Disclaimer : l'univers de Ragnarok Online (ses paysages, ses villes, ses monstres, ses NPC, …) n'est pas à moi du tout ! Les personnages sont tous à moi, excepté Nathaniel Surame-Campz (qui n'est que cité ici), qui appartient à mon poteau Nath (oui, Nath est à Nath, ça en fait des nattes, on se croirait dans les grottes de la Squaw…je sors ?)

Pour la première fois depuis qu'Orchideis connaissait ce village, il pleuvait à Comodo. Orchideis, à l'abri sous une tente abandonnée de la plage, retirait les poils de seal coincés dans les serres de Hagall, son faucon. Depuis quelques temps, elle avait pris goût à ces promenades en solitaire, même dans les endroits fréquentés par des créatures dangereuses. Même si elle avait la nostalgie des expéditions dans les grottes pleines d'orcs en compagnie de Nathaniel.
Un battement d'ailes se rapprocha de la tente. Orchideis saisit son arc, ainsi qu'une de ses flèches à la pointe d'acier, et sortit prudemment. Mais ce n'était qu'un oiseau messager, qui laissa tomber un paquet. Ledit paquet rebondit sur sa tête, puis sur sa chaussure, et finit sa course sur le sable mouillé. Elle le ramassa. C'était un parchemin non scellé, juste maintenu enroulé par une ficelle. Orchideis trancha la ficelle, et lu le message.
Hagall fondit sur un crabe de passage, lui régla son compte et l'amena, triomphant, à sa maîtresse qui lisait, les yeux écarquillés, le message. Orchideis laissa tomber le parchemin, et resta quelques secondes interdite, avant de murmurer:
"Saloperie de bordel de Loki..."
L'instant d'après, elle ramassait ses pièges, les rangeait à la hâte, appelait Hagall et fonçait vers le village...

Elle paya un prêtre de passage pour qu'il la téléporte à Alberta, et tomba lourdement sur le pavé de la ville portuaire. Les passants se retournèrent, se demandant d'où pouvait provenir cette fille trempée aux chaussures pleines de sable. Elle essora ses cheveux, remit son chapeau et courut vers le quartier où vivait la famille Bordensson.
Une dame plutôt âgée épluchait un livre de comptes sur sa terrasse. Orchideis courut vers elle, et posa le message sur le livre de compte en question. La vieille dame releva lentement la tête, l'air inquiet et surpris de ceux qui ont une arbalète pointée sur eux sans savoir pourquoi. Mais il n'y avait qu'Orchideis, son arc rangé, et son regard pressé d'en finir.
"Mais qui êtes vous?" demanda la vieille marchande.
"Orchideis Haray, je suis une amie de votre fille, et j'aimerais savoir ce qu'il lui est arrivé"
La marchande lut le message attentivement. Lorsqu'elle eut fini, elle le reposa en tremblant.
"C'est bien l'écriture d'Ebène. Sauf pour le post-scriptum. Mais quelle que soit l'écriture, je ne reconnais pas ma fille dans ces mots!"
"Moi si. Elle a passé ces dernières semaines à boire en cachette de vous, parce qu'elle ne supporte plus les bâtons que vous mettez dans ses roues!"
"Je n'ai rien fait du tout! Comment osez vous..."
La vieille dame se leva, et recula d'un pas lorsqu'elle réalisa qu'elle était seule, non entraînée au combat, face à une furie armée d'un arc, et à en juger par son collier en os de zombie et sa boucle d'oreille en griffe d'orc, une furie qui savait très bien utiliser son arc.
"Le temps n'est pas aux reproches," commença Orchideis, "Ebène sera forgeron même si vous continuez à l'expédier à Louyang pour livrer des machins à des gens respectables comme elle devrait être. Je ne sais ce que vous avez contre les artisans, mais la seule chose qui pourrait l'en empêcher, c'est ce qu'elle menace de faire dans son message"
"Je me suis renseignée, et personne ne veut la prendre en apprentissage, on me dit toujours la même chose: Ebène est trop sensible pour mener la vie d'un fabriquant d'armes"
Orchideis soupira. Ebène ressemblait à un colosse femelle quasi albinos avec des rubans dans les cheveux. C'était curieux à quel point un peu de soie bien placée pouvait vous blinder toutes les portes que vous vouliez enfoncer.
"Donc vous n'êtes au courant de rien"
La marchande acquiesça. Elle se tordait les mains, nerveusement. Orchideis reprit le parchemin et l'examina à nouveau...

