Les personnages du manga détective Conan appartiennent à Gosho Aoyama.
Avertissement : Cette histoire contiendra de multiple scènes de sexe (hétérosexuelles et homosexuelles) décrites de manière explicite, mettra en scène une relation polygame, contiendra du bdsm à très fortes doses, et un (très léger) soupçon de lolicon et de shotacon dans les premiers chapitres. Donc…Hum… Si vous êtes trop jeune ou avez un problème quelconque avec l'un des thèmes énoncés, veuillez interrompre votre lecture dès maintenant. Et si vous vous décidez à la continuer malgré tout, prenez vos responsabilités et ne venez pas me blâmer par la suite.
Le plus doux des supplices.
Ran inclina la tête en direction des mains qu'elle avait ramené sur ses genoux, fixant la tasse sur laquelle ses doigts étaient refermés, et contemplant les oscillations imperceptibles qui parcouraient la surface du liquide contenu dans le minuscule récipient.
Ses mains…Elles continuaient de trembler…même après les avoir ramené sur ses genoux. Un léger tremblement les avait déjà parcourues lorsqu'elle avait accepté cette tasse de thé qu'on lui tendait, et lorsque ses doigts avaient effleurés, l'espace d'un instant, ceux de la métisse.
Même si le contact avait été bref, il avait manqué de la faire tressaillir. L'ondulation qui s'était échappé de l'extrémité des doigts de la chimiste pour parcourir le corps de la lycéenne, elle avait été suffisamment violente pour donner à Ran l'impression d'avoir été frappé de plein fouet par une décharge électrique.
Elle avait été submergée par des sensations similaires dans un passé qui avait été tout sauf lointain. Lorsque leurs lèvres s'étaient effleurées mutuellement pour la première fois…La toute première fois…Lors de ce baiser que lui avait dérobé une petite fille… Une petite fille qu'elle avait glissée sous sa propre couette pour la serrer doucement contre sa poitrine… Une petite fille qui avait doucement remué au cours de la nuit.
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Au début, c'était juste pour se blottir un peu plus contre celle qui l'avait invité sous son toit. Ran avait gardé ses yeux clos, mais ses lèvres s'étaient plissées en un sourire attendri. En abolissant la distance entre leurs deux corps, elle avait réussi à faire fondre la légère aura glaciale qui émanait de sa petite amie. Sa petite amie… Des mots qui avaient eus une connotation innocente au début, ils prirent une signification ironique par la suite.
Haibara… Elle s'était légèrement tortillée entre ses bras. Voulait-elle s'arracher à son étreinte ? Ran l'avait cru sur le coup, et, tout en dissimulant ses yeux derrières ses paupières, elle avait légèrement relâché la pression que ses mains exerçaient sur le dos de la fillette. Une fillette au comportement incompréhensible.
Au lieu d'écarter délicatement les bras de son amie pour sortir du lit sans la réveiller, elle s'était contenté de poser ses petites mains sur ses épaules avant de ramper doucement sur le matelas, de manière à ce que son visage soit juste en face de celui de la lycéenne qu'elle croyait assoupie.
Ran avait plissé les yeux sans les ouvrir. Un souffle avait caressé doucement la pointe de son nez, elle s'était retenue d'éternuer. Une main minuscule avait écarté délicatement les mèches de cheveux noirs qui dissimulaient son front avant de les frotter entre ses doigts, le geste avait étonné Ran mais elle s'était efforcée de dissimuler son trouble.
Lorsque la petite fille avait appliqué ses lèvres sur son front pour y déposer un baiser timide, la jeune femme en avait eue le souffle coupé. Le temps s'était figé sur cet instant précis, avant de reprendre son cours d'une manière imperceptible.
Un léger courant d'air s'était échappé des lèvres d'une fillette pour effleurer celles d'une adulte, franchissant instantanément la distance qui séparait leurs deux visages. Une distance minuscule, mais qui s'était réduite progressivement au cours de la minute qui avait suivi, se mesurant en centimètre au début, en millimètres au milieu, et s'abolissant complètement à la fin.
À ce moment là, Ran avait brusquement relevé ses paupières pour écarquiller les yeux, mais l'instant d'avant, la petite Haibara avait succombé à la tentation inverse. Le regard éberlué de son amie lui étant toujours dissimulé par des paupières, les siennes, la fillette était demeurée sourde à la plaidoirie silencieuse de sa victime.
Un petit corps humide s'était doucement immiscé entre ses lèvres, effleurant sa propre langue. Le contact fût bref, à peine un instant, celle qui l'avait initié n'aurait sans doute pas voulu qu'il dure plus d'un instant de toutes manières, mais il fût néanmoins suffisant pour arracher un frisson au corps de Ran… Un frisson et un gémissement plaintif.
Haibara avait ouvert les yeux à ce moment là…pour constater que son crime avait eue un témoin, une réalisation qui plissa instantanément ses traits en une expression horrifiée.
Cela ne tenait pas à grand-chose une amitié, un petit geste insignifiant comme celui là avait suffit à la briser. Pourtant ce petit geste n'avait pas été suffisant pour inciter Ran à écarter violemment son invitée, la faisant ainsi basculer hors du lit.
En fait, sur le coup, la lycéenne n'avait même pas eue la force d'écarter les bras qui étaient toujours enserrés autour du petit corps tremblotant qui partageait sa couette. L'adulte et la fillette étaient demeurées paralysés, la criminelle s'avérant incapable de baisser les yeux pour ne plus être transpercée par le regard de sa victime, la victime demeurant hypnotisée par le regard de la criminelle qui lui avait arraché de force ce baiser.
De force… La délicatesse et la timidité de ce crime glissaient si facilement entre les mailles du filet tendu par ce mot. Si bien que Ran n'avait pas réussie à récolter la moindre once de rancœur vis-à-vis de sa camarade de chambre.
La main de Ran avait fini par se mouvoir de nouveau. Sa paume s'était posée sur le front de la fillette, ce ne fût pas pour la repousser avec douceur mais fermeté. Ses doigts avaient ensuite effleuré la joue d'une criminelle, ce ne fût pas au cours d'une gifle. Ils avaient glissés doucement le long d'un cou minuscule parcouru par une respiration irrégulière, avant de s'enfoncer dans une chevelure auburn.
