Voilà une nouvelle fic, que j'écris en parallèle de Granger et McCulkin mais qui n'a vraiment rien à voir. C'est un HGDM post Poudlard. Au début, je voulais en faire une OS mais quand je commence à écrire, je n'arrive plus à m'arrêter, du coup j'ai renoncé à me restreindre à un seul et unique chapitre. Il ne devrait pas y en avoir beaucoup cependant, quatre au GRAND maximum, trois dans l'idéal. Voilà, j'espère que ça vous plaira! ^^
Part I : A muggle mom with one big secret (*)
Les toits de Londres peu à peu sortaient de la pénombre. Sous leur fin manteau de rosée, ils se mirent à scintiller. Le jour se levait doucement et Hermione, de la fenêtre de son appartement, au huitième étage d'un vieil immeuble, assistait tranquillement à ce spectacle. Elle souriait doucement, elle ne souriait que ces matins-là, ceux où elle assistait à la majestueuse entrée en scène du soleil ce héros. Ses yeux rougis laissaient supposer qu'elle n'avait pas dormi. D'une main, elle tenait une tasse de café bien noir et bien chaud, de l'autre elle caressait la tête d'un chien, le sien sûrement. Elle resta là un moment, les yeux dans le vague, à siroter son café en entortillant les poils de son jeune ami. Celui-ci laissa échapper un léger jappement lorsque sa maîtresse renonça à le câliner pour ouvrir la fenêtre et laisser un peu d'air frais pénétrer dans la pièce.
Elle adorait cette odeur du matin, cette odeur de soleil et de rosée, d'herbe coupée et de possibilités. La jeune femme inspira un grand coup. Le matin était l'apogée de sa journée. Son seul moment de tranquillité, aussi. Elle avisa l'énorme réveil matin qui trônait sur sa table de chevet et poussa une exclamation paniquée. Elle se précipita hors de sa chambre en hurlant : « Sarah, lève-toi, et plus vite que ça ! ». Quelle ne fut pas sa surprise de trouver la Sarah en question tranquillement installée à la table de la cuisine, un bol de chocolat fumant au bord des lèvres. L'adolescente posa un regard malicieux sur la jeune femme :
« C'est à cette heure-ci qu'on se lève ? », s'enquit-elle sur un ton faussement outré.
« Pour ton information, je suis levée depuis belles lurettes ! », répliqua Hermione en prenant place, à son tour, à la table du petit-déjeuner.
« Et pour ton information, « belles lurettes », c'est franchement ringard, comme expression ! T'as pas intérêt à sortir ça à la réunion de ce soir, j'ai pas envie de me taper la honte ! »
« Je serai pas la seule vieille, je te signale ! »
« Non, tu seras même la plus jeune, si tu veux mon avis ! »
« Qu'est-ce que t'en sais ? Certains ont pu avoir leur enfant à … treize ans… »
Sarah haussa un sourcil, sceptique.
« Bon, d'accord, c'est peu probable ! Mais en tant que mère la plus jeune, je paraîtrai forcément branchée. »
« « Branché » non plus ça se dit plus depuis une bonne cinquantaine d'années … »
« File t'habiller au lieu de jouer avec mes nerfs ! »
« Tu ferais mieux de donner ses croquettes à Jimmy, il est au bord des larmes, le pauvre ! Il faut dire qu'il poirote depuis belles lurettes ! », s'écria l'adolescente qui s'était levée pour déposer son bol dans l'évier.
« Je te signale que c'est toi, qui m'a suppliée d'adopter ce chien, tu pourrais au moins lui donner à manger ! »
« J'avais dix ans, c'était y a belles lurettes, y a prescription, maintenant ! », répliqua Sarah en disparaissant dans le couloir qui menait à sa chambre.
« Et moi, j'ai prescription pour t'avoir adoptée ? »
Pour toute réponse, la jeune femme n'eut droit qu'à un éclat de rire lointain. Hermione secoua la tête, exaspérée, avant de reporter son attention sur Jimmy, qui poussait des gémissements à faire pitié en la suppliant de ses grands yeux bruns. Plus fatiguée que jamais, elle se leva et alla s'acquitter de sa tâche en traînant des pieds. Au passage, elle remit la machine à café en route. Si elle ne prenait pas au moins dix autres tasses de café avant de quitter l'appartement, elle était assurée de piquer du nez au boulot, ce qui était impensable : son patron ne faisait pas de cadeaux.
…
« Mais bouge ton ***, espèce d'******* ! »
« Sarah enfin, qui est-ce qui t'a appris à parler comme ça ? »
« Ma mère ! »
« Arrête de raconter des sottises ! Révise tes cours, au lieu de jurer comme un charretier ! … Mais tu vas avancer sale *** ? ****** de *****, si j'arrive en retard, je vais me faire ********, moi ! »
« Tu vois ! »
« Je conduis, c'est différent ! », répliqua Hermione avec une parfaite mauvaise fois.