Très chers amis, qui que vous soyez, si vous lisez ces lignes c'est que je compte quand même un peu pour vous.
Alors lisez attentivement.
J'ai décidé que je ne pouvais plus vivre en courant après des rêves inaccessibles. Si vous repensez à ce que j'ai pu faire de bon dans cette vie, vous comprendrez aisément pourquoi. Car vous ne trouverez rien.
Partagez vous mon argent, ainsi que ma réserve de vin. Si Ruad Sidhe lit ces lignes, qu'elle sache qu'elle peut avoir mes gemmes magiques. Si Orchideis Haray-Campz n'a pas abandonné la lecture, qu'elle prenne ma hache et la donne à un membre de sa guilde plus méritant que moi.
Vous y gagnerez beaucoup, et je serai enfin en paix.

Quelques lignes étaient griffonnées à la hâte, d'une écriture maladroite, comme si la personne venait d'apprendre à écrire:

DEPechE tOi de veniR a ALE Alberrta JE T'y Attendrer T.

La mère d'Ebène courut aussi vite qu'elle put, probablement en direction de la guilde des marchands. Orchideis s'assit, en soupirant, et cacha son visage dans ses mains.
"Orchi?"
Elle leva les yeux. Une jeune voleuse aux cheveux coupés à la diable et teints à la hâte, qui dépassaient de sous un large sakkat, l'observait. Seule sa poitrine serrée dans un chemisier noué indiquait que cette personne était une fille. Et malgré son visage balafré de toutes parts, Orchideis la reconnut.
"Trent? C'est toi qui m'a envoyé ce ..."
"Tu n'as pas changé, enfin..."
Trent désigna de la pointe de sa dague le bandeau qui dissimulait l'oeil blessé d'Orchideis. Sa première blessure de jeune archère, obtenue dans la grotte de payon.
"Oh, ça, c'est juste du vomi de zombie." fit-elle, en désignant son oeil.
"Et ça?"
Trent désignait cette fois l'alliance d'Orchideis. La chasseresse sourit.
"Ca, c'est pas du tout du vomi de zombie. Mais comment tu as su pour Ebène, et comment tu l'as connue?"
"Elle revend des trucs que je vole aux monstres. En échange, j'ai promis de ne jamais l'attaquer."
Trent agitait sa dague en parlant. Une très jolie damascus, qui n'avait rien à voir avec le couteau de cuisine avec lequel elle se défendait lorsqu' Orchideis et elle étaient adolescentes.
"Tu dois l'apprécier beaucoup, si tu as eu le courage de me prévenir" fit Orchideis, sarcastique.
Trent soupira.
"Suis moi, au lieu de pinailler, j'ai donné rendez-vous à cette Ruad machin à Payon. Elle doit m'attendre"
Orchideis se leva, et suivit la voleuse. Elles quittèrent la ville...

Sur le chemin, elles restèrent silencieuses, écartant simplement certains monstres trop agressifs d'un coup de dague ou d'un ordre donné à Hagall. Finalement, Orchideis rompit la glace.
"Pourquoi tu m'en as voulu? Ce n'était pas ma faute si je t'ai abandonnée aux autorités de Prontera. Mon père et les autres prêtres m'ont retenue. Je leur en ai voulu, moi aussi."
"On a écumé les bars ensemble" répondit Trent, sans la regarder, "on a emmerdé le monde entier, et tu étais ma seule famille. J'ai jamais connu mes parents, ma mère m'a juste laissé un prénom à la con du mauvais sexe, toi t'étais dans le même cas que moi, sauf que tu as un prénom normal que ta famille adoptive t'a donné. Je ne t'en voulais pas à toi, mais au destin qui a fait qu'on s'est occupé de toi, et qu'on m'a laissée croupir n'importe où"
Trent donna un coup de pied dans un caillou. Orchideis eut un pincement au coeur.
"Tu m'as souvent manqué, et j'aurais préféré te revoir sans qu'Ebène fasse encore le con"
Trent sourit, étirant une de ses cicatrices qui empêchaient son visage de s'exprimer.
"Pareil pour moi. Sauf que je m'en fiche d'Ebène, c'est ton alliance qui me fait chier"
"Si tu t'en fiches, pourquoi tu m'as prévenue?"
"Parce que c'est important pour toi. Et l'autre magicienne, c'était pour que tu ne penses pas que je ne suis qu'une sale voleuse qui apaise sa conscience"
"Et on peut savoir pourquoi mon alliance te fait chier?"
Orchideis s'était postée devant Trent, et croisait les bras, l'air buté. Hagall décrivait des cercles au dessus d'elles. Trent cracha par terre.
"J'étais amoureuse de toi, pauvre cervelle de poring. Mais toi, tu les as toujours préférés plats et avec un pantalon bien rempli. Et c'est toujours la même chose. On peut continuer, maintenant?"
Orchideis resta figée quelques secondes, puis siffla Hagall, et reprit la marche. Trent la suivit, l'air piteux...

