelques mèches. Ses yeux étaient légèrement maquillés, mais assez sombre. Ses lèvres étaient rosées et elle avait mis une robe de dentelle beige accompagnée de chaussures à talons de la même couleur. Je déraille. Elle s'harmonise parfaitement avec la maison. Encore du parfait. Et son teint, légèrement poudré, aussi lisse que de la soie, aussi fragile que de la porcelaine. Merde. Je déraille, elle est parfaite.

Albus me mord le doigt et je le regarde, dégoûté. Je le prends sous les aisselles et le met à ma hauteur, c'est fou, à son âge, il ressemble déjà à son maudit père. Il m'observe lui aussi et éclate de rire, se débat et atterrit sur mes genoux. Je le laisse là où il est et regarde le cadre tout noir, je me demande à quoi il sert.

Albus me mord une nouvelle fois, je le regarde et d'un coup il se met à crier «'Rago». Exaspéré, je reprends «Drago ! » lui répète le mot «'Rago». Et j'entends les gars derrière ricaner. J'en ai marre. Je prends le monstre dans mes bras et me rends dans la cuisine.

« – Weasley, je peux savoir où se trouve la chambre de ton cher enfant ?
– Au premier tout au fond du couloir !
– Ok. »

Je monte et Albus commence à jouer avec mes cheveux. Dans le couloir se trouve une petite table, toujours du même bois clair quasi blanc d'en bas. Au-dessus trône un vase aux tulipes roses. Les mêmes rayons or qui bougeaient sur les murs dans le salon se retrouvaient ici, prenant la forme de divers animaux.

Albus rit aux éclats lorsqu'un oiseau vint se poser sur une branche d'un arbre doré. Je regarde le petit garçon et le vois tendre ses bras vers le mur où l'oiseau nous regarde. Je m'avance donc vers ledit mur et Albus s'approche de l'oiseau, mais celui-ci s'envole avant qu'il ne le touche, la mine déconfite, il me regarde.

Je vois cependant, sur ses petites mains collantes, une poussière dorée. Je regarde l'arbre toujours présent et touche une feuille de cet épais feuillage. Sortie du mur, la feuille est maintenant entre mes doigts, elle est éclatante et très douce. Moi-même émerveillé, je dépose la chose sur la petite table et elle se fond aussitôt dans celle-ci pour rejoindre le mur et voler au gré d'un vent invisible.

Je regarde une nouvelle fois Albus et vois au fond de ses yeux vert émeraude une pointe d'émerveillement. Je pars vers la chambre et j'ouvre la porte. Quand il s'aperçoit enfin du lieu il me regarde et se débat, je le dépose et il court de sa manière hésitante vers son lit où il me demande dans une gestuelle compliquée de le porter.

Trouvant son geste très inutile, je le prends quand même et le dépose sur le matelas, il sort alors derrière son oreiller un dragon vert en peluche. « 'Ragon ! » s'exclame-t-il. Mais alors que j'allais répondre, il me montre la porte de son index et cri « Hermione ! » Elle se tient là, entre l'espace qu'offre la porte. Ce n'est pas ma journée visiblement.

« – Pourquoi il dit ton nom correctement ?
– Je lui ai appris correctement à le dire, répond-elle en s'approchant de nous, de moi.
– Apprends-lui donc à dire Drago et en même temps Dragon, elle sourit.
– C'est mignon « 'Rago », tu ne trouves pas Albus ?
– Ouii !
– Ne vous liguez pas contre moi ! elle rit. Merlin, je sombre.
– Il t'aime bien, comment ça se fait ?
– Qui ne succombe pas à mon charme ? je lâche, dans un moment de modestie.

– Je me le demande aussi, chuchote-t-elle, j'allais répliquer lorsqu'elle me coupe, au fait je suis venue te chercher pour l'apéritif, Ginny dit que tu peux le laisser ici !
– Non ! crie Albus, mais je ne l'écoute déjà plus.

– Granger, connaîtrais-tu le sortilège pour les rubans d'or sur les murs ?
– Si je le connais ? C'est moi qui l'ai créé !
– Ah oui ?
– Lorsque James avait l'âge d'Albus, il aimait me voir faire des sortilèges, et j'avais un jour fait sortir de ma baguette un ruban d'or et il le prit et le colla sur le mur. C'est là que m'est venue l'idée, après y avoir travaillé je suis venue montrer le résultat à James et il fut très content, Ginny m'a ensuite demandé de le faire un peu partout...
– C'est très beau !
– Merci... je pense qu'elle rougit, mais je ne le vois pas bien.. Malefoy, tu m'intrigues.
– Toi pareil, Granger.
– Dis-moi est-ce que ... »

Et elle s'élève sur la pointe de ses pieds et s'approche de moi. Déjà l'alarme s'enclencha dans mon corps, non pas elle, pas aujourd'hui, pas devant Albus. Toute raison était envisageable tant qu'elle ne fasse pas ce qu'elle voulait faire. Doucement, trop doucement. Ça semble risible lorsque je compare ce moment-là avec les neuf dernières années.

Je pense trop, je la vois de plus en plus s'approcher, je vois les détails de ses cils, la perfection de son visage, je la vois de bien trop près. Et là elle scelle nos lèvres. Pauvre Albus, pauvre moi. Je sombre en fait. Elle ose faire ça. Je n'osais pas la regarder. Je ne comprends pas, ne comprends certainement plus. J'oublie le pauvre gamin près de nous, j'oublie la maison de mon ancien ennemi, je pense à ma meilleure ennemie. Je n'ai fait aucun effort pour nouer une quelconque amitié avec elle. Pourquoi ? Je sombre encore un peu plus. Je force la barrière de ses lèvres. Qu'est ce que je fous ? Je rêve sans doute, ça m'arrive souvent ces temps-ci. Je n'arrive plus à discerner le vrai du faux. Merlin. Et là, quelqu'un brise cette magie -oui parce que je l'avoue..-

Un « Hermione ! Malefoy ! » retentit. Elle s'écarte de moi, sa robe de dentelle suivant son mouvement d'une somptueuse manière. Ses joues sont rosies, ses lèvres légèrement rouges. Des étoiles dans les yeux, elle me sourit, se retourne et s'en va.

« – 'Rago amoureux ? demanda le petit innocemment.
– Je ne sais pas Albus, je ne sais pas... »

Je m'accroupis près de son lit et dans un élan inconnu, embrasse son front, il sourit. Ses yeux papillonnent et il tombe de fatigue. Surpris, je me recule, on s'endort comme ça à son âge ? Je ne comprendrai jamais rien aux enfants ...