« Oui ben je te signale que moi aussi, je vais me faire ******** si j'arrive encore en retard ! La Wincher va pas me louper, cette ***** ! »
« Est-ce que tu viens d'insulter la surveillante générale ? », s'écria une Hermione révoltée.
« Oui, pourquoi ? »
« On n'insulte pas les représentants de l'autorité, je te l'ai déjà dit ! »
« Mais les conducteurs, par contre, on peut ! »
« Entre conducteurs, on s'insulte tous alors ça annule un peu tout, tu vois… »
« Ta logique m'échappe, y a belles lurettes que j'aurais du te dénoncer aux services sociaux ! »
« Il me semble que ça fait belles lurettes que tu n'as pas pris le métro… », fit remarquer Hermione d'une voix menaçante tout en se garant en double file en ignorant les klaxons des voitures coincées derrière elle.
« Tu n'oserais pas ! »
« Tu veux parier ? »
« Mais je déteste le métro ! »
« Il fallait y penser avant de choisir un lycée en plein centre de Londres ! »
« Mais c'est toi, qui m'a donné le choix ! »
« Et je t'en donne un autre : tu apprends à la fermer pendant nos trajets en voiture ou tu prends le métro jusqu'à ce que tu passes ton permis. T'as huit heures pour y réfléchir, à ce soir ! »
« Fais ***** ! »
« Langage ! »
…
Par chance, Hermione arriva juste à l'heure à l'agence, elle n'aurait pas supporté une énième remarque venant de son patron. Elle échangea un sourire complice avec Dana, une de ses collègues de travail, et ignora superbement les quatre autres. Chez This House is Yours, agence immobilière en vue de la capitale, la compétition pourrissait les relations entre les employés. Il n'y avait bien que Dana et Hermione pour être au-dessus des petites mesquineries et considérer que leur amitié avait plus d'importance que n'importe quelle commission. La jeune femme s'installa à son bureau et Dana, profitant que le patron soit occupé avec un client, engagea la conversation :
« Toi, t'as pas dormi ! »
« Touché ! »
« Encore les mêmes cauchemars ! »
« Coulé ! »
« T'es sûre que tu veux pas m'en parler ? »
« Sûre et certaine, j'ai pas envie de remuer le passé ! »
« Mais t'as pas le choix, je te signale ! Ton passé revient te hanter et tu ferais mieux de ne pas l'ignorer. Si tu continues comme ça, tu vas faire une dépression, c'est moi qui te le dis ! »
« N'exagère pas ! », répliqua Hermione en levant les yeux au ciel.
« Et toi ne prends pas cette histoire à la légère ! Ca commence toujours pas des insomnies, et ensuite ça dégénère ! »
« Sauf que moi, j'ai pas le droit de me laisser aller… »
« A cause de Sarah ? »
Hermione hocha la tête.
« Elle s'est rendu compte de quelque chose ? », poursuivit Dana.
Hermione secoua la tête.
« Tu as décidé de ne plus m'adresser la parole ? »
Hermione hocha la tête.
« Tu me parleras de nouveau, si j'aborde un autre sujet ? »
Hermione hocha la tête.
« Dans ce cas, comment vont les amours ? »
Hermione poussa un profond soupir.
« Je dois vraiment répondre à ça ? », s'enquit la jeune femme en posant des yeux suppliant sur son amie.
« Dites donc, les pipelettes, ce serait trop vous demander, que de travailler ? », hurla leur patron, qui, visiblement, en avait terminé avec son client.
Les deux jeunes femmes grognèrent en cœur.
« C'est pas parce que vous faites les meilleures ventes de l'agence que vous devez vous laisser aller ! Au boulot et que ça saute ! », ajouta monsieur Gucklemayer.
« Un vrai tue l'amour, celui-là », glissa Dana avant de retourner à son ordinateur.