Au début, Ran s'était contenté de caresser les cheveux de sa petite amie, un geste qui avait accru ses tremblements au lieu de les faire disparaître. L'instant suivant, au lieu de se décider à écarter les bras, la lycéenne les avait doucement ramené vers elle, abolissant de nouveau la distance entre le visage d'une adulte et celui d'un enfant.
Elle s'était contentée de frotter son front contre celui d'Haibara… Elle s'était juste contentée de cela…mais pour quelques instants seulement…
Une minute plus tard, deux criminelles avaient cohabitées dans la même chambre. Le second baiser de Ran, ce n'est pas une métisse qui l'avait initié. Ce fût le tout premier crime de Ran, un crime qui se prolongea au cours d'interminables secondes de pur délice.
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Un léger tintement brisa le silence de la pièce lorsque la tasse de porcelaine et sa soucoupe s'entrechoquèrent entre les doigts d'une lycéenne. Des doigts qui remontèrent doucement jusqu'à son visage pour effleurer ses lèvres, des lèvres qu'elle n'osait pas tremper dans ce liquide tiède à la saveur délicate. Une saveur qui lui était interdite.
Cela n'aurait pourtant pas été la première fois qu'elle aurait succombé à la tentation de goûter au fruit défendu. Ne venait-elle pas de se remémorer la toute première ?
Oui, tout comme elle se remémorait la saveur de ses deux premiers baisers. Un doux mélange de délicatesse et de timidité, un mélange si apaisant…mais pourtant si enivrant. Etait-ce pour cela qu'elle avait succombé à la tentation de le goûter une seconde fois, alors qu'on ne l'avait forcé à y tremper ses lèvres qu'un court, très court instant ?
Aujourd'hui encore, elle ne s'expliquait pas cette brusque impulsion qui l'avait amené à partager un crime avec celle dont elle était maintenant amoureuse.
Elle avait fermé les yeux à ce moment là. Etait-ce pour substituer le visage d'un certain détective à celui d'une petite fille ? Elle ne se souvenait plus, les sensations étaient restées gravées dans sa mémoire, une partie des détails s'était évanoui avec le temps.
Devait-elle blâmer son désir de s'immiscer dans la solitude d'une fillette pour y apporter un peu de chaleur humaine, une chaleur qui aurait consumé cette tristesse qui se reflétait parfois dans ses yeux délicats ? Peut-être…
Un caprice de son corps d'adolescente ? Ce corps avide d'expérience même si son esprit essayait de contenir cette curiosité dans certaines bornes, en la limitant à un détective, et en ne s'autorisant à l'assouvir que dans des circonstances que la morale aurait approuvé ? Sans doute.
Le désir innocent de rétablir ce contact intime, si intime, avec une petite fille dont la soif de chaleur humaine avait dépassé tout ce qu'elle avait imaginé ? Si ce désir avait été innocent, il ne l'était pas demeuré longtemps…
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Ce crime avait fait naître le plus profond des silences. Un silence qui s'était prolongé de longues minutes avant d'avoir été brisé par un murmure. Le murmure d'une confession évidemment…
Ran n'avait pas eue la force de s'excuser, elle s'était contentée de faire glisser doucement sa joue contre celle de la métisse, de manière à ne plus croiser son regard.
La lycéenne embarrassée s'était apprêtée à recueillir la confession d'une fillette, une fillette mortifiée qui avait sans doute essayé de jouer les adultes. Cela n'aurait rien eu d'étonnant, Haibara paraissait si mature parfois, un petit trop même. Elle s'était sans doute amusée à dérober à Sonoko un de ses films à l'eau de rose, avant de se demander ce qui avait poussé un garçon et une fille à rapprocher leurs visages pour les maintenir l'un contre l'autre, comme si leurs lèvres s'étaient mystérieusement transformées en ventouses.
Avec une intelligence en éveil comme la sienne, Haibara devait être dotée d'une curiosité débordante. Et si on mettait son comportement distant sur le compte de la timidité, on pouvait comprendre pourquoi elle avait tenté cette expérience là avec une lycéenne jouant les grandes sœurs plutôt qu'avec un petit garçon jouant les détectives.
C'était une confession de ce genre que Ran avait anticipé. Au lieu de cela, elle reçût la confession d'une adulte. Une adulte qui lui confia les pêchés d'une scientifique…et les crimes d'un détective.
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Un soupir effleura la surface du liquide, y faisant naître de nouvelles ondulations. Elle avait réussie à rapprocher cette tasse de son visage, et pourtant, elle n'osait pas y tremper les lèvres, ne serait-ce que par politesse.
Qu'est ce qui avait eu le plus d'impact, cette nuit là ? Ces deux baisers…ou bien la confession qui les avait suivi ? Pourquoi avait-elle succombé à la même tentation que la chimiste en lui rendant la monnaie de sa pièce ? Et pourquoi avait-elle insisté pour que sa confession se prolonge ?
Tout aurait été plus simple si elle s'était contentée d'effleurer la surface… Mais il avait fallu qu'elle rétablisse le contact d'elle-même à chaque fois, le rétablir avant de le prolonger. Et qu'est ce qu'elle y avait récolté à la fin de cette nuit ? Des baisers dont la saveur était douce mais l'arrière goût amer…et la solitude d'une petite orpheline qui portait sur ses maigres épaules la culpabilité pour la mort de sa sœur, les innombrables victimes de son poison…et la séparation entre deux amis d'enfance. Une orpheline qui était fatiguée…fatiguée de ployer sous ce fardeau, fatiguée de fuir et fatiguée de mentir.
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Le soleil avait fini par se lever, éclairant de ses rayons une fillette assise aux côtés d'une adulte. La fatigue, la lassitude et la culpabilité avait plissées les traits du visage d'Haibara en une expression mélancolique. La pâleur de la métisse semblait s'être accentuée, au point de lui donner la blancheur d'une poupée de porcelaine… une porcelaine légèrement ébréchée, il y avait des tâches grisâtres juste en dessous de ses yeux, des cernes.
Ran avait tendu la main vers elle, avait effleuré sa joue, et avait finalement posé ses doigts sur son épaule gauche. Après cela, elle avait forcé ce petit corps épuisé à s'incliner.
