*'Tain elle commence à me gonfler celle-là, elle attend que combien de ses fruits soient morts pour que j'aille les chercher ?*
Arrivée au pied du trône de son Altesse, j'incline seulement le buste alors que mes suivants doivent flairer le sol, puis une voix venue de je ne sais quels profondeurs d'ici me permet de la regarder. Grande avec des jambes interminables, une taille de guêpe et une poitrine plutôt rebondi, des cheveux long et noir qui encadrent un visage sérieux à l'œil droit doré et à l'œil gauche noir. Malgré ce dernier détail on pourrait penser que c'est une humaine, mais en regardant de plus loin on peut s'apercevoir qu'elle possède une queue fourchue et une paire d'ailes de chauve-souris géante.
« Depuis quand tu te permets d'aller dans le monde des humains et d'en tuer un qui a mangé un de mes fruits ? Dit-elle d'une voix glaciale.
-Veillez m'excuser votre Altesse, mais je ne suis pas allée dans ce monde depuis 229 jours, puis-je savoir d'où votre Altesse tient ces informations ? Demandai-je aimablement.
-Voici un message que Charon m'a envoyé ce matin, je te dispense des formules d'usage : « En ce jour de la 3000° année de votre règne, j'ai embarqué sur mon bateau votre bras gauche. »
-Comment a-t-il put me reconnaitre ? Interrogeai-je.
-Donc tu avoues ingrate, déclara la reine. Charon a écrit dans la suite de son message qu'il a reconnu ton aura.
-Je n'avoue rien du tout votre Majesté, hier j'étais partie me baigner au Léthé, Charon passait peut-être dans le coin et...
-Silence, coupa la reine, tu m'épuises. Va me préparer personnellement mon char et mes chevaux et nous irons voir le passeur.
-Vos désirs sont des ordres, dis-je en quittant la pièce à reculons. »
A peine sortie, je laissai ma fureur éclater : qui voulait encore une fois de plus me discréditer auprès de la reine ? Un de mes suivants se proposa d'aller préparer le char et ainsi échapper à ma colère. Lui répliquai que je m'en occupais, je partis à l'enclos pour préparer le char, tout en réduisant en morceaux le mobilier à ma portée. Un garde qui passait par là, voulu m'arrêter pour dégradation du mobilier royal, mais un regard de ma part su l'en dissuader et il partit continuer sa garde.
Sifflant d'un air sec, deux étalons flamboyant arrivèrent au galop et s'approchèrent la tête basse. Caressant leurs encolures brûlantes, un de mes suivants m'annonça que le char était prêt. Après avoir harnaché les cheveux, la reine arriva escortée d'une trentaine de soldats, qui furent congédiés d'un geste nonchalant de la souveraine puis malgré leurs protestations elle monta gracieusement sur le char et me tendis les rênes, que je fis claquer en lançant les chevaux au triple galop. Durant le voyage, la reine ne dit rien, mais je savais qu'elle brûlait de me parler, prenant un raccourcit peu connu, celle-ci me lança un regard interrogateur que je dissipai en souriant l'air confiante. Voyant le Léthé se rapprocher de plus en plus, ma passagère m'agrippa le bras si fort que ses ongles s'enfoncèrent dans ma chair, voulant qu'elle me lâche, je fis brutalement tourner les chevaux sur la gauche puis je les fis longer la berge. Aussitôt elle me lâche, car elle voyait l'embarcadère et le bateau du passeur qui accostait, curieusement celui-ci était vide comme le ponton. Procédant aux salutations d'usage Charon me demanda :
« Ben alors tu ne te souviens pas que tu étais sur mon bateau hier ?
-Mais non, m'exclamai-je, tu as dû avoir des hallucinations, on s'est croisé ici, mais je ne suis pas montée dans ton bateau, je suis allée nager dans le Léthé et je suis rentrée pour l'heure du diner.
- Oui je me souviens que tu es passée sur le ponton durant l'après-midi, mais je soutiens que tu es montée dans ma barque et que tu as payé avec sa, dit-il en me montrant une fiole avec à l'intérieur du sang.
-Ce n'est pas le mien, grondai-je en lui montrant que mes bras ne portaient aucune scarification. Et si je voulais aller dans le monde des humains, j'y serais allée en volant et j'aurais prévenu son Altesse ou son bras droit.
-Tu veux que je te rappelle l'histoire de l'autre siècle ? Murmura la reine.
-C'était exceptionnel, je te l'ai déjà dit, répondais-je.
-Et pour tes bras, ce n'est pas une preuve, ici la guérison est trois fois plus rapide que celle des hommes, me dit le squelette bateleur.
-A merde, j'avais oublié ce détail, répliquai-je en passant la main dans les cheveux. Mais je le jure sur mon honneur que je n'ai rien fait de ce que vous m'avez accusé...
-Il suffit, siffla la reine, tu me fatigues.
-Je suis désolée, mais tu ne me laisses pas le choix, dit-elle tristement.
-Quel choix ? Demandai-je.
-... Si tu veux être discréditée de tout soupçon, je t'ordonne d'aller me chercher six de mes fruits dans le monde du dessus, tu as de la chance quand même ce monde est instable donc ce sera plus facile pour toi de les retrouver.
-Mais pourquoi ?
-Si tu refuses tu seras destituée de tous tes biens et tu seras rejetée de la société. Charon, dit-elle en se tournant vers lui, fais ton travail.
-Bien votre Majesté, répondit-il en m'attrapant le bras.
- Lâche-moi sac d'os, lançai-je en me débattant. Vénita ! Appelai-je en tendant la main vers la reine.
-Arrête, me murmura Charon de sa voix décharné, la reine te considère comme une paria.
-VENITA ! Hurlai-je
-Vénita, répercuta mon éco.
-Arrête, dit-elle.
-Vé...ita...
-Laisse-moi, cria-t-elle en se retournant. »
Voyant son visage en larme, je fus stupéfaite : jamais depuis que je la connaissais je la vis pleurer pour moi... Voyant que la reine rapetissait au fur et à mesure, je compris que Charon m'avais fait embarquer à mon insu. Refusant de voir plus longtemps Vénita pleurer, je partis à l'avant de la barque, les yeux perdus vers le monde des hommes...
