Genres : Introspection, souvenirs, perception de Ryô face à l'évolution de sa situation et face à l'Esprit de l'anneau (aka The Spirit of the Ring, aka Yami Bakura, aka Yami no Bakura…), un peu dans le vague puisqu'on n'en sait (honteusement) trop peu sur lui. Basé essentiellement sur la version papier dans sa globalité.
Rating : K+
Couple : Y verront du Tendershipping ceux qui veulent, ou « simplement » une relation de dépendance (sorte de « Youhou-regarde-moi-ne-nie-pas-mon-existence-toi-aussi ») de Ryô par rapport à l'Esprit de l'anneau.
Disclaimer : Yu-Gi-Oh! appartient à Kazuki Takahashi. Et c'est très bien comme ça.
Notes : Envie d'écrire quelque chose de relativement court sur les (nombreux) silences concernant Ryô dans le manga, qui ne fasse pas avancer les choses, et qui soit contemplatif. Pas à moi de totalement déterminer si j'y suis parvenue, mais je ne posterais pas si je détestais.
1000 mots, une série de plusieurs drabbles (… on peut appeler ça un « deca-drabble » ?), petits morceaux réunis entre eux par l'émergence puis le vide laissé par l'Esprit.
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Disparitions
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Il allait partir, quitter son foyer pour s'installer ailleurs, seul.
- Ce n'est pas une punition, Ryô, répéta son père d'un ton qui se voulait rassurant, le regard rivé sur le mur.
C'en était pourtant une, déguisée par des excuses. Il ne l'avait pas regardé une seule fois, il ne lui avait pas demandé ce qu'il souhaitait. Il le punissait en le repoussant, encore une fois, comme quand il s'était éloigné de lui après la mort de sa mère et de sa sœur. Pour chacun d'entre eux, pour le père et pour le fils, il ne restait que l'autre, et, paradoxalement, il ne leur restait déjà plus personne.
Ryô, ce jour-là, n'avait pas pu protester. Il n'y avait plus rien qui le rattachait, plus de sœur à protéger, plus de sourire à faire naître sur le visage de sa mère, plus d'amis avec lesquels jouer ; c'était au milieu de ces jours qu'il en était venu à considérer que l'hôpital était seulement un lieu de passage avant la mort, alors que ses amis y restaient enfermés, prisonniers d'un coma que personne n'avait pu expliquer.
Son père ne lui avait permis de choisir qu'une seule chose. Il lui avait accordé (la maigre consolation !) de pouvoir décider quelle serait sa future école – et encore, il ne se rappelait pas avoir fait un choix, un peu comme s'il n'y avait pas eu de débat et qu'il savait depuis longtemps que c'est sur ce petit point de la carte qu'il se rendrait.
- C'est pour que tu n'aies pas d'ennuis. Tout sera plus facile, comme ça.
Et, à ce moment, une part de lui ou, peut-être déjà, quelqu'un d'autre en lui – à cette époque, il n'y faisait pas attention – s'agita, répétant comme en écho que, oui, réellement, « tout serait plus facile ».
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Ici, il n'y a personne pour l'appeler par son prénom.
Il reste « Bakura », et, à chaque fois qu'on lui répète le nom de son père, il repense au passé. Parfois, il jalouse Yûgi et Anzu qui sont désignés ainsi par tous les autres, comme s'il s'agissait d'une chose naturelle. Même Honda et Jôno-Uchi, quand ils rentrent chez eux, doivent avoir le droit de se rappeler qui ils sont.
L'instant d'après, il réalise qu'il n'a pas envie que des gens comme eux l'appellent comme ça, même s'il voudrait bien, juste une fois, l'entendre de leur bouche, juste pour voir.
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Au début, il avait eu peur de lui. Il répondait à tout excessivement, souvent par la violence. Il n'arrivait pas à le contrôler : il agissait quand bon lui semblait, sans que Ryô ne semble jamais présenter un obstacle à sa taille.
Peu à peu, une autre forme de peur était née, sa peur de lui-même, cette fois. S'il l'avait voulu, nul doute qu'il aurait réussi à le contenir et à protéger les autres. Mais, peu à peu, d'autres envies étaient nées, et il avait soudainement réalisé qu'il n'arriverait plus jamais à totalement séparer les sentiments de l'Esprit des siens.
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Comme s'ils s'étaient cherchés des années avant de se trouver, ils avaient apporté ce que l'autre recherchait. La trompeuse harmonie qui en résultait permettait néanmoins aux deux d'exister, chacun à leur manière.
Pour Ryô, que l'esprit ait besoin de lui suffisait, parfois. Tant qu'il était nécessaire à quelqu'un, son existence n'avait pas à être remise en cause. D'autres fois, il se demandait si l'esprit et lui ne se parasitaient pas mutuellement, se condamnant réciproquement à compter l'un sur l'autre pour survivre.
Malgré l'horreur que lui inspirait cette pensée, la perspective de n'être jamais seul avait quelque chose de terriblement réconfortant.
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Lorsque des élèves ou des professeurs s'en sont pris à lui, l'Esprit a toujours été là pour faire disparaître la menace.
Lorsqu'il est arrivé dans ce lycée et que, malgré tous ses efforts, il n'a pas réussi à faire comprendre aux autres qu'il voulait refuser l'amitié qu'ils lui proposaient, l'Esprit les a plongés dans un jeu des Ténèbres, tous, sans exception.
Lorsque, pendant le Battle City, il a voulu sortir de l'hôpital parce qu'il lui rappelait trop celui qui n'avait pas réussi à ressusciter sa mère ni à sauver Amane, il l'en a fait sortir.
Lorsque Bobasa l'a congédié et qu'il a quitté le musée alors qu'il aurait pourtant, pour une fois, voulu rester avec eux, l'Esprit l'a forcé à retourner sur ses pas.
Les moments où l'Esprit a pris sa défense ont été tellement nombreux et coutumiers qu'il lui est encore difficile de les séparer les uns des autres, d'en retenir certains plutôt que d'autres.
Et, toujours, cette même impression : celle de regarder les tentatives maladroites et grossières d'un enfant qui n'est pas habitué à la vie, comme si l'Esprit cherchait à attirer son attention pour lui permettre d'entrevoir une vérité que tous deux se refusaient à admettre.
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Il n'a pas eu conscience des derniers moments où l'Esprit était encore là. Il ne lui aurait jamais laissé l'occasion lui dire adieu.
Il ne lui reste en mémoire que de vagues paysages de sable, parfois illuminés par les éclairs rougeâtres des flammes qui ne demanderaient qu'à tout consumer pour assouvir une vengeance vieille de trois-mille ans. Ce sentiment si confus qui inonde l'air, Ryô ne peut s'empêcher de le reconnaître.
Il lui rappelle les soirées où, incapable de définir ce qui n'allait pas, il avait juste envie de voir le monde s'effondrer avant lui, sans penser à rien d'autre.
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Il a d'abord ressenti l'absence de l'Esprit par un grand vide, comme si quelqu'un l'avait arbitrairement amputé d'un élément nécessaire à son bon fonctionnement. Il s'est senti démuni, faible et seul ; il a réalisé qu'il était triste, parce qu'il n'y aurait plus d'ange noir pour veiller sur lui, et aussi pour d'autres raisons qu'il a toujours repoussées.
Pourtant, il a compris que l'Esprit a disparu au bon moment : puisqu'il est devenu un fragment de sa propre mémoire, Ryô peut croire en ses propres mensonges, et décider que tout ce que l'Esprit a fait, il l'a fait pour lui.
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