Hermione jeta un coup d'œil au patron : petit, chauve, bedonnant. Lui non plus, ne devait pas être heureux, côté cœur … Se sentant retomber dans des pensées moroses, elle se secoua et décrocha le téléphone pour préparer ses prochaines visites sous le regard perçant de Sally. Elle s'était habituée à être observée par cette dernière : Sally passait son temps à jauger ses collègues – ou adversaires, comme elle les appelait – en espérant repérer des failles à exploiter. Pour l'instant, force était de constater qu'elle n'en avait trouvé aucune, alors Hermione ne s'inquiétait pas trop et laissait sa collègue à ses obsessions en se disant qu'après tout, elle n'avait rien à cacher. Enfin, presque rien…
…
« Des amis ? »
« Toujours pas. »
« J'ai un quizz pour toi. »
« Je t'écoute. »
« Dans l'éventualité où j'aurais à assister à une réunion super importante à ton lycée pas plus tard que maintenant, quelle alternative choisirais-tu ? Petit un, tu viendrais avec moi. Petit deux, tu m'attendrais dans la voiture. Petit trois, je te donnerais les clés de l'appart et tu prendrais le métro. Alors ? »
« Hors de question de poiroter des heures dans ce tas de ferraille, hors de question de rester coincée quinze minutes sous terre à supporter la transpiration et le regard torve des habitués du métro, hors de question de passer pour une première de la classe en assistant à une réunion réservée aux parents. »
« Mais chérie, tu es première de classe ! »
« N'empêche ! Et arrête de m'appeler chérie ! »
« Qu'est-ce que tu me proposes, alors ? »
« Petit quatre, tu me files un billet et je vais me faire un film au cinéma, juste au coin de la rue. »
« Un nouveau film d'horreur en vue ? »
« Encore mieux : une parodie des meilleurs films d'horreur de l'année ! »
« Ah, Les folles aventures des zombies de l'espace 4 est enfin sorti ? »
« Positif ! Alors, t'en dis quoi ? »
« C'est que j'aurais bien aimé le voir avec toi… »
« Menteuse, pour toi c'est une torture avoue-le ! »
« C'est vrai mais c'est une tradition, celui-là on va le voir ensemble depuis le premier opus ! », s'écria Hermione en faisant une moue boudeuse.
« Est-ce que tu me donnes encore mon bain ? Est-ce que tu fais toujours mes lacets ? Est-ce que tu me lis toujours une histoire pour m'endormir ? »
« Non … non… et non », dut avouer la jeune femme.
« Est-ce que tu m'accompagnes toujours au cinéma, moi, Sarah, quinze ans ? »
« Il faut croire que non », capitula Hermione.
« Bravo, tu fais de gros progrès, maman ! »
« Tu ne quittes pas la salle avant la fin du film, surtout… »
« Je t'en prie, comme si ça pouvait arriver, toutes Les folles aventures des zombies de l'espace son cultes ! »
« Une fois le film terminé, tu m'attends devant la voiture. Si je ne suis pas encore sortie, tu m'envoies un SMS pour me prévenir. Si la réunion finit avant le film, je t'attendrai devant le cinéma. »
« Oui maman ! Le film commence dans cinq minutes, il faut que j'y aille ! »
« T'avais tout prévu, hein ? »
« Si tu veux savoir si j'avais consulté les horaires du ciné au préalable, la réponse est oui. »
« Très bien, voilà dix livres, t'auras qu'à prendre quelque chose à manger ! »
« Tu sais combien coûte la bouffe, dans un ciné ? »
Hermione soupira en se disant que décidément cette gamine la menait par le bout du nez.
« Ok, voilà cinq livres de plus ! »
Sarah se saisit du billet avec un sourire triomphant plaqué sur le visage.
« C'est malpoli, de trop montrer sa joie après une victoire », fit remarquer sa mère.
« Mauvaise perdante, va ! », répliqua l'adolescente avant de traverser la rue en courant.
Hermione se força à ne pas lui hurler qu'il y avait un passage piéton à seulement quelques mètres de l'endroit où elle avait traversé. Elle jeta un œil à sa montre et poussa une exclamation : elle était encore en retard. Deux fois dans une seule journée, c'était vraiment trop ! Arrivée dans l'immense cours du prestigieux collège et lycée Nelson, elle eut bien du mal à trouver son chemin. Les réunions de tous les niveaux avaient lieu en même temps et un panneau indiquait les salles mais il y en avait tellement… Elle cherchait des yeux la 2nde B lorsqu'un toussotement la fit se retourner. Et là, son cœur manqua un battement. Son interlocuteur, lui, demeura impassible.
« Excusez-moi de vous déranger mais j'ai une réunion pour mon fils qui vient d'entrer en sixième et je suis un peu perdu, pourriez-vous m'aider ? »
Hermione scruta les yeux gris acier de l'homme mais n'y lut aucun signe de reconnaissance. Malgré elle, la jeune femme se sentit un peu vexée. En même temps, après onze ans sans se croiser… Comme l'homme attendait une réponse, elle sortit rapidement de sa léthargie et s'empressa de s'écarter du panneau devant lequel elle se tenait afin qu'il puisse le consulter. Ce geste lui sembla éloquent et avait l'avantage de lui épargner d'avoir à s'adresser à un vestige de son passé, ce dont elle se sentait incapable. Malheureusement, le vestige en question était un peu long à la détente et elle dut se rendre à l'évidence : elle allait devoir ouvrir la bouche. Elle se racla la gorge, comme pour mieux se lancer dans cet exercice, qu'elle devinait périlleux. Il était en effet hors de question que Draco Malfoy la reconnaisse. Elle avait pris beaucoup de soins à disparaître du monde magique et cette malencontreuse rencontre risquait de tout ficher par terre.
