Disclaimer : Je ne tire aucun bénéfice de la traduction de cette fiction, si ce n'est un immense plaisir. Le Hobbit est l'œuvre de notre seigneur à tous, Tolkien. Quant à cette superbe fiction, elle est issue de l'imagination de la géniale TheLadyZephyr, présente exclusivement sur Archive of Our Own (qui est une mine pour le fandom du Hobbit bien plus que ce site). Je ne suis, pour ma part, que la traductrice.

Bonsoir à tous ! J'espère que vous allez tous bien en cette extrême fin de décembre, que vous passez de bonnes fêtes et que l'optique d'une nouvelle année ne vous épuise pas d'avance. En ce qui me concerne, j'adore l'hiver, mais pas la montagne de travail que j'avais prévu d'attaquer ces derniers jours, jusqu'à ce que je reçoive un message de TheLadyZephyr m'autorisant à traduire son travail. J'ai donc laissé tomber mon mémoire (Qui a besoin de faire des études, de toute façon ? (oui, je suis mal barrée)) et j'ai traduit le premier chapitre.

J'avais reçu de très chaleureux commentaires à propos de ma première traduction sur le Hobbit (merci encore !), donc j'ai décidé d'en refaire une. :) Celle-ci sera beaucoup plus longue puisqu'il s'agit d'une trilogie intitulée The Twice Told Tale of Thorin Oakenshield, composée de : A Fool's Hope, We Will Burn Togheter et Under the Mountain. La troisième partie n'a pas encore été achevée mais tout encourage à penser qu'elle le sera sans faute. Il s'agit d'une fix-it de type time-travel, et le personnage qui retourne dans le passé est évidemment Thorin. J'ai beaucoup aimé cette fiction qui est sans prétention, bien faite et très accrocheuse, et qui est surtout l'un des seuls time-travel que j'ai lus à ne pas être encore plus déprimant que l'histoire originale.

Alors voilà, je vous présente le premier chapitre de cette fiction. N'hésitez pas à me dire ce que vous pensez de mon travail et de celui de l'auteur. Concernant le rythme de publication, eh bien que Mahal nous garde, mais je ferai de mon mieux, promis.

XXX

A Fool's Hope

Chapitre 1

XXX

Sa vision était brumeuse, et son souffle rauque dans sa gorge. Thorin, fils de Thrain, se tenait sur la rivière gelée, les yeux rivés sur le champ de bataille au pied de la Montagne Solitaire.

Dans un léger bruissement, un aigle plongea en piqué devant lui, ses grandes ailes battant l'air. La bête poussa un cri qui résonna dans l'immensité, tandis qu'un énorme poids quittait les épaules de Thorin. L'Orque Blanc était mort, et son peuple avait triomphé.

Le froid de la rivière sembla avoir raison de sa force, et ses jambes ne le portèrent plus. Epuisé, il s'effondra sur le sol dur et stérile.

Fíli, pensa-t-il, inerte. Kíli… Tout est de ma faute…

Une succession de pas rapides et légers retentit derrière lui, et le visage anxieux du semi-homme entra dans son champ de vision.

« - Bilbo… s'étrangla-t-il précipitamment, en luttant contre la torpeur glaciale qui se répandait dans sa poitrine.

- Non! Ne bougez pas, ne bougez pas ! Restez allongé, répondit le hobbit, tandis que ses petites mains s'affairaient au-dessus de la blessure de Thorin.

Je dois faire amende honorable, songea-t-il, sans prêter attention au grognement étouffé de Bilbo.

- Je suis heureux de vous voir, parvint-il à articuler. Je souhaite vous quitter en toute amitié.

- Inutile, rétorqua Bilbo en secouant la tête. Vous n'allez partir nulle part, Thorin. Vous allez vivre.

- Je regrette les paroles et les gestes que j'ai eus sur les remparts.

Ses mots se teintèrent de désespoir.

- Vous avez agi comme seul un véritable ami l'aurait fait. Pardonnez-moi.

Au supplice, Bilbo ne put que secouer la tête de déni.