Haibara ne résista pas, se contentant d'écarquiller légèrement les yeux lorsque la lycéenne installa sa tête sur ses genoux. Et même si elle trouva le courage de se tourner légèrement vers Ran, elle ne trouva pas celui d'affronter son regard. Ce regard qui ne contenait ni rancœur…ni tendresse.
Un soupir s'échappa des lèvres de la jeune femme lorsque la fillette baissa les yeux vers le sol avec une expression résignée. Une main se posa sur une chevelure auburn, des doigts finirent par remuer légèrement, effectuant un va et vient sur une surface soyeuse, des paupières s'abaissèrent, jetant un voile pudique sur la culpabilité et les remords qui brillaient par intermittence dans des yeux fatigués, un corps cessa d'être agité par des tremblement pour adopter la respiration régulière d'une petite dormeuse.
Ran demeura dans cette position, à prodiguer des caresses à une criminelle. Elle demeura ainsi, non seulement pour ne pas troubler le sommeil d'une fillette, mais aussi, et peut-être surtout, parce qu'elle demeurait dans l'incertitude. Que ce soit vis-à-vis d'un détective, d'une chimiste…ou d'une lycéenne, elle-même.
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« Si tu n'en veux vraiment pas, ce n'est pas la peine de te forcer à le boire, tu sais. »
Ran tressaillit lorsque ce murmure s'immisça dans le silence gêné avant de pénétrer brusquement à l'intérieur de son esprit. Le léger tremblement qui avait agité ses bras fit valser une partie du thé sur sa jupe.
Se mordillant les lèvres, la lycéenne baissa les yeux sur ce liquide effectuant un va et vient à l'intérieur de sa tasse, les gouttelettes qui s'écoulaient du rebord de la soucoupe, la multitude de tâches qui souillait ses vêtement, et les reflets des minuscules perles liquides qui s'étaient accumulées sur la peau de ses jambes nues.
Des lèvres s'écartèrent l'une de l'autre pour former un sourire désabusé, créant une ouverture par laquelle s'échappa un soupir. Shiho plongea la main dans la poche de sa veste, en extirpant un mouchoir avec lequel elle essuya consciencieusement la jupe de son amie.
Lorsque la surface soyeuse glissa délicatement sur ses jambes, Ran sentit un frisson lui parcourir l'échine, un frisson qui s'accentua lorsque les doigts refermés autour du mouchoir entrèrent en contact avec sa peau. Après quelques instants de flottement, la métisse rangea le mouchoir de sa poche, préférant promener son index le long de la surface qu'elle n'avait pas renoncé à essuyer.
Ecarquillant les yeux, la lycéenne contempla le parcours sinueux de ce doigt, ce doigt qui traçait la ligne délicate d'une infime caresse entre chacune des gouttelettes, ce doigt humide qu'une scientifique ramena vers son visage avant de le lécher, recueillant sur sa langue chacune des gouttes de rosée qui avait imprégnées les pétales de son orchidée. Une orchidée qu'une légère brise semblait faire trembloter, sous le regard attendrie d'une criminelle repentie.
La jeune femme avala péniblement sa salive lorsque les mains de sa nouvelle camarade effleurèrent les siennes, s'emparant de la soucoupe et de la tasse pour les déposer sur la table basse.
Soulevant ses pieds, Shiho les secoua légèrement pour faire glisser ses chaussons sur le sol, avant de ramener ses jambes sur le canapé. Ran gardait sa tête inclinée en direction de ses genoux, et des mains qu'elle y avait ramené, l'une d'entre elles agrippait fermement les doigts de l'autre pour maîtriser par avance tout tremblement qui aurait rendu visible le trouble de la lycéenne.
Une précaution futile… Après tout, la chimiste avait remarqué le malaise de son invitée dès l'instant où elle avait franchie la porte de son domicile, il suffisait de croiser son regard pour s'en rendre compte.
Shiho se mit à caresser les mains de son amie. Le tremblement qui les agitait ne cessa pas pour autant, mais il se modifia pour adopter la forme d'un léger frisson. Si bien que l'étreinte exercée par les doigts de la lycéenne se relâcha progressivement.
Au bout d'une minute, la métisse n'eut même pas besoin de faire preuve de fermeté pour convaincre son amie d'écarter ses mains l'une de l'autre. La scientifique, qui était à présent agenouillée sur le canapé qu'elle partageait avec son invité, se pencha doucement, rapprochant son visage des jambes de sa camarade avant d'y déposer un baiser.
Fermant les yeux, Ran laissa sa conscience se focaliser sur le parcours des lèvres qui glissaient le long de sa peau, ponctuant chaque étape de ce parcours par un nouveau baiser. Un parcours minuscule, à peine quelques centimètres, mais il sembla néanmoins interminable à l'amie d'enfance d'un certain détective.
Soulevant légèrement la tête, la métisse se retourna, arrachant ainsi un nouveau frisson à celle dont les jambes avaient été effleurées par des mèches de cheveux auburn. L'instant suivant, ce n'était plus seulement ses cheveux que Shiho frottait sur les jambes de sa camarade, mais aussi l'une de ses joues. Un mouvement qui s'interrompit au bout de quelques secondes.
Lorsque Ran releva ses paupières, les traits de son visage étaient plissés en une expression sereine, même si une légère mélancolie subsistait au fond de ses yeux tandis qu'ils demeuraient baissés en direction de ses genoux.
Allongée sur le canapé, les jambes repliées contre sa poitrine, Shiho ne donnait clairement pas l'impression de vouloir mouvoir sa tête de nouveau, estimant visiblement qu'elle l'appuyait sur une surface plus confortable à son goût que l'aurait été celle d'un coussin.
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Conan avait frappé timidement à la porte de Ran. Ne recevant aucune réponse, il l'avait entrouverte pour glisser la tête dans la chambre. Son amie d'enfance était éveillée, contrairement à ce qu'il s'imaginait, mais la scientifique était toujours assoupie.
Levant la tête, Ran avait plissé les yeux pour transpercer son petit co-locataire d'un regard glacial digne de celui de sa mère. Même s'il avait hésité à se replier, le détective avait quand même préféré écarter un peu plus la porte, de manière à pouvoir se glisser dans la pièce.