« Euh… les salles attribuées à chaque classe sont notées sur ce panneau. »
L'homme hocha la tête et reporta son attention sur le dit panneau. Hermione, quant à elle, ne put s'empêcher de reluquer Malfoy. Non seulement, était-il bien plus séduisant encore qu'au temps de Poudlard, mais en plus il avait revêtu un costume de marque tout à fait moldu qui le mettait bien plus en valeur que ses éternelles robes de sorcier. Les yeux de la jeune femme descendirent sur son péché mignon, les fesses, et elle rougit violemment.
« Votre enfant est en quelle classe ? », s'enquit Malfoy.
« Ma fille est en seconde », répondit platement Hermione.
« Vous ne trouvez pas sa classe sur le panneau ? », fit-il remarquer en la fixant avec insistance.
Hermione croisa son regard, rougit une nouvelle fois et s'empressa de détourner la tête. Elle se morigéna intérieurement. C'est vrai qu'à force de l'observer, elle en avait oublié la réunion de Sarah. Elle se racla une nouvelle fois la gorge.
« Non, je… j'ai oublié mes lunettes de vue, c'est bête ! », s'écria-t-elle en riant nerveusement.
Hermione, littéralement morte de honte, se dit qu'elle devait avoir l'air d'une parfaite idiote.
« Je peux regarder pour vous, si ça peux vous aider. », répondit-il.
« Ce serait gentil, merci beaucoup. »
« … »
Malfoy semblait attendre quelque chose. Hermione le fixa, d'abord perplexe, avant de réaliser ce qu'elle avait oublié de lui mentionner.
« Excusez-moi, je suis un peu fatiguée », tenta-t-elle pitoyablement de se justifier, « elle est en 2nde B ».
« Bâtiment C salle 224. »
Sur ce, Hermione, sans un merci, sans un regard en arrière, prit la poudre d'escampette en s'efforçant de ne pas tomber. L'agence avait un code vestimentaire très strict, par conséquent, la jeune femme portait une jupe crayon et des talons hauts, tenu peu pratique pour piquer un sprint. Elle arriva juste à temps pour le début de la réunion mais fut incapable de se concentrer. Pendant deux heures, elle pensa encore et encore à Malfoy. Les questions se bousculaient dans sa tête. Pourquoi s'était-il montré gentil et serviable alors que, même s'il ne l'avait pas reconnue, elle, la Sang-de-Bourbe, il devait manifestement la prendre pour une moldue ? Comment se faisait-il que son fils soit élève dans une école moldue ? N'était-il pas sorcier ? La mère de cet enfant était-elle moldue ? Et s'il avait fait semblant de ne pas la reconnaître ? Et s'il prévenait les autres ? Et s'ils débarquaient tous dans le Londres moldu ?
Elle était tellement plongée dans ses pensées que lorsque son téléphone portable se mit à sonner, elle eut un violent sursaut. Les regards de tous les parents d'élèves présents convergèrent vers elle et elle se confondit en excuses. Elle chercha frénétiquement l'objet en question dans son sac et vécut la minute la plus humiliante de toute sa vie. Elle éteignit la sonnerie et le professeur de maths put poursuivre sa diatribe sur l'importance des suites logiques dans la vie de tous les jours. Hermione quant à elle, lut en cachette le SMS que Sarah lui avait envoyé : « Le film è fini, je t'aten kom prévu devan la voiture. Bzx. » Qu'est-ce que ça voulait dire, au juste, « Bzx » ? Et puis c'était quoi, toutes ces fautes d'orthographe ? Sa fille était bien meilleure qu'elle en dictée, pourtant !
Une fois de retour dans la cour du lycée, Hermione chercha Malfoy dans la foule des parents d'élèves, sans succès. Elle rejoignit alors sa fille qui s'impatientait, adossée à la Volvo.
« Alors, la réunion ? »
« Parfaitement ennuyeuse ! Le film ? »
« Génial ! »
« Tu peux revenir le voir avec moi, dans ce cas ! »
« Maman ! »
« C'est bon, j'ai compris ! Un McDo, ça te dit ? J'ai la flemme de faire à manger, ce soir ! »
« Et comment ! »
« Serait-ce une critique vis-à-vis de ma cuisine ? »
« Quoi ? Mais non, pas du tout ! », s'écria une Sarah un peu trop outrée pour être honnête.
Les deux jeunes femmes s'embarquèrent dans la voiture. La Volvo démarra en trombe et coupa la route à une voiture qui n'hésita pas à la klaxonner copieusement en retour. Pendant ce temps, dans une rue sombre, un homme aux cheveux et aux yeux très clairs, regarda autour de lui avant de disparaître, comme par magie.
