Ma vie à commencée le 9 septembre 1821 lorsque ma mère accoucha dans notre humble et sinistre demeure. La sueur perlait sur son front et ses longs cheveux auburn lui collaient à la peau, ses cris perçant le silence pesant de la nuit sombre et de la campagne misérable. Notre vie. Mon père trop faible, trop incompétent et sensible pour la soutenir dans cette épreuve. Dernier cri, dernière contraction, et j'apparu à ce monde, dans le silence morbide de la nuit et la chaleur humaine des bras de ma mère.

Un sourire, un geste et je comprenais; pas besoins de mot, juste de l'attention.

Des biberons et des couches culottes, je passais à l'apprentissage de la marche et des premières expériences, je pénétrais, du haut de mes cinq ans, un peu plus dans ce monde vil et sans merci. J'observais jusqu'ici les allées et venues incessant de mes parents du manoir qui surplombait ce vaste territoire près de la falaise et dominait le diamant bleu à notre cher habitat. Le diamant bleu qu'elle nom poétique, j'adore le regardé se mouvoir sous le souffle du vent, brillé sous l'éclat blanchâtre de la lune et scintillé au soleil couchant quoi de plus beau que l'océan. Revenons à ce manoir, imposant, distingué il révèle déjà l'allure de ces propriétaire, sinistre, dictatorial, mes parents font partis des domestiques. Nous vivons au abords de la falaise, dans cette chaumière de pierre et d'ardoise, rustique, sans intérêt, misérable, tout comme les vêtements que j'ai portés depuis ma tendre enfance. Ma vie.

Cette vie morne enfermée dans cette demeure, ces ruines, je l'ai quittée lorsque je pus atteindre sans encombre l'âge de 11 ans. Ce qui n'est pas le cas de tous les enfants du village, ceux que je croisais occasionnellement, ceux qui m'insultaient et qui me frappaient. Ceux la même; une semaine après la rencontre j'apprenais de mes parents qu'il ou elle avait rejoins les anges de l'éternité, je comprends aujourd'hui. A cet âge où l'on comprend mieux les douleurs de la vie, où l'on s'apprête à franchir l'immense palier qui nous sépare du monde des adultes, à cet âge a débuté mon éducation.

La séparation fût douloureuse, arrachée des bras maternels, et séparée du lien paternel, je souffrais horriblement. La calèche s'éloignait, intensifiant mon mal être, cahotant sur la route boueuse, et couverte de pierre, m'éloignant de ma vie, arrachant une partie de moi même. Mes parents aux pieds de la chaumière, agitaient sans grande conviction leurs mains, mon dernier souvenir, qui s'efface lentement, comme un condamné attendant sa peine, l'attente est insupportable. Et puis plus rien, les larmes ont ravagées mes joues, mes cheveux tressés sont défais et abîmés, je suis pitoyable.

Je me rassois confortablement, il ne sert à rien de fixé le passé je le rattraperais un jour mais pour l'instant il faut que j'assure mon avenir.

Le trajet est long et pénible, la calèche est froide, sombre et humide, et la lanterne se balance au rythme des bruits de sabots des chevaux. La flamme vacille et s'éteint un peu comme le souffle de vie qui m'habitait avant que je ne quitte mon domicile et ma famille. Je ferme les yeux, il ne sert à rien d'atteindre un espoir qui semble perdu dans les ténèbres qui entoure mon monde, à jamais. Peut-être un jour trouverais je le bonheur ??

Le sommeil s'empare de moi, réparateur, promesse, aucun souci, dans mes rêves je peux tout voir tous ce qui me manque. Je ne vois plus le temps défilé, l'humidité et l'odeur de vieux bois imprègne mes narines, cette senteur de pourriture, désagréable mais si commune, elle me rappelle ma vie, mon âme, moi. Elle s'insinue et pénètre jusqu'à me faire replongée dans les tourbillons de mes souvenirs funestes.

Et puis tout s'arrête le bruit des sabots, le balancement régulier de la lanterne, les secousses, le silence de la nuit s'engouffre partout, par les interstices, la fenêtre. Je sens mes vêtements de laine, cette jupe épaisse à volant, ce chandail, peser sur mes épaules comme pèse la souffrance sur mon âme. Je m'empare de ma malle et sort, frappée par le vent, je remarque ensuite que je suis arrivée devant un immense bâtiment, une abbaye peut-être ? C'est mon collège, mon internat, à l'éducation stricte, et religieuse, ma nouvelle vie. Je ne peux empêcher les larmes de couler à nouveau sur mes joues creuses. La pluie se met à tomber, elle me soulage d'un poids, je ne peux l'expliquer, de grosses gouttes s'écrasent sur les dalles qui couvrent le sol, et sur moi en se mêlant à mes sanglots étouffés, j'ai l'impression que les dieux veulent m'aider dans cette épreuve, ils pleurent tous autant que moi.

Je reste sous la pluie à attendre un signe, une invitation, rien. Le sort semble vouloir s'acharner sur moi, il me sépare de mes racines, il me laisse ensuite seul sous les larmes des dieux, suis-je maudite ?

Puis vint une none, traversant la cour en trottinant, se couvrant d'une épaisse cape de laine noir, elle m'attrape par le bras sans cérémonie, je la déteste, et m'entraîne je ne sais où au milieu de ce sinistre endroit. Je retombe dans mes pensées qui viennent d'entamer une valse, tournoyant jusqu'à me donner la nausée, dans mon cerveau déjà bien las de ces épreuves. La sœur me sort de mes réflexions en me poussant sur un lit. Je remarque que je suis dans une pièce sombre, avec un lavabo, une armoire qui tient debout par je ne sais quel chance, un lit en bois dur, et un miroir. Sans vraiment oublier la petite fenêtre qui ne laisse pénétrer qu'un infime rayon de lune. Je préférais ma demeure, avec ces fenêtres, cette chaleur dégagée de la cheminée, et ces embruns, ce souffle marins, cette magie des flots lors de grands vents. Je ne pourrais oublier les moments que j'ai passés là bas et je jure qu'un jour j'y retournerais.