Une certaine prudence avait guidé ses pas tandis qu'il s'était avancé vers le lit. L'ambiance qui régnait dans cette chambre semblait aussi tendue qu'une arbalète, et le sommeil d'une métisse semblait être le seul cran de sûreté de l'arbalète en question, il ne tenait pas à relever ce cran. Quelque chose se serait bien détendue, mais une petite voix lui disait que ce ne serait ni son amie d'enfance, ni l'ambiance, et Shinichi avait la désagréable impression qu'une flèche était pointée droit vers son cœur.
La bouche d'un détective finit par s'entrouvrir, une question s'en échappa sous la forme d'un murmure. Ran avait laissé son regard osciller entre un visage dissimulé par des lunettes, et un visage dont les yeux demeuraient clos.
La rancœur et la tendresse avaient alterné tour à tour dans les yeux de la jeune femme, et lorsqu'elle se décida à baisser les paupières à son tour, un soupir de lassitude précéda la réponse qu'elle donna à une question.
Conan s'éclipsa discrètement de la pièce dont il avait été congédié. Sa locataire appréciait sa gentillesse, mais elle l'avait clairement convaincu de ne pas mettre son nez dans des affaires qui ne le concernaient pas encore.
Pour une fois, un certain détective parvint à refréner sa curiosité. L'affaire dont il était écarté concernait uniquement des adultes, et si un détective y avait bien sa place, il s'appelait Kudo et non pas Edogawa, c'est ce qu'on lui avait fait comprendre.
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Oscillant quelques centimètres au dessus du sol, la main droite de la chimiste se remit doucement en mouvement. Ses doigts glissèrent délicatement sur le poignet de Ran, avant d'appuyer légèrement sur sa main, cette main dont la paume avait effleuré sa joue l'espace d'un instant, cette main que sa propriétaire n'avait pas osé écarter complètement, même si elle n'avait pas eue non plus le courage de la poser sur la surface qu'elle désirait caresser.
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Quelque chose avait changé, mais il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Après s'être légèrement rapprochées, Haibara et Ran semblaient être devenues plus distantes que jamais l'une vis-à-vis de l'autre. C'était tout juste si elles échangeaient une parole en sa présence.
Au début, il s'imagina que les deux femmes partageaient un quelconque secret qu'elles ne voulaient pas évoquer devant lui, par exemple, la vérité sur la mystérieuse disparition de Shinichi Kudo. Eh, après tout Haibara faisait partie des rares élues qui connaissaient cette vérité, et cela aurait eu le mérite d'expliquer le comportement distant de Ran avec une métisse, un petit garçon qu'elle hébergeait, et un détective avec qui elle continuait de parler par téléphone.
Bon, cela aurait été étonnant que la plus paranoïaque des chimistes implique une autre personne dans cette affaire, mais son amie d'enfance avait déjà effleuré la vérité plusieurs fois par ses propres moyens, et si Conan avait été aux côté de Shinichi lors de cette pièce de théâtre, Haibara avait été comme par hasard absente ce jour là.
Peut-être que Ran n'avait pas oublié le comportement inhabituel de Conan lors de cette fête, un comportement étrangement similaire à celui d'une certaine métisse, peut-être qu'elle avait finalement rassemblé les pièces du puzzle et poussé une ex-criminelle aux aveux…Peut-être…
Mais après les avoir espionné discrètement, il du admettre que cette hypothèse avait besoin d'être nuancé pour être crédible. Le silence entre la scientifique et la lycéenne, il ne se dissipait pas pour autant lorsqu'elles étaient persuadées qu'un détective ne pouvait plus les entendre.
Cependant, quelque chose changeait en son absence. Dans ces moments là, Ran se mettait à installer une petite métisse sur ses genoux pour la serrer dans ses bras, d'autre fois, elle glissait doucement la main dans ses cheveux pour les caresser, et lorsqu'elles étaient assises côte à côte sur le même canapé, ce n'était pas rare de voir la main de l'une effleurer délicatement celle de l'autre.
Haibara ne protestait pas. Si elle posait ses doigts sur le bras refermé autour de ses épaules, c'était pour le maintenir en place et non pas l'écarter, lorsque la main d'une lycéenne se posait sur la sienne, aucune tension ne semblait agiter son bras, indiquant qu'elle se retenait pour ne pas briser ce contact ténu, quand les doigts d'une jeune femme écartait délicatement les mèches de cheveux auburn qui lui dissimulaient le front d'une petite fille, cette dernière fermait les yeux au lieu de baisser la tête.
Quelque chose restait pourtant en suspens entre elles, maintenant leurs lèvres closes la plupart du temps. Ce n'était pas si exceptionnel de voir Haibara établir une barrière totalement impénétrable entre ses pensées et ceux qui l'entouraient, c'était en revanche plus rare de voir Ran adopter un comportement similaire.
Mais si une distance infranchissable semblait exister entre leurs deux âmes, la distance entre leur deux corps s'était réduite considérablement, au point de s'abolir régulièrement. Et malgré la tension qui régnait entre elles, Ran s'immisçait de plus en plus dans la maison du voisin de Shinichi, quand elle n'invitait pas une petite métisse à partager temporairement son toit…et sa chambre.
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Ran inclina légèrement sa main, de manière à ce que sa paume épouse complètement les courbes du visage de la métisse. Cette nuit bien particulière avait creusé un gouffre entre elles, et si elles s'étaient contemplé mutuellement de part et d'autre du gouffre en question, aucune d'entre elles n'avait donné l'impression de vouloir sauter par-dessus. Pourquoi aurait-elle pris cette peine de toute manière ? Pourquoi avait-elle pris cette peine ?
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Si elle était séparée de son amie d'enfance, est ce que ce n'était pas en partie par la faute de cette scientifique ? Cette scientifique qui avait secoué la tête en lui murmurant que la séparation serait peut-être définitive, même si elle disposait des informations qui lui manquaient sur sa propre création, elle n'était pas certaine de pouvoir créer un antidote stable.
Sur le plan physique, il y aurait toujours un gouffre pour s'interposer entre eux, il pouvait se mesurer en années, dix longues années, ou s'étendre à l'infini jusqu'à franchir la limite de l'éternité. Après tout, il y avait une possibilité infime pour que cette drogue emprisonne définitivement son ami dans un corps qui ne vieillirait plus.