- J'étais bien trop aveuglé pour m'en apercevoir, murmura Thorin, et un léger sourire vint relever les coins de sa bouche. Je suis… si désolé, de vous avoir fait courir de tels périls…

Sa respiration se faisait de plus en plus difficile. Bilbo agrippa étroitement sa main.

- Non, n- Je suis heureux d'avoir partagé ces périls avec vous, Thorin. Chacun d'entre eux, sans exception. C'est là bien plus que ne le mérite un Baggins.

Quant à moi, je ne mérite pas un ami tel que vous.

Il lui restait peu de temps. Alors que de froides ténèbres envahissaient lentement les bords de son champ de vision, le nain leva un regard ébloui vers son compagnon.

- Mes adieux, Maître Cambrioleur, déclara affectueusement le Roi en souriant. Retournez à vos livres, et à votre fauteuil.

A la pensée du hobbit vivant paisiblement le reste de sa vie dans son Smial confortable, le froid qui l'envahissait lui sembla moins mordant, comme chassé par une minuscule chaleur.

- Plantez vos arbres… Regardez-les pousser… Si plus de gens chérissaient leur maison plutôt que l'or amassé, ce monde n'en serait que plus joyeux.

- Non ! Non, non, non ! Thorin! Je vous défends ! » se lamenta Bilbo.

La respiration du nain eut quelques saccades, avant de s'éteindre.

Lorsque Thorin Oakenshield, Roi Sous la Montagne, mourut dans les bras de son ami et quitta la Terre du Milieu, son cœur regorgeait de la lumière du soleil qui filtre à travers les feuilles des arbres.

XXX

Thorin flottait paisiblement dans une chaude et rassurante obscurité, bercé par des effluves de pierre immaculée.

« Thorin… » soupira une voix meurtrie de chagrin.

Qu'est-ce que …?

C'était une pensée paresseuse et lointaine, qui s'élevait lentement de la douce chaleur.

Un puissant coup de tambour retentit, et, soudain, une brusque bourrasque de vent glacial fit s'abattre sur lui l'éclair d'un souvenir furtif, l'image d'un visage familier déformé par la peur.

Fíli!

Un nouveau coup de tambour fut frappé, accompagné d'une autre rafale, et d'une nouvelle douloureuse réminiscence. Son neveu, soulevé dans les airs par des mains pâles et griffues.

Non !

Se contorsionnant dans l'obscurité, Thorin se débattit dans la chaleur embryonnaire qui perdait progressivement son charme.

« Cours ! » hurla Fíli, et lorsque le corps du prince chuta, Thorin crut sentir lui-même la lance froide le transpercer, déchiquetant sa poitrine. Des flammes s'élevèrent, une fumée l'entoura et le fit suffoquer.

Kíli!

Une image furtive. Kíli, gravissant à toute vitesse les marches enneigées.

Une autre image. Azog, surgissant dans un rugissement bestial pour bloquer la route de Thorin.

Une ultime image. Le cri déchirant d'une elfe se distinguant du capharnaüm insoutenable de la bataille, et Thorin sut.

Kíli…

De ses ongles, il tenta de déchirer la chaleur qui l'étouffait désormais.

« Vous oseriez voler ce qui m'appartient? »

Le souvenir de l'or, exerçant son écœurant chant de sirène.

« Jetez-le par-dessus le rempart ! »

Des yeux apeurés le dévisageant, une peau fragile bleuissant sous l'étau de ses doigts.

Non…

Non !

« - Bilbo !

Thorin se redressa brutalement, et repoussa les draps qui collaient à sa peau couverte de sueur. Désorienté, incapable de reconnaître le décor qui l'entourait, il descendit du lit et tenta d'éclaircir sa vision en clignant rapidement des yeux. La lumière du jour, dorée et chaleureuse, filtrait à travers de petites fenêtres rondes, et lorsqu'il se risqua à faire un pas en avant, le plancher lisse grinça sous ses pieds.

Comment, au nom de la Terre du Milieu… ?

