Titre : Le souffle de l'hiver
Auteur : Mokoshna
Manga : Naruto
Crédits : Naruto est la propriété de Masashi Kishimoto.
Avertissements : Cette fic est un complément à «Vent d'Est». Elle reprend des événements qui se sont déroulés peu avant l'examen chûnin. Du coup, c'est un AU avec un brin de Yaoi.
Blabla de l'auteur : J'avais d'abord mis cette fic en interlude dans l'histoire originelle, mais l'idée s'est développée et ira au-delà d'un seul chapitre comme cela était initialement prévu. Je préfère donc la poster à part. Pour la comprendre, il est quand même préférable de connaître les bases de l'univers introduit dans «Vent d'Est»...
Merci de votre compréhension et bonne lecture !


Chapitre 1 :
Une étrange prophétie

Les couloirs de la maison-mère étaient tous désespérément lisses et semblables. Lorsque Neji s'y aventurait pour se rendre à l'une des salles de réunion, il se sentait pris d'une légère sensation d'inconfort qui allait en s'accentuant. Chaque minute passée dans ces couloirs le rendait nerveux ; se retrouvait-il seul à un moment, et il sentait des sueurs froides lui couler le long de l'échine, son souffle devenait peu à peu plus saccadé. De longues rangées de portes coulissantes s'alignaient sous ses yeux, blanches et impersonnelles, comme le kimono qu'on lui forçait à porter dans les grandes occasions.

La famille Hyûga semblait avoir une fascination quasi-obsessionnelle pour le blanc. Blancs leurs iris, blancs leurs kimonos de cérémonie, blanches les expressions sur les visages et les mains des vierges que l'on vénérait à mi-mots à l'intérieur des murs. Neji n'en avait aperçu qu'une seule dans toute sa vie, lors d'un bref passage à travers ces couloirs veloutés qui le rendaient si craintif, comme le plus faible des enfants. C'était une très belle femme, mais si pâle, si blanche à cause de la poudre de riz qu'elle avait sur le visage, qu'il l'avait tout d'abord prise pour un fantôme égaré. Son père avait alors agrippé sa main tremblante et lui avait indiqué de s'incliner, en respect à la Vierge-Mère que l'on menait à sa chambre de silence. Il n'avait eu que trois ans ; l'image de ce visage résigné était restée gravé dans son esprit. Plus de dix ans après cette rencontre, il lui arrivait parfois de voir le visage de cette vierge au visage blanc dans ses rêves.

— Tu trembles, fit la vieille tante Harumi qui menait la marche. Tiens-toi bien !

— Je m'excuse, dit Neji sur un ton qu'il s'efforçait de maintenir égal.

Harumi fronça ses sourcils gris mais ne fit pas de commentaire. Le kimono blanc qu'elle portait lui allait très mal, ne faisait que souligner son âge avancé et l'arthrite de ses mains tachées par les ans. Neji évitait de les regarder, car il ne pouvait alors s'empêcher d'en faire la comparaison avec des mains de vierge.

— C'est un très grand honneur pour toi d'être ici, dit Harumi dont les lèvres s'esquissèrent en une moue pincée. Un très, très grand honneur. Dame Aruna n'a pas appelé de visiteur depuis presque sept ans.

— Je saurai m'en montrer digne, fit Neji d'un air solennel.

— J'espère bien !

De plus en plus loin, ils s'enfoncèrent dans la maison. Neji ignorait qu'elle fût si grande ; ses rares visites ne lui avaient fait que voir les bâtiments les plus fréquentés, ceux auxquels les membres de la Bunke avaient accès. Ici, même la Sôke devait obtenir une permission spéciale pour avoir la permission de ne serait-ce que passer le seuil.

Quelle surprise quand Neji avait reçu cette convocation de la part des membres les plus mystérieux du clan Hyûga ! Aussi loin que remontait sa mémoire, la vierge du clan, Dame Aruna et son cortège de vieilles femmes aux habits blancs, n'avait jamais demandé à parler à quiconque. Ceux qui allaient la voir la consultaient dans de rares occasions : pour connaître le sort d'un pays ou le destin d'un enfant aux traits inhabituels, par exemple. Dame Aruna, en digne élue des dieux, se terrait dans sa maison au milieu de ses servantes et attendait de pouvoir répandre ses précieuses connaissances.