Haibara avait murmuré cela d'un ton détaché, comme si elle évoquait la pluie et le beau temps. Ensuite, elle avait étiré ses lèvres en un sourire narquois. Lorsqu'elle se décida à les écarter l'instant d'après, ce fût pour décocher un sarcasme à un détective, une pointe qui manqua sa cible, qui ne pouvait pas l'entendre, mais se planta directement dans le coeur d'une jeune femme.
Kudo souffrait déjà d'un syndrome de Peter Pan poussé à l'extrême, c'était donc logique qu'il finisse sa vie dans le corps d'un enfant qui ne pouvait plus grandir, tout comme c'était logique qu'il se sépare de sa petite Wendy.
Si Ran avait agrippé les épaules de la scientifique en entendant cela, ce n'était certainement pas pour lui faire sentir son affection ou son soutien.
La petite métisse n'avait perdu ni son sang froid ni son sourire.
Cette histoire était bien tragique, deux personnes séparées alors qu'elles étaient faites l'une pour l'autre.
Lorsque Ran avait haussé les sourcils, la chimiste s'était empressée de compléter sa remarque énigmatique. Aucune de ces deux personnes ne réalisait sa chance, et aucune d'elles ne faisait preuve de gratitude vis-à-vis de celle qui leur avait accordé cette chance.
Renforçant la pression que ses doigts exerçaient sur les épaules de la métisse, la jeune femme s'était demandée combien de temps elle pourrait se retenir de succomber à la tentation. La tentation d'administrer une gifle à une sale gamine qui le méritait, même si elle n'était pas la seule, un gamin se situait juste derrière elle.
Comment pouvait-elle considérer sa situation avec Shinichi comme une chance ? Après quelques instants de flottement, la scientifique avait laissé fuser une réponse, une réponse brève mais elle avait tétanisé Ran, qui était demeurée figée, les yeux écarquillés, telle une fillette terrifié par un brusque coup de tonnerre.
La personne qu'elle aimait était vivante.
Demeurant quelques instants dans le silence, la lycéenne en était ressortie en empruntant le chemin d'un soupir de lassitude, et une expression amère plissa ses traits lorsqu'elle se décida à adresser la parole à son interlocutrice.
Quelle différence que la personne en question soit vivante ou morte? Quelle différence cela pouvait-il faire si elle était séparée de cette personne, et le demeurerait peut-être pour toujours ?
Si elle ne pouvait même pas réaliser à quel point cette différence avait son importance, alors elle avait effectivement raison de penser qu'elle ne méritait pas de vivre cette situation vis-à-vis de son ami d'enfance. Ce furent les dernières paroles que lui murmura la scientifique avant qu'un mur de silence ne s'érige pour les séparer.
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Les yeux de la lycéenne se plissèrent en une expression mélancolique tandis qu'elle promenait son doigt le long des lèvres de la métisse. Ces lèvres qui avait été franchies par ces mots acérés. Des paroles imprégnées d'envie et de rancoeur qui étaient longtemps restées en travers de la gorge de Ran, des paroles qu'elle n'arrivait ni à avaler, ni à recracher à la figure de celle qui les lui avait adressé. Il lui avait fallu du temps, beaucoup de temps pour les digérer.
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Cela aurait été tellement plus simple si elle lui avait adressé la parole de nouveau. Tellement plus simple de contredire ou d'approuver ces paroles dont l'écho ne cessait de résonner encore et encore, comme un disque rayé. Mais elle ne pouvait se résoudre à aucune des deux extrémités, et toute question paraissait futile tant que celle là restait en suspens sans recevoir de réponse.
Mais la répulsion parvenait pourtant à cohabiter avec l'attraction. Une impossibilité dans le monde physique aurait marmonné une chimiste, pas dans celui des sentiments aurait répondu une lycéenne.
Oui, si elle prenait la peine de laisser décanter ses sentiments vis-à-vis de la métisse, la rancœur ne cessait de s'accumuler au fond, mais quelque chose finissait par remonter à la surface… Quelque chose d'indéfinissable…Un mélange…
Des images…L'image de ces petits yeux dans lesquelles elle avait vu se refléter tant d'émotions différentes, peur, étonnement, curiosité, fierté, mépris, regret, et même parfois, tendresse…
Des sensations… Le tremblement qui avait agité ce petit corps qu'elle avait serré dans ses bras pour lui servir de bouclier humain, la chaleur qu'avait perçue sa main quand elle s'était posée sur le front d'une fillette qu'elle avait soulevée dans ses bras pour la mettre à l'abri du soleil, la chaleur de cette petite main qu'on lui avait tendue et qu'elle avait doucement serrée dans la sienne…
Des saveurs… La saveur de ses deux premiers baisers, des baisers imprégnés de timidité et de délicatesse…
Des émotions…Une émotion…La solitude…La solitude d'une petite fille séparée de sa famille…
La main de Sonoko s'était abattue sur son épaule, un sourire narquois s'était affiché sur le visage d'une camarade, des mots avaient franchis les lèvres d'une amie, une question, une question contenant le verbe penser, le mot encore… et le nom Shinichi. Ran avait écarquillés les yeux, secoué la tête, et avait fait la sourde oreille aux remarques narquoises à propos du teint rosâtre de ses joues.
Pourquoi se sentir gênée ? Après tout, c'était bien la première fois qu'elle donnait une réponse sincère à la sempiternelle question de son entremetteuse personnelle.
La lycéenne avait baissée les yeux sur la blouse blanche dont elle était revêtue, avant de les lever vers le tableau noir où leur professeur de physique avait noté ses instructions. Quelques instants plus tôt, elle avait comparé ses propres sentiments avec des processus chimiques. Devait-elle mettre cette étrangeté sur le compte des paroles de son professeur, qui avaient réussi à s'immiscer au sein de la confusion qui régnait dans l'esprit de son élève ? Ou bien devait-elle blâmer une fois encore celle qui occupait son esprit en permanence, et qui n'aurait eue aucun problème à utiliser des métaphores de ce genre ?
Ran secoua la tête tandis que l'agitation de sa conscience montait d'un cran, faisant remonter la rancœur à la surface et ajoutant d'autres éléments à ce mélange indéfinissable…Ce mélange qui avait eu une saveur si douce quelques instants plus tôt…Aussi douce que certain baisers…
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Ce baiser… Ce moment où ses lèvres avaient effleurées celles qu'elle était en train de caresser. Il était longtemps demeuré inexplicable. En un sens, il continuait de l'être.