Les souvenirs persistaient à embrumer son esprit. Fíli et Kíli à Ravenhill, Bilbo sur les remparts d'Erebor… Et les aigles tournoyant au-dessus de la Montagne Solitaire, tandis que le hobbit serrait sa main.

Suis-je… mort?

Il tira précipitamment sur le col de sa chemise, tâtonnant fébrilement son thorax, mais trouva son torse indemne, et sa peau vierge de toute entaille. Tremblant, il tituba jusqu'à la fenêtre, et se débâtit avec le loquet avant de l'ouvrir à la volée.

Au dehors, de doux chemins de terre sinueux serpentaient entre de pittoresques petites maisons à demi enterrées dans le sol. En face de lui, une enseigne savamment ouvragée, aux bordures ornées de cordage, indiquait « Le Dragon Vert ».

- La Comté ! murmura-t-il, avec incrédulité.

Quelques légers coups furent frappés à sa porte, et une voix s'éleva.

- Maître Oakenshield?

Il traversa la pièce et ouvrit la porte, pour se retrouver face à un petit aubergiste corpulent qui serrait un morceau de parchemin dans sa main.

- Pardonnez-moi de vous importuner si tôt, Maître nain, mais l'on m'a fait parvenir un message qui vous est destiné. Il est de la part d'un certain Gandalf le Gris, messire.

Le joyeux individu inclina la tête avant de tendre au nain le parchemin sur lequel son nom avait été écrit. Thorin, pétrifié, se contenta de fixer le semi-homme, qui s'agita nerveusement sous le regard intense du nain.

- Hem… Maître Oakenshield..?

Thorin saisit le document d'un geste raide, et tourna les talons pour aller s'asseoir au bord du lit.

- Très bien… Si vous le permettez, je vais disposer, bon monsieur.

L'aubergiste quitta la pièce à reculons, et referma la porte derrière lui.

Thorin brisa le sceau de Gandalf et ouvrit la lettre. Les battements de son cœur étaient anormalement forts, et résonnaient comme un tambour à ses oreilles. Il savait pertinemment quelles informations la missive contiendrait. Il en avait reçu une identique, de longs mois auparavant, lorsqu'il avait quitté les siens à Ered Luin pour rencontrer sa Compagnie et leur hypothétique cambrioleur dans la Comté.

- C'est impossible, murmura-t-il.

Il se pencha, et enfouit son visage entre ses mains. Son esprit bouillonnait de questions dépourvues de réponses.

- Il n'y a qu'un moyen d'en avoir le cœur net », déclara le Nain, déterminé.

Il baissa de nouveau les yeux sur la lettre, et remarqua avec une pointe d'humour détaché que Gandalf avait, à la suite de ses indications, décrit sa destination comme « facile à trouver ».

Prenant son courage à deux mains, il rassembla rapidement ses affaires et quitta le bourg en direction d'Hobbiton, là où se trouveraient les réponses qu'il cherchait.

XXX

Thorin se tenait tapi dans l'ombre d'un arbre, à l'extérieur de Bag End. S'il était parvenu, cette fois-ci, à trouver son chemin sans encombres ni détours, il hésitait à présent à franchir les quelques mètres qui le séparaient de la porte verte et ronde, sur laquelle luisait la marque du sorcier.

Thorin Oakenshield n'avait jamais cru aux miracles. Pourtant, jamais la flamme d'espoir qui brûlait dans son cœur n'avait été aussi forte et aussi brûlante. Il frotta distraitement son torse à l'endroit où la lame de l'Orque Blanc s'était enfoncée, tout en essayant d'apercevoir l'intérieur du Smial à travers les fenêtres chatoyantes.

Soudain, il entendit des bruits de pas lourds progresser le long de sentier, et retint une exclamation en apercevant Dwalin se diriger vers la porte et actionner la sonnette. En revanche, il ne put retenir un hoquet de surprise lorsque Bilbo Baggins ouvrit la porte, l'air abasourdi et vêtu d'un peignoir en patchwork. Dwalin jeta un regard furtif par-dessus son épaule, en direction de l'obscurité qui dissimulait Thorin, avant de reporter son attention sur le hobbit et de s'incliner stoïquement.

