Flashback

Cela faisait un mois que tout était fini.

Mais à chaque fois que Lisbon fermait les yeux, elle revoyait le regard sadique de John le Rouge au moment où il poignardait Jane, lentement et profondément. Jane poussait alors un long gémissement et se vidait de son sang devant elle, la suppliant du regard d'abattre John et de l'aider. Elle se réveillait à chaque fois en nage, accablée par son incapacité à réagir. Elle n'avait absolument rien fait pour l'empêcher de tuer Jane, rien. Elle avait été simple spectatrice de l'horreur absolue, elle se sentait complice, coupable même. Elle s'en voulait, elle se détestait et elle avait mal à l'idée de ne plus revoir Patrick Jane, parce qu'un instant, elle avait été paralysée par la peur.

Mais ce n'était qu'un cauchemar, rien de plus. Jane allait de mieux en mieux. Lisbon était la plus à même de le voir : elle passait tout son temps libre à venir le voir, il lui arrivait même de passer la nuit sur le fauteuil de la chambre. Elle le réveillait souvent alors par les gémissements et les petits cris de terreur que ces cauchemars engendraient. Il ne lui en voulait pourtant pas et le lui répétait à chaque fois, car après tout, les visites de Lisbon lui redonnaient le sourire. Dans quelques jours, il sortirait enfin de l'hôpital.

{Flashback}

Cette nuit-là, un mois auparavant, elle avait été incapable de s'endormir, hantée par les nouveaux éléments qu'elle pensait avoir découverts sur John le Rouge. Elle décida alors de téléphoner à Jane et de lui confier ses soupçons sur le domaine d'activités auquel John pourrait appartenir. Elle avait la liste des noms de tous les membres de l'équipe du coroner travaillant avec le CBI sous les yeux. Ils discutèrent deux longues heures de toutes les possibilités qu'ils avaient en tête, essayant de se rappeler des détails qui pourraient les aiguiller vers une personne en particulier.

Lisbon se surprit à apprécier leur discussion, même si John le Rouge n'était pas son sujet favori, ni à lui d'ailleurs. Elle avait observé leur relation professionnelle évoluer au fil des enquêtes, ils étaient ainsi passés du conflit perpétuel à une alchimie professionnelle et une amitié forte. C'est ce à quoi elle songeait, laissant Jane parler dans le vide comme elle le faisait souvent, lorsqu'elle aperçu une silhouette dans la nuit, juste devant chez elle. Elle fronça les sourcils, intriguée et se rapprocha de la fenêtre, le plus prudemment possible.

Jane : - Qu'est-ce que vous en pensez ? …Lisbon ? Vous m'entendez ?

Lisbon : - Oui, oui…je ne vous écoutais pas, en fait…Désolée. J'ai… j'ai cru voir quelque chose devant chez moi. De toute façon, je m'apprêtais à faxer la liste à Van Pelt pour qu'elle fasse une recherche…

Lisbon était alors à quelques centimètres de la fenêtre, scrutant les alentours sans réussir à percevoir quoique ce soit, quand soudain, une tête recouverte d'un capuchon qui masquait son visage apparut quelques secondes devant elle.

Jane : - Si je vous ennuie, dites-le moi et j'arrêterai de vous ennuyer avec mes inepties !

Lisbon : - Non…je…je suis désolée. J'ai cru voir quelqu'un dehors…je crois que j'ai surtout besoin de sommeil. Conclue-t-elle après avoir jeté un coup d'œil à l'heure tardive qu'affichait son horloge.

Jane : - Je vous disais justement que c'était peu probable que Van Pelt soit encore capable de faire une recherche à l'heure qu'il est.

Lisbon s'approchait de la porte, décidée à découvrir l'identité de l'inconnu encapuchonné qui se jouait d'elle. Elle ne pensait pas vraiment que sa fatigue, si grande soit-elle, puisse être responsable d'hallucinations aussi graves.

Lisbon : - Je vérifie juste une chose et je vous le faxe, vous qui êtes encore debout !

Elle ouvrit brusquement la porte, la main posée sur son holster. Elle le reconnut aussitôt, ce rire malfaisant ne pouvait être que le sien. Elle tenta de dégainer son arme mais il la tenait déjà en joue. Il lui fit signe de jeter son arme, un ordre auquel elle ne put qu'obéir étant donné la situation. Ensuite, il s'avança vers elle et mit le haut-parleur à son téléphone.

Jane : - ..que je n'ai pas de fax, ni d'ordinateur d'ailleurs ! Je vous conseille juste d'attendre demain matin. Tout le monde sera alors plus reposé et plus apte à travailler sur votre liste.