Bon, ce n'était pas une fillette qui l'avait embrassée mais une adulte, une adulte qui avait une fâcheuse tendance à contredire les normes, que ce soit celles édictées par la loi ou celles édictées par la nature.
Et une certaine Sonoko avait préparé le terrain par ses tentatives d'initier sa meilleure amie à ce phénomène troublant qu'était l'homosexualité. Même si c'était l'homosexualité masculine, et qu'elle se limitait aux pages des bandes dessinés qui faisaient rougir Ran et sa meilleure amie, pour des raisons différentes, si ce n'est diamétralement opposées.
Posant son doigt sur ses propres lèvres, la jeune femme en souligna les contours d'un air pensif sans pour autant interrompre les infimes caresses qu'elle prodiguait au visage de la chimiste.
Oui, elle pouvait comprendre qu'une femme ressente le désir d'en embrasser une autre. Comprendre qu'une certaine scientifique puisse ressentir ce désir, elle le pouvait aussi. Ce qu'elle ne pouvait plus comprendre, c'est pourquoi elle avait été l'objet de ce désir. Et le fait que ce désir lui donnait parfois l'impression d'être réciproque ? Elle pouvait encore moins le comprendre…
Mais cela restait son tout premier baiser, le genre de chose qui s'effaçait difficilement de votre mémoire. Etait-ce pour cela qu'elle y avait repensé encore et encore, au point que cela en devienne une obsession qui avait presque éclipsé tout le reste ? Etait-ce pour cela…qu'il y eut un troisième baiser ? Un troisième qui ouvrit le chemin à une infinité d'autres…
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Elle l'avait invité chez elle, une fois de plus. Haibara avait haussé les sourcils, secoué légèrement la tête devant le regard intrigué de Conan, accepté l'invitation, et agité la main en direction des trois autres détective boy tandis qu'elle emboîtait le pas à la jeune femme. La lycéenne et la chimiste avaient marchés côte à côte, sans se poser la moindre question jusqu'au domicile des Mouri.
Après avoir franchi le seuil d'une chambre, la métisse était demeurée figée devant un lit, celui de Ran, un lit recouvert de vêtements, des vêtements que la propriétaire de la chambre n'aurait pas pu enfiler…à moins d'avaler une pilule concocté par sa petite invitée.
Soulevant une robe entre ses mains, Haibara s'était timidement retourné vers l'amie d'enfance du détective. Même si ses lèvres entrouvertes ne furent franchies par aucun son, une question silencieuse se reflétait clairement dans son regard.
Ran se contenta de murmurer qu'elle avait retrouvé ces vieux vêtements au fond d'un carton. Des vêtements qui ne lui étaient plus d'aucune utilité, mais elle n'avait pas eue le cœur de jeter, et quitte à les offrir à une petite fille…Eh bien, une petite métisse les méritait autant qu'une autre, n'est ce pas ? Elle inclina la tête dans une courbette, et rajouta ensuite qu'elle s'excusait.
La destinataire de ce cadeau avait haussé légèrement les sourcils avant de baisser les yeux vers cette robe qu'elle froissait entre ses doigts. Si Ran jugeait que ces vêtements étaient trop usés ou rapiécés pour que quelqu'un les accepte, même gratuitement, alors pourquoi les lui offraient-elle ? Et si elle jugeait que ce cadeau était digne d'être accepté, alors pourquoi s'excusait-elle ?
Haibara demeura quelques instants dans l'incertitude avant d'évacuer ses doutes par un soupir ténue. Certainement cette fausse modestie et cette retenue si particulières à la culture nipponne et qu'elle avait parfois du mal à comprendre.
À moins qu'il ne faille incriminer la timidité de celle qui l'avait invitée… Peut-être que ce cadeau était sa manière de lui faire comprendre qu'elle lui avait pardonnée… Cela pouvait expliquer le tremblement qui agitait les mains qu'elle serrait l'une contre l'autre en maintenant sa tête et son dos légèrement incliné.
Oh, et puis après tout, cela lui importait peu. Ces vêtements ne lui déplaisaient pas, ils étaient tout sauf rapiécés, et leur propriétaire actuelle avait pris la peine de les nettoyer et de les dépoussiérer avant de les disposer sur son lit. Et de toutes manière, elle n'avait aucune raison de refuser un cadeau de la part de Ran, que ce cadeau soit l'occasion d'ouvrir une trêve ou non.
Baissant la tête à son tour, la métisse avait marmonnée que si cela lui faisait plaisir, tout en lui rendant service, elle pouvait accepter de renouveler un peu sa garde-robe. Après un instant de flottement, la fillette avait remué les lèvres de nouveau, pour demander à une lycéenne si cela ne la gênait pas trop de se séparer des vêtements qu'elle portait quand elle était encore enfant.
Un mélange de joie et d'étonnement brilla dans les yeux de Ran lorsqu'elle les releva et les posa sur le visage d'une chimiste. Une chimiste dont les joues avaient pris un teint rose pâle tandis qu'elle contemplait cette robe qu'elle continuait de froisser entre ses doigts.
La jeune femme avait secoué la tête en se penchant vers sa petite amie timide. Petite amie, les deux mots poussèrent Ran à serrer légèrement les mains qu'elle appuyait sur ses genoux, mais ne lui firent pas perdre son sourire.
Après cela, la lycéenne s'était agenouillée avant de poser délicatement les mains sur les épaules de son invitée, lui demandant gentiment d'essayer cette robe qu'elle lui offrait. Si la taille des vêtements ne correspondait pas à la sienne, ce n'était pas la peine de les ramener chez le professeur, n'est ce pas ? Autant lever le doute immédiatement.
Haibara avait déposé la robe blanche sur le lit, avait posé les doigts sur sa chemise avant d'en froisser délicatement le tissu, demeurant silencieuse face à la proposition tandis que le teint rosâtre de ses joues s'était accentué. Ce n'est qu'à l'instant ou Ran se décida à poser les doigts sur l'un des boutons de cette chemise, en donnant clairement l'impression de vouloir le faire glisser doucement hors de sa boutonnière, ce n'est qu'à cet instant que la métisse se décida à relever la tête.