— Nous y sommes, dit soudain Harumi.

Sur ses instructions, Neji entra seul dans une immense salle aux murs blancs et attendit. Au centre de la pièce, se trouvait un paravent magnifique représentant des scènes de paradis et d'enfer. Une ombre vêtue d'un ample kimono se découpait faiblement à la lumière, de l'autre côté : celle de Dame Aruna, la Mère-Vierge au Souffle de dieux, Sybille parmi les Sybilles au pays du Feu. Plus d'un shôgun venait la consulter au sujet d'affaires d'état ; soigneusement dissimulée derrière son paravent, elle leur chuchotait les volontés des dieux tout en distribuant de sages conseils. Plus d'un gouvernement était tombé suite à ses prédictions, plus d'une armée avait ployé sous ses mots.

Et à présent, Neji se trouvait dans la même pièce que cette femme exceptionnelle. Ses mains tremblaient, mais il les retint en serrant les poings. L'ombre derrière le paravent bougea, comme en reconnaissance de sa présence. Neji prit son courage à deux mains.

— Je suis là comme vous me l'avez demandé, Dame Aruna, fit-il sans détourner une seule fois le regard. Je suis Neji Hyûga de la Bunke.

— Comme tu es triste, entendit-il murmurer tout contre son oreille.

Comment cela était-ce possible ? Dame Aruna se trouvait à plusieurs mètres de lui, pourtant il avait eu l'impression de sentir un souffle sur sa nuque, on lui avait clairement dit ces mots en se collant dans son dos. L'espace d'une seconde, Neji pensa se retourner pour vérifier, mais se dit qu'un tel acte aurait été considéré comme une insulte. Il baissa donc les yeux et regarda discrètement à terre pour essayer de repérer une ombre, n'importe quoi pour indiquer la présence d'une autre personne derrière lui. Enclencher son bakyugan en cet instant aurait été perçu comme un acte d'arrogance, c'est pourquoi il ne fit rien en ce sens. Ce n'était pourtant pas l'envie qui lui en manquait.

— Enfant-oiseau aux ailes coupées, reprit la voix, toujours dans son dos.

Il n'y avait pas la moindre ombre, pas le moindre indice pour indiquer quelle sorte d'être lui parlait. Neji y renonça provisoirement pour se concentrer sur la raison de sa présence.

— Pourquoi m'avoir fait demander ? Je suis là à présent. J'attends vos instructions. Avez-vous besoin de moi pour une mission spéciale, voulez-vous que je transmette un message à un membre de la Sôke ?

L'ombre de Dame Aruna bougea encore, inclina la tête sur le côté. Elle avança le bras vers lui, et aussi éloigné fut-il, Neji sentit des doigts fantômes lui caresser la joue, doucement. Il sursauta mais resta à sa place.

— Grand-Mère Hiver est venue me voir, murmura Aruna. Le départ de Neuf-Flammes a changé la course des tempêtes, plus qu'elle ne le pensait. Tu es Celui-Qui-Marche-Dans-Sa-Peur, Celui-Qui-Dort-Dans-Son-Orgueil, Ivan-tsarévitch aux Mains Meurtries. Trouve le Paladin Blanc et assiste-le dans sa quête du dauphin. Tels sont les mots de Baba Yaga. Prépare-toi, car le temps approche où le Chasseur de Soleils reviendra fouler ces terres de ses pattes noires et mordre ce ciel de ses crocs blancs.

— Je ne comprends pas, fit Neji dans un souffle.

— J'ai parlé. Tu peux te retirer, Neji Hyûga.

Et tout fut dit, tout fut fait. Harumi revint chercher Neji et le conduisit à la sortie, sans jeter une seule fois les yeux sur lui. Neji était pris dans une espèce de transe. Qui était ce Paladin Blanc dont lui avait parlé Dame Aruna ? Ce nom et celui de Baba Yaga ne lui étaient pas inconnus, mais il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus...

— Bon retour, enfant-Bunke, dit Harumi en lui fermant la porte au nez.

