C'est un coup de tête que je compte bien terminer cette fois-ci. Depuis mon visionnage des deux épisodes de la saga de Star Wars, je suis tombée amoureuse du couple Kylo Ren et Rey. Non pas parce qu'ils vont bien ensemble mais parce qu'ils sont deux côtés d'une même pièce. Et l'histoire a naquit dans mon cerveau ébréché, avide de tensions et de drames, de questionnements emmêlés et de psychologie de couple cruelle. Donc je vous livre ce début de fiction en espérant recevoir des échos favorables. Si je la poste ici c'est que le site permet une interaction que je cherche énergiquement, j'aime pas écrire seule So, je livre à vos yeux cette relation que j'imagine entre ces deux êtres tourmentés pour vous faire rêver, réagir. Ma boite MP est ouverte pour tous ceux souhaitant discuter de tout et de n'importe quoi. Sur ce, bonne lecture !
LES MAINS GLACEES
I
Elle pleurait. Allongée sur un lit au doux matelas confortable, sa robe recouvrait ses formes de chérubine affligée. Ses cheveux baignés de sueur, contre son front aux plis d'inquiétudes funèbres, de funestes pensées. Chaque matin, elle ne cessait d'angoisser, un sentiment désagréable se nichant dans les artères, dans le cœur, se lovant dans le sang, ruisselant dans la transpiration, s'évacuant dans les larmes versées. Colère et rage se mêlaient, deux jumelles aux saveurs moqueuses, une ironie dans la prunelle verte de la première, une détresse dans l'iris opale de l'autre. Courroux et Ravage joignaient leur main dans une danse erratique, digne d'un sabbat aux couleurs de l'enfer. Alors, quand elle sentait les deux sœurs étreindre son corps, elle éclatait dans la violence les meubles détruits, les vêtements déchirés, des lambeaux de tissus chaque aurore jonchaient le sol de la prison dorée. Et chaque aube, Rey se couchait dans les bras tendus des frères vains, ce sentiment d'absurdité d'une existence achevée sur la révolte muselée. Elle pleurait.
Combien de temps ? Combien de minutes ? Combien d'heures ? Combien de jours ? De semaines ? De mois ? Combien de cris ? Combien d'hurlements ? Combien de cadavres ? Des charognes rongeant la terre, enterrée dans le sol infertile, sanglotant des gouttes d'hémoglobines de milliers de personnes, de milliers de résistants. Combien de vertiges ? Combien de suppliques ? Combien de tentatives de fuites ? Combien, encore, l'espoir coulait dans son ventre victime des rêves terribles, de ces visions éclatantes d'un avenir radieux, d'un changement… Elle l'avait noté, gribouillé, gravé dans la chair du papier. Au crayon gris. Au feutre. Au stylo. Elle avait écrit des centaines de synonymes, avait dessiné des arbres pourfendant le présent. Un présent construit des ruines de la démocratie, de l'égalité entre les hommes et les femmes, de cet idéale société qu'elle imaginait, ne l'apercevant que lors des méditations où elle caressait la force du bout de ses phalanges ensanglantées. Elle se blessait, s'auto-mutilait depuis sa cage d'acier près de ses appartements suprêmes. Elle ressentait la douleur, la peine une agonie intransigeante qu'elle rencontrait physiquement quand les gouttelettes de sang chutaient de ses doigts. Elle tentait de se calmer, seule, renversant les présents s'accumulant sur le bureau ou la table de chevet, en haut de l'armoire majestueuse en acajou vernie. Elle marchait, lionne enfermée, captive, brave et enragée. L'agonie creusait plus profondément, chaque semaine, son nid, agile quand il s'agissait de disparaitre pour se masquer, elle revenait, bouffant Espoir, teintait les maigres pensées positives en ombres de chagrin. La souffrance naissait dans les entrailles enflammées, à vif.
Elle n'avait pas pris sa main tendue au désespoir de surpasser la solitude, de récupérer l'âme compagne qu'il avait souhaitée. Elle avait refusé ses convictions néfastes, son ambition démesurée. Elle avait fermé la porte comme un signe de négation, de provocation. Comme un acte de décision féministe, farouche, aguerri. Pur. Immaculé. Innocent. Rey ne se disait pas fleur bleue, elle ne se voyait pas naïve et pourtant… Elle rit, là, menue dans les draps de soie, un rire timide, fragmenté par la toux de la voix qui se rouillait immodérément, à ne plus être utile dans cette situation. Puis elle gémit. Enfin le silence. Elle repense à ce souvenir précieux, qu'elle berce entre son sein terne, entre son cœur fané. Là où elle pu enfin commencer la première séance de son apprentissage, où elle sentit le brin d'herbe taquiner légèrement sa paume vers les cieux de l'ancienne planète, son professeur se moquant d'elle. Ce n'était ni méchant, ni sournois, un début de complicité entre deux êtres troublés et tourmentés. Luke, dans sa vieillesse, touchait la jeune femme. Elle lui vouait une confiance sans faille, un amour de fille perdue. Il était mort. Sans tristesse. Et, même si elle n'avait assisté à ses derniers instants, ne l'avait pas remercié pour son investissement, elle avait souri.