L'adulte et la fillette demeurèrent figées durant une éternité, et si elles semblaient toutes les deux hypnotisées par le regard de l'autre, l'expression la plus sereine n'était pas sur le visage d'une métisse. Finalement, Haibara se décida à laisser le temps reprendre son cours, en écartant timidement la main de Ran…avant de défaire elle-même les boutons de sa chemise.
Elle s'était efforcée de garder les yeux baissés sur ces boutons qu'elle avait un peu trop de mal à défaire à son goût, elle du s'y reprendre trois fois de suite pour certains d'eux à cause du léger tremblement de ses doigts.
Elle s'efforça également de les maintenir baissés sur sa ceinture tandis qu'elle en défaisait la boucle, elle s'efforça de les garder baissés sur le short qu'elle fit glisser lentement le long de ses jambes, et après cela…elle s'efforça de les garder fixés sur ses chaussettes, comme si c'était la chose la plus fascinante qui puisse exister au monde.
Sa tête demeura inclinée vers le sol quand Ran la força doucement à relever les bras, avant de lui enfiler la robe blanche qu'elle lui destinait. Après avoir consciencieusement glissé dans leurs fentes les rares boutons qui se trouvaient sur le dos de la robe, la jeune femme posa de nouveau les mains sur les épaules de son invitée, pour l'amener à pivoter de manière à lui faire face de nouveau.
Durant quelques instants, des instants qui se prolongèrent jusqu'à devenir des minutes, Ran parvint à oublier, tout oublier, faire table rase du passé et combler ce vide avec son imagination. Oui, elle pouvait s'imaginer que Shinichi était à l'autre bout du pays, toujours occupé avec sa maudite enquête.
S'imaginer que Conan n'était rien d'autre qu'un garçon de sept ans un peu plus ennuyeux, remuant, intelligent et attachant que la moyenne.
S'imaginer que la petite Haibara était une simple fillette de huit ans, séparée temporairement de sa famille, attendant le jour des retrouvailles en vivant chez un vieil excentrique farfelue débordant de gentillesse, et se sentant parfois un peu seule, loin de son véritable foyer.
Ce n'était pas si difficile de s'imaginer tout ça. Après tout, ces petits yeux qui étaient en face des siens, ils étaient plissés en une expression timide, le même genre d'expression timide qu'une fillette aurait réservé à sa grande sœur.
Grande sœur…Pendant quelques instants, elle parvint même à oublier…cela.
Promenant ses mains sur le tissu d'une blancheur immaculée, elle s'était extasiée en remarquant que la robe était parfaitement ajustée à la taille de sa nouvelle propriétaire.
Mais le temps s'écoula, inexorablement, effaçant la timidité sur le visage d'une métisse pour laisser la place à la mélancolie, effritant les rêveries tissées par une lycéenne pour faire place nette à la vérité, la simple vérité. Une vérité qui suscitait une multitude de question, l'une d'entre elle parvint à s'imposer face aux autres, suffisamment pour franchir les lèvres d'une jeune femme. Qu'est ce qu'elle était pour cette fillette ?
Haibara écarquilla légèrement les yeux, avant de lever timidement le bras vers la tête de son interlocutrice. Glissant ses doigts dans la chevelure d'un noir de jais, elle tenta un court instant d'aplatir un épi en y posant la paume de sa main. Mais à quoi bon ? Il se redresserait dès qu'elle replierait son bras. Et ce n'était pas la seule différence…Il y en avait d'autres…Une multitude d'autres…
La réponse de la métisse brisa le silence en prenant la forme d'un murmure. Ran n'était pas une grande sœur pour elle, ce n'était pas sa grande sœur.
Qu'est ce qu'elle aurait pu ajouter d'autre ? C'était aussi simple que ça… Si simple…et si compliqué en même temps.
Ran avait soupiré. Elle avait bien reçue une réponse, mais elle ne correspondait pas à la signification qu'elle avait voulu donner à sa question. Enfin, en un sens, si, mais cette réponse demeurait néanmoins incomplète.
Ecartant la main qui était glissée dans ses cheveux, la lycéenne la serra un court instant dans la sienne, un court instant où elle se remémora le jour où cette main lui avait été tendue pour la première fois. Un instant qui passa bien vite, trop vite, et lorsque Ran écarta les doigts, le bras de la métisse retomba le long de son corps.
Que faire ? Laisser les choses en rester là ? Ranger ces vêtements dans leur carton, et les déposer chez le professeur tout en raccompagnant sa petite locataire dans son foyer actuelle ? Laisser les questions demeurer sans réponses, en tout cas des réponses claires ?
Oui, c'était la meilleure chose à faire…La meilleure, oui, celle qu'elle avait envie de faire ? Non.
Haibara tressaillit lorsqu'une main se posa de nouveau sur son épaule, et si elle inclina légèrement la tête lorsqu'un visage se rapprocha doucement du sien, un doigt se glissa sous son menton pour la forcer à la relever.
Lorsque le doigt en question se déplaça jusqu'à ses lèvres pour en souligner les contours, la métisse entrouvrit la bouche mais demeura néanmoins silencieuse. Ce fût plus difficile pour elle de le rester lorsqu'un nez effleura délicatement le sien.
Après quelques secondes de flottement, Ran succomba à la tentation de déposer un baiser sur les lèvres qu'elle avait caressé de son index. Un chaste baiser. Mais cette petite étincelle avait été suffisante pour ranimer la braise qui était enfouie sous la cendre.
Refermant ses bras autour de la taille de la fillette, la jeune femme se décida à abolir complètement la distance qui séparait leurs deux visage, une distance qui ne se chiffrait plus qu'en millimètres de toutes manières. L'instant suivant, ce n'est plus avec son doigt que la lycéenne caressa les lèvres tremblotantes d'un enfant. Haibara entrouvrit un peu plus la bouche, offrant ainsi à son aînée l'opportunité de la réduire au silence de la plus douce des manières.
Aucune des deux ne succomba à la tentation de fermer les yeux, la fillette les écarquilla, l'adulte les plissa en une expression indéfinissable. Un regard qui n'était ni suppliant, ni compréhensif, ni attendri, mais tout cela à la fois.