« - Dwalin, à votre service », déclara le nain, en jaugeant la tenue de Bilbo du regard.

Thorin observa son cambrioleur resserrer les pans de son peignoir avec force bredouillements alors que Dwalin pénétrait dans l'habitation, et attendit que le hobbit confus eût refermé la porte pour tomber à genoux. Ses yeux se remplirent de larmes, et il les ferma chastement.

Quelle que soit la raison pour laquelle on m'a jugé digne de cette seconde chance, songea-t-il tandis que des larmes dévalaient ses joues, je ne la gâcherai pas.

Lorsque le roi parvint à retrouver son sang-froid, Balin était arrivé et les échos des rires des deux frères mêlés aux babillages irrités de Bilbo parvinrent jusqu'à lui. Il faillit s'effondrer de nouveau lorsque vint le tour de Fíli et Kíli d'apparaître au détour du sentier. Kili assena un coup de coude à Fili pour rejoindre la porte et sonner en premier. En représailles, Fíli bouscula son frère, un grand sourire aux lèvres. Autant de coups de poignard dans le cœur de Thorin qui frissonna, assailli par le souvenir des yeux vides et sans vie du prince, lorsque la lame du Profanateur l'avait transpercé.

Les garçons entrèrent à leur tour, et Thorin chassa l'odieuse vision de son esprit en ébullition. Il redressa ses épaules de détermination au fur et à mesure que ses pensées s'éclaircissaient. Sa terre natale pourrissait sous les profanations d'un serpent endormi, et cette fois-ci, songea-t-il, il ne décevrait ni sa famille, ni son royaume.

Gandalf et le reste de la Compagnie fermèrent la marche et prirent d'assaut la maison du hobbit en se massant sous le porche. Thorin ne put que sourire lorsque Bilbo ouvrit subitement la porte et que les nains tombèrent, entassés à ses pieds.

Je ne peux rien dire à personne, décida-t-il avec certitude. Il ne pouvait pas prendre le risque de trop modifier le cours des évènements trop de chemins pouvaient les mener à l'échec et à la mort. Mais lorsqu'il entendit les échos de réjouissances qui s'élevaient de la maison, Thorin fut piqué par le doute. Pourrait-il vraiment cacher la vérité à ses compagnons? Je ne suis plus le même nain que lorsque j'ai frappé à cette porte pour la première fois, songea-t-il avec un sourire désabusé. Il était désormais conscient de ses torts et de ses faiblesses, et devait reconnaitre que la subtilité et la diplomatie n'étaient pas son point fort.

Lorsque la chanson de la Compagnie toucha à sa fin, il prit une grande inspiration et l'avança dans la lumière. Après une légère hésitation, il leva le poing, s'arma de courage et frappa sur le bois fraichement repeint. Il modela son visage en ce qu'il espérait être une expression d'arrogance nonchalante suffisamment crédible, et le sorcier vint ouvrir la porte.

« - Gandalf, salua-t-il d'un signe de tête, tout en priant pour qu'aucun de ses tourments ne fut lisible sur les traits de son visage. Nous n'avons pas la même conception de ce qui est facile à trouver, mon ami.

Il franchit le seuil, amusé par le souvenir de l'irritation qu'il avait éprouvé en perdant son chemin, lors de sa première visite à Bag End. Tout en retirant son manteau, Thorin jeta des regards furtifs à Bilbo, et, bien malgré lui, ne put s'empêcher de constater à quel point leur aventure avait changé son ami. La fragile créature qui gigotait dans le hall d'entrée, embarrassée par son regard perçant, n'avait pas grand-chose en commun avec le compagnon d'armes ensanglanté qui avait veillé sur ses derniers instants. Même aux yeux de quelqu'un qui savait déjà tout.

- Monsieur Baggins, je présume?

Thorin inclina la tête vers le hobbit, tout en confiant son manteau à Kíli.

- Gandalf m'a informé que vous étiez un cambrioleur de grand talent.

Par-dessus l'épaule de Bilbo, il entrevit Balin hausser un sourcil intrigué. Trop poli.