Le soleil argenté baigne la pièce de ses rayons luminescents, elle s'approche de la fenêtre où les barreaux ferment les issus de liberté, trop lourds, trop grands, trop étroits pour qu'elle puisse s'échapper de sa cage. Et, sous elle, le vide, les flots nacrés, des vagues doucereuses alimentées par le zéphyr de midi et l'ondée de minuit. Le premier jour qu'elle passa dans sa nouvelle demeure, elle pria quelques dieux cachés d'effondrer devant elle l'espace et le temps, de l'emmener, loin, de tout, de la vie elle-même. Ils n'avaient pas répondu, les Dieux l'avaient délaissé comme ils avaient délaissé les peuples entiers, neutres observateurs ou simplement inexistant, piètres créatures imaginaires pour adoucir les sens de l'existence. Un sens à la vie, il n'y en avait aucun. Elle l'avait médité, en tournant en rond, en déchirant les couvertures, en frappant les murs.
Elle attend. Un miracle. Assise sur le petit canapé de rotin, près du vent qui soulève ses mèches brunes lavées, tressés. En bas, les silhouettes se détachent, minuscules sculptures mouvantes. Les unes préparent le repas des géants tandis que d'autres portent dans leur bras, contre leur torse des piles de linge. Des sons se heurtent aux conversations tissées d'éclats de joie. Tous servent le suprême leader dans la déférence et l'humilité. Tous nagent dans la simplicité, dans la foi de l'instant sans s'acheminer vers un futur qu'ils ne souhaitent pas connaitre. Elle les envie, Rey désire cette effervescence du bien-être. Parce qu'ils restent ignorants des concepts abstraits, des idéaux, de la révolte grondante. Car ils ne prennent pas en considération les valeurs idéologiques bouffant les vertèbres, les poumons, la respiration. Elle se demande s'il ne serait pas mieux de changer, de tout enlever, d'oublier. Ses paupières se ferment, lentement, c'est le sommeil qui l'assomme. Non, c'est autre. L'ange de la force, cette lumière chatoyante, dans la pureté d'un vide équilibre. Ce sont les images, les sons, la vie pleine et entière qui se réveille. Les personnes se prélassent autour d'un lac, les feuilles s'abiment dans la danse des ondes féériques, les vagues ôtent les faibles. La violence des mémoires. Finn, son corps brûlé, sa peau de corbeau aux cloques basanées, ses yeux, deux pupilles blessés, mortes, saccagées, les autres résistants hurlants, tous… Il n'avait pas eu pitié, Kylo Ren, il avait commandé, d'une colère froide, charismatique guerrier. Elle avait regardé, leur rendant un dernier hommage par ses larmes avant de s'évanouir dans les bras de l'assassin de millions d'écho de trépas.
Elle entend la porte s'ouvrir, les pas lourds de puissance fouler la moquette luminescente. Il a les yeux braqués sur son corps svelte, sur ses formes qu'elle ne cache plus, obligée de porter les soieries luxueuses qu'il lui emmène. Il pose la nouvelle tenue sur la même chaise. Chaque jour le même rituel. Une répétition morbide, un refrain glacé de non-dits. Elle l'ignore, assise près de la fenêtre, près de ses barreaux sournois. Quelques fois il vient s'assoir, comme elle, il attend. Un mot, une parole, un geste. Parfois, elle lui balance sa hargne dans le murmure fatigué d'une bataille interne. Puis il s'en va, repu de la vision qu'elle lui offre, soumise, chétive. Captive. Kylo Ren, empereur, s'avance, confiant. Il ne lui adresse pas une parole, il s'installe dans son large fauteuil de cuir, la matière dominante, tandis qu'il s'engouffre dans la lecture proposée sur la table de chevet. Sa présence marque une heure de pause dans le labyrinthe psychique de la jeune femme, elle qui pense, qui rugit, impuissante.
« Combien de temps ? Combien de temps suis-je enfermée ici ? »
Elle a oublié un mot, cela fait combien de temps ou depuis combien de temps suis-je enfermée serait une tournure plus appropriée, Rey ne sait plus parler. Elle oublie des mots, infimes détails pourtant importants, servant de connecteurs à ses demandes maladroites. Les ambres jumelles se lient dans le nœud sacré d'une connexion incomprise, si herculéenne, si ample. Il écoute toujours sans lui verser un regard, sans peser ses orbes colériques sur son visage angélique. Elle a minci.
