C'est vraiment une toute petite chose. Rien qu'un feu qui crépite dans la cheminée le jour de l'An, réchauffe toute la maison ensommeillée et un brin alcoolisée, appelle mon esprit dans d'autres lieux, un ailleurs lointain. Pas si lointain…
Lorsque les pensées de House dessinent une gigantesque métaphore.
One-shot. Huddy.
.
.
Laisse le feu mourir
.
.
C'est un genre de pacte commun. Nous sommes tous deux assis devant la cheminée, un soir d'hiver. Dehors, le verglas et le givre emprisonnent les paysages mystiques. Enveloppe glissante et glacée, elle ne laisse aucune chance.
A tour de rôle, nous remettons une bûche sur les braises fumantes, pour éviter que le feu ne s'éteigne. Une à une, vidant le vieux panier d'osier. Rarement, je descends même au sous-sol chercher du bois frais, je puise dans mes réserves. Les tresses trop sèches craquent tellement sous le lourd fardeau que j'ai eu peur qu'elles cèdent. Ce vieux panier a tellement supporté de bûches. En effet, nous sommes installés devant ce feu depuis tant d'années. J'ai de plus en plus de mal à trouver de quoi réchauffer nos froides soirées d'hiver, les forêts sont dévastées.
Mais tu sais ce que c'est, l'espoir que le feu ne meure jamais. Qu'il continue à crépiter pour toujours dans l'antre rougeoyant. Je n'aurais jamais cru qu'entretenir l'étincelle me demanderait autant d'efforts. Lorsque la nuit avance, veiller sur le feu devient de plus en plus pénible, voire impossible. Je n'ai jamais pu me résigner m'endormir, et laisser le feu à sa perte. Je ne peux pas. Je sais qu'aussitôt éteint, le froid polaire du dehors viendra éteindre ma poitrine et voler mon souffle fragile. La température de la pièce chutera si rapidement que je grelotterai en me réveillant, au bout de quelques heures seulement. Alors je fais l'effort, je me lève encore une fois, je l'attise comme je peux.
Toi, cela fait longtemps que tu ne t'es pas levée pour en prendre soin. J'ai l'impression que ce feu ne t'importe plus autant. Lui as-tu déjà accordé une quelconque attention ? Je me rappelle d'une époque où c'était un jeu. Il fallait que ce soit chacun son tour, mais tu transgressais souvent la règle, tu ne pouvais pas t'en empêcher. Maintenant tu l'abandonnes. Je crois bien que ce soir, tu t'en contrefiches.
Je ne pensais pas que cela finirait de cette façon. Observe bien la danse de ces flammes jaunes, oranges, dorées, les subtiles lueurs bleutées. Ne me dis pas qu'elles ne te disent rien. Ne me dis pas qu'elles te dégoûtent. Il paraît qu'autrefois elles t'évoquaient de la musique, un genre de valse lente, enivrante. Il ne reste plus grand-chose de ta fantaisie, de ta poésie, de ta jeunesse. Cette vie te tue, elle tue tes rêves, elle tue ce feu. Elle nous tue, nous.
Je caresse distraitement ta joue. Tes paupières se ferment, coupant ta contemplation silencieuse des braises presque devenues cendres.
Cendre, c'est le goût que prend ta salive dans ma bouche. Ta peau reste toujours aussi satinée sous mes doigts, mais sa douceur glisse contre mes paumes impuissantes, puis m'échappe… Tes poignets se lient derrière ma nuque, attirant plus près mon visage de ta gorge dénudée. Atroce sensualité, livide parodie de ton sex-appeal. Je te sens crispée, comme si… tu ne voulais pas ? Nous imitons si mal la fièvre étouffante de nos premières fois.
Je descends de plus en plus bas. Tu ne dis rien. Tu te contentes de fixer le feu qui persiste encore. Tu… fais semblant.
Alors c'est vrai ? Nous ne sommes pas faits pour durer, tu te lasses de moi, tu as tout perdu à mes côtés. Nous deux, ce n'était que pure tension. Bestiale, sauvage… Superficielle.
Tu t'obstines à observer les braises, comme si tu avais peur de voir disparaître l'étincelle.
J'aime autant te dire : si ce soir doit être le dernier soir, laisse le feu mourir.
Regarde-moi.
.
.
.
.
FIN.