Même si la métisse ne donnait pas l'impression de la repousser, c'était bien de l'hésitation que Ran déchiffrait dans les tremblements du petit corps humide qu'elle effleurait avec sa propre langue. Elle pouvait succomber à un désir, cela ne l'empêchait pas d'imposer certaines limites à ce désir, aussi préféra-t-elle se retirer doucement de la bouche de la fillette avant d'écarter son visage du sien.
Une fois encore, les choses auraient pu en rester là… Elles auraient pu si une métisse ne s'était pas soudainement dressée sur la pointe des pieds avant d'enlacer une adulte en refermant ses bras autour de son cou.
Ce fût au tour de Ran d'écarquiller les yeux, la chimiste avait préféré fermer les siens en collant ses lèvres à celles de la lycéenne.
Aucune amertume ne parvenait à se glisser au sein de cette douceur. Sentir la présence de quelqu'un d'une manière aussi intime, sentir une personne s'immiscer en vous, non pas de manière brutale mais au contraire délicate… Elle en avait si souvent rêvé, même si c'était Shinichi qui s'était glissé dans ce genre de rêve jusque là…
Quelle importance ? Quelle importance que ce soit Shinichi ou un autre ? Une autre ?
La pensée avait traversé la conscience de Ran en un éclair, y soulevant un nuage de honte. Etait-elle si égoïste ? Etait-elle réellement aussi désespérée ? Suffisamment pour se contenter d'un substitut au lieu de se confronter à ce maudit détective qui faisait battre son coeur ?
Non… Ce n'était pas lui qui faisait battre son cœur un peu plus vite…pas en cet instant… Ce n'était pas lui qui lui prodiguait ces infimes caresses à l'instant présent… Des caresses timides et suppliantes qui lui arrachaient un frisson, aussi infimes qu'elles puissent être…
Relevant l'un de ses bras, elle glissa doucement ses doigts dans la chevelure de la chimiste, cette chimiste qui s'accrochait à elle comme une naufragée s'agrippant à une planche de salut.
Oui, ce n'était pas lui qui l'embrassait…Ce n'était pas lui qu'elle embrassait…C'était…elle…
Son passé ? Ce qu'elle avait arraché à d'autres personnes ? Ce qu'elle lui avait arraché ? Aucune importance, seul comptait l'instant présent, un instant qu'elle voulait prolonger encore et encore.
Sa froideur ? Ce n'était pas de la froideur qu'elle sentait, que ce soit dans sa propre poitrine ou sur le petit corps humide qui effleurait sa langue.
L'étreinte se prolongea pendant d'interminables secondes, et lorsque Ran se décida enfin à la relâcher pour reprendre son souffle…ce fût pour constater qu'une petite métisse était en train d'haleter pour redonner un rythme normale à sa respiration.
Comment aurait-elle pu écarter son visage avec cette main qui avait glissé le long de ses cheveux avant d'appuyer légèrement sur l'arrière de sa tête? Comment aurait-elle pu écarter son corps avec le bras d'une adulte fermement refermé autour de son dos ?
Oh bien sûr, son petit corps, elle l'avait remué durant ce baiser mais sur le coup Ran avait mis cela sur le compte du déséquilibre…et d'autre chose. Les infimes caresses dont la fillette l'avait fait bénéficier, elles lui avaient bien paru être suppliante mais…pas dans ce sens là.
Si la respiration de sa…petite amie s'était accélérée, la lycéenne n'avait pas envisagé qu'elle était en train de suffoquer.
C'était seulement maintenant qu'elle réalisait…que c'était une fillette qu'elle avait embrassée. Oh, en un sens, c'était aussi une adulte mais…elle restait emprisonnée dans un corps d'enfant. Tout comme Shinichi…
Relâchant un peu plus son étreinte pour ne pas étouffer sa compagne, Ran ne se décida pas à écarter les bras pour autant. Ses sentiments, ils ressemblaient toujours à un mélange… Un mélange de plus en plus complexe… La honte et la peur se mêlaient maintenant à la rancœur et la curiosité… Et la tendresse…Elle était toujours là, elle avait toujours été là, mais maintenant… Elle était plus intense que jamais…
Un mélange complexe…Un sentiment complexe…mais il rentrait néanmoins dans la catégorie de la fascination…et également dans celle du désir.
Les lèvres de Ran s'écartèrent de nouveau…mais pour ouvrir un passage à des mots, non pas un petit corps humide. Des mots d'excuse qu'elle glissa directement dans l'oreille de leur destinataire.
Une minute s'écoula dans le silence, avant que le corps de la métisse ne se mette à trembloter. Au début, Ran mit cela sur le compte d'un sanglot, avant de se rendre compte que c'était un gloussement que la chimiste cherchait à retenir, pas des larmes.
Pourquoi s'excusait-elle toujours pour les cadeaux qu'elle lui offrait ?
Une question qui avait été glissée directement dans son oreille, sans briser le silence de la pièce. Et si le corps de Ran tremblota à son tour, ce n'était définitivement pas des larmes qu'elle cherchait vainement à garder au fond d'elle-même…
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Glissant la main sous la joue de la chimiste, Ran la força doucement à se redresser, avant de ramener ses jambes sur le canapé pour s'y agenouiller à son tour. Durant quelques instants, les deux jeunes femmes se contemplèrent mutuellement tandis que l'une d'elles avait posé les mains sur le visage de l'autre.
Oui, ce n'était définitivement plus une fillette à présent, et loin de faire disparaître cette fascination et ce désir, cela ne faisait que les accroître. Faisant glisser ses mains jusqu'aux épaules de la métisse, Ran finit par refermer ses bras derrière son dos en collant son corps au sien…et ses lèvres aux siennes.
Non, on n'oubliait pas son premier baiser, pas plus qu'on n'oubliait son tout premier amour. Elle n'avait pas pu se résoudre à l'oublier ce maudit détective, même si elle l'avait trompé avec une autre, même s'il l'avait trompé, trompé tout court et trompé avec une autre, lui aussi.
Et elle ne parvenait pas non plus à l'oublier cette maudite scientifique...même si c'était avec elle que Shinichi l'avait trompé…dans les deux sens du terme… Et même si elle lui avait rendue la faveur…en la trompant à son tour…avec le même détective.
Non, elle ne parvenait pas à oublier ceux qui l'avaient trompé, ceux qu'elle avait trompé.
