PROLOGUE :
De toutes évidences, les ruines du château étaient très anciennes. Au centre de la clairière, la masse imposante du monument se détachait de l'obscurité nocturne, et de l'ombre de la forêt qui l'entourait, par la masse obstinément opaque qu'elle était. Sam n'en distinguait que les contours mais il en devinait les restes. Issu du 11ème ou 12ème siècles peut-être ? De grosses pierres gisaient aux pieds des mûrs d'enceinte à demi effondrés. Une des 4 tours était éventrée et le gouffre qui s'y devinait à présent semblait attirer les ténèbres. Le donjon avait disparu, laissant place à la végétation. Aucune lumière ne venait briller aux fenêtres comme pour rappeler que les lieus avaient, un jour, été vivants. Et seule la lumière blafarde et mortuaire de la pleine lune inondait le parc. Mais, peu à peu, Sam voyait une brume, humide et froide, envahir inexorablement l'espace qui le séparait du château. Le jeune homme hâta le pas mais bientôt, le froid le saisit. Il le pénétra aussi clairement que s'il avait été plongé dans une eau glaciale et Sam sut que des évènements sanglants s'étaient déroulés auprès de ces mûrs et, plus inquiétant encore, que le futur allait voir quelque chose d'infiniment plus terrible s'y dérouler.
Il leva les yeux vers les remparts. Le ciel était sans étoile et pourtant étrangement clair par rapport à l'obscurité des ruines. Un souffle glacé se mit doucement à arpenter la prairie, faisant naître, au delà de la frontière que créait la forêt, un sifflement sourd et un flot de crépitements inquiétants.
Et brusquement, un mouvement dans son dos le fit sursauter. Sam fit volte-face, le doigt crispé sur la détente de son arme et les yeux suivant le jet de lumière de sa lampe torche. Une silhouette longiligne, sombre et poilue fondait sur lui rapidement. Si rapidement qu'il n'eut d'autre réflexe que de détourner la tête et de se protéger de son bras. Un courrant d'air gelé le traversa, le laissant frigorifié et chancelant. Mais aucun coup ne lui fut assigné. Il dégagea son bras…
Alors que ses yeux cherchaient son monstrueux assaillant, stupéfait, il découvrit qu'à quelques mètres de lui se tenait la silhouette d'une jeune femme. « Elle n'avait rien de démoniaque ». Nota-t-il, partagé entre soulagement et hébétude. Ni longue robe blanche déchirée flottant au vent, ni chairs décomposées marquant son visage… Au contraire, elle avait l'air tout ce qu'il y avait de plus normal. Jusque dans l'expression qu'affichait son visage, partagée entre stupeur et étonnement. Elle le dévisageait de la même manière qu'il était en train de l'étudier du regard. Un jolie visage, des cheveux bruns relevés en une queue de cheval désordonnée, un jean clair, un débardeur blanc, un blouson court et sombre, une écharpe colorée… Tout ce qu'il y avait de plus normal. Excepté qu'il n'y avait rien de normal à sa présence en ces lieux…
Mais Sam fut tiré de ses pensées par le craquement sec d'une branche qui casse, sur sa gauche. Il braqua son arme dans la direction du son suspect, mais le rayon de sa torche qui l'accompagna dans son mouvement ne trouva qu'herbes humides, brumes blanchâtres et lisières lointaines. Le rythme rapide de la respiration de la jeune femme ramena son regard sur elle. Elle fixait elle aussi la lisière de la forêt, mais avec horreur ! Comme si elle savait ce qui s'y cachait, comme si elle était capable de voir à travers la nuit, comme si elle avait devant elle la créature bestiale et sanguinaire qui y vivait… Et puis, un hurlement humain déchira le silence de la nature. Un hurlement aigue, aussi brusque et rapide qu'un coup d'épée. Un hurlement qui fit frissonner Sam jusqu'au plus profond de sa chair. Un cri qui venait du ciel. Il leva les yeux juste à temps pour voir une masse sombre tombé à quelques pas de lui. A quelques pas de l'inconnue. Leurs regards se rencontrèrent et dans un même mouvement se baissèrent vers la chose qui venait de s'écraser entre eux…
Le corps désarticulé et maculé de morceaux de chair, le visage lacéré et suintant de sang, 2 yeux transparents et écarquillés les fixant comme pour les supplier, gisait le corps d'un garçonnet.
Sam se réveilla en sursaut, hagard et en sueur.