Neji était si plongé dans ses pensées qu'il ne pensa même pas à lui dire au revoir.

o-o-o

Des amas de kunai et de shuriken jonchaient le terrain d'entraînement, résultat des assauts répétés de Ten Ten sur ses camarades. Neji avait à peine sorti les siens ; du reste, il n'en avait pas besoin puisque l'exercice du jour consistait à esquiver correctement tous les pièges et les projectiles que leur lançait Ten Ten. Lee en avait paré une bonne partie jusqu'à ce qu'il trébuche au beau milieu et se prenne une masse sur le pied. Il avait hurlé pendant quelques secondes avant de se faire attraper dans une cage en fer, ce qui avait entraîné sa disqualification immédiate. Pour sa part, Neji avait juste une légère égratignure sur la joue qu'il avait essuyé d'un revers de manche.

— Encore un quart d'heure avant la fin ! hurla Gai du haut d'un rocher escarpé. Ça se joue entre vous deux, Ten Ten et Neji ! Montrez au monde la fougue de votre jeunesse éternelle et conquérante !

— Allez-y ! fit Lee de sa cage. Ten Ten, montre à Neji ce que tu sais faire !

Neji soupira. Il avait accepté de se battre contre ses camarades pour le bien de l'entraînement, mais Gai et Lee en faisaient encore trop. Comme d'habitude. Sautant sur le côté pour esquiver un ensemble de parchemins explosifs, il repéra Ten Ten à environ dix mètres de lui et lança son attaque. Deux coups de pieds plus tard, il l'attrapa par le bras et la jeta à terre, au beau milieu du terrain. Elle tomba lourdement sur ses fesses en hurlant.

— J'ai gagné, dit-il simplement.

Ten Ten lui lança un regard noir.

— Tu m'as encore ménagée !

— Non.

— Si, j'en suis sûre ! Si ça avait été Lee, tu l'aurais frappé au moins une fois !

— Tu es ma petite amie. Bien sûr que je te ménage.

Ten Ten fit une moue contrite.

— Tu sais que je déteste quand tu fais ça.

Que répondre ? Neji avouait avoir une faiblesse quand il affrontait une femme à laquelle il tenait. Il n'avait pourtant aucun problème avec les autres...

— Bravo ! s'écria Gai en les rejoignant ! Quelle magnifique prestation !

— L'entraînement n'est pas un spectacle, soupira Neji. La journée tire à sa fin, avez-vous encore d'autres exercices à nous faire faire, maître ?

Gai leur fit un immense sourire.

— Pas ce soir, vous êtes assez grands pour vous débrouiller ! Ce soir, j'ai un rendez-vous d'importance !

— D'accord.

Et sans plus de façons, Neji commença à s'en aller. Gai parut un peu choqué mais se ravisa vite.

— Vous ne me demandez pas de quelle sorte de rendez-vous il s'agit ?

— Non, fit Neji.

— Pas intéressée, ajouta Ten Ten.

— Moi si ! Moi si ! cria Lee de sa cage.

Personne n'avait pensé à l'en sortir, mais cela ne semblait pas lui poser un énorme problème si on en jugeait pas ses yeux brillants. Ten Ten se hâta de défaire le mécanisme afin qu'il puisse revenir sur terre. Lee bondit jusqu'à son maître et se posa devant lui, la pose impatiente.

— Alors, maître ? Quel est ce rendez-vous mystérieux ?

Très fier, Gai lui fit le signe de la victoire tout en arborant ses meilleurs décors romantiques.

— Un rendez-vous galant avec la plus belle personne de toute cette partie du pays du Feu, ma foi !

Si c'était possible, les yeux de Lee s'agrandirent davantage.

— Magnifique ! Bravo, maître ! Vous êtes si viril et sexy que toutes les femmes doivent jalouser cette charmante personne ! Quelle femme extraordinaire cela doit être !

C'est alors que le visage de Gai eut une étrange grimace.

— Euh... oui, bien entendu... fit-il en suant abondamment.