…
Hermione et Dana prenaient leur déjeuner sur un des bancs du petit parc qui se trouvait de l'autre côté de la rue, juste en face de l'agence. La jeune ex-sorcière – comme elle se plaisait elle-même à se qualifier – avait été incapable de garder pour elle les évènements de la veille. Elle les avait donc relatés – en édulcorant certains détails pas très moldus – à son amie qui posait sur elle un regard attentif.
« Et il est mignon ce type au prénom super bizarre ? », s'enquit Dana. Sans le savoir, elle venait de mettre les pieds dans le plat.
« Il n'est pas juste « mignon », il est beau comme un dieu ! Je n'ai jamais vu d'homme aussi beau, si tu veux tout savoir. »
« Ah ! »
« Comment ça, « Ah ! » ? », demanda Hermione en lançant un regard perplexe à son amie.
« Ca fait combien de temps que tu ne t'es pas envoyée en l'air ? Et ne me ment pas ! »
« Six mois », avoua la jeune femme en rougissant.
« Voilà la solution à tous tes problèmes. Au lieu de trop réfléchir, tu devrais foncer et tout faire pour revoir ce bel apollon ! »
« Je te signale qu'il me déteste ! Et puis moi, aussi, je le détestais ! »
« Tu es sûre que c'était lui, au moins ? Il ne te reconnaît absolument pas alors que tu as passé une bonne partie de ta scolarité dans la même école que lui, tu l'as rencontré dans la cour d'un établissement public alors que tu m'as dit qu'il était plutôt du genre à mettre son gamin en école privée, il se montre gentil alors qu'il était parfaitement détestable lorsque tu l'as connu… Ca fait beaucoup d'incohérences, non ? »
« Tu as peut-être raison… Je ne vois vraiment pas comment son si précieux héritier pourrait se retrouver dans un collège mold… euh… privé ! Soit j'ai complètement halluciné et ce type n'a même jamais existé, soit il ressemble plus ou moins à Malfoy et c'est moi qui ai exagéré en faisant le rapprochement… »
« Auquel cas rien ne t'empêche de le draguer sans vergogne et de le mettre dans ton lit ! »
« Le draguer, le draguer… »
« Ah oui, j'avais oublié : Harmony Garner ne drague pas, elle se laisse séduire, elle ne met pas les mecs dans son lit, elle se laisse entraîner dans ceux des mecs… Tu voudrais pas prendre les choses en main, pour une fois ? »
Lorsque trois ans auparavant, en plein entretien d'embauche, son patron avait commencé à l'appeler Harmony, Hermione ne l'avait pas repris. Elle avait déjà changé son nom de famille histoire de brouiller les pistes, et elle s'était dit qu'un autre prénom, même officieux, ne pouvait pas lui faire de mal. Sur sa carte d'identité, elle était donc Hermione Garner, mais tout le monde l'appelait Harmony et c'est ainsi qu'elle s'était présentée à Dana. A cette époque, cette dernière, tout comme Hermione, était installée à Londres depuis peu et elles avaient rapidement sympathisé. Sarah avait été étonnée d'entendre sa mère se faire appeler « Harmony » mais Hermione avait prétendu détester son prénom et préférer ce surnom que lui avaient donné ses collègues.
« C'est juste que c'est pas mon genre, je saurais pas comment m'y prendre… »
« Ecoute, Harmony, tu es une femme magnifique, une mère fantastique, tu as le droit d'être heureuse, alors prends les devants, ai confiance en toi ! »
…
Lorsque les deux jeunes femmes repassèrent les portes de l'agence, leur patron leur sauta littéralement dessus.
« Bon sang, où étiez-vous, toutes les deux ? »
« En pause déjeuner, monsieur, une pause déjeuner que nous prenons ensemble de midi et demi à une heure depuis plus de trois ans », répondit Dana en faisant preuve de son effronterie habituelle.
« Cessez de jouer les insolentes avec moi, Dana ! Si vous n'étiez pas si douée, il y a belle lurette que je vous aurais renvoyée ! »
Hermione ne put s'empêcher de noter le « belle lurette » et se promit aussitôt de ne plus jamais utiliser cette expression.
« Pour la peine, Harmony, c'est vous qui vous occuperez de notre prochain client. Il souhaite acheter d'urgence un appartement d'une bonne centaine de mètres carré. »
« Où ça ? », s'enquit la jeune femme.
« En plein centre, figurez-vous, un sacré contrat en perspective ! »
« Ouah, il doit avoir de sacrés moyens ! J'espère qu'il est beau et célibataire, parce que là t'auras gagné le gros lot, ma chérie ! », s'écria Dana en adressant un clinc d'œil coquin à son amie.