Lisbon : - Oui, désolée, j'ai peut-être besoin de dormir finalement.

Jane : - Sûrement.. Et, au passage, votre liste me paraît tout à fait ridicule. Je ne vois aucun nom susceptible de nous intéresser dans les services du coroner, navré.

Lisbon savait qu'il mentait, avait-il perçu le changement du téléphone ? Avait-il compris qu'elle était en danger ?

Lisbon : - Je me suis sûrement fait des films, on verra ça demain.

Jane : - Oui. Bonne nuit, Teresa.

Lisbon : - A demain, Patrick.

Il le savait, il le vérifiait seulement. Ils ne s'étaient jamais vraiment appelés par leurs prénoms, sauf de rares fois où ils avaient un peu forcé sur la boisson après avoir bouclé une affaire. Elle se surprit à sourire en y repensant. Et elle pensait à ce genre de choses, alors qu'elle était attachée et bâillonnée en ce moment précis par John le Rouge en personne!

John : - Bon travail, agent Lisbon. Dommage que Jane ait des difficultés à reconnaître son échec face à vos compétences. En tout cas, merci. Il viendra sûrement s'enquérir de votre état lorsque vous ne vous rendrez pas à votre travail demain matin. Plus de liste ! Il trouvera seulement le cadavre mutilée d'une amie et enfin l'occasion de prendre sa revanche. Bien entendu, j'aurai l'effet de surprise mais que voulez-vous, tuer ou être tué, il faut choisir, quitte à abandonner quelques principes élémentaires.

Elle se sentait faible, vulnérable mais ne lui montrerait pour rien au monde. Elle lui lançait un regard assassin, persuadée que Jane viendrait la délivrer de ses liens. Mais, plus le temps passait, plus elle perdait espoir.

John : - J'ai horreur d'innover dans mes techniques, j'attendrai finalement que Jane soit présent pour vous tuer de la meilleure des façons, la plus cruelle et artistique : la mienne ! La torture nous aidera à passer le temps !

Les séances successives de noyade, d'étouffement et d'étranglement de John le Rouge ne lui suffiraient donc pas à la faire souffrir. Elle connaîtrait, elle-aussi, le sort de ses victimes, de la femme et de la fille de Jane. Et ce, devant lui. Il ne s'en remettrait pas, elle en était certaine.

Elle pria pour que Jane prévienne Cho, Rigsby et Van Pelt, avant de s'aventurer chez elle, en recrachant les litres d'eau qu'elle avait avalés… N'importe quoi ! A quoi pensait-elle ? Ce Mr Je-Sais-Tout immature n'avait que le mot « vengeance » à la bouche, elle n'espérait donc bientôt plus rien de sa part, résolue à se débrouiller pour maîtriser Jane une fois John le Rouge hors d'état de nuire.

Tout cela, bien sûr, lorsqu'elle serait libérée de ses liens, hors de danger. Ce qui ne pourrait logiquement arriver que par l'intervention de Jane. Tout revenait à dire qu'il était son seul espoir...pathétique ! Elle haïssait dépendre de quelqu'un, encore plus lorsqu'il s'agissait d'un prétentieux vantard qui réussissait dans tout ce qu'il entreprenait…exceptée sa vie sentimentale, mais bien sûr, il avait tout pour plaire !

Elle s'était mise à rire nerveusement lorsqu'elle se rendit compte de l'ironie de la situation : sur le point de quitter la vie, elle laissait libre court à ses pensées et à ses émotions. Elle passait de la tristesse à la colère en un instant, pleurant, rageant, riant, alors qu'elle avait toujours caché au monde tout ce qu'elle ressentait. John le Rouge, son meurtrier, serait donc le seul à voir la vraie Teresa Lisbon.

Elle s'interdit de penser plus longtemps à une mort qu'elle pouvait éviter. Elle se préparait à agir. Mais où était Jane ? Elle savait qu'il avait deviné que John le Rouge la détenait, pourquoi traînait-il comme ça.. ?

Un bruit interrompit l'énième noyade de Lisbon. Quelqu'un…quelqu'un frappait à la porte ! A cette heure, cela ne pouvait être que Jane…mais…

John : - Pas si malin que ça, à ce que je vois, ça va être plus simple que je ne le croyais !

" Qu'est-ce que cet idiot fabriquait ?"

Lisbon n'en revenait pas d'avoir pu penser qu'il la sauverait.

Il allait les condamner tous les deux…

A suivre...