Il avait l'air si gêné, si peu égal à lui-même, que cela mit la puce à l'oreille de Neji. En temps ordinaire, il n'aurait voulu approcher de la vie privée de son professeur pour rien au monde, mais si l'excentrique Gai paraissait troublé par l'annonce de la personne avec qui il sortait...

— Qui est-ce, maître ? fit-il le plus innocemment possible, attirant les regards surpris de ses compagnons.

— T'es fou ? chuchota Ten Ten. On en a pour des jours si tu le lances !

Neji ne l'écoutait pas. Il observait la réaction de son maître : sourire crispé, regard fuyant, comme s'il ne s'attendait pas à ce qu'on lui pose cette question (ce qui était sans doute le cas, surtout venant de Neji. Gai était un très bon combattant mais question prédictions et relations sociales, il n'était pas le plus doué du village, loin de là).

— C'est une magnifique personne au physique dynamique et au caractère merveilleux, fit Gai. Et si forte !

— Vous auriez un nom à nous donner ?

— Est-ce nécessaire ? Il me suffit de savoir que vous m'approuvez dans ma quête de bonheur et...

Même Ten Ten était intriguée puisqu'elle se précipita devant lui et fit, d'une voix gutturale qui lui était propre à chaque fois qu'elle était énervée :

— Comment est-ce qu'elle s'appelle ?

Le sourire de Gai se figea. Il prit une pose triomphale quoique teintée d'hésitation.

— Quelle importance de connaître le nom de la dame ? L'essentiel est de reconnaître son charme indéfectible et sa valeur éternelle !

— Moi aussi je suis curieux, avoua Lee. C'est quelqu'un qu'on connaît ? Une membre du corps militaire, peut-être ?

Gai se mit à inonder le sol de larmes. Dressant un poing passionné en direction du ciel, il s'écria :

— Il n'est personne plus intelligente, belle et douée que lui ! Il est le rayon du soleil qui perce dans le ciel gris de mon existence, la première et la plus éclatante fleur du printemps de ma jeunesse, l'aurore dorée qui me ravit le coeur et les sens ! Une beauté à nulle autre pareille ! Inoichi Yamanaka, épouse-moi !

Ses trois élèves en restèrent sans voix.

— Inoichi Yamanaka ? cria enfin Ten Ten. Le chef du clan Yamanaka ? Le fleuriste ?

— N'est-il pas merveilleux ? pleura Gai.

— Sans doute, mais... euh, vous êtes sûr qu'il est bien d'accord ? Il a peut-être accepté pour euh... je sais pas pourquoi, mais c'est pas bizarre ?

— Pourquoi ? intervint Lee. Maître Gai est le plus séduisant des hommes de tout le pays du Feu et au-delà !

— Si tu le dis, mais euh... Je savais même pas que Yamanaka aimait les hommes, en fait... Neji, dis quelque chose !

Mais Neji avait déjà tourné les talons pour s'en aller. Il entendit encore ses amis crier en réaction à son départ, puis quand il se fut un peu éloigné, leurs voix disparurent enfin. Ten Ten serait sans doute fâchée qu'il l'ait abandonnée dans cette affaire, mais comme pour beaucoup de choses, elle le lui pardonnerait facilement. Quelquefois, Neji regrettait d'avoir accepté sa proposition de sortir avec lui : il faisait de son mieux pour lui être agréable mais il y avait quand même mieux, comme petit ami attentionné... Il l'aimait bien et pensait pouvoir devenir un époux convenable s'ils devaient en arriver à cette extrémité, mais ils n'auraient jamais une relation très passionnée. Ils se connaissaient depuis trop longtemps pour cela.

Neji arriva bientôt chez lui, dans l'un des bâtiments éloignés du clan dans lequel logeaient les membres de la Bunke. Un vieil oncle veillait à l'entrée, le visage grave ; quand il vit Neji, il lui fit un signe de la tête avant de retourner à sa contemplation de la rue. Il dit quand même en passant, sans adresser le moindre regard à Neji :

— La Sôke a un invité de marque ce soir. Nous sommes conviés à lui rendre hommage.

— Bien.

