Ce one-shot a été écrit à l'occasion d'un jeu organisé par le Forum Francophone : il fallait écrire en une heure un texte sur le thème "cage". C'est pour répondre à cette injonction que j'ai enquêté sur les secrets de Mark Gatiss, Steven Moffat et Sue Vertue.


L'exécution libère le maître

Une cage. La porte en est ouverte, mais le tigre est resté à l'intérieur. Il vous fixe et il n'a pas besoin de sortir, parce tout est joué et que vous le savez déjà. Dans une seconde, dans dix minutes, dans deux jours, à l'instant où vous tenterez de vous enfuir, il bondira et ses crocs n'iront pas à votre gorge, pas tout de suite, pas avant longtemps. Le tigre joue et c'est pour ça qu'il a déjà gagné.

Un aquarium. Un de ces grands tunnels où vous pouvez marcher et votre enfant s'agrippe fort à votre main parce que c'est quand même un peu impressionnant, le ventre argenté les raies qui passent au dessus-de vos têtes. Si vous être, non pas un représentant du peuple presque souverain, mais un agent au service supposé de Sa Majesté, ce n'est probablement pas votre fille, pas votre fils. La profession prend tellement qu'il vaut mieux ne pas trop avoir. Une nièce peut-être. Un frère. C'est toujours un enfant. Et il y a une fêlure dans la vitre. C'est inimaginable, elle est épaisse d'un pied, vous lui avez lu le prospectus. Les craquelures se répandent. Plusieurs centaine de tonnes d'eau pèsent au-dessus de vous. Il a bien écouté l'audioguide. Avec les raies il y a toujours des requins.

Une toile. L'araignée n'est jamais qu'en son centre, et pourtant on la croit sans cesse à la périphérie. L'ingéniosité du tissage n'est rien, comparée à la solidité du fil. A sa résistance gluante.

Un marécage. Il se tient de l'autre côté et vous espérez, vous fermez les yeux très fort, vous acceptez de prier pour qu'il tombe et qu'il s'y noie, pour que vous soyez celui, parce que faites qu'il y en ait un, tôt ou tard, qui connaisse l'abjecte jouissance du meurtre en le regardant s'enfoncer dans l'ignominie verte qu'il a déversée sur ce sol. Sur ce pays.

Oh, elle a tout entendu sur Magnussen. Mais les métaphores ne l'intéressent pas. Elles sont la première étape du mensonge, celle qui vient juste avant les discours, chez les femmes politiques. Elle est un homme d'Etat et n'a pas besoin de se vanter d'être une femme d'action.

L'homme qu'elle a choisi sait naviguer les marécages. Il n'est pas de la profession et pourtant il connaît le secret : vous n'en ressortirez jamais propre.

L'homme qu'elle est venue consulter sait dénouer les toiles. C'est son métier, son renom et sa gloire. Elle n'est pas aussi inquiète qu'elle devrait l'être, car il préfère clairement la solution à la sûreté et les fils qui le lient aux autres, pour épais qu'ils soient, ne sont pas bien compliqués.

L'homme qu'elle a mandaté repère d'abord les requins. Il y va de sa survie. Il ignore tout de l'épaisseur du verre. Il y va de sa vie.

L'homme qu'elle a armé ne laissera pas le tigre à l'abri dans sa cage. Il lui ressemble trop pour jamais risquer d'y entrer.