« Dana, regagnez immédiatement votre bureau, cette affaire ne vous concerne plus ! », ordonna un Mr. Gucklemayer au bord de l'explosion. Il suivit des yeux son employée et lorsqu'elle fut installée bien sagement à son bureau, il se tourna de nouveau vers Hermione.
« Dois-je le rappeler ? », demanda celle-ci en tentant d'ignorer Dana qui, de l'autre bout de la pièce, s'amusait à lui faire des grimaces dans le dos du patron.
« Non, il a des problèmes de téléphone, il a dit qu'il essaierai de passer avant la fermeture. Comme je vous l'ai dit, il a besoin de cet appartement en urgence donc considérez ce contrat comme votre priorité. Me suis-je bien fait comprendre ? »
Hermione hocha la tête, préférant s'épargner la peine d'ouvrir la bouche au risque de laisser échapper un éclat de rire qu'elle réprimait depuis déjà trop longtemps. Elle regagna en vitesse son bureau et lança un regard assassin à Dana qui eut une réaction très mâture : elle lui tira la langue. Hermione secoua la tête, consternée. Elle se disait parfois que l'agence avait des airs de cours de récréation, mais lorsqu'elle laissait ses yeux s'égarer sur les autres bureaux, elle révisait immédiatement son jugement. Leurs collègues ressemblaient plus à des zombies qu'à des écoliers dissipés : leurs yeux cernés étaient rivés à leurs ordinateurs, leurs mains s'agitaient mécaniquement sur les claviers, et dès que la sonnerie des téléphones retentissait, ils se jetaient sur leurs combinés respectifs comme des bêtes sauvages. C'était à qui décrocherait en premier pour s'approprier le client à l'autre bout du fil. Suivaient des regards meurtriers qui se braquaient invariablement sur le prédateur le plus rapide.
Hermione et Dana se refusaient à entrer dans ce ballet des horreurs qui semblait vider leurs collègues de toute humanité. Pourquoi ramenaient-elles alors le plus de contrats ? A elles deux, elles représentaient presque la moitié du chiffre d'affaire de l'agence ! Elles en avaient parlé ensemble et étaient arrivées à la conclusion que décrocher le téléphone ne suffisait pas, qu'il fallait avoir le sens du contact, ce dont leurs collègues, obsédés par la compétition et la perspective d'une grosse commission, étaient totalement dépourvus. Un client qui se sent forcé, qui ne se sent pas écouté, compris, aidé, part en courant, c'est bien connu. Le bon côté des choses, c'est qu'ils étaient aussi bestiaux entre eux qu'ils étaient dociles avec Mr. Gucklemayer. Ce dernier aimait la docilité plus que le résultat. Sans ses zombies, le pauvre homme perdrait l'illusion patiemment entretenue d'être un homme de pouvoir. Et le fait d'avoir quatre zombies à ses pieds lui permettait de supporter les deux têtes brûlées de l'agence avec d'autant plus de facilité.
Vers trois heures de l'après-midi, Hermione se retrouva seule. C'était l'heure de pointe pour les visites. Elle en avait elle-même prévu quelques unes mais son patron avait préféré s'en occuper à sa place car il fallait qu'elle soit à l'agence lorsque son client plein aux as se déciderait à passer. Deux heures plus tard, la plupart de ses collègues étaient rentrés mais lui n'était toujours pas venu. La jeune femme pestait car elle avait dû passer toute une après-midi enfermée, sans la compagnie distrayante de Dana qui plus est. Lorsque son patron était rentré, elle avait croisé son regard interrogatif et avait secoué la tête pour lui faire comprendre que son cher client n'avait pas pointé le bout de son nez. A quelques minutes de la fermeture, Dana refit à son tour son apparition.
« Quoi, il est pas passé ? », s'étonna-t-elle en voyant la tête de trois pieds de long que tirait son amie.
« Eh non, il fallait que ça me tombe dessus ! L'après-midi a été d'un mortel ! »
« Ma pauvre ! Ca te dirait de venir dîner à la maison, avec Sarah ? »
« Tu sais que toute proposition supposant que je n'aurai pas à faire la cuisine se révèle toujours extrêmement tentante, mais j'ai peur que nous dérangions Max, à débarquer comme ça, à l'improviste… »
« Eh, je te signale que c'est mon appart, et qu'en plus, c'est moi qui tient la culotte ! Si Max fait une remarque, il dort sur le canapé, s'il en fait deux, je le fous à la porte ! »
« Il faut vraiment qu'il soit fou de toi pour ne pas partir en courant, t'es vraiment effrayante, un vrai despote ! »
« Après cette affirmation on ne peut plus désobligeante envers ma généreuse personne, je ne suis plus très sûre de vouloir t'accueillir chez moi ce soir… Sarah est toujours la bienvenue, en revanche…»
« Oh non, je retire ce que j'ai dis, reprends-moi, je t'en prie, je me suis déjà faite à l'idée de ne pas cuisiner ce soir ! »
Devant le regard suppliant d'Hermione, Dana ne put que céder.