C'était là un événement récurrent depuis la mort du Sandaime : pour assurer leur suprématie sur le village et se montrer dignes d'être de sang japonin, les Hyûga passaient leur temps à inviter des hauts dignitaires venus des quatre coins du pays. C'était une question d'image, ne cessait de répéter Hiashi, le patriarche. Une maison forte a des alliés forts ; et quelle meilleure preuve que de les parader au vu de tous les villageois ? Neji ne l'en méprisait que davantage mais il savait qu'il n'avait pas son mot à dire, lui qui n'était qu'un membre insignifiant de la Bunke. Alors il serrait les poings, souriait à qui il fallait quand il le fallait et repartait dans l'ombre sitôt que l'attention n'était plus braquée sur lui. C'était comme ça qu'on marchait, dans cette illustre famille d'hypocrites.

— Il s'agit de Hikaru Hyûga de la Sôke, ajouta l'oncle. Hiashi a bien fait comprendre que nous devions rester à l'écart.

— Celui qui est parti en tant qu'ambassadeur il y a sept ans ? Mon père m'avait parlé de lui, mais j'ignore quel est son pays d'élection. Il a donc fini son travail ?

— Je ne pense pas. Il doit être là pour des besoins diplomatiques. Quoi qu'il en soit, le Hokage lui-même a été convié à cette soirée. Il nous faut nous en montrer digne.

Neji se retint de ricaner.

— Les Hyûga sont entièrement dévoués au Hokage.

L'oncle ne fit aucun commentaire. Neji rentra enfin dans la maison et se dirigea vers ses quartiers pour se rafraîchir et se préparer en vue du dîner.

Personne dans la famille n'était dupe. Jiraiya venait en visite ? Grand bien lui fasse, on l'accueillerait comme n'importe quel Hokage mais il ne devait pas s'attendre à recevoir un traitement amical. Si les intérêts du clan et du Hokage allaient dans le même sens (la sécurité et la gloire du village), leurs vues sur la manière de procéder étaient si différentes qu'il était nécessaire de s'appuyer sur les conventions et les règles établies pour ne pas que cela dégénère en bain de sang. Jiraiya était toléré par les Hyûga du fait de son rang et de ses talents en tant que shinobi, mais c'était bien là tout.

La soirée s'annonçait décidément très longue...

o-o-o

Les membres de la famille attendaient déjà depuis une heure que le Hokage daigne les honorer de sa présence, attablés à la place qu'on leur avait attribuée. Hinata était magnifique dans son kimono blanc fait de la soie la plus chère. Neji ne put s'empêcher de la comparer à une poupée de porcelaine, blanche et sans défaut, une vraie beauté japonine dans toute sa splendeur.

Il ne l'en haïssait que davantage.

Elle si pure, elle si belle et vêtue si magnifiquement, qu'avait-elle bien à apporter au clan ? Neji l'avait déjà vue se battre. Son niveau était tout juste passable ; n'eût été son byakugan, elle n'aurait été qu'une kunoichi médiocre, de la chair à canon à envoyer au combat pour se faire tuer. Il serra les poings. On l'avait mis au milieu de ses pairs de la Bunke, tout en bas de l'estrade où se trouvait la Sôke et leurs invités d'honneur, là où les inférieurs pouvaient les voir et connaître leur place. Les visages autour de lui étaient fermés, tout comme le sien.

À la droite de Hiashi, Hikaru Hyûga discutait paisiblement avec la mère de Hinata. Il avait un visage agréable et un sourire qui attirait immédiatement la sympathie. Pas de formalité excessive dans ses mouvements ; il semblait tout droit sorti d'un village de pêcheurs avec ses gestes amples et son rire facile. Ses vêtements étaient ceux de la Sôke mais il les portait lâchement, sans faire attention à son col qui s'ouvrait ou au pendentif qui sautillait sur sa poitrine. Celui-ci était fait d'un simple fil sur lequel étaient accrochés trois griffes ou crocs blancs ; il était difficile de bien voir à cette distance. Neji sentit un pincement de rancune en voyant Hinata sourire à cet homme suite à une blague qu'il avait lancée. De là où il était, il ne pouvait entendre ce qu'ils disaient, mais il était évident qu'ils s'amusaient bien.