- Tu refuses de manger. »
Il s'approche, dangereusement. Soulève son bras. L'amène à lui. Contre son torse, il l'enlace, l'enserre, l'étouffe. Il se permet ces gestes depuis quelques semaines. Rey se débat, épuisée, exténuée, incapable de s'enlever des bras de son bourreau.
- Tu ne lâches pas prise. Depuis un an, tu gardes encore l'espoir de les retrouver. Mais tout est mort Rey. »
Il chuchote à son oreille ces cruautés, de sa voix glacée, une plume poignard cognant des faiblesses et des sanglots. Elle se couchera, s'enroulera dans les draps fait un linceul et elle priera infatigablement. Une année. L'enfant tombe, ses jambes ne pouvant supporter une telle accalmie, une révélation horrible englobée dans un corps meurtrier. Elle a vu. La paix apportée, une de celles fausses, une tempête muselée, une colère maîtrisée, les opposants exécuté devant une assemblée de badauds, pour l'exemple, pour la terreur cheminant dans les myocardes tremblants, frissonnants. Sur chaque planète soumise, un préfet de l'empire, les vaisseaux rapatriés sur l'une des planètes désertiques aux champs d'entraînement où se mêlent effroi et maltraitance. L'homme la soulève, tendrement, il l'emporte sur le vaste lit à baldaquin où les voiles se balancent au gré d'un air artificiel.
« Aurais-je le droit de sortir un jour ? De gouter à nouveau au soleil ? Je demande juste un instant, un tout petit moment où je pourrais toucher le sable ou l'herbe de mes mains. »
- Tu as tout ce qu'il te faut dans ces appartements.
- Une prison. C'est que tu m'offres. Tu l'enrobes c'est tout, pour lui donner une apparence confortable.
- Beaucoup aimeraient prendre ta place Rey. Tu es une petite fille insolente, capricieuse.
Elle se détourne, dos à lui, recroquevillée, ne laissant percevoir que des bouts de sa chair opale dépassant d'entre les longues étoffes d'été. Sur cette planète, le climat mugit des exhalaisons chaleureuses, une saison des pluies comblant les famines, une unique fois dans l'année.
- Tu dis que je suis capricieuse mais lorsque tu massacres les meubles de ta chambre par colère est-ce vraiment mature comme comportement Ben ?
- Bien plus que tes rejets incessants. Tu souffres inutilement Rey. Et tout cela tu ne le dois qu'à toi-même.
La rage s'écume dans les lambeaux de tristesse, farandoles de sentiments striant son âme blessée, striée de doutes, d'envies noires, de folie, de détresse, de mélancolie jamais la joie, depuis l'éradication de sa famille rebelle n'entra dans le temple de son esprit, abandonnant la pauvre déchue vermeille. Le sang versé pour des actes non finis, ravagés par une puissance guerrière mécréante.
- Laisse-moi ! Pars ! Ne reviens plus. Laisse-moi crever.
Les mots assomment. Le seigneur est sidéré, ahuri par la violence de cette décision, par cette requête où le souffle frissonnant de la perdition, du suicide caché se pare de faiblesse la voix de Rey s'estompe tel un fil s'effilochant dans les restes d'une poussière abolie. L'empereur se fige, pétrifié, c'est soudain comme paroles, jamais depuis cette année de captivité l'enfant femme n'avait exploré cette possibilité de représailles. Alors les sourcils se froncent, rage de l'anémie, courroux de l'asthénie.
- Penses-tu réellement que je te laisserai agir à ta guise ? Je l'ai déjà fait, regardes ce qui est advenu. Toi, ici. Pour mon plaisir. Rey. Je ne te demande plus de m'accompagner ou de te joindre à moi puisque je te possède déjà.
Il réplique, mordant par dépit l'esprit déjà encombré d'effroi de son aimée. En réalité, bien qu'elle gémisse de sa condition de prisonnière d'état, elle possède la force des survivants, celle tellement rare, tellement indomptable de ces êtres aux sourires d'aciers. Elle n'en est pas consciente, bâillonnée par quatre cloisons de bois venimeux, par des arabesques de fonte sur la fenêtre, par l'isolement sec, aride, qu'il lui impose sans discontinuer. Les serviteurs n'ont le droit de traverser cette aile du palais, là où il ordonne une paix personnelle jamais chamboulée par les pieds de ces souris inutiles. Ils savent qu'il y a cette princesse en haut d'une tour, propriété du dieu Kylo Ren, interdite de regard. Ren Kylo, le fourbe implacable lui apporte repas, vêtements, paroles baignées du vin du sadisme, désir de meurtre. Rey ne s'emmure pas dans son mutisme, elle atteint de ses paumes la fine bouteille de verre ouvragée qu'elle balance au visage de sa némésis. Elle s'explose contre la porte égoïste scellant l'oiseau liberté.
La silhouette lourde de ses attributs de tyran claque la porte, la serrure retentit deux coups arrachés aux ailes de l'espoir parfumé de cendre.
Et elle reste sur le sol, condamnée.