Elles n'eurent aucun mal à repérer Ruad Sidhe sur la place de Payon. Le village de montagne ne comportait en effet que très peu de magiciennes rousses légèrement vêtues. Orchideis courut vers elle.
"Ruad Sidhe?" l'apostropha-t-elle.
La magicienne se leva de sa chaise, et serra la main de la chasseresse.
"Enchantée" dit-elle. Sa voix était grave, et son regard perdu dans le vague. Orchideis lâcha sa main dès que la politesse le lui permit.
"C'est moi qui vous ai contactée" dit Trent. "Elle, c'est Orchi, une amie d'Ebène"
"Ebène Bordensson!" s'exclama Ruad. "Une très bonne commerçante. Digne de sa famille. Mais que lui est-il arrivé?"
Orchideis lui tendit le parchemin. Ruad le lut. Pendant que la magicienne lisait, Trent s'assit, et étala le contenu d'un petit sac en cuir sur une table, à laquelle était installé un vieil ivrogne. Le sac contenait de la poudre blanche. Trent se servit de sa dague pour la rassembler en une ligne d'épaisseur irrégulière.
"Trent!"
La voleuse n'écouta pas son amie d'enfance, et utilisa un tube en plastique probablement récupéré sur un metalling pour inhaler toute la poudre. Elle s'affaissa ensuite sur la table, et son chapeau tomba par terre.
"Mais qu'est-ce que j'ai fait à Odin pour me retrouver avec une bande de bras cassés pareille?" lança Orchideis.
Trent lui adressa un geste obscène de la main. Ruad, pas du tout perturbée, continua sa lecture.
"Si tu finis zombie, je te jure que j'accrocherai ta fausse dent à mon collier! Et tu n'auras pas le temps de vomir dans mon autre oeil!"
Trent se leva, en titubant, et ramassa son chapeau. Ruad posa le parchemin, ferma les yeux et s'agenouilla.
Orchideis la regarda, interloquée.
"Mademoiselle? Mademoiselle Sidhe?"
Aucune réponse.
"Hé, ho! La rouquine! J'te cause!"
Trent s'assit près de la magicienne.
"T'en fais pas, elle est en transe." balbutia la voleuse défoncée. Orchideis hurla un juron qui fit sursauter l'ivrogne. Ruad ouvrit enfin les yeux.
"Elle va bien" dit-elle.
"Qui? Quoi? Comment?" hurla Orchideis, excédée.
"Ebène, pardi! J'ai interrogé les esprits. Elle est partie dans la caverne. Elle attend qu'un squelette la tue"
Le sang d'Orchideis ne fit qu'un tour. Elle courut en direction de la caverne de Payon. Trent soupira, et fit signe à la magicienne de la suivre...

"Pourquoi court-elle comme ça?" demanda Ruad. "Ebène est suffisamment forte pour résister à un bête squelette!"
"Faut la comprendre" répondit Trent, les yeux rougis par la poudre qu'elle avait inhalée. "elle a été trouvée bébé dans le coin, ses parents sont morts dans cette caverne. Depuis, elle y retourne autant qu'elle peut, pour tuer un maximum de ces morts vivants."
Ruad envoya une boule de feu sur une chauve-souris, et essaya de repérer les traces laissées par le faucon d'Orchideis. Elles menaient vers un endroit plus dangereux de la grotte, peuplé de squelettes armés.
"Si Ebène est là dedans, elle est morte!" déclara Trent.
Ruad regarda autour d'elle, et repéra Orchideis, qui réduisait un squelette armé d'un arc à un tas d'os.
"Elle est là! Dépéchons!"
Trent la suivit, en titubant et en éclatant de rire.