Il y eut un mouvement à la porte, et Jiraiya entra en fanfare, accompagné de sa troupe. Son fils adoptif Sai marchait dans son ombre, comme à son habitude. Par contre, Neji reconnut avec surprise son maître et Inoichi Yamanaka qui se tenaient de part et d'autre du Hokage. Hiashi parut fort mécontent, et pour cause : la famille Yamanaka était tombée en disgrâce et sans l'appui de Jiraiya qui la tenait en haute estime, ses membres auraient sans doute été réduits au rang de simples habitants sans pouvoir, des soldats de plus au service du village. Quant à Gai, il n'était simplement pas sortable. À leur suite, entrèrent d'autres membres de la famille Yamanaka, ce qui contribua beaucoup à transformer le pli d'inquiétude sur le front de Hiashi en moue de dégoût.

— Hiashi ! s'écria Jiraiya en tendant les bras. Quel plaisir d'être là !

— Le plaisir est pour moi, fit Hiashi d'une voix pincée. Soyez le bienvenu, Godaime Hokage.

Et sur ces entrefaites, le Hokage s'installa à sa place avec sa troupe et les festivités purent commencer.

o-o-o

Neji ne regagna ses quartiers que très tard, quand le Hokage fut parti et qu'un semblant de calme fut revenu sur la maison. Pas une seule fois il n'avait échangé de mots avec un membre de la Sôke ou les invités. C'était une chose habituelle mais chaque fois cela le remplissait de rancoeur et d'amertume. Parce que son père avait commis l'erreur de naître plus tard que Hiashi, devait-il être ainsi mis à l'écart alors qu'il se savait meilleur que l'héritière en titre ? Même Gai, dans son excentricité et son expansivité, lui avait à peine adressé un signe en passant, comme un geste de pitié accordé à un mourant. Neji savait qu'en temps que garde du Hokage, sa position était difficile et qu'il se devait de garder ses distances, mais c'était ridicule... Depuis quand Gai se soumettait-il à ces règles ? Il n'avait aucun mal à paraître un bouffon aux yeux du monde !

— Tu as l'air furieux, fit une voix grave derrière lui au moment où il s'apprêtait à ouvrir la porte de sa chambre.

Neji se retourna brusquement, prêt à attaquer le moindre ennemi qui aurait voulu le surprendre. Quelle ne fut pas sa surprise de voir Hikaru Hyûga le sourire avec amitié dans le couloir !

— Vous vous êtes perdu ? fit-il d'une voix méfiante. Les quartiers de la Sôke sont dans un autre bâtiment.

— Je sais. Je voulais te voir. Tu es bien Neji, fils de Hizashi ?

Neji se mit sur ses gardes.

— Qu'importe ?

— Je suis là pour voir Neji Hyûga.

— Pour quelle raison ?

Hikaru regarda autour de lui. Satisfait de voir qu'ils étaient seuls (les appartements de Neji étaient situés dans un coin reculé du bâtiment), il s'avança et tendit un paquet à Neji.

— Un cadeau pour toi.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Juste des douceurs russiannes. J'ai pensé que ce serait plus poli si je venais avec un cadeau.

Neji ne fit pas un geste pour accepter l'offrande.

— Que me voulez-vous ?

— Parler avec toi. Je peux entrer ?

— Pourquoi vous accueillerais-je chez moi ? Nous ne nous connaissons pas. Je ne sais même pas ce qui vous amène ici.

— Disons que je suis intéressé par toi.

— Je suis un membre de la Bunke. Qu'ai-je d'intéressant à vos yeux ?

Hikaru le jaugea longtemps du regard, jusqu'à ce que Neji devienne assez nerveux pour souhaiter partir sans paraître impoli ou insolent.

— Tu ressembles à ton père, dit enfin Hikaru.

— Vous le connaissiez ?

— Très peu. Nous avons eu quelques missions ensemble, c'est tout.

— Alors pourquoi me le mentionner ?

— Je voulais entamer un dialogue. En vérité, c'est toi qui m'intéresse.

— Pourquoi ?

Hikaru s'appuya contre le mur, son paquet oublié dans sa main.

— Akari, l'épouse de Hiashi, m'a dit que tu avais été convoqué par Dame Aruna. C'est vrai ?