« Très bien, je vous attends pour vingt heures ! »
« Merci, t'es la meilleure amie de la planète ! »
« Bien sûr que je le suis ! Allez, dépêche-toi d'aller chercher Sarah, si tu la fais trop attendre, elle va être insupportable ! »
« Tu la connais trop bien ! »
« Eh oui, en plus d'être la meilleure amie de la planète, je suis la meilleure marraine de l'univers ! »
Deux ans plus tôt, lorsque Dana avait appris que Sarah n'avait ni parrain ni marraine, elle avait été outrée. Elle avait harcelé Hermione pendant des jours pour qu'elle lui en trouve, lui répétant encore et encore que si elle mourrait écrasée par un bus à un impérial ou étranglée par Mr. Gucklemayer, la pauvre Sarah se retrouverait seule au monde. Comme Max et Dana étaient ses uniques amis moldus, sans doute ses seuls amis tout court depuis le temps qu'elle n'avait pas vu les autres, Hermione en avait fait le parrain et la marraine de sa fille. Dana, qui n'attendait bien sûr que ça, en avait été extrêmement émue et cela avait encore resserré leurs liens d'amitié. Hermione se sentait d'autant plus coupable de ne pas avoir donné à sa meilleure amie ses véritables noms et prénoms. Elle se rassurait cependant en se disant qu'après tout leur amitié était bien réelle, qu'elle était fondée sur une véritable entente. Les noms et prénoms n'étaient que des conventions sociales qui n'avaient pas grande incidence sur les relations humaines. De plus, la jeune femme faisait tout ce qu'elle pouvait pour mentir le moins possible à Dana, raison pour laquelle elle refusait obstinément d'évoquer son passé avec elle. Elle n'avait pas pu s'empêcher de parler de Malfoy, cependant, et elle espérait que ses petits mensonges destinés à faire du jeune homme un moldu au-dessus de tout soupçon n'allaient pas en entraîner de plus gros.
…
Depuis qu'Hermione l'avait inscrite à la maternelle, Sarah avait toujours eu beaucoup de mal à se faire des amis. Si elle ne l'avait pas adoptée, la jeune femme aurait pu croire que l'adolescente tenait ça d'elle. Si Harry et Ron n'étaient pas venus la secourir en première année, jamais ils ne seraient devenus ses amis. Elle serait restée la fille trop amoureuse de l'école pour que quiconque puisse la supporter. Sarah, en revanche, était certes première de classe depuis toujours mais on ne pouvait pas dire qu'elle aimait l'école. Elle semblait blasée de tout, comme si elle avait tout vécu avant tout le monde, qu'elle était trop vieille pour toutes ces choses. Elle allait au lycée parce que tout enfant de son âge était censé y aller mais elle paraissait s'y ennuyer. Ses camarades aussi, l'ennuyaient. Elle avait sans doute grandi trop vite. Hermione se demandait souvent si c'était sa faute, si elle n'avait pas fait une erreur en la prenant en charge alors qu'elle-même était si jeune, qu'elle était seule et sans aucune expérience des jeunes enfants.
Mais il ne servait à rien de vouloir revenir en arrière et elle se disait qu'au moins, sa fille était intelligente, indépendante et plus supportable que certains adolescents qui répondaient sans cesse à leurs parents. Sarah avait son caractère, n'hésitait pas à lui tenir tête, mais ça lui allait très bien parce qu'en tant que mère, elle savait qu'elle pouvait traiter sa fille comme son égale. Le peu d'âge qui les séparait, de ce point de vue, était un réel avantage. Si Sarah avait pu avoir un ou deux amis, cependant, Hermione aurait eu l'esprit plus tranquille. Elle avait pris l'habitude, à chaque fois qu'elle allait chercher la jeune fille à l'école, de lui demander si elle s'était fait des amis, ce à quoi elle répondait invariablement par la négative. Mais elle demandait encore et toujours, c'était devenu un tel rituel qu'elle n'osait plus s'en écarter de peur que leur fragile équilibre ne s'en trouvât bouleversé.
Ce jour-là, Hermione fut extrêmement étonnée de voir que sa fille n'était pas seule à l'attendre. Assise en tailleur sur le trottoir, elle parlait à un jeune garçon qui dessinait, un cahier posé sur ses genoux. Au début, Hermione s'imagina que sa fille avait peut-être un petit ami. Après tout, le garçon lui paraissait assez mignon, avec ses cheveux d'un blond très clair, ses mains délicates et son teint rosé. Mais lorsqu'il leva la tête et qu'elle croisa ses yeux noirs, elle se rendit immédiatement compte qu'il était beaucoup trop jeune. Le garçon sembla deviner qu'elle était la mère de Sarah car il fit signe à cette dernière qui, absorbée dans la contemplation du dessin, ne l'avait pas vue.