- C- cambrioleur ?! couina le hobbit, avant d'ouvrir et de refermer la bouche sans qu'aucun son supplémentaire n'en sortit.

- Bilbo Baggins, commença Gandalf, permettez-moi de vous présenter le meneur de notre Compagnie, Thorin Oakenshield.

- Ma foi, il ressemble plus à un épicier qu'à un cambrioleur, plaisanta le nain, faisant ricaner les autres membres de la compagnie – il avait donc réussi à maquiller son affection en raillerie.

Le regard noir de Bilbo ne lui échappa pas, et il se détourna du hobbit vexé pour suivre les autres nains dans la salle à manger.

- Chacun des Sept Royaumes a fait parvenir une missive à Ered Luin, déclara-t-il, lorsque tout le monde eut pris place.

Une rumeur réjouie parcourut l'assistance, et Dwalin fut le premier à prendre la parole.

- Qu'en est-il des nains des Collines de Fer ? Est-ce que Dain est avec nous?

Thorin se remémora avec quelle douloureuse déception il avait appris que la Compagnie n'aurait pas le soutien des guerriers de Dain, et son amertume de devoir l'annoncer à ses compagnons. La chose ne lui parut pas plus facile la seconde fois.

- Vous… vous effectuez une quête? Demanda la voix timide de Bilbo, par-dessus l'épaule de Gandalf.

Thorin remarqua un détail qui lui avait échappé la première fois – une étincelle de curiosité, dans les yeux du hobbit. Et comme Gandalf étalait la fameuse carte sur la table, Bilbo se pencha, une bougie à la main, et Thorin refoula la vague déferlante des souvenirs. Erebor. Il se laissa distraire par les bavardages de l'assemblée, jusqu'à ce que Balin prononçât tout haut les inquiétudes qu'il savait présentes dans tous les esprits.

- Ce serait déjà tâche ardue avec une armée entière à nos côtés, mais si nous restons au nombre de treize… Et nous ne sommes ni les plus brillants, ni les plus invulnérables.

- Je préfèrerais choisir chacun des nains ici présents plutôt qu'une armée entière des Collines de Fer pour m'accompagner, même si le choix m'était donné mille fois. Pour la simple et bonne raison que vous, et vous seuls, avez répondu présents lorsque je vous ai appelé.

Cette fois-ci, il ne commettrait pas l'erreur de laisser son orgueil l'empêcher d'exprimer sa gratitude à quelqu'un d'autre que Balin.

- Loyauté, honneur et bravoure. Je ne saurais rêver mieux.

Mais le vieux nain à la chevelure blanche lui jeta un regard soupçonneux. S'il souhaitait rester à l'écart de tout soupçon, il lui faudrait prendre garde à ne pas s'avérer trop différent du nain que Balin avait connu à ce moment-là. Cependant, la fierté qui se lisait sur les visages de ses camarades et qui redressait la courbe de leurs dos valait à elle seule la peine d'avoir pris ce risque.

Brusquement, Kíli frappa la table de son poing.

- De plus, s'exclama le prince, nous aurons un sorcier à nos côtés ! Gandalf a déjà dû tuer des dragons par centaines !

Thorin haussa un sourcil avec amusement en observant le sorcier être assailli d'une masse de nains excités qui le noyaient d'une avalanche de questions. Lorsque leurs chamailleries se muèrent en cris et exclamations, il se dressa et aboya en Khuzdul :

- Silence !

L'attention de chacun se reporta sur lui tandis qu'il rappelait l'importance de leur quête. La passion brillait dans leurs yeux, et accompagnait chacun de leurs gestes. Mes amis.

- Tu oublies une chose, intervint Balin. La porte d'entrée est scellée, il n'y a plus aucun moyen de pénétrer dans la montagne.

Gandalf se pencha en avant, un éclat de malice dans le regard.

- Je crains que cela ne soit pas entièrement vrai, mon cher Balin.

Thorin ressentit la même pointe d'émerveillement en apercevant de nouveau la clé que le sorcier sortit de nulle part, et la saisit solennellement lorsqu'il la lui tendit. Père.