Neji avait un souvenir vif de cette rencontre, pourtant il s'efforça de garder tout son calme en répondant.

— Ça s'est passé il y a six semaines. Elle a envoyé quelqu'un pour dire qu'elle souhaitait me voir. J'y suis allé, elle m'a à peine parlé, puis je suis revenu.

— Que t'a-t-elle dit ?

Ce fut au tour de Neji de sourire.

— Vous savez que tout ce qui se dit dans la chambre de Dame Aruna est à la discrétion de Dame Aruna elle-même et de la personne à qui elle a parlé. Même Hiashi n'a pas le droit de me demander de comptes si je refuse de lui en parler.

— C'est effectivement la règle avec les Mères-Vierges. Sais-tu qu'elle m'a aussi convoqué il y a sept ans de cela ?

— Non. Quel rapport avec moi ?

— Suite à ce qu'elle m'a dit, continua Hikaru sans se démonter, je suis parti pour les terres russiannes afin d'accomplir ma destinée. Je suis à présent de retour dans mon pays et dans ma famille. C'est une bonne chose.

Neji n'avait qu'une très vague idée de ce que pouvaient être les terres russiannes, mais il aurait été impoli de demander directement. C'est pourquoi il se contenta de rebondir sur les paroles de Hikaru.

— Vous avez accompli votre destinée ?

— Plus ou moins. En tout cas, je suis là.

— Et vous venez me voir.

— T'a-t-elle demandé de partir ?

— Cela ne vous regarde pas, dit sèchement Neji.

— Sais-tu ce qu'elle m'a demandé ? Je n'oublierai jamais ses mots exacts. Elle voulait que je parte en quête pour Grand-Mère Hiver, vois-tu. Quelle folie, alors que le clan Hyûga a presque perdu tous ses liens avec sa branche russianne !

Neji eut un sursaut de surprise en reconnaissant le nom de Grand-Mère Hiver.

— Je ne comprend pas...

— Reste toi-même, Neji Hyûga, mais n'oublie pas que ta valeur se calcule à tes actes. Ce que tu accomplis de tes mains seules compte, pas ta naissance ou la pureté de ton sang.

Neji se sentit pris de colère.

— Comment osez-vous ? grogna-t-il entre les dents. Si vous êtes venu me narguer...

— Jamais de la vie, dit Hikaru avec un soupir. Je repars demain. Je voulais juste voir si j'avais un allié, mais tu es si rempli de colère que je ne sais même pas si je peux continuer à te parler.

— Nous faisons partie de la même famille, mais nos liens s'arrêtent là. Je ne suis qu'un Bunke à qui Dame Aruna a dit des paroles incompréhensibles. Rien d'autre. Mon destin est de rester à ma place, rien d'autre.

— Je me demande... Mais il se fait tard. J'aimerais beaucoup te revoir avant mon départ, Neji. Puis-je repasser demain, quand tu te seras un peu calmé et que tu auras dormi ?

— Si cela vous fait plaisir, mais je n'ai rien à vous dire de plus.

Le regard de Hikaru se fit plus mélancolique.

— Tu as raison. Je crois... je crois que je me sentais seul, en fait. Désolé de t'avoir dérangé. À demain, peut-être.

Sur ces mots, Hikaru fit demi-tour et s'en alla.

Cette nuit-là, Neji rêva d'un étrange samourai en armure blanche qui dardait sur lui des yeux d'un blanc aussi pur que ceux d'un Hyûga. Levant les yeux, il vit une crinière blanche s'échapper de son casque et fut un instant aveuglé par leur éclat.

Au loin, tonnerre rugissant au milieu d'une plaine de cadavres, murmurait une armée.

À suivre...


Pour l'anecdote, les faits cités dans cette histoire et dans cette partie du scénario sont très librement inspirés du conte russe Ivan-tsarévitch et le paladin blanc, dans lequel intervient Baba Yaga. Ce n'est qu'une interprétation libre et si cela vous intéresse, vous pouvez le rechercher si vous voulez vous spoiler (un peu). Un jour il faudrait que je répertorie toutes mes sources, histoire de rigoler un bon coup...