« Un ami ? »
« Oui ! »
« Comment s'appelle-t-il ? »
« Ben… J'en sais rien, en fait ! »
« Tu te fais un ami et tu ne lui demandes même pas son prénom ? »
« Nan, c'est pas très important, tu sais… »
« Non, tu as raison », ne put qu'approuver Hermione, elle qui mentait sur son identité depuis des années. « Il dessine ? », ajouta-t-elle, espérant avoir plus d'informations sur le fameux jeune garçon, le seul à avoir jamais attiré l'attention de son asociale de fille.
« Oui, il a un talent fou ! Je lui ai parlé de tout ce qu'on pouvait faire avec un ordinateur et une palette graphique et là tu ne devineras jamais ! »
« Quoi ? », s'enquit Hermione, un peu étonnée par l'enthousiasme débordant dont faisait preuve Sarah-la-blasée-de-la-vie.
« Il n'a jamais utilisé un ordinateur de sa vie, il dit que ses parents sont contre la technologie ! Ils doivent être écolos, ou un truc dans le genre. Du coup je lui ai proposé de venir à la maison un de ces quatre, comme ça je pourrais lui montrer comment faire, comment se servir d'une palette graphique. Après, il pourrait aussi ouvrir un blog et devenir célèbre, tu sais, comme… »
« Ouh là, attends un peu », la coupa Hermione, « il a quel âge, ce gamin ? »
« Ben il doit être au collège… »
« Entre la sixième et la troisième, il y a de la marge, tu sais ! C'est incroyable que tu n'ais pas même pensé à lui poser la question ! »
« Oh arrête, on a parlé à peine dix minutes avant que tu n'arrives ! Tu trouves qu'il a l'air d'un délinquant ? En plus je suis vachement plus vieille que lui, il ne va pas me violer ! »
« Bien sûr que non, mais je ne veux pas faire entrer n'importe qui chez nous ! Je suis d'accord pour qu'il vienne mais j'aimerais en savoir plus, alors la prochaine fois, pose-lui des questions, t'as compris ? »
« Oui, mais… »
« Mais… »
« Il a l'air un peu…mal à l'aise, quand je lui en pose… J'ai pratiquement eu l'impression qu'il ne savait pas ce qu'était un ordinateur … Je me demande si ses parents ne sont pas un peu détraqués… »
En entendant cela, Hermione faillit faire faire une embardée à la Volvo. Tous ces petits détails, une fois réunis, lui faisaient penser à une seule et unique chose : un sorcier. Un sorcier tentant de s'intégrer chez les moldus. Le gamin avait les cheveux blonds, d'un blond qui rappelait celui des Malfoy, ses parents étaient soi disant contre la technologie, il n'avait jamais entendu parler d'ordinateurs…
« Mais fais attention, maman, t'es pas douée pour la conduite, ok, mais tu pourrais éviter de nous mettre en danger, quand même ! »
« Excuse-moi, ma chérie ! Dis, ton ami, là… Est-ce qu'il a des amis de son âge ? »
« J'en sais rien mais il me paraît un peu solitaire, comme garçon. »
« Il n'a pas dit des choses qui t'ont semblées bizarres ? »
« Ben… Maintenant que tu le dis… Il m'a dit qu'avant il dessinait à l'encre mais qu'il trouvait que le crayon à papier était une invention vraiment géniale… Enfin, tu sais, c'est un artiste… Je veux dire… Ca doit être normal, pour un artiste, de s'extasier sur des choses qui nous paraissent si insignifiantes, non ? »
« Oui, sûrement… »
Mais Hermione n'écoutait plus vraiment. Elle était persuadée que, comble de malchance, le nouvel ami de sa fille n'était autre que le fils Malfoy. Et il avait fallu que ça tombe sur elle ! Il était hors de question qu'il mette les pieds chez elle ! Mais en même temps, Hermione ne pouvait se faire à l'idée d'empêcher Sarah de fréquenter le garçon, la seule personne au monde qu'elle ait trouvé assez intéressante pour envisager de s'en faire un ami. Tout ça commençait à lui donner mal à la tête. Elle préféra changer de sujet.
« Au fait, ce soir on dîne chez Max et Dana ! »
« Chouette, de la bonne bouffe deux soirs de suite, c'est inespéré ! »
« Je vais faire semblant de ne pas t'avoir entendue, jeune fille… »
(*) Une maman moldue avec un gros secret (pour les nuls en anglais ;p)
TO BE CONTINUED . . .