Après de nombreuses péripéties, incluant le trépas de nombreux squelettes, des éclairs de feu, et une cicatrice supplémentaire sur le visage de Trent, elles retrouvèrent Ebène, prostrée près du lac souterrain, serrant très fort une magnifique hache de bataille contre elle, comme un enfant qui câline son ours en peluche. Elle pleurait. Orchideis trouvait qu'elle ressemblait à une des sohees des niveaux inférieurs de la caverne. Ruad réfléchit aux sorts qu'elle connaissait, et n'en trouva aucun susceptible de lui rendre le moral. Trent se demanda si elle arriverait à lui subtiliser sa hache...
"Ebène!"
Orchideis s'accroupit devant la jeune marchande, et décolla de son visage les cheveux englués dans les larmes.
"Allez vous-en"
Ebène cacha son visage. Orchideis agrippa les larges épaules de son amie et les secoua vigoureusement.
"Tu as plutôt intérêt à survivre, et à t'obstiner comme tu le fais toujours! Tu as encore beaucoup de choses à vivre!"
Ebène s'esclaffa nerveusement. Ruad s'assit près d'elle.
"Elle a raison, vous savez" dit la magicienne. "J'ai toujours admiré votre persévérance. Et je suis prête à vous aider, vous savez"
"Pour quoi faire? Trent à raison. Je ne suis bonne qu'à reluquer les fesses des bardes en faisant semblant de vendre de la camelote"
Orchideis jeta un regard noir à Trent, qui éclata de rire.
"Si tu prends au sérieux ce que je raconte, ma p'tite Ebénouche, alors tu mérites de mourir, en effet" cracha la voleuse.
"Ce qu'elle veut dire" corrigea Ruad, "c'est que vous avez une valeur qu'aucune parole ne peut altérer"
Orchideis fut surprise d'entendre une parole aussi sage sortir de la bouche d'une magicienne qui avait brûlé ses propres cheveux en heurtant son propre mur de feu.
"Ebène, il faut que tu sortes d'ici. Tu ne peux pas combattre seule ces squelettes, et tu le sais"
Ebène éclata en sanglots. Orchideis la prit dans ses bras. Trent commença à aiguiser sa dague, machinalement.
"Mais un jour tu pourras! Ecoute, je t'aiderai. Je demanderai à mes amis chevaliers, y'en a qui te connaissent et qui t'apprécient tu sais."
"Bon, allez, trêve d'âneries" déclara Trent.
La jeune voleuse tira Ebène par le bras, et, voulant la forcer à se lever, ne parvint qu'à la faire glisser de quelques centimètres. Ruad la tira par l'autre bras, et toutes deux la soutinrent tandis qu'elles sortaient de la caverne, Orchideis ouvrant la marche et débarrassant le chemin des squelettes.
"Qu'est-ce qui vous a pris?" demana Ruad. Ebène soupira.
"J'ai épuisé mon stock d'espoir. Vous devez me mépriser."
Ruad lui affirma que ce n'était pas le cas. Le soupir d'Orchideis allait dans le même sens. Trent, en revanche, rétorqua:
"Tu n'es qu'une pauvre petite bourgeoise, Ebène Bordensson. Tu ignores ta chance. Si je te sauve la vie, c'est pour Orchi, pas pour toi. Et aussi pour que ta saleté de hache me sauve encore la mise face aux chiures de farmiliar qui servent de garde à Alberta"
Elles sortirent de la caverne, et allongèrent Ebène sous un arbre. La jeune marchande était blessée. Ruad proposa d'aller chercher un prêtre.
"Je ne veux pas de ces charlatans avec leurs chapelets et leurs chapeaux ridicules!" cria Ebène. "Et rendez moi ma hache! Je peux encore tenir debout, que je sache"
Elle tenta de se lever, mais tomba lourdement sur son derrière. Ruad appliqua une potion sur ses blessures, afin de les nettoyer.
"Je veux tuer Trent" siffla Ebène.
"C'est elle qui m'a envoyé ta lettre, et à Ruad aussi" rétorqua Orchideis.
"Justement" fit la marchande.
Orchideis se leva, et s'adressa aux deux autres.
"Vous pouvez partir. je me charge de l'empêcher d'aller se faire tuer. Ruad, merci de vous être déplacée"
Ruad sourit, son regard à nouveau perdu dans le vague. Orchideis la soupçonna d'inhaler quelques substances pas très nettes.
"Et toi, Trent...merci pour tout"
Trent sourit, en haussant les épaules.
Puis elle fit un signe de la main et s'éloigna, en compagnie de Ruad. Orchideis se tourna à nouveau vers Ebène.
"Toi, je ne te lâche plus! A partir de maintenant, je te surveille de près. Et j'envoie un message à un maître d'armes pour qu'il t'enseigne le maniement de cet engin de malheur. Oh, et ce soir, on dîne à l'auberge. Et tu regardes les fesses des bardes pendant que je chante des chansons paillardes pour faire fuir les rivales. "
Ebène pouffa, et cette fois ci ce n'étais pas nerveux. Orchideis sourit. Elle avait réussi à la dérider, c'était déjà un bon départ...

"Sinon, vous prenez des drogues pour ouvrir votre esprit?" demanda Ruad à Trent.
"Plutôt pour le fermer" répondit cette dernière.
"Au début de mon apprentissage, je faisais pareil. Les esprits m'assaillaient de toutes parts, et c'était un peu trop. mais maintenant, j'ai repris le contrôle. Et qu'est-ce que c'est exactement, ce que vous prenez?"
"Un truc qui tombe des papillons"
"Intéressant...Mais ce n'est pas dangereux?"
"Si, pourquoi?"
Ruad haussa les épaules, et accompagna Trent sur le chemin du retour...