L'enthousiasme de Fíli à la révélation d'une possible entrée secrète fit sourire Thorin. Son neveu n'avait pas inventé l'eau tiède. En revanche, les spéculations de Gandalf à propos d'individus mieux placés pour lire la carte firent naître en lui une pointe de colère. Fichus sorciers fouineurs et leurs herbivores d'amis.

- La tâche qu'il faudra accomplir requiert une grande discrétion, et un tout aussi grand courage, affirma Gandalf, les yeux tournés vers Bilbo.

Le pauvre hobbit ne put que fixer son ami d'un air égaré, tandis que celui-ci poursuivit :

- Mais si nous nous montrons suffisamment prudents et avisés, je pense que nous avons une chance de parvenir à nos fins.

- C'est pourquoi il nous faut un cambrioleur ! s'exclama Ori, les yeux étincelants d'excitation.

Si jeune, pensa Thorin.

Bilbo, pour sa part, pâlit à l'entente du mot « cambrioleur » et se tourna vers Thorin.

- Que – Non, non, non ! Il vous faut un professionnel, un expert !

Le hobbit leva des yeux implorants vers Gandalf.

- Mais n'êtes-vous pas un expert, Maître Baggins ? demanda le roi, d'une voix douce contrastant avec un regard acéré qui cloua le semi-homme pataud sur place.

- C'est un expert ! Il l'a dit ! renchérit Óin à son tour.

Bilbo détacha son regard de celui de Thorin

- Je ne suis pas un cambrioleur ! s'indigna-t-il. Je n'ai jamais rien volé de ma vie !

- J'ai bien peur de devoir donner raison à Monsieur Baggins, ajouta Balin. Il n'a pas l'allure d'un cambrioleur.

Thorin dut réprimer le désir de prendre la défense de Bilbo, alors que Dwalin renchérissait :

- C'est vrai, les contrées sauvages ne sont pas un endroit pour les gentilshommes qui ne savent même pas se défendre.

Les dents serrées, Thorin regarda les nains recommencer à se disputer avec une fougue grandissante jusqu'à ce que Gandalf se redressât brusquement.

- Assez ! Si je vous affirme que Bilbo Baggins est un cambrioleur, alors cambrioleur il est ! gronda la voix du sorcier, et la pièce parut s'assombrir. Les hobbits ont une démarche remarquablement légère, et sont capables de passer inaperçus dans n'importe quelle situation. De plus, le dragon reconnaitra aisément l'odeur des nains, là où celle d'un hobbit lui sera totalement étrangère. Ce qui constitue un avantage non négligeable, vous n'en doutez pas.

Thorin croisa le regard de Gandalf lorsque le sorcier se rassit.

- Vous m'avez demandé de trouver le quatorzième membre de cette Compagnie, et j'ai choisi Monsieur Baggins. Les hobbits sont des créatures bien plus complexes qu'il n'y parait, et Monsieur Baggins a bien plus à offrir à cette Compagnie que chacun d'entre vous ne l'imagine ! Lui, y-compris.

Vous n'imaginez même pas, songea Thorin en levant les yeux au ciel pour masquer son sourire.

- Vous devez me faire confiance, acheva le sorcier en se penchant en avant.

- Très bien, répondit le nain, ignorant les protestations de Bilbo. Je vais m'en remettre au semi-homme.

A ces mots, Bilbo se figea, tandis que Gandalf et Balin le dévisagèrent.

- Donne-lui le contrat, enjoignit-il à Balin d'un ton bourru. Cela s'annonce plus difficile encore que je ne le pensais.

Il prit soin d'éviter tout contact visuel avec les autres lorsque Balin tendit le contrat à Bilbo. Je suis bien incapable de cacher quoi que ce soit aux membres de ma famille. Il sentait le regard de Gandalf peser sur lui. Thorin se leva et s'appuya contre l'encadrement de la porte, les bars croisés, et étudia le plafond en attendant que Bilbo eut terminé de lire les termes du contrat.

- Incinération ?!

Incrédule, le hobbit se tourna vers les nains.

