Kate,

Je n'ai jamais écrit auparavant à une personne qui ne me lira pas. J'ai encore du mal à me dire que tu es… Chaque matin, je m'attends à te voir sortir de l'ascenseur, toute fringante et prête pour une longue journée. Mais tu n'arrives plus.

J'aimais quand tu t'énervais contre moi. Il m'arrivait souvent de te pousser à te mettre en colère. A ces moments-là, tu avais un regard tellement intense que je devais faire des efforts surhumains pour ne pas sombrer dans leur contemplation. En toute honnêteté, tes yeux noisettes sont tout simplement féeriques.

J'ai encore tellement de choses à te dire. J'ai toujours eu envie de confier à toi, même si ça impliquait que je me dévoile tel que je suis. L'homme désinvolte avec lequel tu te chamaillais n'était qu'une façade. Je suis, certes, un fumier avec les femmes, mais parce que l'une d'entre elles m'a fait souffrir à en mourir. Je n'étais encore qu'un gamin naïf. J'étais convaincu que l'amour qu'il y avait entre ma copine et moi serait éternel. Mon cœur est devenu pierre le jour où elle est partie. Je suis alors devenu le mec macho que tu as connu. Je ne cesse de me voir comme un animal blessé, qui refuse obstinément toute aide d'une personne qu'il ne connaîtrait pas. Mais tu sais, ces animaux blessées acceptent toujours l'aide d'une personne en laquelle ils ont confiance. Tu étais et resteras toujours cette personne pour moi. Je me rends compte avec le recul que mes rapports avec toi étaient diamétralement opposés de ceux que je peux avoir avec les autres femmes. Je chérie cette amitié qui a su se développer entre nous. Juste deux personnes. Pas un homme et une femme. Tu es devenue un de mes meilleurs amis.

Puis un jour, sans savoir pourquoi, je t'ai vu avec les yeux d'un homme et non plus ceux d'un ami. Je t'ai vu femme pour la première fois et j'ai été subjugué. En plus d'être une personne sereine, sûre d'elle et très intelligente, tu étais une femme particulièrement belle. Tu n'étais pas jolie, comme la plupart des filles que j'ai côtoyé. Non. Ton visage était le reflet de ton caractère. Il irradiait tout simplement. Quand tu entrais dans une pièce, l'atmosphère se faisait plus détendue, pour moi du moins.

Un autre de tes traits de caractère que j'apprécies particulièrement aussi, c'est ta fidélité envers les gens. Quand j'ai contracté la peste, et que toi, tu ne l'avais pas en fin de compte, tu aurais pu sortir de la salle d'isolement. Tu n'en as rien fait. Tu es restée avec moi, parce que tu ne voulais pas me laisser seul. C'est un don de soi que je n'aurais probablement pas été capable de faire. Je serais sorti de cette boîte de conserve et j'aurais tout tenté pour te guérir, mais de l'extérieur. Toi, tu es restée et tu m'as assuré de ton soutien à chaque seconde, et plus particulièrement quand j'étais eu plus mal. C'est à ce moment précis que j'ai pris conscience que tu avais fait voler en éclat la pierre qui avait encombré ma poitrine. Tu as été mon phare au milieu de l'océan.

Je te dois tout. Et je regrette amèrement de n'avoir pas pu te dire ses mots les yeux dans les yeux.

Je t'aime, Kate.

Tony

Tony referma son stylo. Il relit ses mots, puis finit par plier la feuille de papier en quatre pour la glisser dans une enveloppe. Il réalisa alors qu'une larme coulait le long de sa joue. Il laissa son chagrin s'exprimer pleinement le temps d'écrire les quatre lettres que formaient le nom de la personne qu'il aimait le plus au monde. K-A-T-E.

Il laissa l'enveloppe bien en évidence sur le bureau puis se dirigea d'un pas las vers sa chambre. Il se coucha en position fœtale, un oreiller contre sa poitrine. Ses songes l'emmenèrent là où la réalité n'avait pas pu le conduire. Une plage, Kate et lui, main dans la main.