- Oh, oui ! s'exclama Bofur, tout sourire. Le dragon, il réduira vos os en cendres en un battement de cils !

- Tout va bien, mon gars ? S'enquit Balin en interceptant le regard mauvais que Thorin jeta à Bofur.

Les jambes de Bilbo vacillèrent, et le Roi poussa un soupir. Qui pourrait croire que c'est le même hobbit qui affrontera l'Orque Blanc au nom de la lignée des Durin?

Bofur continua à tourmenter le hobbit chancelant, jusqu'à ce que ce dernier, avec un « non ! » résolu, finît par s'effondrer. Instinctivement, Thorin rattrapa Bilbo par le bras. Si Bofur et quelques-uns des autres nains s'amusèrent de la sensibilité du hobbit, Balin lui, le scruta avec préoccupation, et Gandalf haussa un sourcil broussailleux.

Thorin déposa le semi-homme inconscient au sol, en prenant soin d'avoir l'air dégouté.

- J'ose espérer que vous savez ce que vous faites, Gandalf, grogna-t-il en se composant une expression hostile. Je ne saurais être tenu responsable de ce qu'il adviendra de lui. »

Il enjamba Bilbo pour quitter la pièce et remarqua Fíli et Kíli qui échangeaient un regard intrigué. Excellent, même ces deux idiots se doutent de quelque chose.

Finalement, Thorin se débrouilla bien mieux sans la présence de Bilbo et de ses neveux, et fut certain d'avoir réussi à endormir la méfiance de Balin. Il appréciait les paroles réconfortantes du vieux nain, bien que son estomac se retournât lorsque Balin mentionna l'or d'Erebor.

« - Balin, commença-t-il, l'or n'a rien à voir avec cette quête. Les nuits douces et étoilées, les foyers chaleureux, la fierté des artisans qui exercent leur art et les réjouissances qui durent des jours entiers là est la raison de ce que nous faisons. Pour que les rires et les chants reviennent égayer les voix. C'est la conquête de notre maison et de notre terre, Balin. Je n'ai pas le choix.

Balin se leva et agrippa l'épaule de Thorin. La fierté qui brillait dans ses yeux était indubitable, et elle alluma une honte cuisante dans le cœur du Roi.

Je ne suis digne d'aucune admiration.

- Alors nous sommes de tout cœur avec toi, mon enfant, répondit Balin.

Un grand sourire étira ses lèvres, jusque-là dissimulé par la lassitude résignée dont il avait fait preuve la fois précédente.

- Nous parviendrons à nos fins. »

Alors qu'il retournait dans la salle à manger, il surprit la conversation de Bilbo et Gandalf, qui discutaient dans le salon.

« - Je ne peux tout simplement pas partir à l'aventure sur un coup de tête, Gandalf ! Je suis un Baggins, de Bag End ! »

Le choc le fit trébucher sur un tapis. Ignorant le pouffement de Kíli, il réfléchit à toute vitesse. Le semi-homme avait-il émis un refus aussi catégorique, la première fois? Et s'il avait déjà changé trop de choses ? Qu'allait-il se passer ? Que ferait-il si le hobbit ne venait pas ? Il chassa aussitôt cette dernière pensée de son esprit il préférait ne pas penser à la façon dont se terminerait leur aventure si Bilbo ne rejoignait pas la Compagnie.

Bilbo passa devant l'encadrement de la porte, et Balin commenta :

« - Il semblerait que nous soyons de nouveau dépourvus de cambrioleur. »

La compagnie se réunit devant l'âtre de la cheminée, et Thorin se laissa emporter par les chants et les souvenirs. Peu importe quel avait été le détour du destin qui avait réussi, par le passé, à convaincre le semi-homme de les suivre. Il allait devoir faire confiance à Bilbo, et espérer que ce dernier parviendrait à prouver quel remarquable hobbit il était.

Pour la seconde fois.

XXX

Et voilà, j'espère que ça vous a plu ! Je vous encourage à me laisser un petit mot, ne serait-ce que pour me dire d'aller bosser, et également de laisser un petit mot à l'auteur !

A bientôt, j'espère !